Le Wrap Up de la semaine des 30 ans du génocide rwandais (semaine du 1er avril 2024)
👾 : la TV veut la jouer streamer - 🧑⚖️ : les chatbots légalement responsables ? - 😱 : le NYT donne de la voix - 🪙 : 3 Md€ pour informer en France - 🌟 Paris, centre du monde... au début du XXème
Rarement média n’avait pris une part aussi active à un génocide. Certes on avait eu la propagande hitlérienne, Leni Riefenstahl etc… mais rien dans la triste généalogie des génocides ne peut égaler Radio 1000 collines. Jérôme Perani a écrit un thread très intéressant sur X où il reprend différents reportages qui ont été consacrés au rôle d’excitation, de direction (des machettes hutus dans une main et du transitor branché sur la radio dans l’autre), à guider les meurtriers vers les lieux de résidence des malheureux tutsis livrés à la folie génocidaire. La radio et ses dirigeants furent condamnés par le Tribunal Pénal International.
Au sommaire de cette nouvelle semaine du Wrap Up :
Responsabilisés 🧑⚖️ : les producteurs de chatbot seront-ils tenus responsables ?
Sous-informés 🪙 : les médias français dépensent 3 Md€ pour l’information
⏳ Temps de lecture : 8 minutes 33 sec
Streamé 👾 : la TV veut la jouer streamer
⏳ 2 min 26 sec
La TV veut sa part de Twitch. Elle en veut la hype pour rattraper les jeunes qui sont dessus toute la journée et leur donner envie d’allumer la TV des parents, et elle en veut l’audience en allant y mettre des contenus faits avec des moyens un peu plus poussés (TV oblige) mais avec l’interaction permanente qu’a Twitch et qui met la plateforme vidéo d’Amazon bien à part.
Le Podcast LeSuperDaily a ouvert le bal en décrivant cette évolution où les médias classiques débarquent sur Twitch, qui reste le royaume des gamers et des créateurs de contenu indépendants et qui compte 240 millions d’utilisateurs en 2024 (la France est dans le top 5 des pays les plus actifs).
Pionnier de ce mouvement, Arte avec son émission Jour de Play a su saisir l’essence de Twitch, offrant une interaction en temps réel et brisant les murs traditionnels de la télévision. Un mélange de décontraction, d'humour, et d'interactions directes qui séduit et engage. Les émissions s’étendent souvent sur plus de 2 heures, proposant un contenu riche et diversifié, il faut dire qu’elle a ouvert le bal avec un thème très en phase avec la plateforme : le jeu vidéo, mais avec un angle un peu différent celui d’Arte.
Pourtant, naviguer dans cet univers nécessite d'embrasser les codes spécifiques de Twitch. BFM TV l'a appris à ses dépens, après un accueil mitigé pour son live pendant le COVID-19 qui a généré un gros retour de bâton, soulignant l'importance cruciale de l'authenticité et de l'interaction.
En revanche, Franceinfo semble rencontrer un franc succès avec "Le Talk", prouvant qu'une adaptation réussie peut aussi porter ses fruits.
Cette affinité entre la TV et Twitch provient probablement du fait que les jeunes générations y développement en premier lieu, un appétit pour les "contenus longs" à contrario du snacking dont on les berce sur toutes les autres plates-formes. Ainsi on peut même, ô lumière, y développer une réflexion plus profonde et des échanges enrichissants.
Samuel Étienne avait le premier lancé un pont avec sa cultissime émission revue de presse "la matinale est tienne" (en partie payante à 4,99€ par mois, près de 710 K abonnés - pas nécessairement payants).
Plus récemment, TF1 et BBC Studios ont avec un nouveau format hybride "Danse avec les stars d’internet" tenté de marier les deux genres avec un certain succès :
la version avec streamers et influenceurs du programme TV animée par le streamer Michou a fait plus de 3M de vues en replay sur Youtube,
le dernier debrief a totalisé près de 300 K streams),
Ella a pu attirer des audiences considérables et en redéfinissant l'interaction média-spectateur, loin du langage correct surveillé par l’ARCOM et avec des stars qui restent confidentielles pour le grand public sur le tube cathodique mais qui font le plein et apportent un vent de modernité sur internet.
