Le Wrap Up de la semaine de nomination du gouvernement Attal (semaine du 8 janvier 2024)
💔 : Hollywood et la disruption numérique - 🧑⚖️ : NY Times vs. OpenAI - 🔮 Prédictions Tech et médias par F. Filloux - 🏛️ : Google a uniformisé le Web - 2 expos partant de Picasso
Au sommaire de cette semaine :
Interprété 🧑⚖️ : le procès du NY Times vs. OpenAI rappelle le reproche fait à Google Books
Picassienne 😵 : deux expositions qui s’attachent et se détachent de Picasso
⏳ Temps de lecture : 10 min 16 sec
Craquelé 💔 : Hollywood face à la disruption numérique
⏳ : 2 min 32 sec
L'article Peak Hollywood dans la livraison hebdomadaire de No Mercy / No Malice par Scott Galloway (encore!) fait un audacieux parallèle entre le déclin de l'industrie automobile de Détroit avec les défis actuels d'Hollywood face à l'essor des plateformes numériques.
Galloway s’attache à son habitude à rétablir l’impact réel de TikTok sur la jeunesse américaine, le comparant à l'influence des voitures japonaises comme Datsun, Honda et Toyota sur le marché automobile américain par le passé. Ces marques, initialement critiquées pour leur petite taille et leur prix bas, ont fini par bouleverser l'industrie automobile américaine. Aujourd'hui, ByteDance (la société mère de TikTok) est vue comme le nouveau challenger asiatique, menaçant l'hégémonie d'Hollywood dans le domaine du film et de la télévision.
Détroit avec le Fordisme et son modèle de production intégré était devenu un symbole de richesse et de progrès. Cependant, au fil des ans, l'industrie automobile US a décliné face à la concurrence japonaise, marquée par un manque d'innovation et une baisse de qualité.
Audacieusement, on peut tirer le trait pour Hollywood. Après avoir dominé la culture mondiale avec ses films, l'industrie a été en partie remise en cause par l'émergence de la TV. Dans les années 1960, les films d'Hollywood semblaient déconnectés de la réalité socioculturelle, entraînant des difficultés économiques pour les studios. Cependant, Hollywood a su rebondir en améliorant la qualité de ses productions et en s'adaptant aux changements de normes culturelles.
Cependant, le secteur doit à nouveau faire face à de nouveaux défis (chute de la fréquentation des salles de cinéma et surtout la concurrence des plateformes de streaming et de l’UGC).
Netflix has led the way. The company is based in California’s other industrial crèche, Silicon Valley. But it’s part of the Hollywood ecosystem nonetheless, with a quarter of its employees in L.A. and a flagship office on Sunset Blvd. It also understands the future is not in California, but everywhere else. The company will spend $2.5 billion on Korean content over the next four years, and it’s increasing investment in Brazil, Spain, Italy, and other countries, while “pulling back” on overall spend. (Translation: It’s reducing budgets for U.S. content.) There are now five Netflix offices in the U.S. and 24 internationally. Of its subscriber base, 69% resides abroad, up from 45% in 2016.
The ascendance of Instagram, TikTok, YouTube, and the talent pools they’ve inspired, is hard evidence that the future of entertainment will be user-generated. YouTuber MrBeast collected 4 billion views from his videos in 2023. At an average video length of 16 minutes, that’s 1 billion hours of viewing time generated by one man — 30% more than what Netflix captured this year on its most watched show, The Night Agent — filmed in Vancouver.
Galloway conclut sa tribune par un vibrant appel à Ted Sarandos (le coCEO de Netflix) en soulignant à quel point Netflix pourrait créer un concurrent sérieux à Tiktok pour peu que le studio s’allie à un acteur de l’Intelligence Artificielle comme Anthropic, désireux de montrer ce que leur produit est capable de faire, il l’appelle NetVibe (coucou les Tariq Krim et autres pionniers du Web) et pourrait produire assis sur le plus gros studio de l’histoire de l’humanité, une usine à remix des contenus les plus visionnés de la planète :
Ted,
I hope this message finds you well.
NFLX should partner with a deep-pocketed AI firm (e.g., Anthropic), horny to demonstrate differentiation in an increasingly crowded field, and launch a TikTok competitor (e.g., NetVibe, NetBeat, NetReal).
When you acquire content, negotiate the rights to parse it into bite-size clips. Your business has the largest block of cheese (i.e., content) in history. Slice it more thinly and charge 10x for it. The deft use of your technology and capital could create a viable competitor to TikTok that has tangible differentiation. I want to watch The Crown, just not all of it. You tried this before but were too early and too timid. Think remixes, not highlights. TikTok is an evolutionary platypus of snippets and retakes — Netflix should be the king of that jungle. This is, in my view, the ripest opportunity in media, and tech.
