Le Wrap Up de la semaine où Sophie Petronin a été libérée contre 100 djihadistes (semaine du 5 octobre 2020)
5 bullet points : médias, tech, société
Nouvelle sortie tardive du Wrap Up, semaine chargée, toutes mes confuses. Cependant les sujets traités ne relèvent d’actualité urgente.
Au sommaire cette semaine :
Chargés 👨⚖️ : les GAFA et l’anti-trust
Visionné 🤳 : le “Social Dilemma” sur Netflix
Médiatisé ⏏️ : Thierry CAMMAS ex-patron de Viacom livre sa vision des médias
Croqués ✏️ : les dessins de Quentin Blake à Paris
Sulfureuse 🌋 : Pompéi au Grand Palais
Chargés 👨⚖️ : les GAFA et l’anti-trust
Après 16 mois d’investigation sur Google-Apple-Facebook et Amazon, le comité Anti-trust de la Chambre des Représentants dirigé par le représentant David CICILLINE, lance un pavé dans la marre avec son rapport qui est à charge sur la position d’abus de position dominante des géants de la tech.
Le Professeur de Harvard et directeur de recherche à l’American Economic Liberties Project, Matt STOLLER, a dépouillé le rapport final (449 pages!) et se livre à une synthèse remarquable.
What makes these platforms unusually dangerous is that they are gatekeepers with surveillance power, and they can thus wield “near-perfect market intelligence” to copy or undermine would-be rivals. For Apple the dominant facility is the App store, for Google it’s the search engine, Maps, adtech, etc, for Facebook it’s social media, and for Amazon it’s the marketplace, AWS, Alexa, Fulfillment, and so forth. They exploit their gatekeeping and surveillance power to extract revenue, fortify their competitive barriers, and subsidize entry into new markets…
Au passage le professeur souligne les griefs formulés à l’encontre des administrations Obama et Trump de n’avoir rien fait pour endiguer la constitution de ces monopoles.
The four companies bought more than 500 companies since 1998. However, "for most, if not all, of the acquisitions discussed in this Report,” it says, “the FTC had advance notice of the deals, but did not attempt to block any of them."
En outre, il brocarde les mesures défensives prises par les GAFA pour prévenir toute critique : du financement de think tanks “indépendants” et de recherches académiques, au lobbying le plus féroce mené à Washington.
“The dominant platforms have expanded their sphere of influence, further shaping how they are governed and regulated.”
Le rapport épluché par STOLLER relève aussi de nombreuses informations inédites sur les GAFA :
Facebook aurait 200 M d’utilisateurs aux Etats-Unis et serait présent sur 74% des téléphones mobiles ;
Amazon représenterait la moitié des ventes en ligne aux US (vs. 40% pour eMarketer)
Les autres pépites de ce rapport sont relevés sur fil twitter :
Les recommandations du rapport CICILLINE sont de quatre ordres:
A legislative break-up and restructuring of big tech platforms to restore competition online
a strengthening of laws against monopolies and mergers,
institutional reforms to fix and fund the Federal Trade Commission and DOJ Antitrust Division (qui ont failli, selon lui, à leurs missions)
restoring the ability of ordinary citizens to take monopolists to court on their own.
La régulation des plates-formes est clairement inscrite dans le programme de Joe BIDEN. S’il l’emporte dans deux semaines, il aura avec ce rapport une très solide base juridique; cependant Matt STOLLER semble un peu désabusé et reconnaît que le rapport du comité anti-trust n’a pas de portée légale immédiate, et qu’il est peu vraisemblable que le pouvoir américain souhaite réellement s’atteler à la tâche de renverser totalement la politique de laisser-faire accomodante à leur endroit.
Cependant il fournit aussi dans l’article des raisons d’espérer : au premier rang desquels, le fait que les mentalités ont changé et que peu de personnes nient que ces plates-formes ont désormais une très forte emprise sur l’économie. Il pense en outre, que ce rapport va également servir de base juridique dans d’autres zones politiques (on pense évidemment à l’Europe et son relativement imposant corpus anti-concurrentiel, mais l’Australie ou l’Angleterre ne sont pas en reste (comme le montrent les courageuses initiatives du petit Etat australien de taxer Google News et Facebook en faveur des médias locaux)).
