Le Wrap Up de la semaine de l'attaque terroriste du Hamas en Israël (semaine du 2 octobre 2023)
5 bullet points sur l'actualité tech media de la semaine écoulée
Au sommaire de cette semaine :
Démobilisée 📱 : l’IA générative aura-t-elle son propre appareil ?
Illusionné 🪄 : la streamflation masque la segmentation du streaming vidéo
⌛️ temps de lecture : 7 min 20 sec
Cinemascopés 🎞️ : les méga-concerts cartonnent au cinéma
⌛️ : 1 min 50 sec
Beyoncé s'apprête à faire un carton au cinéma en lançant "Renaissance: A Film", un film consacré à sa tournée mondiale "Renaissance World Tour". Le film sortira dans les cinémas US le 1er décembre. Non contente de régner sur le monde de la musique, Queen B étend son empire artistique au septième art, emboîtant le pas à une l’autre femme superstar de la musique, Taylor Swift, dont les préventes ciné avaient là aussi explosé : elles ont marqué le record mondial de préréservation en une journée, soit 26 M$…
Le choix de distribution pour Beyoncé est particulièrement intéressant : AMC Entertainment sera le distributeur du film de Beyoncé (également distribué dans les cinémas qui ne font pas partie de son réseau de salles). Les billets pour le film coûteront 22 dollars1 pour des séances standards et davantage pour des séances premium comme l'IMAX.
La même société sert également de distributeur pour le film de concert de Taylor Swift, "The Eras Tour".
Mais ce qui frappe le plus, c'est la manière dont ces deux icônes ont contourné le système de studios traditionnels. En négociant directement avec AMC, elles ont démontré leur pouvoir de négociation et leur influence, pas seulement dans l'industrie de la musique.
Pourquoi cela compte ? C'est un indicateur puissant de l'évolution du paysage médiatique et économique. Alors que les géants du divertissement traditionnels luttent pour garder leur pertinence, les (méga) artistes eux-mêmes deviennent elles-mêmes des centres de pouvoir économique et créatif, capables de catalyser un boom économique (voir le Wrap Up sur la Swift economy).
Ces films de tournée, bien plus que de simples enregistrements de concerts, sont le reflet de la transformation en cours dans l'industrie du divertissement : une intégration verticale où les artistes ne sont pas seulement les interprètes, mais aussi les producteurs et distributeurs de leur propre contenu. Ils permettent en outre d’aller chercher des publics qui ne viendraient pas spontanément au concert mais qui voudraient tout de même partager avec leurs enfants les performances des icônes de la pop culture.
En somme, si ce n'était pas déjà évident, Taylor Swift et Beyoncé ne sont pas seulement des artistes ; elles sont des phénomènes culturels et économiques à part entière. Et si quelqu'un en doutait encore, elles sont en train de prendre le contrôle non seulement de la scène musicale mondiale, mais aussi du grand écran.
Et en France ?
On ignore si ce film de Beyoncé sera distribué dans les salles en France, compte tenu de l’engouement français pour la chanteuse, il ne serait pas absurde de mettre en place cette distribution (Taylor Swift l’a déjà fait!).
Chez nous, les cinémas avaient depuis longtemps démarré une programmation artistique exigence pour améliorer le taux d’utilisation des salles obscures, avec les live du Metropolitan Opera ou encore des représentations de la Comédie Franaçaise.
Le coup le plus marquant de la rentrée en France reste la diffusion simultanée dans 400 cinémas en France le 28 septembre dernier d’un concert de décembre 2022 (avec la présence surprise de l’artiste dans sa propre ville de Caen).
Démobilisée📱 : l’IA générative aura-t-elle son propre appareil ?
⌛️ : 1 min 40 sec
L'ère des écrans est-elle sur le point de s'achever ? C’est le sens de l’article de The Economist qui relève les preuves qui le suggèrent.
Mark Zuckerberg, en présentant récemment la Quest 3, le casque de réalité virtuelle (VR) de Meta, a également annoncé le lancement de lunettes intelligentes en collaboration avec Ray-Ban (voir le Wrap Up de la semaine dernière).
