Le Wrap Up de la semaine où un ancien président de la République a été condamné à de la prison ferme (semaine du 1er mars 2021)
5 bullet points : médias, tech et société, avec un nuage de culture
Au sommaire :
Ascensionnel 🎈: qui mettra la main sur la petite chaîne qui monte ?
Monétisé 💸 : Twitter veut gagner plus d’argent
Flouté 💔 : la fin du ciblage comportemental sur Google ?
Mappé 🗺️ : l’univers du podcast français
Ecouté👂 : le libéral Gaspard Koenig dans GDIY
Ascensionnel 🎈: qui mettra la main sur la petite chaîne qui monte ?
On en a parlé, le landerneau médiatique français est en pleine recomposition. Vivendi devrait closer l’acquisition de Prisma Media (en avril) et fort de son trésor de guerre à venir (la cotation d’Universal Music Group), se mettre sur les rangs pour le rachat de M6/RTL (à moins que l’objectif soit celui in fine d’un rachat d’Europe 1, actuellement encore loin du but si l’on en croit Arnaud Lagardère dans Challenges).
Selon le magazine Marianne, la filiale du groupe allemand Bertelsmann suscite de nombreux intérêts : Altice de Patrick Drahi, TF1, le groupe tchèque CMI (minoritaire au Monde, majoritaire à Marianne, à Elle), Vivendi donc, et dernièrement, un duo composé du Groupe Arnault (Les Echos, Le Parisien) et de Xavier Niel (également présent au capital du Monde).
Il ne restait qu'un groupe étranger aux manettes à la fois de radios, chaînes de télévision et titres de presse français, et le voilà en passe de quitter le territoire national. (Aude Dassonville dans Le Monde)
La France n’a jamais en effet pas une terre très favorable à l’accueil d’investisseurs étrangers dans les médias, en particulier audiovisuels. Berlusconi en avait fait les frais dans les années 80 avec son aventure désastreuse autour de La Cinq.
Le cadre administrativo-législatif est à l’avenant, traduisant une volonté des pouvoirs publics de veiller jalousement à la non-intervention d’acteurs étrangers dans le jeu politico-médiatique français :
Le maintien d’un secteur public très important (France Télévisions, Radio France, mais aussi ArteTV ou encore France Médias Monde);
Une transposition à l’échelle européenne des protections jadis pensées pour le marché français :
Les acteurs extra communautaires sont limitées à une détention de 25% des grands groupes médias européens;
En France, les grandes chaînes nationales ne peuvent pas être détenues à plus de 49% par un seul acteur privé (ou des actionnaires agissant de concert).
Malgré les appels à la consolidation du marché français par un Nicolas de Tavernost pour lutter contre les GAFAN (N pour Netflix), à part Vivendi, on voit mal comment le nouveau propriétaire pourrait réellement jouer en ce sens. Une fusion avec TF1 dans le cadre réglementaire actuel serait très problématique, mais elle aurait le mérite de ramener la France dans une configuration à l’italienne (Mediaset face à la RAI) ou à l’anglaise (ITV face à la BBC), un seul groupe commercial privé et le service public.
Jusqu’à présent M6 n’était pas nécessairement un poids lourd en termes d’influence politique, mais l’adjonction de la première radio de France, RTL, il y a 3 ans change quelque peu les enjeux de ce dossier dans une perspective d’élections présidentielles en 2022.
Une diminution du pluralisme qu’une telle concentration susciterait est relevée par l’intervention remarquée de Julia Cagé (administratrice indépendante du Monde et universitaire reconnue de l’univers des médias) :
L'intérêt particulier de 9 propriétaires de médias ne doit en aucun cas prévaloir sur celui de 67 millions de Français, et sur leur droit de pouvoir accéder à une information indépendante et plurielle, ce qui est une condition essentielle du bon fonctionnement de la démocratie.
