Le Wrap Up de la semaine où Elon Musk a perdu 15 Md$ (semaine du 22 février 2021)
5 bullet points : tech, médias et société avec une pointe de culture à la fin
On aurait pu parler des petits malins de Lemlist qui ont fait du bruit en suscitant une offre de financement à 20 M$ alors qu’ils ne comptaient pas l’accepter, mais ça n’est rien à côté d’Elon Musk qui joue dans une toute autre catégorie : Musk depuis ses aventures au sein de Paypal s’amuse avec le système bancaire et financier. Il y a peu il a annoncé que sa société Tesla achèterait pour 1,5 Md$ de bitcoins, bitcoins desquels la nouvelle administration Binden a montré qu’elle n’était pas fan (“an extremely inefficient way of conducting transactions”), résultant en une légère baisse du cours du bitcoin … et incidemment de Tesla, provoquant la baisse estimée de quelque 15 Md€ de la fortune personnelle de M. Musk. Passons sur ces péripéties, au sommaire de cette semaine :
L’invité du Wrap Up 🛬 : Arnaud DECKER nous parle de la lutte contre le piratage sportif qui veut muscler son jeu.
Cliché 📷 : l’app Dispo est-elle le futur du partage de photo ?
Dézoomé 📷 : au delà de la Zoom-fatigue, que faire ?
Paninisées 🃏 : les cartes sportives virtuelles explosent
Lu 📙 : l’Anomalie d’Hervé Le Tellier
et quelques burritos 🌯 (petites news) pour la route
L’invité du Wrap Up 🛬 : Arnaud DECKER
Je propose ce moi-ci à un ami lecteur du Wrap Up de venir écrire ici sur une tendance de la semaine passée ou sur son expertise particulière.
Le troisième invité à se prêter à l’exercice est Arnaud DECKER, fondateur et dirigeant du cabinet de lobbying adValorem Affaires Publiques.
Arnaud a débuté sa carrière au sein du groupe Canal+, où il a occupé successivement différents postes à la direction de la stratégie puis auprès de la direction générale. Recruté par le CSA pour piloter les études économiques, il a participé au lancement de la TNT en France et supervisé les enjeux de concurrence dans le secteur audiovisuel. Il a ensuite rejoint le groupe Lagardère Active comme Directeur des Relations Institutionnelles. J’ai eu la chance de suivre ses cours de Management des Médias à Sciences Po et cette “matière” a décidé de l’orientation de ma jeune carrière et m’a également donné l’occasion de rester en lien avec lui :
Ma contribution au Wrap Up de cette semaine sera sans doute un peu plus politique et moins directement « tech » que les contributions de mes éminents prédécesseurs. Quoique…
L’évènement que je choisis de mettre en relief est le début de l’examen par l’Assemblée nationale d’une proposition de loi sur le Sport qui intéresse directement les acteurs du numérique et de l’audiovisuel français. Les travaux en commission commençaient cette semaine. Le texte sera débattu en séance publique à la mi-mars.
Outre des mesures portant sur la pratique et la gouvernance du sport dans le pays, la proposition de loi visant à « démocratiser le sport en France » comprend une disposition novatrice sur la lutte contre le piratage sportif.
Le piratage audiovisuel n’est pas une nouveauté. Voilà plus de 30 ans que les broadcasters jouent au chat et à la souris avec des pirates de plus en plus performants, organisés et créatifs.
L’éclatement récent des droits du foot en France n’a fait qu’accentuer un phénomène très ancien qui a été longtemps conservé par l’industrie comme un dirty little secret, au nom sans doute de la croyance que parler du piratage revenait à encourager sa recrudescence. La voie la plus commune empruntée par les pirates est aujourd’hui celle du live streaming illégal.
L’enjeu est considérable pour les acteurs du sport comme de la télé :
« Le manque à gagner généré par l’accès illicite à des retransmissions sportives se chiffre ainsi en centaines de millions d’euros » déclarait la Hadopi en décembre dernier.
