Le Wrap Up de la semaine où Ruth Bader Ginsburg est décédée (semaine du 21 septembre 2020)
5 bullet points : médias, tech, société
L’intitulé de ce Wrap Up pourra vous surprendre mais le décès de la juge de la Cour Suprême et la décision de la remplacer avant l’élection présidentielle de novembre par Amy Coney Barrett, une juge à la sensibilité républicaine, connue pour ses positions anti-avortement pourrait bien changer la face de la démocratie américain, et à ce titre cela méritait bien d’y mettre le projecteur et cette belle couverture du New Yorker :
Sans transition le programme de la semaine :
Snacké 🥨 : le divertissement sur mobile suit des règles différentes ?
Auditée 🔍 : l'évolution des médias à 5 ans selon PwC
Inculquée 🙋 : l'éducation au long de la vie ?
Justifié ⚖️ : avoir raison avec John Rawls
Théâtre 🎭 : on dîne avec Winston
Snacké 🥨 : le divertissement sur mobile suit des règles différentes ?
Un long papier de l'ancien CPO de Tinder, actuellement Executive in Residence au sein du programme Reforge, Ravi MEHTA, qui tente de théoriser les raisons du succès de Tiktok et de l'échec de Quibi (le projet de Meg Whitamn, ancienne CEO d'HP et de Jeffrey Katzenberg, mais si le K Dreamworks SKG (les autres étaient Spielberg et Geffen)) qui a tenté de proposer une offre qui reposait sur des contenus de qualité, de courte durée et sur mobile.
Au delà de l'assassine analyse de Prof Scott Galloway "To my knowledge, there’s never been a successful media-tech firm founded by people in their sixties.", l'échec de Quibi tiendrait à la nature même du "contenu snackable" en français, c'est à dire des contenus short-form toujours en bon français : les tweets, les videos youtube, les GIFs (pour le débat sur la prononciation c'est ici), feu les Vines, les jeux “Hyper Casual” surtout en l'espèce les TikToks (pas sûr que ce soit déjà substantivé en français).
Selon l'auteur du papier, les snacks ne sont pas viraux parce qu'ils sont de qualité ou drôles mais parce qu'ils sont PAR-TA-GEA-BLES, affirmant que la caractéristique prééminente du mobile n'est pas sa taille ou sa portabilité, mais bel et bien sa connectivité.
Il va plus loin : reléguant Hollywood à un succès qui reposait uniquement sur la valeur de la production/du contenu, il argue que les formes actuelles de divertissement prospèrent en raison de l'évolution du médium : les écrans d'alors n'étaient pas interactifs et connectés, le snacking prospère lui car la dimension sociale est venue augmenter cette seule (et basique) dimension qu'est la qualité du contenu.
Pour Ravi Mehta, Quibi est un échec pour ne pas avoir pris en cause la dimension éminément sociale de l'écran mobile. A l'inverse, Tiktok est un média construit pour le social :
Tous les créateurs sont sur un pied d'égalité : ils ont dans l'algorithme la même exposition initiale (environ une centaine de vues ensuite la viralité joue son rôle). Jusqu'à une date récente, les contenus devaient nécessairement être produits au sein de l'app, réduisant le fossé qui existe ailleurs (par ex Youtube) entre amateurs et professionnels de la vidéo.
Les fonctionnalités de partage avec ses amis, de commentaires ou de republications sont très intuitives (pour peu que vous ayiez déjà quelques amis sur Tiktok!). La fameuse boucle vidéo fonctionnant d'ailleurs comme une vidéo de fond qui vous laisse le temps de décider le type d'interaction que vous voulez créer à partir de cette vidéo.
Enfin, Tiktok encourage clairement l'imitation avec les hashtag challenges qui sont au coeur de l'expérience et de la production de contenus pour les adolescents.
