Le Wrap Up de la semaine où Donald Trump a été diagnostiqué au Covid (semaine du 28 septembre 2020)
5 bullet points : médias, tech, société
Le Wrap Up de la semaine écoulée… mais en base décimale, désolé de cette livraison tardive, les impondérables de la vie…
Cette semaine, les quelques sujets qui ont retenu notre attention :
Rêvée 💭 : la réalité virtuelle devient-elle réelle?
Francisée 🇪🇺: l’Europe est-elle devenue française économiquement ?
Renseigné 🕵️ : Palantir va-t-elle dévisser après son introduction en Bourse
Monopolisé 📱: Apple est-il un marché en soi ?
Médité 🧘: Yoga d’Emmanuel Carrère
Rêvée 💭 : la réalité virtuelle devient-elle réelle?
The Economist a publié cette semaine un long Technology Quarterly Review au sujet de la réalité virtuelle (VR) que je vous recommande chaudement.
Sans pouvoir tout résumer d’une phrase, on apprendra que la réalité virtuelle est sur le point de devenir omniprésente. Après le concert du rapper US Travis Scott rassemblant 12m de Fortniters en ligne au printemps, la multiplication, en temps de Covid, des cérémonies nuptiales, des baptêmes et autres baby showers dans l’univers d’Animal Crossing New Horizons, ou encore la re-création du campus de Berkeley dans Minecraft pour que les étudiants confinés puissent continuer d’avoir une vie étudiante, il était de prendre du recul sur le phénomène et tenter d’entrevoir où il nous emmène.
Tout a commencé dans les années 90 quand les studios de jeux vidéos se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas à recréer à chaque nouveau jeu, un “moteur de jeu” (game engine), mais qu’ils pouvaient les réutiliser d’un jeu à l’autre, voire même licencier ces belles machines à d’autres éditeurs de jeu.
“Quake” était l’un de ces précurseurs, les deux acteurs dominants du moment se nomment The Unreal Engine (qui est l’oeuvre derrière le blockbuster Fortnite et développé par Epic Games pour le jeu Unreal en 1998) et Unity (d’origine danoise et coté depuis la semaine dernière), ce dernier serait à l’origine de 60% des expériences de VR et d’AR (augmented reality).
Du jeu vidéo, ces technologies sont en train de déborder très largement de leur cadre pour envahir toutes les industries :
L’entertainment d’abord où, exit les fonds verts, nombre de films de science fiction utilisent des murs entier (55x5m!) d’écrans de LED recréant les décors et les effets de lumière par la même occasion (le dernier opus de Lucas Films, le Mandalorian, a largement eu recours à cette technologie, écrasant ainsi les coûts de ces productions hollywoodiennes).
Viennent ensuite la Santé, le prototypage industriel et le développement produit, la logistique, la distribution (modélisation de nouveaux centres commerciaux, d’aéroports simulant les mouvements de passagers, etc…)
Les perspectives économiques sont énormes : PwC (dont le mini site est “Seeing is Believing”) entrevoit un marché potentiel de 1,5 trillion de dollars (en incorporant les gains de productivité).
Le dossier est passionnant, et en particulier cette mise en abime : grâce au rendu ultra-réaliste du monde virtuel, les éducateurs d’Intelligence Artificielle font désormais travailler en partie les algorithmes de véhicule autonome sur des univers recréés de réalité virtuelle. Ainsi les cas “rares” qui ne peuvent pas être appris en situation réelle (enfants qui surgit ou tempêtes faisant tomber les arbres) sont recréés en réalité virtuelle pour apprendre à la machine à réagir en pareille circonstance.
Lire la Technology Quarterly Review de The Economist
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Francisée 🇪🇺: l’Europe est-elle devenue Française économiquement ?
The Economist encore (ah! le privilège des voyages en train qui vous offre le plaisir de la déconnexion) dans sa rubrique traitant de l’Europe, Charlemagne, émet l’hypothèse perfidement ironique : L’Europe serait en train de se ranger aux French Economic Policies, à savoir une propension à défendre, au nom du patriotisme économique souvent moqué, ses industries stratégiques face à la prédation des acteurs étrangers, en particulier américains et chinois.
On comprend bien que la donne a changé et qu’à une époque où les deux super-puissances renforcent leur arsenal protectionniste, l’Europe serait bien idiote de continuer de proner les valeurs libérales de laisser faire à tout crin et de continuer d’être la proie de groupes étrangers dopés aux subventions et autres aménagements fiscaux de leur pays d’originie. Pourtant, cela ne va pas sans remettre le modèle économique européen qui repose sur l’exportation (50% du PIB Européen en dépend, contre seulement 12% pour les Etats-Unis et 18% pour la Chine!).
Par ailleurs, un autre souci est soulevé par le titre de l’article (The Revenge of the Strategy Yogurt), c’est qu’à proner un renforcement de notre arsenal protectionniste, on a clairement du mal à discerner ce qui est stratégique de ce qui ne l’est pas (le titre fait référence à la volonté française dès les années 2000 de défendre un de ses champions nationaux, Danone, lorsque ce dernier fut sous la menace d’une acquisition par le géant US Nabisco-Pepsico). Les yaourts stratégiques, vraiment ?
