Le Wrap Up de la semaine où les Etats-Unis ont abandonné l'Afghanistan (semaine du 31 août 2021)
5 bullet points : l’actu media, tech, NFT avec une pointe de culture
Pas grand chose à ajouter aux informations d’évacuation du dernier ressortissant US de l’aéroport de Kaboul, si ça n’est cette colonne dans The Economist pour souligner, fait que je n’avais pas relevé ailleurs, que la France a “un peu” mieux anticipé l’abandon américain (dès la mi-juillet), en raison notamment de notre méfiance à l’égard de l’allié américain.
Au programme du Wrap Up cette semaine :
Gamifiée 🎮 : une analyse de l’approche de Netflix dans les jeux vidéos
Désopiumisé 💊 : le pouvoir chinois restreint sérieusement le jeu vidéo
Sur Pass ou à Emporter 🌯 : quelques burritos pour la route
Démantelé 🤯 : quand le podcast se fait aussi puissant que les séries TV avec B52 de Paradiso
Gamifiée 🎮 : une analyse de l’approche de Netflix dans les jeux vidéos
⌛: 4 minutes 22 secondes
Matthew Ball est l’un des tous meilleurs analystes médias et tech, il est très versé dans les métaverses (il a commis cet été une somme en neuf parties que nous n’avons pas encore attaquée : The Metaverse Primer). Aussi quand il explique -un des sujets que j’invoque en boucle (Netflix et le jeu vidéo)- avec plus d’éloquence, à quel point, il est saisissant qu’une des principales plates-formes de divertissement au monde (et l’une des plus ambitieuses) ait identifié le jeu vidéo comme un de ses principaux concurrents et prenne la décision d’ouvrir une verticale qui lui permette également de profiter de cette hyper-croissance.
Dans Netflix et Jeux Vidéo, il détaille scrupuleusement les différents aspects de cet enjeu :
Why Netflix Wants to Enter Gaming (Beyond the Money)
En quelques mots : Netflix, malgré un rattrapage en cours de son concurrent Disney, a gagné une des batailles pour la suprématie de la consommation de vidéo en streaming dans le monde, notamment en devenant le premier point de contact du public pour sa consommation de format long (le where to watch vs. le what to watch).
Le prochain défi qui l’attend est générationnel : Netflix (la consommation vidéo était le mode de divertissement par défaut) est en train de voir le jeu vidéo devenir son principal rival (la zone de concurrence vient de passer à : What To Do) avec le sommeil.
Le jeu vidéo comme industrie grandit chaque année de potentiellement 140 M de gamers supplémentaires. Ses délimitations sont plus en plus larges :
The most important might be the very definition of “gaming”, which seems to be devouring all other forms of media. Is a Fortnite concert a concert? A video? Is it streaming music? What if you watch a short-film inside Fortnite? Or a live event? Or walk a museum inside of it? What is Twitch? Or VR Chat?
et ses capacités créatives (visuels, gameplay, scénarisation) se trouvent directement améliorées par chaque nouvelle évolution tech (en tout cas, beaucoup plus que celles des contenus traditionnels), sans évoquer la performance financière : une petite équipe de développeurs peut se retrouver (difficilement certes) avec un succès dépassant rapidement les 500 M de joueurs (comme par ex : Among us). Une des raisons pourrait en être l’individualisation des scénarios sans déperdition.
Sans parler du potentiel de diversification, qui allant avec le volume hebdomadaire de playtime (dépassant les 3h / jour sur une seule franchise pour un adolescent) :
Two years ago, Fortnite’s multimedia efforts were essentially limited to marketing integrations (i.e. Batman skins and miniature Gotham inside its battle royale map), debuting movie trailers, and hosting one R&D-focused virtual concert annually. Today, the team is writing crossovers into DC’s physical comics, hosting film festivals, and operating an ongoing concert series.
Pourtant, malgré toutes les bonnes raisons qui montrent que Netflix doit se lancer dans le jeu vidéo, on le trouve fort démuni pour y parvenir sans pouvoir recours à des pools de talents sur lesquels il n’a que très peu de leviers.
The Challenges Netflix Faces When Entering Gaming
La marche est très haute pour Netflix, qu’on en juge sur l’aspect tech:
For example, the most popular and lucrative games in the world are online and multiplayer. This requires Netflix to create and operate extensive (and highly social) player account systems, including matchmaking, leaderboards, and entitlement/achievements management services, as well as live talk and text, anti-cheat systems, customer support, microtransaction payment, update/patch management, and more. Netflix has none of this technology today - not even basic scaffolding for it.