Là où l'on peut se permettre de diverger de l’avis de l'auteur, c'est :
de ne pas pondérer ces deux critères (qualité vs. capacité de partage) et de clairement sous-estimer ce premier. Toute l’histoire de l’industrie du divertissement repose sur la capacité des créateurs à inventer, débusquer ce qui meut le public, et pour l’instant toute tentative de reproduire et circonscrire ce talent s’est trouvé un peu vaine.
de livrer une analyse uniforme des envies et des besoins sur les réseaux sociaux pour toutes les différentes classes d'âge : les publics âgés sont structuellement plus avares de leur temps que de leur argent, ce qui explique en grande partie que Tiktok fonctionne sur les tranches d'âge les plus jeunes, mais ne répond pas tout à fait à la demande d'un seuil minimum de qualité ;
Le "good enough" fonctionne en effet mieux avec un public communautaire (entendre : entre jeunes qui cherchent des contenus exclusifs de leur génération, sans parler de l'effet d'imitation entre pré-ados et ados), dotés de peu de budget, de beaucoup de temps... C'est ce qu'illustre la stat (US) qui dit que les utilisateurs passeraient 80 minutes sur Tiktok par jour à consommer (et recommencer) ces vidéos de 15-30 secondes.
Pour lire l'analyse complète sur l'Entertainment Value Curve
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Auditée 🔍 : l'évolution des médias à 5 ans selon PwC
La prévision est un art difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir, disait Pierre Dac.
Comme chaque année, le cabinet PwC se livre à un exercice de synthèse difficile et donc périlleux. Comment dépeindre un secteur médias / loisirs dans un horizon de temps de 5 ans (le spectacle ne semble visiblement pas rentré dans les chiffres compilés par Price) alors qu'on ne sait pas vraiment comment il finira l'année...
Ne soyons pas bégueules, les plans sont inutiles, la planification comme exercice intellectuel est indispensable.
Ainsi donc on retiendra 3 tendances dans l'épure tracée par PwC:
Au global, le secteur des médias et des loisirs devrait baisser de 8,4% d'ici 2024 (en taux de croissance annuel moyen).
Le cinéma ne devrait pas retrouver son niveau de 2019 avant 2025...
La presse n'en finit pas de couler avec une tendance à -14% tirée vers le bas par les magazines (les journaux avaient déjà bien creusés cette tendance): bonne nouvelle, en 2024 les montants investis dans la pub digitale pour ce secteur dépassera la pub du papier.
Lire l'extract de l'étude de PwC dans CB News
Inculquée 🙋 : l'éducation au long de la vie ?
Photo by Joseph Chan on Unsplash
Nous évoquions la semaine dernière l'application Clind qui se positionne sur l'apprentissage tout au long de la vie. Pour aller plus loin, je vous recommande la lecture de la newsletter de Marie Dollé (de la BPI) qui fait un remarquable travail de veille sur les sujets tendances.
Cette semaine elle débusque toute une série de start-ups et de services digitaux dans la veine de l’apprentiss, parmi les services les plus innovants, nous en avons retenu 3 :
Prodeus : qui vous recommande et valide des vidéos éducationnelles sur Youtube. A l'issue du curriculum (son plugin s'assure que vous avez bien suivi les vidéos), la startup vous décerne un certificat d'aptitude sur les matières suivies.
le bien connu Kahoot qui est en passe de devenir un des leaders mondiaux du quizz. Partenariat intéressant avec Marvel Entertainment pour enseigner les sciences autour des personnages de la masterfranchise de Disney (contre du capital?)
Arist : la startup mise sur le micro-apprenstissage par SMS. Vous recevez vos leçons par SMS sur une période longue. C'est notamment utilisé pour l'onboarding des nouvelles recrues pour les acclimater à une culture d'entreprise. Chaque jour, un nouvel aspect de la société qu'ils ont rejoint. La mémorisation semble au rdv de ce savoir distillé à petites doses sur ce média singulier.
Signalons au passage, le très lucratif Masterclass qui a constitué avec 85 star-experts reconnus mondialement (payé 100 K$ par cours et qui recueille ensuite 30% des fees d’inscription à leur classe) une bibliothèque vidéo de cours digne du bestof des TedX.
