Le Wrap Up de la semaine où Samuel PATY fut décapité par un terroriste islamiste (semaine du 12 octobre 2020)
5 bullet points : médias, tech, société
Qu’on nous permette pour commencer cette lettre hebdomadaire par rendre hommage au professeur d’histoire-géographie, Samuel PATY, du Collège du Bois d’Aulne de Conflans-Saint-Honorine.
Beaucoup de choses ont déjà été écrites et dites à son sujet, je ne rajouterais pas aux percutantes analyses et malheureuses gesticulations que ce genre d’événement suscite, qu’on me permette simplement de renvoyer, à l’évocation des Aulnes du collège de l’enseignant, vers le poème que tout élève germaniste, bon ou mauvais, apprend en 4ème : le Roi des Aulnes de Goethe. Ce poème raconte l’histoire d’un père tenant dans ses bras, son fils, chevauchant à travers une forêt d’Aulnes en espérant atteindre à temps l’auberge salutaire. Son fils s’effraie du Roi des Aulnes à leurs trousses, le père tentant d’apaiser l’enfant en minimisant le danger imminent, mais à son arrivée le père tient son enfant mort dans ses bras.
Sans autre forme de transition, voici les 5 bullet points de l’actualité de la semaine passée :
Réorganisé 🔄 : Disney vers toujours plus de streaming
Segmenté 🥒 : le marketing communautaire de Netflix
Réinventée 🔮 : la presse à l’heure d’Instagram, l’exemple du Guardian
Portée 📱 📲 : une idée de réglementation des plates-formes sociales
Vu 👨⚖️ : Le Procès des 7 de Chicago
Réorganisé 🔄 : Disney vers toujours plus de streaming
Photo by Marques Kaspbrak on Unsplash
Disney a annoncé la semaine dernière avoir radicalement modifié son organisation. Après que l’iconique patron, Bob Iger, ait laissé le fauteuil de CEO à Bob Chapek, ce dernier a annoncé vouloir réorganiser le groupe sinistré par le Covid et le confinement (28 000 licenciements dans son activité de Parcs), autour de l’enjeu clé de l’avenir : le Streaming.
Dans les faits, Chapek a séparé les fonctions de création de contenus (dont l’objectif premier sera d’alimenter le service de streaming qui vient de dépasser les 60m d’abonnés) et de distribution : l’équipe distribution aura semble-t-il le dernier mot pour arbitrer si un contenu doit être d’abord sorti au cinéma ou être directement proposer au sein de Disney+, rendant ainsi la production de contenus plus agnostiques.
Les analystes du cabinet Lightshed Management pensent qu’au contraire, cette décision n’est pas clair : en réintégrant en particulier la production de contenus pour Disney+ au sein des unités créatives, ils craignent que les choix effectués par les équipes créatives soient de perpétuer l’arbitrage financier toujours en faveur du système de distribution le plus lucratif actuellement à savoir : ciné -> plate-forme -> DVD/VOD -> rediffusion TV, faisant de Disney+ le parent pauvre des nouvelles sorties.
Cette réorganisation intervient quelques jours à peine après que le 3ème actionnaire du groupe, un activiste du nom de Dan Loeb ait incité la société à ne pas verser les 3md$ de dividendes prévus pour le réinvestir dans la production et le streaming, et ainsi d’après lui, accroître la valeur future de la société. Un mouvement moyen termiste pour le moins inhabituel pour un activiste.
Lire l’avis de LightShed Management (login nécessaire)
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Segmenté 🥒 : le marketing communautaire à la sauce Netflix
Confronté à la difficulté de servir un public de 200M d’abonnés, Netflix a pu bénéficier de son avantage technologique sur le broadcast : le contenu à la demande permet à chacun de regarder le contenu qu’il souhaite et qui détient la plus large base de contenus gagne.
C’est un peu plus compliqué quand il s’agit du marketing auprès de ce même public : l’économie des moyens et le recours à des médias mainstream rendent la tâche compliquée aux marketeurs de “Néné”, au delà des effets d’annonce sur les plus grosses productions.
L’éditorialisation et le marketing ont commencé à travailler les sous-segments de cette base abonnés :
A little over two years ago, the streaming service began to zoom in on subsets of its audience that are big on social, but often overlooked by traditional marketing. To do this, Netflix launched dedicated social channels, including NX for all things geek and sci-fi; Con Todo, a channel for Latinx audiences; LGBTQ+ channel The Most; Netflix Family for everything parents enjoy; and Strong Black Lead, an outlet celebrating Black films and TV shows.
Avec des groupes jusqu’à 500K followers sur Instagram, ces communautés marketing sont certes plus engagées, mais également plus promptes à faire connaître leur mécontentement, même si Instagram est plus brand-friendly que mettons un réseau qui déchaîne les passions comme Twitter.
Si les premiers succès de ces communautés marketing se poursuient, elles pourraient également conduire à la création de marques propres avec leur propre merchandising et produits dérivés (ont déjà été évoqués des partenariats croisés entre des apps de dating communautaires et certaines de ces communautés estampillées Netflix).
