Le Wrap Up de la semaine où LVMH a repris sa bague de fiançailles à Tiffany&Co (7 septembre 2020)
5 bullet points de la semaine : médias, tech, société
Le rythme de cette rentrée commence à s’installe, on déroule, on prend nos habitures, les plannings des enfants sont affichés sur le frigo et les activités extra-scolaires recommencent (avant de s’arrêter dans les prochaines semaines ? 😨), cette semaine on a retenu :
Monopolisé 📲: pourquoi les revenus de Facebook ne sont pas soumis à la taxe Apple ?
DéVoilé 🚴♂️: le business du Tour de France
Gamifiés 🎲: la digitalisation des jeux de plateau
Sacrifiés 🔞: les jeunes générations sont-elles les grandes perdantes du Covid19 ?
Momifié ♾️: les collections égyptiennes du musée du Louvre
Monopolisé 📲: Pourquoi les revenus de Facebook ne sont pas soumis à la taxe Apple ?
Dans le contexte actuel de fronde contre Apple, largement emmenée par Epic Games, au sujet du prélèvement qu’Apple prend sur nombre de services payants par abonnement sur iOs, une voix s’est curieusement distinguée en la personne de Mark Zuckerberg :
‘[Apple has] this unique stranglehold as a gatekeeper on what gets on phones,’ Zuckerberg said to more than 50,000 employees via webcast. He added that the Cupertino, California–based company’s app store ‘blocks innovation, blocks competition’ and ‘allows Apple to charge monopoly rents.’” – Mark Zuckerberg (Buzzfeed News)
On goûtera l’ironie de cette remarque venant de celui dont les applications que ce soit Instagram, Whatsapp, Messenger ou tout simplement Facebook, trustent le top10 du téléchargement d’apps, qui réalise plus de 70md$ de revenus publicitaires pour la plus grande partie sur app mobile (85% du traffic mobile) et qui ne reverse quasiment rien à Apple (si ça n’est les 99 dollars par an de frais de gestion à l’AppStore).
On se doute que Facebook ne se contente pas de cette situation avantageuse. Zuckerberg critique la firme à la pomme car elle contrecarre ses plans de devenir le WeChat américain et mondial. Le contentieux du moment porte sur :
1) la possibilité de notifier, insidieusement, à ses utilisateurs sur Messenger que Apple “pourrait” prélever une commisson de 30% sur les achats de billets de concert virtuels réalisés à l’intérieur de Messenger … Apple ne tient pas à ce que le public connaisse les débats d’arrière-cuisine de l’AppStore.
2) la mise en oeuvre d’un suivi plus fin donné par Apple à ses utilisateurs, réduisant ainsi drastiquement le nombre d’IDFA disponibles (votre identifiant publicitaire sur iOs) pour faire du ciblage publicitaire.
Pour sortir de la contestation, Apple tente de se justifier en communiquant sur une taxonomie distinguant 7 catégories de services sur sa plate-forme :
Free Amazon Alexa, Chase Mobile, Geico, Wikipedia
Free with advertising BuzzFeed, Instagram, Pinterest, Twitter
Free with in-app purchase Candy Crush Saga, Clash of Clans, Skype, TikTok
Free with physical goods and services Airbnb, Amazon, Lyft, Target
Free with subscription Bumble, Calm, Hulu, Pandora
Paid Dark Sky Weather, Facetune, Heads Up!, Monument Valley 2
Reader Amazon Kindle, Audible, Netflix, Spotify
Cross platform Dropbox, Hulu, Microsoft Word
Pour sa défense, Apple évoque également les milliards de revenus qu’elle aurait généré pour des milliers de développeurs dans le monde. L’article de ia.net rejette au passage vigoureusement la dimension sociale de cet argument :
Apple proudly claims that “hundreds of thousands of developers” made 40 billion dollars directly through the App Store. 75% of all revenue is generated by games. The remaining cake is eaten up by big earners. This is how the top 1% of app publishers generate 80% of all new installs, and 95% of all revenue is generated by 1% of the apps.
Ainsi 99% des développeurs, selon le cabinet SensorTower, reçoivent en moyenne 9 900 $ par trimestre de revenus de l’Appstore …
L’idée ici n’est pas de clouer au pilori Apple. La firme de Cupertino a tout à fait légitimement essayé de gagner de l’argent à partir du écosystème qu’elle a construit année après année à mesure que sa base de clients plutôt aisés grandissait. L’idée majeure ici est plutôt de crever l’abcès et d’essayer de construire une règle de fonctionnement qui s’appliquerait à toutes les Apps.
