Le Wrap Up de la semaine où Jeff Bezos a lâché les rennes d'Amazon (semaine du 1/02/2021)
5 bullet points tech, média, culture
Au sommaire cette semaine :
Exploré 🔍 : l’avenir de l’application Clubhouse
Invité de la semaine 🛬 : Jérôme Perani nous éclaire sur le secteur du tourisme par temps de Covid
Retiré 🚚 : Jeff Bezos laisse la place de CEO d’Amazon
Rebattu 🤹🏽 : Bertelsmann agite les médias européens
Balnéaire 🏊 : Picasso, baigneuses et baigneurs
Exploré 🔍 : l’avenir de l’application Clubhouse
Le cycle classique d’un nouveau réseau social
Ce sont souvent les mêmes schémas qui fonctionnent pour les réseaux sociaux émergents : ces réseaux drainent tout d’abord une part d’early adopters spécialistes des médias et de la communication qui ne veulent pas rater le “next big thing”, une part de marginaux attirés par la lumière et qui viennent faire entendre leur voix alors qu’il n’y a pas encore de cacophonie, le tout crée un sentiment galvanisant de nouvel espace social à conquérir. Ce “land grab”, autre version de la ruée vers l’or, peut aussi permettre l’émergence de personnalités-influenceurs qui vont servir de phares pour tous les aspirants influenceurs, stimulés par ce succès soudain.
Clubhouse (la buvette en français?) répond présent à l’appel de ces différentes personas, sans oublier le lot de ceux qui prétendent savoir comment ça se passe à l’intérieur (“ils ne seraient que 10 développeurs”, “ils seraient une centaine”, “ils enregistrent les conversations pour les analyser”, “ils les conservent mais cryptés pour les éventuelles procédures judiciaires” etc…)
Ci-dessous je me suis amusé à imaginer ce qui pourrait advenir de Clubhouse dans les prochains mois en traçant cette courbe à la manière de la courbe de la Hype Cycle du Gartner Group :
Quelques fonctionnalités manquant à l’appel
En se penchant un peu sur la littérature et après voir écumé quelques rooms ou clubs où les utilisateurs s’interrogent collectivement sur l’utilité de Clubhouse (belle mise en abîme), je vous livre quelques remarques et réflexions personnelles.
Quelques fonctionnalités manquent à l’appel, que certains malins pourraient développer en side-project ou en hacking de la plateforme naissante, fonctionnalités qui pourraient voir le jour encore plus rapidement si Clubhouse entrait dans une phase d’accélération en devenant une plateforme et en ouvrant ses API ou développant un SDK pour être insérer dans d’autres apps, parmi les fonctionnalités internes :
développer des outils de NLP (natural language processing) pour retranscrire les échanges en texte (et ainsi permettre de retrouver des informations intéressantes, les partager etc…)
Permettre un enregistrement des conversations et ainsi créer de l’historique dans lequel retrouver le contenu intéressant ou premium (au détriment certes d’une certaine spontanéité de la part des participants pensant leur parole libre) ;
Un agenda fonctionnel (il y en a un, peu efficace dans l’appli) en fonction des personnes suivies, des thèmes d’intérêt, des suggestions et qui soit interfacé avec l’agenda personnel, peut-être même de s’abonner à des discussions récurrents;
Permettre la diffusion d’une radio / un podcast en live (ou non) vers Clubhouse, certaines chambres musicales sont en train de se monter, de façon pirate pour rester dans le thème de la libre-antenne souvent utilisé pour évoquer Clubhouse, ces chaînes ne permettent pas la prise de parole des auditeurs.
Chat en parallèle des conversations audio, que Zoom et autres Google Meet ont popularisé en marge de nos video calls les plus rasoirs. Tout le monde ne souhaite pas se jeter à l’eau en prenant le micro, en revanche ils pourraient souvent faire avancer la conversation en posant des questions ou en précisant certains sujets débattus;
Permettre à un modérateur de faire la promo d’un produit (host-read) pour générer une compensation sur son travail de modération de la room et d’animation de la communauté ;
Possibilité de consommer le replay des meilleures conversations de la journée;
Au fond, comment qualifier Clubhouse ? Anti-twitter ? LinkedIn Audio?