Elle défend, depuis longtemps, un autre type de gouvernance des médias, qui ne seraient pas des entreprises comme les autres, comme cela a été le cas pour Libération par la création d’une fondation. Formellement, elle demande 2/3 de représentants des journalistes dans les Conseils d’Administration des titres d’informations, un droit d’agrément des nouveaux actionnaires, un choix du directeur de la rédaction approuvé par la majorité de la rédaction.
Comme suggestion de réforme, elle veut refondre les aides à la presse, en proposant aux citoyens d’affecter librement une subvention de 10€ au titre de presse de son choix. (Attention aux voeux pieux, car si l’on en croit les dernières estimations de sondage présidentielle, les titres droitiers s’en trouveraient considérablement renforcées…)
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Monétisé 💸 : Twitter veut gagner plus d’argent
Folie NFTs : monétiser les tweets du passé ?
On continue l’exploration des NFTs et de leur application, un peu folle, aux biens virtuels : noms de domaine, vidéos de la NBA, art purement digital (petit cours de rattrapage ici), toute forme reproductible à l’infini peut désormais faire l’objet d’un droit de propriété inscrit dans la blockchain.
Cette semaine, on a donc vu la mise en vente du tout premier tweet de Jack Dorsey le CEO de Twitter, à travers la plateforme Valuables :
Pour cela, il suffit que l’auteur du “produit digital” accepte de s’en séparer et de lui laisser vivre sa propre vie dans la sphère digitale.
L’histoire ne dit pas encore ce qu’il en sera des droits de reproduction de ce tweet (faudra-t-il payer un droit de reproduction dessus ? Quid de la propriété par la plateforme twitter qui a diffusé ce tweet), voire même du droit moral de l’ « artiste » sur le devenir de ce tweet ? Utilisation sur des t-shirts ? J’imagine que l’auteur du tweet en question perd le droit de l’effacer, ou que la plateforme ne peut plus fermer de façon permanente son compte (malheur à ceux qui auraient voulu acheter les tweets de Donald Trump).
Analyst Day de Twitter : show me the money
La semaine passée se tenait également l’Analyst Day de Twitter où le moins que l’on puisse dire c’est que la plateforme a décidé d’accélérer sur la monétisation en prenant une page du « playbook » de Facebook, qu’on en juge :
Lancement des Communautés rassemblant les twittos autour de centres d’intérêt à la manière d’un Facebook (remplaçant sans doute les abonnements à des hastags), permettant à terme de proposer du ciblage sur cette communauté (les fans de voiture?) ;
Création de pages entreprises dont on peut penser qu’elles ont vocation à remplacer en visibilité les comptes (gratuits) des marques, avec la fonctionnalité qui consiste à en faire la promotion express :
Arrivée des Super-Follows (accès à du contenu premium, exclusif mais surtout payant) ;
La société a déclaré qu’elle visait «au moins» à doubler son CA annuel de 3,7 milliards de dollars en 2020 à 7,5 milliards de dollars ou plus en 2023.
Pour y parvenir, Twitter mise sur la multiplication sur ces fonctionnalités tournées l’entreprise mais aussi l’enrichissement de son service de base (à venir l’intégration des Newsletters hébergées par Revue -rachetées récemment-, création des Fleets -format story, les chats audio avec Twitter Spaces).
Flouté 💔 : la fin du ciblage comportemental sur Google ?
C’est une vérité admise, le cookie-tiers est en train de mourir. Ce ne sont pas nécessairement les coups de butoir du RGPD1 qui l’auront achevé, mais plutôt la volonté des acteurs de la tech de fermer l’internet “ouvert” et son corollaire : la captation “consentie” des données des utilisateurs.
Désormais, Google, Apple et Facebook (et Amazon) veulent “protéger” les précieuses données de leurs utilisateurs, tout en donnant des gages de leur absence d’utilisation… par les tiers.
Roulement de tambour donc pour le FloC – Federated Learning of Cohorts –, une technologie de Google qui permettrait de “noyer” votre comportement dans un groupe qui partage les mêmes intérêts. Ainsi on ne diverge que marginalement du modèle de ciblage comportemental (Google a capté 52 % des 292 milliards de dollars de dépenses mondiales en publicité numérique l'an dernier).