Pourquoi dans le top 10 des Apps, Uber et AirBnb ne payeraient-elles rien quand Netflix et Amazon continueraient de payer Apple ? Les raisons de choix historiques, de biens digitaux, de paiements in-app ne suffisent pas à donner l’explication.
Les auteurs de l’article croient avoir trouver la réponse : “The iPhone is the door to the global IT economy” et cette puissance leur donne un levier sur toute activité digitale.
Il y a un débat légitime sur la position monopolistique d’Apple, monopole qui porte sur la part détenu des revenus digitaux (considérant qu’un Android dépense 10x moins qu’un iOs). En revanche, il semble curieux aujourd’hui encore, de continuer de traiter sur des schémas de prélèvement différents, tous les développeurs qui tirent des revenus de leurs apps sur l’AppStore.
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Voilé 🚴♂️: le business du Tour de France
Alors que le Tour de France touche à sa fin, un article de The Hustle tente de démystifier le Tour côté business avec un travail d’enquête assez fouillé et des recoupements avec des sources passées qui permettent d’approcher les enjeux économiques de la Grande Boucle.
On y apprend plein de choses intéressantes sur l’histoire du Tour et l’évolution de son business model.
Sur un budget total de 60-150 M$ par an, les revenus des droits TV représenteraient 55% du budget total (FTV paierait 25 m$ par an pour les retransmissions), 40% relèverait de la publicité (LCL dépenserait jusqu’à 12M$ par an pour sponsoriser le maillot jaune) et seul un pourcentage de 5% serait lié à la rémunération perçue de la part des villes étapes.
Autre aspect qui rentre en ligne de compte même si ça n’est pas directement dans les poches d’ASO, les budgets des équipes sportives qui s’achètent de la visiblité en lien avec la diffusions du Tour dans 186 pays dans le monde (sur 195 !). Cette visiblité pour le sponsor en titre d’une équipe a été estimée en moyenne à 88 M$ par an, ce qui permet de relativiser les montants des budgets sportifs de ces équipes :
Lire les stats dans l’article de The Hustle
Gamifiés 🎲: la digitalisation des jeux de plateau
Non seulement, les jeux de société ont connu un net regain de popularité avec le confinement, mais il semblerait, à en croire la note publiée par A16Z, le fonds d’investissement de la Silicon Valley (fondé par Ben Horowitz et Marc Andreessen) que la tendance sous-jacente soit très bonne :
Board games are resurgent—the overall market reached $12 billion in 2018 and is growing at a 9 percent compound annual growth rate.
Ce qui vient alimenter cet optimisme, ce sont les ponts qui ont été lancés entre le digital et le physique, tendances identifiées au nombre de 4 :
livestreaming : la consommation de vidéos live - en particulier pour des jeux de stratégie qui nécessitent une montée en compétence un peu plus longue- est en train d’exploser, en témoigne dans un registre plus classique, le succès des joueurs d’échecs qui décrivent leurs parties sur les plates-formes comme Twitch (voir cet article du NY Times sur les joueurs d’échecs, ces nouvelles stars du web)
User-generated content : derrière ce terme sorti du playbook des groupes médias des années 2010, les contenus créés par les communautés de fans d’un jeu de plateau permettent de montrer le résultat du nombre d’heures incalculables que la préparation de ses pions ou la construction de personnages peuvent prendre et émuler le public, sans évoquer les bourses aux biens virtuels (personnages, circuits, acessoires de mode …) qui pullulent.
Audio-first experiences : comme l’audio “contamine” toutes les autres formes de médias, il eut été surprenant que le jeu de société ne soit pas affecté également par cette tendance.
Les assistants connectés semblent offrir un nouveau débouché par l’adaptation de jeux en tout genre en audio : les quizz façon Trivial Poursuit, le Mafia ou autres blind test sont tout adaptés pour ce mode de consommation. Reste que c’est nécessairement le cas pour des jeux dont le mode d’action était déjà très oral (le cas de D&D est particulier car essentiellement construit autour du récit, d’aucuns se font le replay en podcast de parties légendaires, comme le joueur Travis qui en est à 150 M de téléchargements de son podcast, deux BDs classés dans la liste des best-sellers et une série d’animation TV en préparation).
Pour mémoire citons le jeu mobile Zombie Run qui permet aux coureurs de fond invétérés d’écouter lorsqu’ils partent courir, une aventure audio où ils doivent éviter les zombies sur leur parcours. Géoloc, audio, accéléromètre, peut-on pour autant le qualifier de jeux de société ?