La semaine dernière j’ai parlé de libre-antenne, et en affinant un peu les similitudes, et bien que quelques libertaires viennent garnir généralement les rangs de nouveaux réseaux, on se rapproche effectivement davantage d’une conférence audio avec un panel d’invités qui ont la possibilité démiurgique de “faire monter des intervenants”.
Certains vantent la limitation de Clubhouse qui est live et donc contraindrait l’audience à une écoute live vs. un fonctionnement asynchrone devenu la norme pour tous les réseaux sociaux (on pourrait répliquer que Twitter est relativement live, on ne rattrape pas son fil twitter ou son newsfeed Facebook, sauf que ces plates-formes permettent néanmoins la recherche de contenus passés). Gary Vaynerchuk, gourou social media s’il en est, loue justement Clubhouse pour sa capacité à reproduire la “vraie vie” : nombre de nos connaissances et apprentissages proviennent de discussions impromptues et spontanées au restaurant, au café, à la machine à café, autour d’une table (souvenez-vous !) tout le monde ne parle pas à la fois mais tout le monde peut participer sous réserve de respecter une certaine étiquette.
This is important because in a post-Covid world many casual networking events, and informal hangouts, have disappeared. So, it’s easy to see why the app has been compared to everything from Twitter to LinkedIn, and even Soho House.
Quant à savoir ce qu’est Clubhouse, Will Oremus qui édite la publication OneZero sur Medium, le qualifie d’anti-Twitter dans le sens où Twitter serait aussi égalitaire et ouvert que Clubhouse serait oligarchique (les modérateurs du panel régulent les rooms) et fermé (pour l’instant seulement sur iOs et sur invitation, pas de forum commun).
Along many of the same axes on which Twitter can be characterized as flat and open, Clubhouse is hierarchical and closed — more oligarchic than democratic. That is almost surely intentional, and indeed a big part of its appeal to some.
Mark Stenberg, éditeur de la newsletter Medialyte, et sceptique sur l’avenir de la plateforme, relève qu’en raison de sa population très WASP et VC et travailleurs de la tech, la plateforme ressemble à un “LinkedIn audio”. Il souligne avec discernement, 4 freins :
Une prime à ceux qui s’expriment bien, rendant la plateforme très typée en termes d’intervenants (on soulignera la sur-représentation masculine);
l’aléa de se faire appeler sur scène : certains argueront qu’on n’est pas obligé de parler et qu’il ne faut pas se stresser outre-mesure, cependant la perspective de parler devant quelques dizaines ou centaines de personnes et de n’avoir pas grand chose à dire, peut être un frein pour un être humain normalement cortiqué.
Les conversations peuvent être ennuyantes : de fait, Clubhouse est difficile à suivre en écoute passive, et comparativement avec un podcast édité, préparé et articulé par un présentateur que l’on connaît et apprécie, le “rendement par minute” de Clubhouse est beaucoup plus faible.
Un effet COVID ? Clubhouse a connu son essor aux Etats-Unis pendant cette crise sanitaire. L’app se prête en effet à une consommation solitaire, peu propice à un usage au bureau, en public, dans les transports (autrement qu’en écoute sans intervention).
Ainsi paradoxalement, le produit qui a un rendement par minute faible requiert une concentration forte. C’est un vrai risque à la longue.
Pour aller plus loin au sujet de Clubhouse, je vous propose de tester une session de debrief du Wrap Up sur Clubhouse, live ce lundi soir (le 8/02) à 19h.
Pour les non-initiés, je dispose encore de quelques invitations à partager, laissez un commentaire du Wrap Up pour en recevoir.
L’invité du Wrap Up 🛬 : Jérôme Perani sur comment l’industrie du tourisme pâtine …
Après vos bons retours sur la série du mois de janvier sur les prédictions annuelles, je voudrais tenter au cours de ce mois de février d’inviter chaque semaine, un ami lecteur du Wrap Up à venir écrire sur une tendance ou une expertise sur un sujet de son choix.
Le premier invité à se prêter à l’exercice de bonne grâce, est Jérôme PERANI.