Pour en savoir plus sur ce segment des Edtechs et découvrir d’autres services de ce genre, lire la newsletter de Marie Dollé
Justifié ⚖️ : avoir raison avec John Rawls
Photo by Tingey Injury Law Firm on Unsplash
Si l'on vous demande qui est le philosophe politique qui a fait couler le plus d'encre au XXème siècle, vous hésiterez possiblement entre Sartre, Heidegger ou encore Hanna Arendt ... Sachez que c'est John Rawls qui publié son oeuvre la plus célèbre la Théorie de Justice (sociale) en 1971 qui a été le plus lu et le plus commenté de tout le siècle dernier.
Mal connu en France car vite étiqueté social-démocrate à une époque où ce terme équivalait à social-traitre dans le débat public en France (cf le Wrap Up de la semaine passée sur Le Débat), John Rawls a su dans la tradition de la philosophie politique anglo-saxonne, tracer une nouvelle voie entre l'utilitarisme hérité de Bentham et le “welfarisme” du rapport Beveridge de 1945.
Brice Couturier qui officie sur France Culture, a sorti l’été dernier, 5 épisodes de 30 minutes sur sa pensée et son oeuvre dans la série "Avoir raison avec ..."
Un peu hardu (je n'en suis qu'à l'épisode 2!), la plus connue de ses pensées dans la Théorie de Justice porte sur le "voile d'ignorance" : invitant les lecteurs à choisir un système politique et économique qui permette, sans connaître à l'avance votre famille de naissance et votre niveau de vie primordial, d'obtenir un optimum de justice sociale (le Maximin : le maximum pour ceux qui ont le moins).
Ecouter la série Avoir Raison avec John Rawls sur France Culture
Théâtre 🎭 : on dîne avec Winston
Le weekend dernier, j'ai eu la chance de voir au théâtre la dernière du Dîner avec Winston, écrit par Hervé Le Tellier et interprété avec ses tripes par Gilles Cohen, que vous connaissez peut-être mieux dans son rôle de Moule à Gaufre dans la série Le Bureau des Légendes.
Aller au théâtre en ce moment ? les conditions sont certes compliquées, mais pas impossibles et je dois vous avouer que ça fait un bien fou, on a l'impression de salles qui sont dans une démarche militante, qui applaudissent à tout rompre les comédiens et exagèrent les rappels pour ne pas se quitter.
Le thème de la pièce pourrait être résumé par le soutien moral que reçoit le personnage de Charles dans sa vie quotidienne (le chômage, la séparation avec sa femme Solange) grâce à l'écoute des grands discours de Winston Churchill, mort il y a 54 ans.
La pièce est l'occasion de revenir sur ces grands discours qui empruntent souvent à la verve shakespearienne et qui incarnent mieux que personne l'esprit de résistance de la nation britannique, lorsque le Vieux Lion accède au 10 Downing Street à l'âge déjà vénérable de 70 ans, en 1940...
Guettez la reprise de cette pièce dans lequel l'interprète principal fait vibrer une corde toute personnelle.
Pour conclure : un petit extrait d'un autre discours du 18 juin 1940 : “This was their finest hour”.
Ce que le général Weygand a appelé la bataille de France est terminé. Je suppose que la bataille d’Angleterre est sur le point de commencer. De cette bataille dépend la survie de la civilisation chrétienne. Notre existence britannique en dépend, ainsi que la longue continuité de nos institutions et de notre Empire.
Toute la fureur, toute la puissance de l’ennemi va bientôt se déchaîner contre nous. Hitler sait qu’il devra nous briser sur cette île ou qu’il perdra la guerre. Si nous parvenons à lui résister, toute l’Europe pourra être libre, et la vie du monde progresser vers de hautes et vastes terres baignées de soleil.
Mais si nous échouons, alors le monde entier, y compris les États-Unis, y compris tout ce que nous avons connu et aimé, sombrera dans les abîmes d’un nouvel âge des ténèbres rendu encore plus sinistre, et peut-être plus durable, par les lumières d’une science pervertie.
Aussi, préparons nous à accomplir notre devoir et à nous conduire de telle sorte que, si l’Empire britannique et son Commonwealth durent mille ans, les hommes diront encore : "Ce fut leur plus belle heure."
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