Le Wrap Up de la semaine où le président d'Haïti, Jovenel Moïse, a été assassiné (semaine du 5 juillet 2021)
5 bullet points média tech avec une pointe de culture
J’avais hésité à parler à titrer la semaine sur la victoire de l’Italie aux tirs au but, mais je me suis fait la réflexion qu’on aurait déjà sans doute une saturation médiatique par les hommes de Roberto Mancini, alors la mort du dirigeant du plus pauvre pays de l’hémisphère nord dans des circonstances qu’on imagine tragique, ferait sans doute moins de bruit…
Au sommaire cette semaine sur l’actualité, moins sinistre, de la tech, des médias :
Enhardi 🤩 : Spotify se GAFAise ?
Modéré 💁♂️ : Le Globe & Mail construit un paywall intelligent
Auditionné 👨🎤 : Tiktok tente les candidatures vidéo sur sa plateforme pour les entreprises
Babylonien 🗯️ : Duolingo entre en bourse
Spéculée 💜 : l’invention du violet
Enhardi 🤩 : Spotify se GAFAise ?
Dans notre série désormais quasi-hebdomadaire “toutes les plates-formes se ressemblent”, cette semaine nous revenons à l’appui d’un épisode du podcast Le Super Daily, sur les dernières évolutions de Spotify qui tend de plus en plus vers la transformation de sa plateforme de streaming en un “réseau social” plein et entier, avec une pléiade de nouveaux services pour y parvenir.
Avec 345 M d’utilisateurs dans le monde, Spotify distance désormais la plupart de ses concurrents (Avec 155 M d’abonnés payants devant Apple Music à 80m d’abonnés payants). Malgré de nombreuses déclarations sur sa volonté de se concentrer sur les créateurs et les podcasts, il ressort que donner des outils aux créateurs permet également d’accroître le terrain de jeu de la plateforme qui emprunte aux autres GAFA certaines de leurs tactiques.
Petit inventaire des dernières initiatives :
1. Maximiser les prises de parole sur les autres réseaux sociaux “historiques” comme n’importe quelle nouvelle plateforme sociale :
C’est désormais un hit annuel que de résumer l’année des abonnés sur Spotify en termes d’infographie sur les habitudes de consommation de chacun de ses abonnés et de leur permettre ainsi de diffuser sur les réseaux, ce “Wrapped” de l’année, trending topic garanti.
Par ailleurs, Spotify est très actif sur les différentes plates-formes :
32 pages Facebook
12 comptes Twitter
6 comptes Instagram dont SpotifyFrance
Des vidéos YouTube pour pousser leurs playlists
Les fameuses vidéos autogérées wrapped.
C’est d’ailleurs avec Facebook que le géant suédois fait un pas de deux : il vient de développer un miniplayer appelé Boombox qui permet d’embarquer sa musique de Spotify dans le site de Facebook et de la piloter sans quitter ce dernier site. On se souvient qu’historiquement, Spotify avait été un des premiers à interconnecter son service à plateforme de Mark Zuckerberg, elle avait gagné ainsi une très forte exposition sur les newsfeeds.
2. Faire ses premiers pas timides dans le hardware comme Apple :
En avril dernier, le lancement d’un lecteur pour la voiture (Car Thing) avec la fonctionnalité '“Hey Spotify” pour lancer le mécanisme de reconnaissance vocale (comme pour “Dis Siri” ou “Ok Google”) pour piloter l’appareil et la musique qu’il diffusse sans quitter la route des yeux.
3. “Storyfication” de la musique comme Snap, Instagram et Tiktok :
Jusqu’à présent Spotify avait joué à fond la carte de la diffusion de “ses” contenus sur les platesformes sociales des autres avec de belles intégrations dans Instagram ou encore Tiktok.
Désormais la société au rond vert (je suis à bout de périphrase) permet à ses utilisateurs de “teaser” sur les morceaux de musique à l’intérieur de l’app :
Pendant la lecture en plein écran d’un morceau, une alerte POP sous le lecteur pour nous indiquer que du contenu additionnel est accessible.
A ce moment là, un bloc image à la manière d’un carrousel en 4/5 apparait, toujours sous le lecteur, et nous offre la possibilité de faire défiler des textes et images à en “swipant” de gauche à droite comme pour les Stories.
Spotify pourra donc proposer ainsi aux abonnés la possibilité d’offrir du contenu inédit et attractif au delà la simple musique (des vidéos behind the scenes, des messages de l’artistes, des paroles expliquées, …).