Lire la tribune Charlemagne dans the Economist
Renseigné 🕵️ : Palantir va-t-elle dévisser après son introduction en Bourse ?
Photo by Lianhao Qu on Unsplash
La semaine dernière, la société Palantir s’est introduite en bourse à New York (à l’heure qu’il est, le titre perd -1,85% par rapport à son cours d’introduction).
La société est l’objet de fantasmes, non sans fondement : elle oeuvre pour le compte des gouvernements et de groupes internationaux pour collecter et “faire parler” les données sur les citoyens. Un de ses principaux clients est le Gouvernement des Etats-Unis (à ce titre elle ne travaille pour les puissances vues comme hostiles), mais aussi les services de renseignement français, également quelques grands groupes privés comme Airbus, Crédit Suisse, le laboratoire Merck KGaA.
La société se donne pour ambition d’être le système d’exploitation (au sens Os) des outils de surveillance des gouvernements. Certaines de leurs missions emblématiques (et de leur légende noire) : ils ont aidé les douanes US à traquer les migrants illégaux, ils auraient conduit des tests secrets de police prédictive à la Nouvelle Orléans.
Scott Galloway (souvent cité ici et un des principaux contempteurs de WeWork avant son IPO) brocarde Palantir à plusieurs titres :
La personnalité de Peter Thiel : celui qui se présente commme un libertarien (docteur en philosophie), un des principaux soutiens de Donald Trump dans la Silicon Valley, et qui détient le record de longévité au board de Facebook (sous-entendu n’a pas démissionné quand d’autres l’ont fait, ce qui en ferait un complice des mauvais agissements que l’on reproche à la firme de Mark Zuckerberg), un libertarien qui a co-construit une société pour pallier les carences de l’Etat donc…
le CEO, Alexander KARP, se proclame, pour faire contre-poids, “socialist” avec ce que cette appélation peut avoir de sulfureuse aux Etats-Unis
A titre principal des critiques, la mauvaise gestion de la société : la société n’a pas su en 17 ans dégager le moindre profit (il a fallu 5 ans à Facebook, 3 ans à Google, 6 ans à Netflix, 8 ans à Amazon pour atteindre l’équilibre). Malgré 3 milliards de dollars de levées de fonds, et un résultat d’exploitation de -500 M$ en 2019 (pour un CA de 740 M$).
Le prospectus d’introduction laisse entendre que ce qui soutient la valorisation de plus de 20 Md$, c’est le lien tissé avec les gouvernements (3 clients constituent 28% du CA) et le faible churn qui en découlerait.
La prédiction de Scott Galloway ? Une valorisation divisée dans 6 mois… A suivre.
Monopolisé 📱: Apple est-il un marché en soi ?
Petit mise à jour depuis notre news sur le débat Fortnite vs. Apple : un tribunal californien devait rendre un jugement en référé pour savoir si Apple devait réintégrer la nouvelle app dans on AppStore.
Un des arguments mis en avant par Epic Games : le marché de l’iphone est un marché en soi. Le juge n’a pas suivi Fortnite dans cette direction et jugera l’affaire sur le fonds dans les prochaines.
Médité 🧘: Yoga d’Emmanuel Carrère
J’aime Emmanuel Carrère, j’aime son style, l’intelligence qu’il fait passer dans son écriture, son narcissisme et surtout quand il écrit sur les autres (à ce titre D’autres Vies Que La Mienne ou Le Royaume sont pour moi ses meilleurs livres, car tournés vers l’autre à travers son prisme déformant et autocentrée certes).
Aussi c’est joyeusement qu’on peut le suivre dans ce roman qui voulait initialement traiter de méditation, de yoga, puis qui traite de ce qui l’avait occupé : sa dépression et de ses tentatives de rémission auprès des migrants en Méditerranée, de son éditeur défunt POL qu’il aimait tendrement et dont il livre des pages magnifiques.
Comment se fait-il qu'Emmanuel Carrère qui dit pratiquer la méditation depuis de longues années, puisse imaginer atteindre grâce à elle le détachement promis par le Petit Exercice, à tel point il est épris de lui-même, il se méprise le reste du temps; c’est ce mystère qu’on essaie de percer dans les premières pages du livre, et la suite apporte rapidement la réponse évidente : il n’y arrive pas.
Les pages sur la dépression ne nous laisse pas indifférent : Emmanuel Carrère subrepticement nous passe au fil des pages, un peu de sa dépression, cette transmission produit au mieux un léger vague à l’âme ou au pire elle ravive nos cicatrices intimes.
L’humour n’est pas absent de ce récit imaginaire, cette politesse du désespoir, mais ça n'est souvent qu'une accalmie, on retombe rapidement sur des histoires tristes qui vous transpercent et qui font probablement partie de la cure de Carrère pour relativiser son propre malheur.
J’ai particulièrement aimé : sa description du yoga, son style d’écriture qui donne le sentiment d’être plus intelligent et sensible lorsqu’on le lit, les anecdotes variées et colorées, ainsi que ses réflexions plus profondes mais qui restent très condensées.
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