Petite intro : Jérôme a 25 ans d’expérience dans la transformation digitale. Il a travaillé pour des sociétés à abonnement (en particulier Orange et Canal +) avant que cela soit le graal de tout investisseur financier, pour des groupes mondiaux de technologie (Viaccess, Cisco Broadcast) et un certain nombre de groupes médias français (Lagardère, L’Express et Altice Media).
Passionné du mobile et de l’écosystème des apps, il croit avec force à leur rôle central dans la génération de nouveaux revenus et comme outils de transformation de la relation client (CRM). Vous trouverez sa newsletter de qualité The Mobile Partnerships qui traite des partenariats structurants entre apps et entreprises.
Jérôme également passionné par le tourisme (code de réduction sur les meilleurs vins sud-africains bientôt disponibles sur une nouvelle boutique en ligne spécialisée : Good Hope) partage avec nous sa vision de l’évolution de cette industrie sinistrée “au temps du Covid” :
Industrie touristique : Stress-test at scale !
Le Covid19 a mis sous stress la relation client des acteurs du voyage. Un rapide post-mortem ci-dessous de l’année 2020 avant d’attaquer la nouvelle saison touristique qui demeurera sous des contraintes au moins aussi fortes qu’en 2020 ;
1/ Des pratiques de remboursement subjectives et non transparentes …
Les sommes engagées avant la pandémie ont fait l’objet de contentieux en masse, en particulier quand certaines entreprises touristiques ont commencé à librement interpréter les différentes ordonnances initiées après celle du 25 mars 2020.
A titre d’exemple :
Groupe de consommateurs sur Facebook contre Ticketmaster (https://www.facebook.com/groups/173099197421047/?ref=share)
Pluie de complaintes contre l’UCPA (https://www.facebook.com/162040103827800/posts/3296760790355700/?d=n)
Envoi par Hertz de vouchers non remboursables en dollars américains … (https://twitter.com/search?q=hertz%20remboursement&src=typed_query&f=live)
2/ … dégradant des relations commerciales déjà peu glorieuses …
Associations de consommateurs et voyagistes : l’histoire d’un clash
Locations de vacances : des propriétaires furieux de n’avoir pas été payés par Abritel :
3/ … dans un contexte de contestation des ordonnances du Gouvernement Français par
les associations de consommateurs :
La Commission Européenne
4/ une adaptation des infrastructures de l’offre par nature bien plus lente que l’évolution de la demande :
L’exemple de la pénurie de voitures en Corse en fut le parfait exemple :
Pourquoi la Corse fait face à une pénurie de voitures de location
Corsica Linea achemina près de 6 000 véhicules :

la Corse se trouva toujours en pénurie de voitures de location malgré la livraison de ces 6 000 véhicules : https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/tourisme-corse-toujours-penurie-voitures-location-malgre-livraison-6000-vehicules-1852974.html
En conclusion : est-ce que les acteurs d’une industrie touristique sinistrée se sont adaptés pour faire face aux nouveaux risques de la demande de cette nouvelle saison ?
Réponse rapide dans les prochains jours avec la menace pesant sur les vacances de février et l’interdiction des séjours à l’étranger…
Enfin, pour montrer que rien ne change à la suite de l’interdiction de voyager, la question demeure : est-ce au client ou à l'agence de supporter l'annulation ? (Tourmag). La boucle est bouclée …
Retiré 🚚 : Jeff Bezos laisse la place de CEO d’Amazon
Prenant tout le monde de court, Jeff Bezos a annoncé laisser le poste de CEO d’Amazon à Andy JESSY, précédemment patron de la division la plus profitable du groupe, Amazon Web Services, souhaitant se consacrer à ses projets spaciaux (Blue Origin), le Washington Post et à ses actions philanthropiques.
Un des points intéressants de cet article du Financial Times est de souligner à quel point la vision de Bezos initialement exprimée dans sa lettre aux actionnaires dès 1997, vision qui a permis à ce groupe de déployer sa stratégie sans presque jamais dégager de bénéfices, sans pour autant affecter la progression de la valorisation de la société pour en faire une des plus grosses capitalisations boursières mondiales (1 700 Milliards de dollars ce vendredi).