Ces dernières en années, en Europe puis tout récemment en France, de voies nouvelles se sont ouvertes et les acteurs du sport et de la télé sportive ont entrepris des efforts aussi importants que les acteurs du cinéma pour trouver des solutions.
Les autorités des Etats membres de l’Union sont en train de prendre conscience de la nécessité d’outils spécifiques propres au piratage des retransmissions sportives dont la valeur tient au direct. On note ainsi une tendance très claire d’adoption croissante de solutions d’injonctions dynamiques pour des blocages temporaires et en temps réel (IP ou DNS).
La France est sur le point de rattraper son retard : les dispositions prévues dans la proposition des députés devraient permettre aux ayants droit et aux diffuseurs d’obtenir rapidement du juge une ordonnance de longue durée, rendant possible le blocage, le retrait ou le déréférencement des sites et serveurs pirates, avec l’aide de l’Hadopi, tiers de confiance dans l’application des décisions du juge.
L’ordonnance du juge est dite « dynamique », c’est-à-dire applicable aux sites clones ou « miroirs », sans que les titulaires des droits aient besoin de repasser devant le tribunal. La souplesse du dispositif permet d’envisager des réponses aussi performantes sur le direct sportif que celles qu’enregistrent des pays pionniers comme le Portugal ou le Royaume-Uni.
Au-delà de l’efficacité avérée de ce type de solution, un autre point intéressant de la mesure envisagée est qu’elle prévoit que l’ensemble des acteurs soient responsabilisés.
Du côté des ayants droit : ligues, fédérations et chaines de télé seront habilitées à notifier au juge les enfreintes à leurs droits qu’ils constateront;
Du côté des acteurs du numérique : la mesure envisagée est appelée à mettre aussi bien les fournisseurs d’accès que les moteurs de recherche, les plates-formes ou les hébergeurs devant leurs responsabilités : sur la base de la décision du juge, ils devront être en mesure de procéder sans délai (mais de façon temporaire, le temps des retransmissions) au blocage ou au déréférencement des sites ou contenus concernés.
Les semaines qui viennent diront si une lutte d’influence intervient au Parlement entre les multiples acteurs concernés par la disposition et si les promesses d’efficacité de celle-ci peuvent être maintenues.
On note toutefois que les derniers mois ont vu une « manifestation d’intérêt » croissante de la part des acteurs du numérique à l’égard des droits sportifs. Certains d’entre eux ont été jusqu’à présent tentés de fermer les yeux sur un piratage générateur de trafic et d’audience, mais on note aussi que certains autres leaders de la « Big Tech » ont décidé d’investir dans les droits sportifs.
On peut imaginer qu’un acteur comme Amazon, avec son double rôle de « plateforme systémique » et d’acquéreur de droits premium (une grande affiche quotidienne sur Prime Video lors du prochain tournoi de Roland Garros), aura mauvaise grâce à ne pas soutenir l’adoption d’un tel dispositif.
📆 Nouvelle session de Debrief du Wrap Up ce lundi 1er mars à 19h sur Clubhouse
Cliché 📷 : l’app Dispo est-elle le futur du partage de photo ?
C’était joué d’avance : avec le repositionnement d’Instagram sur la vidéo pour être la réponse de Facebook à l’émergence de Tiktok, il était à prévoir que de nouveaux venus souhaiteraient occuper la place.
L’application Dispo est l’un de ces prétendants mais à sa façon, toute vintage : Dispo reprend les codes des appareils photos jetables ! Les invitations sont encore rares et ses promoteurs espèrent une viralité similaire à celle de Clubhouse (l’appli était dans le top4 des classements d’apps vidéos et photos téléchargées aux US ). Le principe est relativement simple : vous prenez des photos sur votre téléphone, vous n’avez pas la possiblité de les visionner avant le lendemain 9h où elles sont partagées à votre réseau.