Concernant l’aspect distribution, l’avantage concurrentiel de Netflix est l’accès à la TV : or, aujourd’hui, aucun jeu AAA1 n’est sur ce support. Il faudrait que la firme investisse dans du hardware avec une console et des gamepads (la télécommande-manette du fabricant n’a jamais pris). Ainsi Netflix est obligé de se rabattre sur les jeux solo sans réseau et des leviers de monétisation gérés par des tiers (jeu payant ou achat in game devraient passer par les fourches caudines d’Apple par ex.).
Concernant les autres aspects (contenu, type de jeux, intensité concurrentielle), Ball est très convaincant pour souligner l’impossibilité, même à travers de judicieuses opérations de croissance externe, de percer dans ce milieu. Il a beaucoup plus de chances de répliquer un service de streaming audio que de parvenir à faire sa place au soleil dans le jeu vidéo.
Ce que Netflix a l’air de faire :
Les premiers pas de Netflix avec l’expérimentation en Pologne (voir le Wrap Up de la semaine passée) se rapproche davantage du service d’abonnement jeu vidéo d’Apple, Arcade. Avec 3 ans d’ancienneté, un prix deux fois inférieur à la musique, un catalogue de 200 titres, Arcade n’a convaincu que 0.5% des détenteurs d’iOs (vs. 13% pour Apple Music) avec un churn mensuel de 20%, soit trois fois plus que le plus mauvais service de streaming vidéo… peu convaincant.
L’autre versant à attaquer serait de constituer avec ses considérables moyens financiers, son propre studio avec ses propres trames narratives2. Au bas mot c’est 3-5 ans d’efforts considérables pour produire un jeu potable (AA ou AAA), alors que pendant le même temps, ce sont plusieurs films ou séries à succès qui pourraient sortir du ventre de Los Gatos.
Ball pense que l’insuccès de Netflix dans le jeu n’est pas dramatique en soi et que même des casual games (type Candy Crush) thématisés avec les séries phares de la plateforme peuvent même avoir un succès d’estime et permettre d’attraper les quelques minutes “volées” à Netflix dans le métro.
Où est-ce que tout cela a l’air d’aller
Toutes les initiatives dans la tech ont été des échecs cuisants, même Microsoft qui a mis 20 ans avant de faire de la XBox un produit rentable, et cela en particulier avec l’aide de Minecraft, racheté 2,5 Md$ en 2014. Amazon a dépensé des milliards pour construire Amazon Game Studios, sans succès.
Ball termine en esquissant un pas de côté : en constatant que même au sein de la catégorie, peu d’acteurs industriels du jeu vidéo ont réussi à garder le leadership qu’ils avaient d’une génération de jeux vidéo à une autre (arcade, PC, console, mobile casual, MMORPG, …).
Il fait le pari que Netflix aura une stratégie tranquille dans le jeu vidéo, tel que nous le définissons aujourd’hui et s’essayera plutôt … dans la “version métaversée” de ses fictions, citant une prédiction du CEO d’Unity Technology, le gaming engine aujourd’hui le plus avancé pour les jeux vidéos et les effets spéciaux (utilisés par Disney):
“I am certain within the next two-to-three years, you’ll be able to freeze the frame, put on a set of VR or AR glasses or look through your phone, then walk into the scene and go anywhere. Let’s say they produce a Godfather movie and it’s in 1960 New York. The traffic will be there, the shop keeps will be there. You’ll be able to wander around that world and interact. Not just by yourself, but with your friends, and their friends. And it can be while the film was taking place, or freezing it just looking at the way it looks right now. Or be completely independent of the film itself. The world will be real.” - John Riccitiello, CEO, Unity Technologies (2020)
Si tu ne vas pas à Lagardère…
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Désopiumisé 💊 : le pouvoir chinois restreint sérieusement le jeu vidéo
⌛: 1 minute 14 secondes
Pour rester dans la thématique de l’article précédent, on a vu passer cette semaine l’information selon laquelle le Parti Communiste Chinois venait de restreindre drastiquement le temps que les moins de 18 ans pourraient consacrer aux jeux vidéos : désormais il sera limité à 3 heures par semaine (heures non choisies : 20-21h) et en dehors des lundis-jeudis. Les jeux en ligne avec achat de biens virtuels seraient plus particulièrement visés, non confirmés pour l’instant.