Dans un autre registre, plus sportif, StoryJungle détaille aussi dans un long article, cette tendance avec la grosse annonce par France TV de l’émission Aux Jeux Streamers! copycat de son émission Aux Jeux Citoyens, mais qui revêt une tout autre dimension :
32 participants, répartis en huit équipes de quatre, s'affrontent sur huit disciplines olympiques pendant huit heures : escalade, escrime, basket 3x3, saut en longueur, volley, tennis de table, 60 m haies et 60 m sprint (légère ristourne sur les deux dernières, donc). Avec un casting cinq étoiles pour le service public. Des visages bien connus des téléspectateurs comme Fabien Lévêque, Émilie Tran Nguyen, Jean-Baptiste Marteau, Mohamed Bouhafsi ou Marine Lorphelin, l'ex-Miss France devenue chroniqueuse santé dans Télématin. Des sportifs, évidemment : Marie-José Pérec et Stéphane Diagana, pour ne citer qu'eux. Et des streamers, beaucoup de streamers ! Laink, Brawks, Mélanie Buffetaud, la youtubeuse fitness Jujufitcats, et surtout Domingo, le MC de l'émission Popcorn sur Twitch sont annoncés.
Quand l’eSport et le Sport se mélangent (l’article en donne de nombreuses illustrations), pour le grand plaisir des diffuseurs (la monétisation classique des chaînes de TV risque là encore de se retrouver en question).
Responsabilisé 🧑⚖️ : les producteurs de chatbot seront responsables?
⏳ 2 min 8 sec
Tiens, contrairement à ce que laissaient entendre les premières réflexions autour du procès initié par le New York Times contre OpenAI, il se pourrait que les sociétés d’IA soient légalement responsables de la production littéraire de leur chatbot.
Jusqu’à présent les géants de la tech (comme Google et Microsoft ou encore Adobe) pour convaincre les entreprises d’utiliser leurs nouveaux outils boostés à l’IA avançaient qu’ils supporteraient les coûts juridiques d’éventuels procès intentés en violation de la propriété intellectuelle.
L’article du Wall Street Journal cite abondamment Jane Bambauer, professeure de droit à l’Université de Floride, qui souligne que le recours de plus en plus massif à l'IA par les entreprises, ne pourra pas les exempter d’une forme de responsabilité.
L'implication est énorme. Toute entreprise utilisant l'IA générative pourrait être tenue responsable non seulement pour des discours nuisibles, mais aussi pour des produits défectueux. Un festival de poursuites judiciaires en perspective !
Pour ne pas sombrer, certaines entreprises ajustent leurs systèmes en coulisses, essayant de naviguer entre les écueils de contenus problématiques. L'objectif ? Réduire les "hallucinations" de l'IA. Cependant la loi américaine, elle, est sans pitié. La section 230 de l'Acte de Décence des Communications de 1996, qui a longtemps constitué la protection ultime de toutes les plateformes internet contre les expressions diffamantes sur leurs pages, ne couvre pas le discours généré par l'IA.
The legal logic is straightforward. Section 230 of the Communications Decency Act of 1996 has long protected internet platforms from being held liable for the things we say on them. (In short, if you say something defamatory about your neighbor on Facebook, they can sue you, but not Meta). This law was foundational to the development of the early internet and is, arguably, one reason that many of today’s biggest tech companies grew in the U.S., and not elsewhere.
Neil Gorsuch, un des 9 Juges de la Cour Suprême US, a même signalé que l'intelligence artificielle, en générant poésie et polémiques, entrait dans une zone non protégée par la section 230. Le cœur de l’argument porte sur la notion de fair use, qui autoriserait finalement une part de copie du contenu original, mais ici l’IA pourrait être qualifiée de co-créatrice du contenu et donc ne pas bénéficier de la section 230.