“When I used to go to parties with my friends, they would have disposable cameras all throughout the house, and they’d urge people to take pictures throughout the night,” said David Dobrik, a YouTube star and a founder of the app. “In the morning, they’d collect all the cameras and look back at the footage and be like, ‘What happened last night?’” (He used an expletive for emphasis.)
Ce skeuomorphisme1 (à placer dans les dîners en ville) est à l’initiative de David Dobrik un youtubeur/influenceur qui a commencé en juin 2019 à poster les clichés de la soirée précédente sur son compte instagram. Rapidement imité par une floppée d’instagramers stars et de followers, le jeune David a senti le mouvement de ras-le-bol des photos ultra léchées sur les réseaux et l’envie pour une nouvelle génération de revenir à plus d’imprévus et photos réalistes. Une des fonctionnalités qui semble créer de l’adhésion sont les filtres (appelés rouleaux comme à l’ancienne) collaboratifs.
Pour vous faire sentir, le caractère inflammable de toute nouvelle application mobile un tantinet social en ce moment, la société aurait levé 20 m$ cette semaine sur une base de valorisation de déjà 200 m$… bulle quand tu nous tiens.
Dézoomé 📷 : au delà de la Zoom-fatigue, que faire ?
"C'est un décalage qui se calcule peut-être en millisecondes. Mais c'est suffisant pour demander un effort supplémentaire au cerveau pour qu'il reconstruise la réalité."
Les voix se font de plus en plus insistantes pour dénoncer la Zoom-fatigue, cette conséquence de nos confinements à passer la journée en distanciel avec ses collègues, ses clients ou ses prospects.
France Info a un article très intéressant sur le KO cérébral que provoquent ces vidéo calls à répétition, compte tenu du surcroît d’attention qu’ils requièrent :
Absence de langage corporel au global ;
Concentration sur les autres signaux : les intonations ou les mimiques ;
Désynchronisation même légère entre les signaux visuels et la voix ;
Perte de qualité, blancs et malaise du silence en raison d’une mauvaise connexion;
Difficulté à observer la caméra (seulement 30% du temps) plutôt que l’écran où s’affiche le visage de l’interlocuteur ;
L’effet miroir : une trop concentration sur son apparence, ses postures liées au fait de se voir en permanence à l’écran ;
Nuisances des bruits parasites des autres occupants du logement ;
Gérer la multiplicité des visages qui s’affichent en damien dans une réunion à plusieurs ;
Multiplicité des espaces de dialogue : il y a la vidéo mais aussi le tchat qui défile, sans compter les notifications éventuelles (le cerveau se met alors en mode “d’attention partielle continue”);
L’ordinateur devient le seul canal de notre activité professionnelle.
Ils sont plusieurs à mettre en garde contre un violent retour de bâton de la part des salariés :
Comment se protéger : l’article suggère plusieurs recettes simples, de la variété des modes de communication (téléphone, visiocalls, emails), au fait de s’imposer des pauses virtuelles toutes les 20 minutes, ou encore pour compenser l’absence d’indicateurs non-verbaux : surjouer la voix, lever la main pour prendre la parole.
Paninisées 🃏: les cartes sportives “virtuelles” explosent
On a parlé la semaine dernière des NFTs, les non-fungible tokens, une sorte de chambre d’enregistrement dans la blockchain des “créations digitales artistiques”. En somme, il devient désormais possible d’identifier le propriétaire d’un bien virtuel.
Nous avions glosé sur le fait que des oeuvres d’art digitales pouvaient désormais être échangées et “pricées” du fait d’une détention unique (ou fragmentée mais limitée), traçable par la blockchain (pour plus d’infos, écoutez le fondateur d’ArtNome, Jason BAILEY, sur le remarquable podcast de Pierre de Montesquieu : Art Goes On, parler de “l’art généré”).
Cette semaine, deux informations ont attiré notre attention sur les cartes sportives (en France, les historiques Paninis, aux Etats-Unis, les cartes des sportifs de la NBA, de la MLB ou encore de la NFL) qui peuvent s’échanger pour plusieurs centaines de milliers d’euros.