Consulter le rapport en intégral du comité Anti-trust
Lire le billet d’analyse de Matt STOLLER sur ce sujet
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Visionné 🤳 : le “Social Dilemma” sur Netflix
Pour faire le lien avec le bullet point précédent, voici un extrait d’un témoigne cité dans le cadre des auditions du rapport CICILLINE :
"A former employee explained that as a product manager at Facebook “your only job is to get an extra minute. It’s immoral. They don’t ask where it’s coming from. They can monetize a minute of activity at a certain rate. So the only metric is getting another minute.”
J’ai eu la chance de visionner la semaine dernière le déjà très commenté reportage (à charge) de Netflix qui porte sur les réseaux sociaux, The Social Dilemma (en français : “derrière nos écrans de fumée”). Ce docu met à l’honneur les ex-salariés des plates-formes qui ont été les premiers tirer la sonnette d’alarme sur les dérives des entreprises pour lesquelles ils travaillaient.
Le reportage n’apporte pas beaucoup d’éléments nouveaux, cependant il tisse avec talent la trame d’une entreprise collective dévoyée : comment nous sommes passés d’une logique de réseaux d’échange et de partage à celle d’une addiction contemporaine qui touche les plus jeunes et radicalise une partie de la population (plus de la moitié des Américains déclarent s’informer en premier lieu sur Facebook).
Deux éléments m’apparaissent intéressants à souligner :
1) je n’avais plus les élements en tête et le reportage a le mérite de qualifier précisément les accusations portées à l’encontre des réseaux sociaux : anxiété, paranoïa, radicalisation politique, etc....
Si en science, corrélation n’induit jamais causalité, la concomitance de l’essor des réseaux sociaux et l’accroissement significatif des maux de notre société (stats US) est troublante.
Corrélation n’est pas causalité, l’animation sur la polarisation croissante des Démocrates et des Républicains a des causes multiples, mais les réseaux ne sont sans doute pas exempts de responsabilités.
2) Le média est le message, dit-on* : il est savoureux de visionner un tel reportage sur cette même plate-forme Netflix et d’y voir dénoncer les logiques d’addiction mises en oeuvre par les “autres” plates-formes. Son CEO Reed Hastings n’a-t-il pas dit :
Think about it: when you watch a show from Netflix and you get addicted to it, you stay up late at night … we’re competing with sleep
En effet, les réseaux sociaux sont décriés tout au long du reportage mettant en exerge deux éléments importants :
d’une part, un usage immodéré des données personnelles des utilisateurs ;
et d’autre part, la mise en place de mécanisme de captation de l’attention inspirés des meilleurs cours de neuro-marketing que nombre d’ingénieurs travaillant dans les plates-formes ont suivi à Standford au sein du laboratoire de Technologie Persuasive du professeur BJ Froggs ;
Il n’y a pas de raisons pour que Netflix recrutant ou débauchant ces mêmes ingénieurs, n’utilisent pas les mêmes leviers.
Enfin, il est frappant d’un point de vue contenu, de voir aussi de quelle façon Netflix adapte un genre désuet, le reportage, à des sujets nouveaux et en phase avec les attentes de son audience (le but avoué de tout média). Traduisant même stylistiquement les attentes de son public jeune :
Recours à de la fiction pour simuler l’impact des réseaux au sein d’une vraie famille américain;
Incarnation diabolisée de l’algorithme d’instagram en trois manipulateurs rivalisant d’ingéniosité pour faire toujours davantage utiliser la plate-forme ;
Recours chargé aux emoticons dans les inscrustations graphiques ;
TEDification (témoignage donnée sur une estrade à la TEDx) des renégats de la tech. ..
(accessoirement également : manichéisme de la thèse sans témoignage des parties mises en cause)
Pour lire une critique plus approfondie sur le style et la qualité du reportage, je vous conseille cet article de blog.
The Netflix film is literally emotionally engaging misinformation designed to impact our beliefs and actions. In other words, the same thing that the film claims social media companies are doing.
Ce que certains ont ressenti et mis en action :
Voire même :
Malgré ces critiques et cette mise en abime, The Social Dilemma reste une synthèse utile de nos us et abus des réseaux sociaux qui vous donnerait (presque) envie de vous lancer, comme un des personnages du reportag, le défi de ne pas toucher les réseaux pendant un semaine.