Interprété 🧑⚖️ : le procès du NY Times vs. OpenAI rappelle le reproche fait à Google Books
⏳ : 1 min 50 sec
La semaine dernière nous avions évoqué dans le Wrap Up ce procès-surprise lancé par le New York Times contre OpenAI sur l’utilisation de ses contenus de façon illégal.
Emmanuel Vivier du Hub Institute nous pointait pour approfondir vers la newsletter de Ben Thompson, Stratchery, qui donne son avis sur les chances de succès de cette entreprise judiciaire : le coeur de la question est de savoir si la reproduction de contenus pour entraîner des IA constitue une violation du droit d'auteur.
Le cas présent évoque d'autres affaires juridiques, notamment Authors Guild v. Google, où il a été jugé que la numérisation de livres par Google pour une fonction de recherche n'était PAS une violation du droit d'auteur.
La tribune souligne que les LLMs (large language models), comme ceux développés par OpenAI, fonctionnent sur un principe similaire, en absorbant de grandes quantités de textes pour générer de nouveaux contenus (comme Google Books en révélant des passages de livre, ne violaient le fair use de ces ouvrages).
Cependant, le Times argumente que les produits d'IA tels que ChatGPT peuvent directement concurrencer et nuire à leurs affaires, en particulier si les recommandations générées par l'IA remplacent la nécessité de consulter les articles originaux.
L'article aborde également l’argument avancée que la notion d’hallucination des modèles d'IA, pourrait générer des informations incorrectes ou trompeuses, et nuirait à la réputation du Times. Cependant, Ben Thompson trouve l’argument contre-productif : soit l’IA vient nuire au Times en plagiant ses contenus, soit OpenAI hallucine des contenus à partir des informations du Times et renforce par là même la crédibilité du Times.
Thompson rappelle la matrice d’appréciation de la jurisprudence américaine dans les affaires numériques :
Judges use four factors to resolve fair use disputes. It’s important to understand that these factors are only guidelines that courts are free to adapt to particular situations on a case‑by‑case basis. In other words, a judge has a great deal of freedom when making a fair use determination, so the outcome in any given case can be hard to predict.
The four factors judges consider are:
The purpose and character of your use
The nature of the copyrighted work
The amount and substantiality of the portion taken, and
The effect of the use upon the potential market.
There is generally more allowance given to disseminating factual information than to fiction.
Enfin, l'auteur réfléchit sur la nature changeante de l'information et de la communication à l'ère d'Internet, en particulier ces nouvelles formes d’information que sont la viralité et les "mêmes" (poc Marie Dollé), formes qui ont transformé la manière dont les informations sont diffusées et perçues.
Ben Thompson suggère au Times de voir les développements récents de l'IA comme une opportunité de mettre en valeur sa propre production de contenu de haute qualité et d'attirer un public prêt à payer pour un journalisme de qualité supérieure.
Le Prompt de l’image ci-dessus est disponible en note de bas de page1.
Prédictif 2/4 🔮 : Tech et médias par Frédéric Filloux
⏳ : 1 min 38 sec
Frédéric Filloux est un grand expert des médias et ses prédictions sont sinon justes généralement bien réfléchies, elles constituent le deuxième volet de notre tour d’horizon des médias et de la tech en ce début 2024, après celles de Scott Galloway la semaine passée.
Voici celles que j’ai relevées de son post de blog Episodiqu.es :
1. Les LLM vont devenir le nouvel OS du numérique:
2024 verra une évolution significative dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA), notamment avec le déploiement de GPT5 et de ses pairs. Ces modèles de langage avancés s'intégreront de plus en plus dans tout l’environnement de nos vies numériques : entreprises, éducation, industrie, loisirs.
La multimodalité, c’est à dire la capacité de traiter différents médias (texte, image, son, vidéo), sera au cœur des avancées.
Cependant, la fiabilité et la sécurité de ces systèmes resteront des défis majeurs.
2. Conflit sur les droits d’auteur dans l’IA
Le procès du New York Times contre OpenAI évoquée ci-dessus préfigure un combat généralisé pour la rétribution des droits de propriété intellectuelle.
Ce débat sera susceptible d’avoir un impact considérable sur le modèle économique des opérateurs d'IA, remettant en question leur modèle basé sur la non-traçabilité des contenus.
Les partenariats signés avec des éditeurs comme Axel Springer, pourraient émerger mais pèseraient sur les comptes de résultat déjà incertains des grands opérateurs, laissant peut être émerger finalement des acteurs étrangers pour lesquels les poursuites sont plus compliquées (mon regard se tournant vers l’Asie ou le Moyen Orient).