Alors, que faire ? Plutôt que de réclamer de nouvelles lois, certains pensent que c'est dans les tribunaux que l'avenir de l'IA se jouera, au cas par cas. Cela laisse une marge pour l'innovation, mais néanmoins avec une épée de Damoclès juridique au-dessus de la tête. La plupart pensent que la pénétration (on compte désormais 600 000 comptes payants OpenAi) est telle qu’il faudrait vraiment que les amendes soient massives pour que la machine soit mise en marche arrière.
La question de la responsabilité demeure quand l'IA dérape ? L'argument qui pèse contre OpenAi est que ChatGPT n'est pas qu'un outil, comme un traitement de texte qui ouvrirait une page blanche. Mais cette défense tiendra-t-elle à l'épreuve des faits ? 🤔
A l’inverse de cette position de responsabilités, on le voit les défenseurs des droits d’auteur de leur côté affûtent leurs armes de lobbying, notamment en France, où Pascal Rogard le puissant patron de la SACD1 tonne contre la France qui pour favoriser le wonderboy français, Mistral, voudrait restreindre l’application de l’IA Act aux modèles fermés de LLM qui ne concerneraient pas Mistral.
“MM. Le Maire et Barrot ont laissé tomber la défense du droit d’auteur au nom d’un développement du numérique national.”
Vocal 😱 : le New York Times donne de la voix partout
⏳ 1 min 5 sec
L'ère de l'information auditive accélère avec la décision prise par le New York Times et relatée par Axios Media : l’un des plus vieux journaux américains a pris la décision de rendre la plupart des articles de ses articles accessibles à l'écoute, grâce à une voix automatisée.
Cette innovation place le NYT sur le podium des géants de l'audio news à l'échelle mondiale. Avec plus de 2,300 enregistrements audio (auquel ont contribué près de 600 de ses journalistes) et près d'un million de téléchargements pour ses podcasts en 2023, dont le célèbre "The Daily", le NYT était déjà une belle référence audio, mais une nouvelle étape se trouve franchie.
The NYT Audio app reached over 1 million downloads in 2023.
Dès cette semaine, une partie des utilisateurs pourra découvrir cette fonctionnalité, qui commencera par 75% de la production maison, avec pour objectif d'étendre cette expérience à tous les articles et à l'ensemble des utilisateurs. A l’avenir il sera même possible de personnaliser la voix que l’utilisateur souhaitera écouter.
L'accès illimité à ces narrations sera réservé aux abonnés (avec un nouveau paywall?). Un nouvel onglet "Écouter" va faire aussi son apparition, concentrant le meilleur du journalisme audio du NYT.
Au-delà de la technologie de narration développée avec une entreprise de l'IA générative (le mystère demeure sur le partenaire), le NYT continue d'innover malgré une bataille juridique en cours avec OpenAI et Microsoft. L'objectif ? Étendre le reach et les modes de consommation de sa production journalistique créé par des humains grâce à l'IA.
Peut-être ce nouveau format sera susceptible de faire venir des publics plus jeunes à la Grey Lady. Ces articles narrés pourraient aussi bien devenir un nouveau terrain à explorer pour ses annonceurs.
Sous-informés 🪙 : les médias français dépensent 3 Md€ pour l’information
⏳ 1 min 26 sec
Ce sont les Echos qui révélaient le chiffre cette semaine : 3 milliards d'euros, c’est la somme dépensée annuellement par les médias français dans l'information.
Une somme qui pèse dans le débat sur l'avenir du journalisme, surtout à une époque où les Gafam sont pointés du doigt pour leur rôle ambivalent dans le financement de l'info (quand ça n’est pas Meta qui discrètement supprime l’onglet News de sa plateforme Facebook, après avoir refusé de continuer à payer les médias australiens).
Lancés il y a six mois, les Etats généraux de l'information viennent de livrer une étude révélatrice. Pilotée par le vétéran des médias, Christopher Baldelli (ancien de RTL et patron de Public Senat) et menée par Philippe Bailly de NPA Conseil, cette enquête dresse un état des lieux des dépenses rédactionnelles (salaires, frais techniques, matériel) et souligne un enjeu crucial : le financement des médias d'information.
