Le Wrap Up de la semaine où le Donbass a été au bord de la crise militaire (semaine du 24 janvier 2022)
5 bullet points : médias, tech, NFTs avec une pointe de culture à la fin
⏳: 8 minutes 56 secondes
Au sommaire de cette semaine :
Distancié 🎟 : l’événementiel en ligne au secours des abonnements
Sous-exposé ⛅️ : les podcasteurs exclusifs perdent en audience
Revisité 💡 : le Web3 va-t-il changer internet ?
Série Prédictions 2022 🔮: 4/4 - les prédictions de Nicolas Julia (Sorare) sur le Web3
Transfigué 🎭 : Le Tartuffe de Molière
Distancié 🎟 : l’événementiel en ligne au secours des abonnements
⏳: 2 minutes 3 secondes
L’article de Digiday reprend l’annonce du Washington Post d’organiser des conférences pour ses seuls abonnés. Cela vient illustrer une tendance de fond dans les médias qui reposent sur l’abonnement (en premier lieu la presse) l’agrémentent de micro-événements en ligne, modulés en fonction des sujets et du type de publication :
Subscribers will be able to submit questions to those featured in the events. For author events, the first 200 registrants will get a free copy of the author’s book. Video will also be available to subscribers after the program. Unlike events freely accessible by non-subscribers, this event series has an expanded Q&A section from a few questions to more than 15 minutes to give additional time to readers’ questions. Those questions are submitted in advance for now, but eventually, The Post will make that feature “a more real-time interaction to create a deeper connection with the audience,” Kelly said.
Peu des journaux interrogés ont voulu divulguer le nombre de personnes “présentes” lors de ces événements par rapport à leur base abonnés de plusieurs centaines de milliers quand ce ne sont pas des millions.
Cependant, l’objectif n’est pas tant de faire le plein sur ce genre d’événements, que de choyer l’abonné avec une offre de services toujours plus larges et exclusifs. C’est plus une marque qualitative
On pourrait même imaginer en tirant un peu la ficelle - je me laisse aller, que la rédaction d’une organisation de presse devienne, toutes proportions gardées, une sorte de cabinet de conseil mutualisé pour les abonnés. Les travaux de recherche seraient publiés une fois par semaine, et les abonnés pourraient librement interroger les consultants, voire même les mandater sur certains sujets qui leur tiennent à coeur. On m’objectera que c’est allé à rebours de la vocation et de l’utilité des journalistes, mais dans la mesure où certains tirages de plus en plus confidentiels ont renoncé à parler à la plus grande nombre (en témoigne la démultiplication des paywalls), pourquoi ne pas monter en gamme de prix en offrant toujours plus de services ? Finalement à part les abonnements digitaux vs. papier vs. offre entreprises (et leurs durées), la gamme de prix des abonnements ne varie pas.
Car, ma foi1, une fois que les journaux, à force de campagnes marketing coûteuses ont identifié le dernier carré de leurs abonnés, ceux pour qui la question du prix de l’abonnement, compte tenu de leurs habitudes de lecture ou de la finesse de l’information recherchée, n’est pas un sujet, pourquoi ne pas tenter cet upsell rémunérateur, utilisé par n’importe quelle entreprise privée ?
The first installment of the series featured former Post reporter and investigative journalist Carl Bernstein and The Post’s national investigative reporter Carol Leonnig. The event had over 21,000 registrations (pour 3m d’abonnés environ).
Last year, Washington Post Live produced more than 430 event programs, all of which were virtual. In 2021, The Post doubled the number of programs and events produced and sponsorship revenue coming in year-over-year.
Enfin, après le caractère d’exclusivité de l’événement et après l’accès à une information plus précise, moins engoncée dans son format écrit, la conférence live permet, souligne l’article, aussi de renforcer par son instantanéité la notion de club de lecteurs, d’appartenir à un cercle restreint, voire même d’interagir entre lecteurs (au-delà du débat d’idées des commentaires sous les articles qui finit inexorablement en pugilat).
En 2022, je voudrais dépasser avec le Wrap Up les 1 000 abonnés (531 à date).
Pour m’aider, faites-le découvrir à un proche et envoyez le Wrap Up de la semaine (le lien marche cette fois!) :
Sous-exposé ⛅️ : les podcasteurs exclusifs perdent en audience
⏳: 50 secondes
Joe Rogan avait défrayé la chronique quand il avait signé un accord d’exclusivité pour 5 ans avec la plateforme Spotify pour 100 M$.
Le jeu en valait-il la chandelle ? Probablement, mais de là à dire qu’il ne changea rien pour la carrière de Joe Rogan, c’était allé un peu vite en besogne : selon MusicTech, en regardant les statistiques Twitter de l’animateur le plus connu des Etats-Unis et des personnes invitées sur son podcast, on constate un net ralentissement de la croissance de ses abonnés (une des vanity metrics utile pour suivre l’influence d’une star) par rapport à ce qu’elle était auparavant mutatis mutandis.