So what the FloC ?
D’après les premiers éléments, un navigateur avec un FloC activé (au hasard, Chrome) collecterait les habitudes de navigation de l’internaute, puis assignerait ces informations à un groupe doté des mêmes caractéristiques (look-alike). Ce sont ces groupes que les annonceurs pourront cibler sur le réseau publicitaire hors Google (les Google Ad Networks sur les sites tiers), en revanche, qu’on se rassure, les annonceurs pourront toujours finement cibler les utilisateurs à l’intérieur des sites détenues par … Google (nuance!)
Advertisers will still be able to target their own databases of consumers through their own first-party data on Google properties,such as Google’s search results pages and YouTube.
Cathy O'Neil, data-scientist reconnu, affiche son scepticisme devant le tour de passe-passe :
Dans l’article du WSJ, les groupements d’annonceurs ont fait part de leur scepticisme à leur tour en déplorant une perte de précision de leurs investissements publicitaires sur la toile, alors que les petits acteurs pub ont carrément accusé Google d'utiliser le prétexte de la vie privée pour leur nuire.
Apple avait déjà amorcé une démarche similaire avec l’implémentaire de l’IDFA rompant ainsi le tracking de la transformation des publicités en installation d’applis (Linkedin, propriété de Microsoft, lui a emboîté). De son côté, Facebook fait le pari de rester droit dans ses bottes et fait campagne frontalement contre la décision d’Apple en défendant “le droit de découvrir de nouvelles idées”… tout un programme :
Mappé 🗺️ : l’univers du podcast français
Parce que ce secteur du podcast est en complète ébullition, et qu’à mesure que les acteurs se multiplient, la spécialisation des métiers et des acteurs va elle aussi croissante, Cosa Vostra (et son incubateur média Big Bang Media) a remis à jour sa cartographie de l’écosystème français. On le voit les acteurs s’entrecroisent davantage, entre platesformes d’écoutes, régies, producteurs, hébergeurs et ça n’est sans doute pas fini.
Reste la question éternelle de la monétisation :
publicitaire à mesure que la consommation progresse ? automatisée ou en host-read donc très affinitaire ? quid d’une mesure unifiée ?
par abonnement en fonction d’une audience en sympathie, malgré un océan de contenus gratuits ?
en B2B, à travers le podcast de marque ? la mise à disposition de catalogue (les agrégateurs) ?
par le merchandising ? organisation de conférences, de produits dérivés en lien avec l’émission ?
Ecouté👂 : le libéral Gaspard Koenig dans GDIY
Le libéralisme a mauvaise presse en France (sauf dans l’entreprise, encore que l’adhésion à la concurrence pure et parfaite soit à géométrie variable, souvent en fonction de la taille de ladite entreprise).
Gaspard KOENIG est libéral, cela s’entend, reprenant le rôle de porte-drapeau des libéraux patentés d’Alain MADELIN à Jean-François REVEL, mais l’ancien normalien, nourri au gauchisme culturel2 qui a cours sous ces augustes arcades, a cependant tôt pris le virage vers la branche libertaire après s’être “frotté et limé la cervelle contre”3 le libéralisme philosophique (John Stuart Mill, Mandeville mais aussi Hayek) lors d’un passage à Columbia.
Il est l’invité de l’émission GDIY de Matthieu STEFANI, d’ordinaire plus tournée vers les parcours business et tech, où il revient sur ses marottes, sa formation, son “business model” personnel et sa dernière expédition : refaire le parcours de Montaigne de Bordeaux à Rome à cheval…
Il y aborde une grande variété de réflexions autour du revenu universel, de la libéralisation de la consommation du cannabis au modèle des prisons ouvertes (1/3 de la population carcérale en Finlande), en passant par la notion de “dogmes morts” (John Stuart Mill), qui sont ces vérités qu’on tient pour évidentes au point qu’on ne sait plus pourquoi on les défend.
Une réflexion rafraîchissante
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La notion est de Jean-Pierre Le Goff.
la formule est de Montaigne.