3. La fin du “racket” des app stores:
Apple et Google pourraient voir leur modèle d'app store évoluer, avec une réduction significative de la commission perçue (passant de 30% à environ 10-15%, ce qui est déjà le cas pour les plus petits éditeurs d’Apple notamment).
Ce changement répondrait aux critiques sur l'équité de ces commissions par rapport aux services offerts.
Cela dans un contexte européen (Digital Markets Acts, aka DMA) qui voudra contraindre les développeurs d’OS d’ouvrir la concurrence de leurs stores maisons.
4. 2024, une année compliquée pour Apple:
Avec la saturation du marché de l'iPhone et doit explorer de nouvelles avenues de croissance, notamment dans le domaine de la santé avec des produits innovants comme les EarPods. L'Apple Vision Pro, un appareil VR/AR, pourrait dynamiser le marché, mais son coût élevé limite son impact actuel.
8. Pas le début de la fin de Twitter :
Twitter restera un acteur clé dans l'espace des réseaux sociaux, aucun candidat sérieux n’a réussi à entamer le monopole de X dans les news chaudes et instantanées pour le gratin mondial.
Retrouvez les autres prédictions et plus de détails sur le blog de Frédéric Filloux:
Architecturé 🏛️ : comment Google a uniformisé le Web
⏳ : 2 min 28 sec
Remarquable article de The Verge sur la façon dont tout ce que nous lisons sur internet a été façonné avec non pas nécessairement l’oeil du lecteur en priorité mais surtout l’optimisation pour les crawlers de Google. En découle une nouvelle architecture de consommer du contenu avec la finalité des machines en premier lieu, un étonnant paradoxe pour Google dont la mission principale était de répertorier l’information mondiale.
L’auteur de l’article a d’abord été alerté par le manque de pertinence de certains articles (les divorces dans l’Etat de New York) vers lesquels pointait le moteur de recherche de la planète. Normal : de nombreux articles en ligne, particulièrement ceux des sites juridiques, sont rédigés par des rédacteurs anonymes, qui produisent du contenu saturé de mots-clés, sans avoir été revu par des humains et encore moins par des humains ayant des connaissances spécialisées dans le domaine.
Pas très étonnant : avec environ 90 % du marché des moteurs de recherche, Google est la référence incontournable, influençant profondément la manière dont le contenu est créé et présenté en ligne, nous rappelant une nouvelle fois la maxime de MacLuhan : le médium est le message, la façon dont l’information est restituée modifie tellement le contenu qu’il devient totalement formaté par le “média”.
On l’a encore vu récemment poussé à son paroxysme avec le recours à l’IA générative pour créer des articles optimisés pour Google, et des entreprises choisissant des noms spécifiques pour mieux se positionner dans les recherches locales (rappelant les bons vieux plombiers AA Plomberie comme raison sociale pour apparaître dans les premières lignes des bottins des Pages Jaunes à la page plomberie).
Brick-and-mortar businesses are picking funny names like “Thai Food Near Me” to try to game Google’s local search algorithm.
L'influence de Google s'étend au-delà des mots-clés, affectant la structuration même des sites. Les créateurs de contenu adaptent leur travail pour répondre aux préférences de Google, comme les sections FAQ, les sous-titres maladroits, et la répétition excessive de certaines phrases, techniques visent certes à améliorer le classement sur Google mais dégradent la qualité et la pertinence du contenu.
Bit by bit, the internet has been remade in Google’s image. And it’s humans — not machines — who have to deal with the consequences.
On pourra se récriminer en avançant que Google promeut d’abord la création de contenu de qualité destiné aux personnes plutôt qu'aux robots de Google. Cependant, les directives de Google pour le SEO sont devenues dans un jeu du chat et de la souris, tellement complexes et volumineuses, qu’elles rendent impossible par exemple pour les petites entreprises et les créateurs de contenu, de ne pas agir en tentant de se conformer aux recommandations des experts SEO. Cette tendance s’est bien sûr accélérée avec la mise en place de d’AMP, où Google a contraint les éditeurs pour rester pertinents (ie apparaître dans les pages de résultat en étant bien classées) de permettre à Google d’uploader leur contenu sur ses serveurs.