Les caractéristiques de la campagne « Il n’y a que vous » (OnlyYou) lancée par Spotify en juin permet d’imaginer ce qu’on peut faire au delà de la musique avec de la musique, en termes d’animation marketing :
Un “thème astral” dédié à la musique composé de 3 éléments :
l’artiste le plus écouté par l’utilisateur au cours des six derniers mois qui représente “le Soleil”;
un artiste qui incarne le mieux son état émotionnel du moment pour “la Lune” ;
et un artiste récemment découvert pour “l’ascendant” ;
(pour les férus de NFTs: on a là l’esquisse de ce qu’une “carte” spotify pourrait être)
Un dîner de rêve avec 3 artistes préférés par l’utilisateur. Spotify crée alors un Spotify Mix personnalisé pour chaque artiste pour animer un dîner avec une ambiance unique;
Des paires d’artistes insolites en fonction des dernières écoutes et incarnant l’éventail des goûts musicaux de chaque utilisateur;
L’année en chanson dévoile chronologiquement comment les utilisateurs ont musicalement voyagé à travers différentes périodes;
“DayPart”: pour découvrir les contenus les plus écoutés tôt le matin ou tard le soir;
4. Etendre les interactions entre les membres avec Blend comme Watch Together de Facebook :
Actuellement en version bêta et testé uniquement aux Etats-Unis, Blend est une nouvelle façon pour deux amis de fusionner leurs goûts musicaux dans une playlist organisée spécialement pour eux, ce qui permet aux utilisateurs de se connecter, de découvrir et de partager encore plus facilement la musique qu’ils aiment les uns avec les autres, voire d’écouter en même temps.
Le mix sera mis à jour quotidiennement. Il suffit d’inviter un ami à se connecter, tant qu’il a un forfait Spotify gratuit ou Premium, et Blend évoluera avec chaque utilisateur au fil du temps en fonction de l’évolution de son écoute.
Blend, Spotify Stories ou encore Boombox autant de signes d’une volonté de présence accrue de la part de Spotify dans la vie de ses utilisateurs, pour le meilleur avec des fonctionnalités autour de la musique, et pour le pire pour notre attention déjà sur-sollicitée.
Modéré 💁♂️ : Le Globe & Mail construit un paywall intelligent
C’est le Nieman Lab qui suit les évolutions de la presse en ligne, qui souligne cette initiative intéressante : le journal canadien, le Globe & Mail a mis en place un paywall1 en fonction du profil du visiteur.
Fini le one-size-fits-all où chacun butait inévitablement sur la proposition de s’abonner pour lire le contenu d’articles réservés aux abonnés.
Désormais, le journal automatisera avec sa technologie SOPHI, son paywall en fonction de la propension du consommateur à convertir, mais également les articles rendus gratuits sur les réseaux sociaux, au regard notamment du potentiel publicitaire de certaines rubriques (comme les annonces auto ou les rubriques Votre Argent).
A reader who reads mostly general news and recipes might be less likely to subscribe than one reading a lot of business-related content. Still, Sophi might present this general news reader with a paywall. If they don’t reach for their wallet, the model wouldn’t hit them with the same message again and again. Instead, Sophi might pivot, and try asking the reader to register with an email instead.
Le Globe & Mail prétend avoir vu le nombre de collecte des emails doubler depuis l’entrée en vigueur de cette technologie, les conversions payantes auraient progressé de 51%, au total ce serait près de 170K abonnés digitaux qui auraient été conquis.
Par ailleurs, ce modèle accroîtrait la répétition des visites sur le site et l’engagement pour les utilisateurs inscrits. Qu’on se rassure, c’est toujours la rédaction qui a le dernier mot et qui peut décider de contredire la recommandation de l’algorithme, bien que les équipes data représentent environ 10% des effectifs du journal.
Auditionné 👨🎤 : Tiktok tente les candidatures vidéo sur sa plateforme pour les entreprises
Tiktok vient de dérouler une nouvelle fonctionnalité sur son application : la possibilité de candidater à des annonces employeurs par l’usage de la vidéo enregistrée nativement dans l’app.
Les entreprises participant à l’initiative ne sont pas des inconnus mais Target, Chipotle, Shopify, Meredith, NASCAR ou encore WWE. Les candidatures seront détectées à travers le hasghtag #CareerTok et le site internet créé pour l’occasion tiktokresumes.com.
Pour l’instant, les jobs proposés semblent être en grande partie des petits boulots saisonniers, les quelques emplois plus qualifiés concernent des emplois plus en adéquation avec les qualités requises d’un bon utilisateur de Tiktok (recrutement pour des social medias notamment).
Linkedin n’est pas encore au point de se faire détrôner…
Babylonien 🗯️ : Duolingo entre en bourse
C’est l’excellente newsletter Edtech Capital qui revient sur l’introduction en bourse de l’américain Duolingo, un des leaders de l’apprentissage des langues en ligne, dont l’un des deux fondateurs est également celui du CAPTCHA2 .
Pour stimuler ses 40 millions d’utilisateurs actifs mensuels, Duolingo mise sur une gamification de l’apprentissage des langues, fondée sur un système de points “XP” (expérience) et de récompenses virtuelles.