Voir le Social Dilemma sur Netflix
Médiatisé ⏏️ : Thierry CAMMAS ex-patron de Viacom livre sa vision des médias
Thierry CAMMAS est un vétéran de la TV française, ayant en 15 ans à la tête du groupe VIACOM en France, présidé aux destinées de MTV, de Nickolodéon et aux lancements d’une ribambelle de chaînes du groupe américain.
Il passe en revue avec Frédéric MARTEL au cours de l’émission Soft Power sur France Culture (un must pour ceux qui suivent ce secteur), l’avenir des médias à l’âge numérique, la vie et la mort (supposée?) de la télévision et aussi les pratiques médias des jeunes sur les réseaux sociaux.
Une belle revue du paysage en quelque 40 minutes : il fait le constat pessimiste de la fragilité des acteurs français face à la concurrence féroce des acteurs digitaux. Tant sur le volet publicitaire (les stocks du digital en croissance constante entraînent un coût contact toujours plus bas), que sur le payant où les catalogues US déferlent sur la France.
Même si l’on peut tabler sur la présence de multi-abonnements SVOD par foyer (avec des abonnements / désabonnements constants), l’environnement restera très concurrentiel : Cammas ne liste pas moins de 7 services SVOD US pertinents (Apple+, Amazon Prime Video, Disney+, CBS, Peacock, Warner-HBO et bien sûr Netflix) ; on souhaite évidemment beaucoup de courage et de réussite à l’initiative de SALTO (dont Cammas rappelle que les contraintes réglementaires sur la propriété des productions affaiblissent ab initio, le succès potentiel du service) ou la poursuite du modèle Canal+, la partie n’est pas gagnée.
Revenant sur Netflix, Thierry CAMMAS avec l’élargissement constant de sa base abonnés, entrevoit une “TVisation” de Netflix:
Netflix Party (pour l’écoute collective);
L’élargissement des genres diffusés (news? jeux? sports? documentaires?);
L’installation de réflexes de grille des programmes (les nouveaux programmes sont toujours relâchés le vendredi soir et teasés en amont de leur sortie, bientôt sur vos écrans);
Les vélléités publicitaires ont toujours été (jusqu’à présent) tuées dans l’oeuf, même si des placements produits ont pu trouver leur place dans certaines productions.
Pour l’entendre sur les modèles de TV, le cinéma, la musique et les jeux vidéos pour les jeunes publics (et apprendre ce qu’est le doom-scrolling), c’est ici.
Croqués ✏️ : les dessins de Quentin Blake à Paris
Pour tous ceux qui ont grandi à l’ombre des textes de Roald DAHL (France Culture s’interroge faussement sur sa dangerosité pour les enfants), la Galerie Martine Gossiaux met à l’honneur son inséparable acolyte, le dessinateur Quentin BLAKE.
L’exposition regroupe des séries d’illustrations réalisées par Quentin Blake pour divers projets littéraires ou personnels (The Sennelier Portraits sont des portraits réalisés au gros crayon de la marque Sennelier).
Outre les Roald DAHL, Quentin BLAKE a essentiellement illustré des textes contemporains, mais parfois également très anciens comme l’Âne d’Or du poète latin Apulée, mais aussi La Fontaine, Voltaire... L’exposition comprend 44 dessins originaux de Quentin Blake (exposition jusqu’au 4 décembre).
Sulfureuse 🌋 : Pompéi au Grand Palais
Une fois n’est pas coutume, je recommanderais avec des pincettes la visite de l’exposition de Pompéi au Grand Palais. Elle promet une expérience immersive “époustouflante”, et n’offre finalement au spectateur qu’une projection vidéo sur des tentures des villas qui composent le site de Pompei.
On se reprend les cours d’histoire et on se replonge dans l’Antiquité Romaine de l’an 79 ap JC, mais peu de pièces finalement visibles (même si les pièces présentes sont de toute beauté).
Un bon reportage sur Arte y aurait suffi (même si on apprend que la date rapportée par Pline le Jeune d’août 79 ap JC est probablement fausse, démentie par un graphiti sur l’un des murs), les enfants apprécieront la reconstitution et la scénographie usant de basses poussées à fond, de la fameuse éruption.
Je serai juste tenté d’y retourner pour tester la “vraie” expérience avec les casques de VR (sur réservation uniquement), ce qui me permettra peut-être de revoir mon jugement sévère.
A voir (ou pas) au Grand Palais
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