Netflix serait en train de déployer cette stratégie dans de nouveaux pays, risquant de se confronter dans des pays culturellement à ce morcellement culturel décrié par ailleurs à travers les “filter bubbles” (voir le Social Dilemma dont il était question la semaine passée) ou autres séparatismes culturels dont il est aussi question ici…
Lire l’article sur le marketing communautaire de Netflix
Réinventé 🔮 : la presse à l’heure d’Instagram, l’exemple du Guardian
C’est un argumentaire sorti par les équipes marketing de Facebook (ici le “Journalism Project”), avec ce que ce genre de contenus peut comporter d’éléments plutôt favorables, mais il recelle tout de même des éléments très intéressants : le Guardian a mis les bouchées doubles cette dernière année pour faire croître sa base d’abonnés instagram en multipliant par près de 10x le nombre de contenus publiés sur la plateforme, y compris des contenus exclusifs (intervention des journalistes sur les extraits vidéos, commentaires à chaud, …).
Le résultat ?
The Guardian generated more than 1.3 million Instagram followers over the last 12 months with a focus on engaging a younger audience. As a result, over 60% of its followers are under 34 years old. The social team doubled total interactions and video views for the year with the help of a dedicated social producer.
La base d’abonnés s’établit désormais 3,7M, quand Le Monde plafonne à quelque 1,2M.
On a déjà parlé de l’importance que prenait Instagram comme source croissante d’informations pour toute une génération, mais pour les titres de presse, reste cet épineux débat : le contenu produit par ces organes respectables est très couteux, il n’est aujourd’hui quasiment monétisé qu’à travers l’abonnement, tant les plates-formes sociales (read Google et Facebook) ont fait les poches publicitaires des sites de presse; la présence de la marque The Guardian sur ces plates-formes où l’information (gratuite?) est consommée, est-elle indispensable à sa survie ? nous pensons malheureusement que oui, à partir du moment où elle ne reste pas captive de l’une d’entre elles.
Lire le publi-rédac sur la page du Facebook Journalism
Portée 📱 📲 : une idée de réglementation des plates-formes sociales
Alors que les appels à la régulation des plates-formes se poursuit, on entend peu de propositions concrètes concernant cette fameuse régulation. On a parlé de démantèlement, en disant que les parties créeraient plus de valeurs en étant séparées (et concurrentes) que réunies au sein de leur ensemble.
On cherche à savoir ce que donnerait Amazon sans les profits d’AWS, si Youtube lançait frontalement un moteur de recherche textuel le jour où Google lancerait un moteur de recherche vidéo, ce qui se passerait si Apple à la manière d’un Microsoft dans les années 90 était contraint de ne plus “bundler” ses propres services (Safari, Mail, maps, le paiement Apple Pay pour les apps de son store), enfin si Facebook devait renoncer à fusionner le socle technologique d’Instagram, de Messenger et de WhatsApp comme il a commencé à le faire.
Sur ce dernier point, le professeur du MIT Sinan ARAL était l’invité du podcast Prof G de Scott Galloway pour parler de son livre The Hype Machine. Il essaie de reprendre là où le Social Dilemma s’arrête : que pouvons-nous concrètement faire ?
Il soutient, à l’appui de ce qu’il s’est passé dans les telecoms dans les annes 1980, qu’intrinsèquement, ça n’est pas la séparation des entités de Facebook qui rétablira un climat de compétition et d’innovation, mais bien plutôt l’interopérabilité et la portabilité des données des utilisateurs.
A l’instar à l’époque de l’instauration de la portabilité des numéros de téléphone (une forme d’identité sociale), la compétition redeviendra robuste si chacun est libre de quitter son réseau social favori avec ses données et son social graph et qu’il peut l’emmener sur une autre plateforme à sa guise.
Bien sûr il faudra définir ce qui constituera le socle commun d’interopérabilité des plates-formes, de façon à ce qu’elles puissent développer des fonctionnalités nouvelles qui leur permettront d’attirer de nouveaux utilisateurs et de retenir les anciens.
Une voie intéressante à suivre.
Vu 👨⚖️ : Le Procès des 7 de Chicago
A l’heure où retentit le couvre-feu pour près de 20 millions de Français, je ne saurais trop vous conseiller de regarder le film Le Procès des 7 de Chicago (the Trial of the Chicago 7).
D’une part, parce que c’est notre réalisateur fétiche, Aaron Sorkin qui est à la manoeuvre, fétiche depuis la série “A la Maison Blanche” (The West Wing), qui n’a eu de cesse de nous régaler tout au long de sa carrière avec ses longs métrages bavards comme Des Hommes d’Honneur (avec Tom Cruise), The Social Network (sur la naissance de Facebook) ou encore plus récemment Steve Jobs. Il est le dépositaire des scènes de Walk & Talk, où deux personnages cheminent et discutent à travers un paysage en pleine évolution et animation.
D’autre part, il est servi par une brochette d’acteurs de premier plan de Sacha BARON-COHEN dejà remarqué dans la série The Spy à Michael KEATON, en passant par Eddie REDMAYNE (Les Animaux Fantastiques) et une pléiade d’autres acteurs que vous avez forcément croisé dans d’autres séries US si vous êtes coutumier du genre.
Enfin, l’intrigue, politique à souhait : la Convention Démocrate de 1968 à Chicago qui fut le siège d’émeutes dans un climat quasi-insurrectionnel sur fond de Guerre du Vietnam, de luttes pour les droits civiques et de révolte de la jeunesse. L’Attorney General de la nouvelle Administration Nixon cherchant à rassembler après les faits, des leaders politiques éparses sous une même accusation de conspiration. C’est l’histoire ce procès que le film raconte.
The Trial of the Chicago 7 : à voir sur Netflix
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