Un nouveau cap est franchi avec ces deux news intéressantes sur la digitalisation du phénomène à grand renfort de NFTs :
La NBA a décidé l’an dernier, de packager les meilleures actions filmées de certains joueurs stars du championnat (un dunk, un contre, une passe décisive …) en une carte sportive virtuelle intitulée “Top Shot” et cette semaine un acquéreur vient d’acheter celle de Lebron James des Los Angeles Lakers pour 200 K$. On apprend que l’activité représente un volume d’affaires de 80 M$ en 2020, constitué par la vente de cartes à s’échanger à travers les packs aléatoires (comme en physique) et par les transactions d’échanges sur la plateforme.
La société française Sorare qui voulait justement marier le concept des cartes Panini à celui du fantasy football, vient d’annoncer une levée de fonds de 40 M€ auprès de VCs (Antoine Griezman et Gary Vaynurchuk y sont investisseurs) pour développer son offre aux Etats-Unis.
Lu 📙 : l’Anomalie d’Hervé Le Tellier
J'ai aimé l'Anomalie d'Hervé Le Tellier mais je comprends que les lecteurs réguliers de Goncourt aient été désarçonnés : bien que le livre relève d'indéniables qualités littéraires, le livre est une facétie, qui flirte, ce qui le rend intéressant à mes yeux, avec la science-fiction. L'auteur, participant régulier de l'émission de France Culture des Papous dans la Tête, est coutumier des jeux littéraires un brin cabot (auxquels je n'entends rien), on en trouve des traces à travers un des personnages, auteur de son état, Victor Miesel. Le Tellier est également l'auteur de la pièce de théâtre Le Dïner avec Winston (j’en parlais dans ce Wrap Up).
J'ai aimé suivre les personnages touchant d'humanité, de sensibilité à travers cette anomalie et j'ai apprécié les efforts de l'auteur pour rendre compte de la perplexité des responsables, des médias, des groupes religieux autour de l'expérience qu'ils subissent. Le livre aborde par d'autres voies, le sujet des métaverses et de la reconstitution d'univers parallèles saisissant de réalisme.
L'auteur embrasse la thèse, répandue, que si nous parvenons au degré présent d'illusion avec les moyens techniques qui sont actuellement les nôtres, qu'adviendra-t'il lorsque nous aurons d'ici quelques années, décennies démultiplier la capacité des processeurs et de nos technologies pour recréer des univers virtuels avec le degré de complexité de notre environnement. Et que se passerait-il si d'autres civilisations avaient déjà atteint ce degré d'avancement technologique ? et si notre monde n'était qu'une des expérimentations de cette intelligence supérieure ?
Quelques burritos 🌯 pour la route :
Le Génial Tube’n’Co de Rebecca Manzoni sur Georgia On My Mind de Ray Charles (France Inter)
Les chiffres clés de l’introduction en bourse à venir de Coinbase (Techcrunch)
Un podcast issu de l’émission de TV, Trust Nobody, génère 50 K$ par an sur Patreon ($) : les TVspectateurs qui laissent un pourboire peuvent enregistrer des messages sur un répondeur, dont les meilleurs sont lus à l’antenne par les participants au jeu de téléréalité.
La conférence de Spotify que nous annoncions la semaine dernière a eu lieu, en voici les principales annonces (hint : abonnement premium haute fidélité) (The Verge)
Quand les médias se lancent dans la formation : le site TheSkimm lance un programme de formation aux rudiments de la finance de marché "SkimmU". C’est un vrai champ d’opportunité qui s’ouvre pour les médias d’aller investir la formation online sur lesquelles les marques médias sont légitimes. (pour mémoire, My Little Paris avait de son côté lancé deux écoles : The School of Life sur les soft skills et Traverses sur la créativité).
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Merci, j'ai appris le terme skeuomorphisme... et d'autres trucs :-)