Ces lunettes intégreront un assistant virtuel basé sur de l'intelligence artificielle, capable de voir, d'entendre et de répondre aux questions des utilisateurs. Cette annonce prend du poids quand on sait qu'OpenAI a également révélé que ChatGPT, son célèbre chatbot, pouvait désormais voir (“lire” des images), entendre (caractériser des sons) et parler (synthèse vocale).
OpenAI serait par ailleurs en discussion avec Sir Jony Ives, l’ancien designer star d'Apple, pour créer un appareil adapté pour l'ère de l'IA :
What form it will take is still unclear. But if the idea is to build a new consumer-electronics device better suited to the back-and-forth of seeing, talking and listening AIs, there is a fair chance it will no longer be reliant on the touchscreen.
Ces annonces esquissent un monde où le smartphone pourrait bientôt être remplacé par de nouveaux types de dispositifs, mieux adaptés aux interactions avec les IAs. Le fait de pouvoir parler et écouter les chatbots rend les lunettes intelligentes et les casques VR "beaucoup plus convaincants", selon Ben Thompson de Stratechery.
And yet Gen AI has so dramatically accelerated the use case for smart glasses, Mr Zuckerberg told another interviewer, that there is now “no question” they will be the bigger of the two markets. He likens ar specs to mobile phones and vr headsets to desktops. In both cases he appears to hope they will transcend screens, which he says inhabit “a completely different plane from our physical lives”.
Rendant grâce pour une fois à Mark Zuckerberg d’avoir investi énormément dans la VR et la réalité augmentée (AR)2 très tôt malgré les réticences des investisseurs.
Il faut raison garder : pour l'instant, les applis de Meta continuent de reposer sur les milliards de visites mensuelles faites sur smartphone, la dépense demeure très forte.
Le business modèle n’apparaît pas encore très clair : la monétisation des chatbots tout-puissants prendra également du temps. Par ailleurs, comme toujours, des préoccupations de sécurité doivent être soulignées, notamment en raison du potentiel d’isolation qu’une technologie immersive reposant sur de l’IA pourrait avoir !
Mais surgit tout de même cette idée que la toute puissance du smartphone pourrait décroite, et peut être avec elle le leadership d’Apple, ça n’est donc pas peut être une surprise si Apple s’est lancé dans le “spatial computing”, ça ne coûte rien de prendre les devants...
Illusionné 🪄 : la streamflation masque la segmentation du streaming vidéo
⌛️ : 49 sec
Philippe Bailly (dans son Digital Transformation Notepad) relève la floraison du terme Streamflation (après le succès de la shrinkflation3) pour décrire la hausse régulière des forfaits de streaming vidéo en France et dans le monde.
Néanmoins, il souligne que c’est un leurre et qui ce qui est en jeu ici c'est une stratégie de segmentation des offres :
Disney+ proposera bientôt trois forfaits au lieu d'un,
Prime Video de deux au lieu d'un,
et Netflix pourrait en éliminer un, tout en en maintenant quatre.
Les éditeurs vont ainsi pouvoir d’une part aller conquérir des cibles plus sensibles au prix, et faire exploser leur inventaire vidéo “pubable”4, en restant néanmoins très loin des standards de la TV traditionnelle :
Le tout avec des niveaux de charge publicitaire – pas plus de 5 minutes – deux à trois fois inférieurs à ceux qui prévalent dans l’univers de la TV.
Cette nouvelle donne pourrait également faire évoluer la rémunération des distributeurs, car rémunérés sur le prix de vente de l’abonnement, ils sont de facto perdants à cette valeur faciale de l’abonnement en baisse.
Les lignes bougent : les distributeurs pourraient être aussi intéressés sur les ventes publicitaires des streamers, ils ont bien déjà une quote-part d’inventaire disponible sur les offres de TV segmentée des chaînes commerciales…
Conservatrice 👴🏻 : le refus de la fusion TF1 M6 critiquée
⌛️ : 1 min 38 sec
Retour sur la question du rôle de la régulation dans le paysage médiatique français. Cette tribune d'experts dans les Echos pointe du doigt le frein que représente la régulation sectorielle en France, surtout dans un contexte de prédominance des géants mondiaux comme Netflix.
Aujourd'hui, les offres de streaming financées par la publicité représentent déjà plus d'un tiers du temps d'antenne aux Etats-Unis.