Sans compter les effets indésirables d’une telle exclusivité : devant la tenue de propos de Joe Rogan jugés antivax par Neil Young, ce dernier a décidé, après un ultimatum de retirer tout son catalogue musical de la plateforme de streaming musical.
On voit bien la limite pour les plates-formes de streaming, de s’aventurer dans le domaine controversé de l’information (ou de son commentaire).
Pour mieux comprendre comment Joe Rogan s’est constitué une telle force médiatique, un bon article dans 20 Minutes.
Pour rebondir sur la menace mise à exécution de Niel Young, James Blunt a menacé de sortir de nouvelles chansons si Joe Rogan ne disparaît pas de l’antenne de Spotify.
Revisité 💡 : le Web3 va-t-il changer internet ?
⏳: 1 minute 32 secondes
Dans le prolongement de deux articles traités dans le Wrap Up et qui faisait état de la question de la décentralisation du Web3 (imposture pour l’un ou erreur et attaque ad hominem pour l’autre), The Economist redonne un peu de perspectives : d’une part historique sur l’histoire de l’informatique jalonnée de combats entre centralisateurs et décentralisateurs :
In the 1980s the shift from mainframes to personal computers gave individual users more power. Then Microsoft clawed some of it back with its proprietary operating system. More recently, open-source software, which users can download for nothing and adapt to their needs, took over from proprietary programs in parts of the industry—only to be reappropriated by the tech giants to run their mobile operating systems (as Google does with Android) or cloud-computing data centres (including those owned by Amazon, Microsoft and Google).
d’autre part, The Economist tente de définir ce que serait ce mouvement de décentralisation amorcée par le Web3, notamment en donnant la parole à l’évangéliste en chef du fonds A16Z (déjà 60 participations dans le secteur, dont certaines valorisées au-dessus d’un milliard de dollars) : leur point commun serait de ne pas mettre en place de barrières dans leur service, ce qui les pousserait à innover en permanence pour aller au-devant des besoins du public.
On a du mal à se contenter de cette définition un peu trop fleur bleue pour nous. Les places de marché comme OpenSea ou les portefeuilles MetaMask ne sont pas spécialement techniquement supérieures, ils bénéficient simplement d’effets de marché (prime au premier acteur notamment) qui dans un cas garanti une des plus grandes liquidités pour l’achat / revente de NFTs, l’autre un statut de wallet de référence du marché avec près de 90% de parts de marché.
The Economist dessine déjà une sorte de compromis dans lequel le Web2 et le Web3 pourraient cohabiter en fonction de la typologie, arguant que finalement les systèmes décentralisés si adoptés massivement ont du mal à se développer par eux-mêmes :
“If something is truly decentralised, it becomes very difficult to change, and often remains stuck in time,” writes [Mr. Marlinspike, the creator of Signal]. That creates opportunities: “A sure recipe for success has been to take a 1990’s protocol that was stuck in time, centralise it, and iterate quickly.”
Enfin, peut-être qu’une dernière définition pourrait s’imposer sans trancher ce vieux débat donc, en limitant le Web3 à cette notion de portabilité des œuvres de créateurs d’une plateforme à une autre ?
Série Prédictions 2022 🔮: 4/4 - les prédictions de Nicolas Julia (Sorare) sur le Web3
⏳: 3 minutes 20 secondes
Dernier épisode de notre série sur les prédictions de 2022 avec Nicolas JULIA qui s’est fendu début 2022 de ses propres prédictions, un exercice plutôt périlleux pour le CEO de la plus grosse levée de fonds pour une start-up française.
Petit rappel autour de Sorare : c’est un jeu en ligne construit autour du fantasy football. En quelques mots, il s’agit pour les joueurs d’acquérir des cartes de joueurs évoluant réellement au sein des championnats européens de football, et de constituer leur équipe type pour rencontrer les équipes d’autres joueurs du jeu. La beauté du jeu réside dans le fait que Sorare actualise chaque semaine les performances des cartes des joueurs de votre équipe (et de vos adversaires) en fonction des performances desdits joueurs dans la vraie vie sportive. Les cartes de joueurs sont en fait des NFTs que des versions ultérieures de la plateforme permettront de porter dans d’autres univers de jeu (ou métavers). (C’est déjà le cas en ce début d’année avec un jeu édité par l’éditeur Homa Games dans lequel on peut venir jouer avec ses cartes Sorare).
(Pour donner un peu l’ampleur du phénomène Sorare, depuis peu les mises à jour des cartes Sorare apparaissent dans les pages de l’Equipe.
Bref, long story short, voici les “pronostics” du CEO en forme de credo pour son entreprise et pour lui :
NFTs
Il voit dans les NFTs un énorme potentiel que les créateurs vont révéler en s’appropriant ce moyen, y compris vers des expériences dans le monde physique :
The opportunities are endless and I expect NFTs will help create connections between the digital world and the physical world, ranging from sports with Sorare, to music and concerts and many different industries. We intend to invest in this area and build NFTs that can unlock sport experiences.