Enfin les online community platforms : traditionnellement limité à 2-8 joueurs, les jeux de plateau connaissent avec le digital là aussi un nouvel élan. Prenons les cartes à jouer Magic : son éditeur Wizards of the Coast réunissait avec un logistique impressionnante, près de 35 000 joueurs tous les vendredis soirs dans les boutiques spécialisées des parties de jeu. Avec le digital, ce sont désormais 35 millions de personnes qui participent aux “Friday Night Magic”! Sans parler des jeux comme Heartstone dont le principe est de jouer aux cartes en ligne!
La note se focalise beaucoup sur le succès des jeux de carte et de récit, notamment le succès incontestable de Donjons et Dragons, pour tracer la voie d’un avenir digital radieux. Cependant, il y a une légère contradiction à évoquer la digitalisation d’une industrie qui doit en partie son succès (notamment les jeux familiaux) au fait qu’ils soient … déconnectés.
Sacrifiés 🔞: les jeunes générations sont-elles les grandes perdantes du Covid19 ?
Photo “4 jeunes regardant le soleil se coucher sur leur avenir” by Devin Avery sur Unsplash (title by me)
Edouard Tetreau, consultant, auteur et ancien analyste financier, qui a connu le feu des projecteurs lorsqu’il a, le premier, tiré la sonnette d’alarme au sujet des dérives de Jean-Marie Messier à la tête de Vivendi-Universal, a écrit la semaine dernière une tribune dans les Echos sur la jeune génération face au Covid.
Elle vient alimenter le débat des Anciens contre les Modernes de notre confinement : les mesures sanitaires qui ont conduit à la crise économique actuelle, ont-elles épargné les Vieux en sacrifiant les plus Jeunes ?
Avec une verve tranchante, Tétreau compare nos gouvernants à des Diafoirus modernes pratiquant la saignée, expulsant du corps social, le principe même de vitalité qui lui permet de se mouvoir. Il dénonce tous azimuts la frilosité des groupes qui n’embauchent plus, l’épargne des Français qui a plus que doubler à 27% de leurs revenus et les dettes publiques qu’on laisse filer à des niveaux jamais atteints pour la/les prochaine/s génération/s.
Ils appellent les “entreprises rentables” et tout particulièrement ceux en première ligne, les chargés de recrutement (dont on peut douter qu’ils aient cette autonomie), à donner espoir à ces 700 000 jeunes qui arrivent en ce moment sur le marché de l’emploi en leur tendant la main, en leur donnant une raison de ne pas désespérer d’une société qui les aurait formés pour rien, tout en leur fermant les portes du logement et leur refusant ce premier salaire qui est le gage de l’autonomie.
Il a sans aucun doute, raison : les - de 25 ans doivent être une priorité nationale. Mais concrètement, on fait quoi à part des allègements de charges sur les bas salaires des jeunes ? l’extension du RSA aux < de 25 ans ? (ici le plan jeunes annoncé par Macron en juillet dernier). Les contributions sont ouvertes …
Momifié ♾️: les collections égyptiennes du musée du Louvre
Sans lien aucun avec le sujet précédent, le conseil culture de la semaine est une invitation à aller (re)visiter les collections permanentes du Louvre.
Si comme beaucoup de Parisiens, vous vous vantez d’avoir à porter de main le musée d'art le plus grand et le plus visité au monde, je ne saurais trop, comme le Canard Enchaîne, vous rappeler que la Culture comme la Liberté de la Presse, ne s’use que si l’on ne s’en sert pas; et vous inciter par là, à faire le parcours Covid des collections égyptiennes du musée.
Ces collections ne sont pas tant le legs de l’expédition du Général Bonaparte en 1798 (la plupart des trésors volés ont été saisis par la Marine Royale Britannique dans la rade du Caire et sont exposés au British Museum, notamment la fameuse Pierre de Rosette), mais plutôt le fruit de l’égyptophilie développée et largement diffusée dans le public au XIXème siècle, par successivement le premier “Conservateur”, Vivant Denon, dans ses écrits Voyage dans la Haute et la Basse Égypte, le craquage des hiéroglyphes en 1822 par Dimitri Champollion ou encore le décret royal de Charles X établissant le département égyptien au Louvre.
Ces collections sont donc le fruit d’acquisitions réalisées pour la plupart au XIXème siècle, de legs de collectionneurs et particulièrement de partage de fouilles archéologiques concédées par le gouvernement égyptien où les Occidentaux et les Egyptiens se partageaient les splendeurs exhumées.
Le clou de la collection est le fameux scribe assis découvert dans le Sérapéum (nécropole consacrée au Dieu Apis) de Saqqara :
Les pages des Collections Egyptiennes sur le site du Louvre
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