Comme pour le Covid, on a quand même une pointe d’admiration pour les décisions autocratiques, surtout si l’on en partage le fondement théorique, cependant la raison nous revient rapidement et on rappelle l’insupportable mainmise du parti unique3 sur la population, les exactions contre les minorités ou encore ses vélléités d’expansion territoriale.
Pour revenir à notre sujet : les éditeurs de jeux en ligne devront mettre en place des systèmes d’identification des utilisateurs, en ayant recours aux vrais noms des joueurs et joueuses. Des technologies de reconnaissance facile pourraient être déployées pour atteindre l’objectif.
Le but affiché est la “préservation de la santé mentale et physique de la jeunesse, ainsi que la promotion d’une jeune génération dans une ère de réjuvénation nationale”. Près des deux tiers des adolescents chinois joueraient en ligne à des jeux vidéos.
L’addiction aux jeux video est décrite dans la prose communiste, “comme un hôte pour les maux de la société, éloignant les jeunes de leurs obligations scolaires et familiales… un nouvel opium pour l’esprit.”
En attendant, l’annonce de cette décision aurait fait baisser de 10% la capitalisation boursière des sociétés de jeux chinoises.
L’article rappelle que la Chine n’en est pas à son coup d’essai en la matière : En 2000, le Gouvernement avait banni les consoles de jeux avant de les rétablir en 2015. En 2019 la limitation a été instauré de 90 minutes par jour et imposait un couvre feu entre 22h et 8h du matin (la Corée du Sud qui avait mis en place une règle similaire en 2011 l’a retiré le mois dernier).
Sur Pass ou à Emporter 🌯 : quelques burritos pour la route
⌛: 38 secondes
Avec la folie autour des prix des CryptoPunks, ces images de 16 bits vendus sous forme de NFTs avec des prix minimums de 450 00$, l’UTA qui est un représentant d’artistes et de marques les industries du loisir (édition, parcs à thèmes, édition, studios TV) vient de signer un accord de représentation, dès fois que la promesse de voir se créer les prochains personnages de Disney en ligne, se réalise à travers les collections.
Dans la perspective de sortie du film Dune au cinéma, le réalisateur canadien Denis Villeneuve continue de s’opposer à la sortie simultanée en streaming sur HBO Max : “Le cinéma est un langage qui requiert l’impact du grand écran, le rapport collectif au grand écran. Ce rituel de voir un film ensemble, c’est essentiel dans l’expérience humaine. Dune a été tourné, pensé, écrit comme une expérience immersive de grand écran.”
Passer derrière le miroir des Facebook Ads, c’est mieux comprendre comment fonctionne deux de ses piliers essentiels et souvent méconnus : le machine learning et les enchères publicitaires. Un résumé clair, bien fait et rare par l’un des économistes de Facebook (long read)
Démantelé 🤯 : quand le podcast se fait aussi puissant que les séries TV avec B52 de Paradiso
⌛: 27 secondes
A la suite d’une des recommandations d’Antoine qui édite la newsletter PodcastZap et d’un long trajet routier, j’ai écouté la série podcast de 8 épisodes d’un quart d’heure au sujet de l’affaire B52 (produit par Paradiso).
Résultat : un vrai feuilleton à suivre, avec des agacements de style par ci par là, mais franchement une bonne histoire racontée par l’un des principaux protagonistes du démantèlement d’un pont du trafic de cocaïne entre l’Amérique du Sud et le Sud Ouest de la France pour inonder l’Europe, avec à la clef la prise équivalente à 100 millions de dollars et l’arrestation du neveu d’Escobar, sans compter une collaboration avec la DEA américaine et la Guardia espagnole. Comme si on y était :
les meilleurs jeux du marché
Matthew Ball souligne, non sans malice, que le taux de succès des Originals de Netflix est plus bas que le reste de l’industrie
Cette semaine encore : Ci Xinping a indiqué que le Gouvernement devait “aider” les entreprises à obéir à la discipline du parti, en visant de mettre sous le boisseau les fan clubs “chaotiques” de célébrités. Les chaînes TV ont été enjointes à diffuser une atmosphère patriotique et interdire les comportements “efféminés” dans les programmes…