Les sources de revenus de l’application repose sur trois piliers :
Des publicités courtes à la fin de chaque leçon de langue;
Un abonnement “Duolingo Plus” : supprimer les publicités sur la plateforme, et de télécharger des leçons pour un usage offline. (14 premiers jours gratuits) - 73% du CA avec une part de l’abonnement annuel toujours plus importante avec près de 71% des abonnements (vs. encore 47% il y a deux ans); les abonnés représentent une part toujours plus importantes des MAUs3 avec désormais 5% de convertis;
Duolingo English Test : Duolingo propose à ses utilisateurs une certification de niveau d’anglais sous forme de test à distance pour 49$, qui serait reconnue par de grandes universités comme Yale ou Columbia. En 2020, ce sont près de 340 000 étudiants qui ont déboursés cette somme, devant progressivement un concurrent au TOIC ou au TOEFL4;
L’accélération de la croissance de Duolingo (+129% de CA cette année à 162 M$) repose en grande partie sur l’effet de roue libre (une base de coûts fixes importante) et sur l’augmentation des dépenses marketing (désormais 36% ! du CA) pour accélérer la vitesse de rotation de la fameuse roue…
Très fortement imprégné par la mission éducative qu’elle s’est assignée5 souvent en contradiction avec la logique dont se prévalent ses actionnaires fonds d’investissement, la société a continué d’afficher des pertes importantes (en 4 et 10 M$ par trimestre pour un CA qui vient de dépasser les 50 M$), tout en promettant un chemin vertueux qui repose sur deux cercles vertueux :
celui de la croissance des datas permettant d‘affiner l’efficacité des produits;
et celui de la croissance des abonnés qui permet d’accroître les dépenses de marketing et de R&D qui améliorent le produit.
Le marché semble cependant plutôt bien accepté la situation car il valorise la société à près de 2,4 Md$.
Le culte de l’éducation accessible pour tous est suffisamment rare dans les sociétés de l’écosystème tech qu’il mérite qu’on s’y attarde et qu’on célèbre aussi cet acteur un peu à part.
Spéculée 💜 : l’invention du violet
Un chercheur et artiste américano-russe, Allan TAGER, s’est trouvé un violon d’Ingrès : après avoir passé près de 150 000 oeuvres en revue à l’aide d’une palette de couleurs et d’un scanner électronique, il arrive à cette surprenante conclusion : avant le milieu du XIXème siècle, seuls 4% des tableaux contenaient la couleur violette. Après, cette présence s’accélérera avec les Impressionnistes français pour culminer au milieu du XXème siècle avec 48% des tableaux qui contiennent du violet.
Il s’interroge doctement sur les raisons de cette évolution et sur cette fascinante question : pourquoi avoir attendu le XIXème siècle pour voir partout la couleur violette ?
Après avoir écarté la question des procédés de fabrication du violet6, la première piste l’emmène sur les traces du chimiste français, Michel-Eugène CHEVREUL qui avec sa théorie des contrastes simultanés (ou de la synthèse chromatique déjà évoqué à l’occasion de l’expo Signac) et en fait l’initiateur de ce mouvement, en avançant l’idée selon laquelle les couleurs sont magnifiées par juxtaposition de couleurs complémentaires (comme le violet et le jaune).
C’est le critique Charles BLANC qui en appliquant cette théorie à l’étude des tableaux de Delacroix, codifiera dans le recueil La Grammaire de la Peinture et de la Gravure, l’idée qui inspirera les Impressionnistes et les Pointillistes par la suite. Ne se souciant plus d’imiter la nature, ils trouveront commodes de poser à côté du jaune du soleil, des aplats de couleur violette, allant même jusqu’à se faire taxer de “violettomanes”.
TAGER évoque une autre piste probable faisant état de l’évolutionnisme des espèces : après l’explosion Cambrienne, la concentration d’oxygène dans l’atmosphère augmentant, la lumière du soleil passant davantage et fit évoluer les espèces vers des perceptions plus subtiles du spectre de la lumière par l’oeil des animaux vivants. Cependant cela n’explique pas pour autant le règne du violet au XIXème.
Une autre théorie scientifique encore plus pointue fait état de l’altération de l’ionisation de notre atmosphère résultant des rayons cosmiques d’une supernova. Cette ionisation a libéré ainsi des particules dans notre atmosphère, appelés muons, qui accélèreraient les mutations génétiques et auraient provoqué ce différentiel de perception dans la seconde moitié du XIXème.
Ces explications ne convainquent pas, le mystère reste entier.
Comprenez une barrière inrfanchissable pour vous inciter à vous abonner pour avoir accès au reste des articles dont la lecture était gratuite au début;
Donner gratuitement à Yahoo pour lutter contre les programmes de bots qui créaient des adresses mail pour spammer les utilisateurs; le Captcha est estimé faire perdre quotidiennement 500 ans de temps humain cumulés. Luis van Anh a par la suite inventé le recaptcha qui permet de faire transcrire aux humains des livres scannés dont les caractères ne sont pas reconnaissables par la machine.
Monthly active users
Scott Galloway a depuis longtemps prédit cette évolution des acteurs de la tech à venir sur le terrain de l’éducation, en particulier à travers des partenariats entre les universités US et les GAFA.
Des employés auraient menacé de quitter la société si jamais elle revenait sur le principe de gratuité de l’accès aux contenus; La société n’a connu que 4 départs l’an dernier, soit 2% des effectifs.
D’autres couleurs étaient également difficiles à produire et ont toujours été bien présentes dans la peinture occidentale.