Perhaps Google’s most benevolent push has been toward a fast, mobile-first web that has forced small and large publishers alike to overhaul their publishing platforms. But even that effort has come with collateral damage — see the entire news industry reluctantly embracing Google’s AMP format — or in the case of smaller blogs, a flattening and whitewashing of web design across
L’article de The Verge souligne que, bien que Google encourage la production de contenu basé sur l'expérience personnelle et fiable, l'essor des contenus générés par IA va poser inévitablement de nouveaux défis. Les créateurs doivent désormais rentrer dans la science des LLMs pour comprendre comment leur travail sera ingéré et classé dans un environnement de plus en plus dominé par l'IA, modifiant ainsi à nouveau la façon même de présenter son contenu au monde.
Je vous recommande chaudement d’aller voir sur le site de The Verge les animations de l’article et comment l’auteur a fait évoluer putativement son blog sur les geckos d’un simple blog à un blog en ligne avec les méthodes qui marchent pour booster son SEO :
Picassienne 😵 : deux expositions qui s’attachent et se détachent de Picasso
⏳ : 1 min 46 sec
Réservation Comédie Française
Pour les fans de théâtre (et les frustrés de mes recommandations de théâtre de la Comédie Française), petit rappel : les réservations pour la saison 2023-24 pour les détenteurs de cartes comédie française s’ouvre mardi 12 à 11h, pour le grand public c’est le 23 janvier.
Parmi les pièces disponibles, je retiendrais en fonction des disponibilités : Macbeth, Pirandello et ses 6 personnages en quête d’auteur.
(Une nouvelle salve de places disponibles pour Cyrano et pour Lucrèce Borgia et je crois les Culottées de Péneloppe Bagieu).
Ce ne sont pas une mais deux expositions proposées cette semaine : La première, celle au musée du Luxembourg autour de Gertrude Stein (beaucoup) et de Pablo Picasso (un peu) et comment ils inventèrent au même moment un nouveau langage, elle par les mots et posant les bases du dadaïsme, lui par la révolution picturale du cubisme.
L’expo montre quelques œuvres bien senties de Picasso (et un très beau Cézanne) et montre surtout le prodigieux héritage américaine de Gertrude Stein et comme elle fit figure d’inspiratrice de la nouvelle scène new-yorkaise des années 50-60 (Merce Cunninghum, John Cage, Jaspers Johns).
L’autre exposition est la résidence de Sophie Calle au Musée Picasso dans le Marais, qui se veut à la fois une rétrospective et un investissement des lieux et inévitablement le jeu à mettre en place avec l’ogre, intimidant d’abord et qu’elle choisit d’aborder de biais. Pour ceux qui ne connaissent pas Sophie Calle2, c’est une bonne (et longue) façon de mieux appréhender ses facéties autour de la mort, de la disparition, des histoires des objets, ses blagues et ses fulgurances.
Les liens avec Picasso sont poétiquement (toujours) trouvés à travers d’une part la partie “Picalleso” où l’artiste visite l’hôtel de Salé pendant le confinement et la plupart des toiles seront recouvertes de papier kraft, et d’autre part (malheureusement n’est plus visible désormais) avec l’assemblage de près de 200 œuvres côte à côte afin de reproduire les dimensions du fameux tableau de Guernica de Picasso :
Ces deux expositions très différentes dans leur esprit (elles s’inscrivent toutes dans le cadre des célébrations des 50 ans de la mort du peintre) disent quelque chose de la distanciation qui s’est opérée vis à vis de l’artiste récemment, à la suite de sa récente remise en question en particulier dans le monde intellectuel anglo-saxon (une illustration ici : Hate him or Love in dans le New York Times) en lien avec sa conduite à l’égard des femmes : Gertrude Stein est élevée à des hauteurs qui rendent Picasso presque accessoire ou réduit à un rôle de passeur par le fameux portrait qu’il fait de l’auteure américaine. Sophie Calle joue avec talent avec l’absence du maître de céans pour prendre possession des lieux et raconter son propre art, projet révélé par l’intitulé de son exposition : A toi de faire, ma mignonne.
Prompt : Une collage numérique moderne représentant les thèmes de l'article 'The New York Times’ AI Opportunity'. L'image doit inclure une représentation du journal New York Times, avec éventuellement des gros titres ou des articles visibles. À côté, il doit y avoir des éléments visuels symbolisant l'intelligence artificielle, tels que des circuits numériques, des réseaux neuronaux, ou un robot humanoïde lisant le journal. L'arrière-plan peut être un paysage urbain, indiquant le monde rapide de la technologie et des médias. Le ton global du collage devrait véhiculer un mélange de journalisme traditionnel et de technologie futuriste, mettant en lumière l'intersection des médias, de la technologie et des défis juridiques à l'ère numérique.
Je recommande pour aller plus loin de visionner un bout de l’émission La Grande Librairie consacrée au génial Emmanuel Carrère, qui a invité Sophie Calle pour venir parler de son oeuvre.