Netflix était lancé dans une expansion agressive, mordant même sur le marché publicitaire local avec ses nouveaux forfaits à prix cassé. Ce forfait hybride devrait, selon eux, générer plus de 500 M$ en 2023. Ainsi, pendant que le streaming financé par la publicité fait son chemin aux États-Unis, en France, l'Autorité de la concurrence bloque le projet de fusion entre M6 et TF1. Motif ? Cela créerait un "acteur ultra-dominant" dans un marché déjà assez concentré.
Le hic, c'est que cette décision semble négliger la transformation radicale que subit l'industrie. Selon l'Arcom, le temps d'écoute de la télévision traditionnelle chute, surtout chez les moins de 50 ans, la cible de choix pour les annonceurs. Plus grave encore, les chaînes françaises sont reléguées au second plan sur les télécommandes, supplantées par des plateformes mondiales (YouTube en tête).
Côté contenu, les plateformes n'ont pas chômé. Entre Roland Garros et la Ligue 1, elles dépensent des sommes astronomiques pour capter les droits qui autrefois faisaient les belles heures des chaînes gratuites. Les YouTube, Instagram, ou TikTok viennent aussi mordre sur le marché pub TV, offrant des alternatives d’une autre forme, mais sans doute plus sexy ou innovant pour les annonceurs.
En somme, la régulation française à trop regarder les chiffres historiques, peine à saisir les enjeux futurs et le raz-de-marée numérique en cours : une "compréhension trop restrictive des dynamiques concurrentielles", comme le disent les auteurs, appelle à une révision urgente des outils et méthodes de régulation.
Dans une économie qui se transforme aussi vite et à l'échelle mondiale, l'analyse de l'état passé du marché a toutes les chances de se révéler trompeuse, surtout si les tendances les plus récentes, en France et ailleurs, sont sous-estimées ou ignorées.
Que l'on soit pour ou contre une régulation conservatrice, le fait est que celle-ci semble aujourd'hui déconnectée de la réalité du marché, laissant les acteurs français dans une position de plus en plus précaire. Un décalage à méditer, surtout si l'on espère voir subsister un champion français d’importance pour donner une tonalité locale différente de la vision du monde des géants du numérique, il s’agit presque d’un enjeu d’identité nationale.
Désorientée 🤪 : l’Opéra de Quat’Sous à la Comédie Française
⌛️ : 47 sec
Samedi soir, c’était ma pièce de rentrée à la Comédie Française. Thomas Ostermeier (à qui l’on doit un contestable Tartuffe lors de l’année Molière) s’est penché sur cette oeuvre fort connue5 de Bertol Brecht (avant sa conversion au Marxisme artistique) pour en tirer cette guillerette (et longue!) opérette.
Les acteurs du Français (notamment Christian Hecq dont les bouffoneries sont toujours un régal, l’élégant Birane Ba en Mack la Lame, mais aussi de superbes sopranos : Claïna Clavardon et Marie Oppert) sauvent la mise avant qu’on ait le temps de juger du fond de la pièce, légèrement foutraque, donc on n’est pas sûr qu’elle mène quelque part, si ça n’est de proclamer la supériorité de l’art sur la réalité.
Ostermeier décide de sortir des canons qui situent la pièce dans les bas fonds de Londres au XIXème, pour la placer dans les années 30 au même endroit, cependant les références graphiques montrent plutôt l’époque de la première mise en scène de la pièce (1928).
Il en reste un spectacle réjouissant plein de nouveautés qui surprendront les non avertis, même si la longueur est très préjudiciable (plus de 3 heures).
Allez y pour vous faire une idée .
A titre de comparaison, le prix moyen d’un billet de cinéma US était un peu de moins de $10 en 2021.
même si pour les lunettes, reconnaissons une fois encore que l’inspiration semble prise chez Snapchat avec ses Spectacles.
Procédé des industriels de l’agroalimentaire de réduire les portions sans changer le prix, rendant l’inflation moins perceptible par le consommateur.
non sans risque déflationniste, lire cet autre billet de P. Bailly sur le sujet.
la culture populaire aura surtout retenu la chanson de Mackie portée par la variet française dans les années 50, reprise par Sinatra avec son entêtant Mack the Knife.