Dans sa lettre d’annonce, Bezos a souligné à quel point l’innovation était au coeur du développement de la société : dans le commerce évidemment (one-click buy, same day deliveries ou encore Amazon Prime), dans les cloud services ou encore dans le succès des différents objects connectés avec l’enceinte connectée Echo ou le Kindle.
Cependant, un autre trait essentiel de l’héritage de Bezos est la culture d’entreprise unique d’Amazon qu’il a façonnée et qui contamine même jusqu’aux esprits français les plus ironiques et plein de dérision à l’égard des embrigradements idéologiques des grands groupes. Parmi ces valeurs corsettées aux corps des “Amazonians”, un fort principe de subsidiarité avec ce message qu’une communication excessive était un signe de dysfonctionnement, car elle démontrait que les managers ne parvenaient pas suffisamment à travailler en groupe, organiquement.
Rebattu 🤹🏽 : Bertelsmann agite les médias européens
Le groupe privé allemand présent dans la musique, les médias, l’édition et le service aux entreprises (Arvato), dirigé par Thomas RABE (également CEO de RTL Group), a fait montre, à nouveau, de sa capacité à ne pas faire de sentiment : en se séparant du SSP programmatique vidéo - SSP pour Seller-side platform- de RTL, SpotX (acheté pour 230 M$ en deux fois, en 2014 et en 2017 et revendu cette semaine pour 1,2Md$) et en ne démentant pas les rumeurs de cession (ou de rapprochement) du groupe M6, Rabe continue de redéployer le groupe, répétant une antienne bien connue des patrons européens :
« Je suis convaincu que les partenariats sont plus importants que jamais, en particulier après le coronavirus, qui a fait du tort aux diffuseurs de télévision européens, et a renforcé les plates-formes de streaming américaines », a déclaré M. Rabe au Financial Times le 16 août 2020, ajoutant que « RTL était ouvert pour explorer des possibilités de rapprochement » dans les pays où il est actif. Le patron caresse depuis des mois l’idée de voir se constituer des « géants médiatiques nationaux » en Europe, en télévision et en streaming, autour de contenus locaux. [il appelle la Commission Européenne à revoir le droit des concentrations de ce secteur.]
Les groupes Vivendi (propriétaire de 29% de l’Italien Mediaset), Altice, TF1 et le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, propriétaire de CMI, seraient, selon Capital, sur les rangs, pour un prix que Bertelsmann souhaiterait voir aux alentours de 3 Md€ (le groupe valait en bourse vendredi, “seulement” 1,85 Md€.)
En décembre dernier déjà, Bertelsmann se faisait d’un actif symbolique avec la cession du groupe Prisma Media à Vivendi, qui prenait de son côté, 10% du cablo-opérateur et opérateur de TV payante, Prisa en Espagne.
Si l’on ajoute la bataille autour de Lagardère entre Bolloré et Bernard Arnault, les vélléités de consolidation du secteur média en Europe se font jour.
Balnéaire 🏊 : Picasso, baigneuses et baigneurs
Le musée des Beaux-Arts de Lyon proposait jusqu’au 3 janvier, une relecture du thème de la baigneuse dans l’œuvre de Pablo Picasso avec des oeuvres d'artistes du XIXe siècle qui ont influencé Picasso dans le traitement de ce sujet : Cézanne, Manet, Renoir.
D'autres artistes contemporains ou suiveurs de Picasso étaient également présentés dans l’exposition alors qu'ils se sont intéressés aux baigneuses picassiennes : Francis Bacon, Henry Moore, Farah Atassi, Elsa Sahal. On peut voir tout cela grâce à une visite guidée par la Directrice du Musée, Sylvie Ramond.
On retrouve avec plaisir certaines oeuvres qui avaient déjà été exposés lors de l’exposition événement de 2013, le “Grand atelier du Midi” à Marseille, alors capitale européeenne de la culture.
Même si la démultiplication de ces expositions virtuelles nous entretiennent dans l’atmosphère des musées, comme le souligne justement Anaël Pigeat dans l’émission Réveil Culturel sur France Culture, on continue d’avoir besoin de voir les oeuvres pour les apprécier pleinement !
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