Tech de la blockchain
Il se fait ici un brin plus technique autour de la technique dite des “roll-ups” qui est une technique permettant de démocratiser considérablement les transactions sur les blockchains :
Rollups are hybrid solutions in that they move transactions outside the main “layer 1” blockchain but still keep some data per-transaction on it. It is first being implemented on Ethereum but I expect all blockchains will start to adopt rollup technology, including Solana, Flow, Cosmos etc. in order to achieve greater privacy and scalability, a prerequisite for any application that targets billions of users.
Le débat est un peu cryptique mais en somme, la blockchain Ethereum sur laquelle se passe la grande majorité de transactions NFTs est une blockchain qui fonctionne très largement sur le proof of work, requérant une grande quantité d’énergie et de participants pour inscrire les transactions dans la blockchain. Depuis de nombreux mois, les développeurs promettent une évolution d’Ethereum pour fluidifier la rapidité et le nombre des transactions, pour des coûts bien moindres (qu’on se figure qu’actuellement il en coûte environ plusieurs dizaines de dollars de frais de transactions).
les studios traditionnels de jeux vidéo vont goûter aux NFTs
Down the line, I think we’ll see more interest from traditional gaming studios in experimenting with interoperable games, bringing external IPs into their universe and seeing if there is a path for interconnected games that puts the gamer at the center of the experience.
On souscrit volontiers à la vision de Nicolas JULIA, mais comme l’illustre le débat autour de la centralité du Web3 (voir plus haut), parallèlement il y a un débat sur l’interopérabilité des plates-formes de crypto-jeux (pourrais-je facilement porter mon Avatar de TheSandbox dans Axie Infinity ou réciproquement?). Certaines sociétés comme Enjin Games cherchent à adresser ce sujet, dont on peut supposer que chacun cherche finalement à capter l’utilisateur dans son propre univers pour en maximiser la valeur.
Les NFTs seront les briques élémentaires des métaverses “décentralisés”
Même débat que précédemment sur la volonté de coopération des acteurs, aux intérêts économiques pas nécessairement convergents.
L’émergence des NFTs va permettre d’élargir les bases de fans de sports aux femmes
En cassant les structures traditionnelles de supporters sportifs, Julia mise sur une ouverture progressive à d’autres catégories de population qui trouveront un intérêt nouveau pour le sport.
Les plus grosses organisations mondiales vont développer des stratégies NFTs sophistiquées
Vu la rapidité avec laquelle la NBA s’est emparée du phénomène des NFTs avec les NBA Topshots, il est probable que les autres grandes organisations du sport mondial qui se marquent à la culotte, réagissent rapidement avec des produits analogues mais surtout pensés et mis en œuvre pour leur propre sport.
La plupart des collections de NFTs vont être réduites à zéro
Par ce propos, il est probable que Nicolas JULIA mette en cause la véritable valeur artistique ou d’utilité des NFTs actuellement en circulation. Il plaide pro domo, mais au fond, il n’est pas déraisonnable que seuls les NFTs qui s’appuient sur des actifs véritables, pensés pour un usage économique sensé, passeront l’épreuve du temps.
I expect most NFTs will go to zero the same way most .com companies went to zero — the hype does not negate the underlying trend, and if you choose projects that build for the long-term, you will find the Amazon of the .com bubble. NFTs help you own a piece of the internet and the internet is a culture machine and is a community connector. Ultimately, NFTs are now a part of the culture, and while not every NFT will survive, we will absolutely see projects that will retain value for centuries to come.
Transfigué 🎭 : Le Tartuffe de Molière
⏳: 49 secondes
Dans un élan de volonté d’édifier la jeunesse au sujet de Molière, nous avions réservé des places pour le Tartuffe de Molière. Nous ne fûmes pas déçus : le metteur en scène belge, Ivo van Hove, avait reçu commande de “dépoussiérer” cette pièce, au demeurant peu montrée car il s’agissait de la première version du Tartuffe qui avait été d’emblée interdite par le Roi car trop ostensiblement hostile au parti dévot.
Van Hove n’y est pas allé de main morte et transforme en drame digne du théâtre strindberguien, une aimable satire sur l’hypocrisie de certains dévots chez un bourgeois du Grand Siècle. Le jeu des acteurs tout en tensions, fureurs et cris, est admirable, mais on pourrait trouver cette mise en scène déplacée pour du Molière, dont on ne sait si les vers deviennent inaudibles à force d’être éructés, ou si au contraire, ils s’insèrent dans un décor contemporain au milieu d’une famille en costard-cravatte et tailleur. Bref pour édifier la jeunesse sur la jubilation et l’humour de Molière, on repassera…
Pour se consoler on peut encore aller voir l’exposition Paris-Athènes qui retrace la relation particulière entre la France et la Grèce, construire sur l’autel du philhellénisme et l’admiration pour l’héritage de la Grèce Antique.
sans doute l’influence de Molière, voir le dernier bullet point.