Avec 2,4 milliards d'euros pour les seuls médias grand public (hors agences de presse et de production) et comptant près de 27 300 personnes travaillant pour nous tenir informés, les chiffres sont éloquents. Malgré un CA global de ces médias de 12 Md€, l'équilibre financier reste précaire, illustrant la complexité de continuer à produire de l’information dans une ère où la monétisation de l’information est de plus en plus compliquée.
Sur l'ensemble des médias grand public, les achats et abonnements ne représentent qu'un petit quart des revenus. Les contributions de l'Etat (principalement le financement de l'audiovisuel public) pèsent un tiers, face à la publicité qui reste le premier contributeur (38 %).
Cependant, toutes les recettes ne sont pas publicitaires : entre les contributions de l'Etat et les ventes (au numéro ou par abonnement), le modèle économique des médias est un véritable casse-tête. Google dans ce marasme, se distingue en reversant “une centaine de millions d'euros” aux médias français (reversements aux éditeurs sur les abonnements via leur programme Subscribe with Google, droits voisins, onglet actu, Discover).
Ce panorama offre une réflexion profonde sur la valeur de l'information et le rôle vital des médias dans notre démocratie.
Comme le souligne Bruno Patino, président du comité de pilotage des Etats Généraux de l’Information et patron d’Arte France, c'est un rappel de l'importance cruciale d'un financement solide pour que journalistes et médias puissent jouer leur rôle essentiel dans la société.
Rayonnant 🌟 : le Paris de la Modernité
⏳ 1 min 29 sec
A quelques semaines de l’ouverture des Jeux Olympiques, et pour préparer ce moment où le monde entier aura les yeux braqués sur la France, le Petit Palais a été bien inspiré de reprendre cet autre moment d’extase égotique qu’était Paris au début du XXème siècle (les dates retenues furent 1905-1925) pour évoquer le Paris de la Modernité :
De la Belle Époque aux Années Folles, la capitale française a pendant ces années-là attiré les artistes, les scientifiques, les créateurs du monde entier. Cette exposition nous plonge dans le tourbillon de créativité de cette époque avec près de 400 œuvres qui vous piocher aussi bien dans la sculpture, la décoration, l’architecture, la peinture bien sûr, mais aussi les créations musicales ou encore le développement de l’aéronautique.
Vous pourrez déambuler parmi les chefs-d'œuvre de Picasso, Duchamp ou encore Tamara de Lempicka... sans oublier les créations de grands couturiers comme Paul Poiret ou Jeanne Lanvin. Des bijoux Cartier, un avion d'époque et même une voiture Peugeot sont là pour nous rappeler que la modernité, c’était aussi une révolution industrielle et technologique.
Le parcours, à la fois chronologique et thématique, a la bonne idée de mettre à l'honneur différents quartiers à l’honneur : la création du quartier des Champs-Élysées, théâtre de cette modernité bouillonnante, la liaison entre Montparnasse et Montparnasse par l’inauguration de la nouvelle ligne de métro.
Les femmes ne sont pas exemptes de Marie Laurencin qu’on redécouvre autrement qu’à travers les aquarelles chères à Joe Dassin, à celle qui n’est pas encore la glorieuse résistante Joséphine Baker, leur rôle est central dans cette épopée artistique, symbolisant l'émancipation et le métissage culturel. (Notamment avec la fin des robes corsetés par Poiret).
La Grande Guerre a toute une partie qui lui est consacrée, montrant à la fois son caractère épisodique dans la marche vers le progrès et le traumatisme qu’elle causera à l’époque qui lui succédera et qui ne sera pas qu’insouciance américaine sur la côte d’Azur à la mode Années Folles.
Pour ne rien rater de cette aventure à travers l'art, la mode, et plus encore, pensez à réserver ! Ce voyage dans le temps, au cœur du Paris de la modernité est enchanteur et même si les 400 œuvres peuvent faire peur, leur taille diverse permet d’avaler ces 20 ans d’un coup.
Société des auteurs et compositeurs dramatiques