Le Wrap Up de la semaine où une pétition a demandé un moratoire sur l'intelligence artificielle (semaine du 27 mars 2023)
🇨🇳 Les apps chinoises au top - 🎧 Youtube podcasts - 🐭 Disney virtualise son métaverse - Altman nouvelle homme de la tech - Antifragile antipathique
🗞 Le Wrap Up est une newsletter hebdomadaire gratuite qui déniche 4 ou 5 actualités média, tech ou NFT avec généralement une recommandation de sortie culturelle à la fin.
🥰 Si vous en appréciez le contenu, faites-la découvrir à une ou deux personnes de votre entourage qui aime les médias et la tech. Cela vous prend une minute et ça continue à me motiver dans cet exercice hebdomadaire :
⌛️ Temps de lecture : 6 minutes 58 secondes
Au sommaire de cette semaine :
Sinisé 🇨🇳: le classement des téléchargements d’app montre la progression de la tech chinoise
⌛️ Temps de lecture : 54 secondes
Les Etats-Unis s'émeuvent de la place prise dans les classements de téléchargement des applications d'origine ou liées à la Chine 🇨🇳... alors que le marché chinois reste de son côté, interdit aux apps américaines.
Ils fustigent notamment le fait que ces apps rodent leurs algorithmes sur leur marché intérieur avant d’être déployées avec une redoutable efficacité sur les marchés occidentaux en étant déjà adaptés aux comportements des consommateurs (un discours familier pour expliquer le faible nombre de licornes européennes).
L'article d'Axios Media met en évidence le succès foudroyant des applications chinoises comme Temu (un concurrent de Shein, lancé l'an dernier par PinDuoDuo), TikTok, CapCut (un éditeur de vidéos pour Tiktok, édité par Bytedance) et SHEIN.
Le sujet des données personnelles est croustillant: les Etats-Unis, en bons partisans de l'autorégulation des entreprises dans le traitement des données consommateurs (coucou RGPD), soulignent le danger à laisser ces données aux mains de sociétés sous influence du PCC.
Cependant, l'article d'Axios note que les applications chinoises d'e-commerce pourraient ne pas monétiser aussi efficacement que ses concurrentes américaines, notamment car elles ne disposent pas de gammes de produits aussi adaptées à un public “local”.
En France, Ali Express se hisse sans bruits depuis des années dans le top des téléchargements, tout particulièrement au moment des soldes (pour enfoncer le clou, la marque est même sponsor de la Coupe d'Europe en 2020 et 2024 pour 200 M$).
Auditionné 🎧 : Youtube officialise ses podcasts
⌛️ Temps de lecture : 1 minute 44 secondes
The Verge révèle que YouTube va lancer officiellement ses podcasts avec une page dédiée (en ligne depuis juillet) offrant une visibilité accrue et de nouvelles fonctionnalités, cela est une belle opportunité d’exposition, avec le risque pour les producteurs de podcast que rien ne soit plus comme avant.
Du côté des opportunités :
1️⃣ Une audience étendue : Avec plus de 2 milliards d'utilisateurs actifs par mois, YouTube offre une portée sans égale pour les créateurs (nombre d’entre eux filmaient d’ailleurs déjà les interviews dans leur studio ou même sur le terrain). Youtube serait d’ailleurs déjà devant Apple sur les “écoutes” de podcasts (qui est pourtant l’un des principaux promoteurs du format depuis 2005 avec une app dédiée) et également devant Spotify qui en avait un axe de différenciation clé depuis 2019 à coups d’exclusivité sur certains podcasteurs stars (notamment à travers le pharaonique contrat avec Joe Rogan de 100 M$ sur 5 ans).
C’est également une nouvelle opportunité de rajeunir son audience, les plus jeunes se montrant plus réfractaires que ses aînés au format de radio parlé.
2️⃣ Fonctionnalités spécifiques : Youtube entend déployer des outils pour favoriser l’abonnement, des recommandations croisées entre podcasts et une écoute offline pour agrémenter l’UX.
3️⃣ Une monétisation audiovisuelle : la possibilité de combiner formats audio et vidéo permettra aux créateurs d'offrir une expérience multimédia unique (et tout particulièrement une monétisation pub plus importante en raison des CPMs plus élevés de la vidéo).
Avec quelques défis tout de même à garder en tête :
1️⃣ Monétisation incertaine : la plateforme n'a pas encore dévoilé le modèle de partage de revenus clair pour les podcasts 😵💫 et cette verticale ne pèsera pas au final beaucoup dans les 29Md$ que YouTube a remonté à Alphabet en 2021 (le marché du podcast US pesant 1md$), donc pas beaucoup d’assurance que Youtube fasse un effort particulier dans le revenu renvoyé aux éditeurs.
2️⃣ Dépendance à l'algorithme : L'audience et la visibilité des podcasts sur YouTube dépendront en plus grande partie de l'algorithme de recommandations, ce qui pourrait rendre la croissance de certains podcasts plus difficile (attendons nous au grand retour du “n’oublie pas de t’abonner” en fin d’épisode);
3️⃣ Un univers de concurrence accrue : La popularité grandissante des podcasts entraîne une compétition plus féroce entre les créateurs, rendant la différenciation et l'acquisition d'audience plus complexe. Sans compter qu’à trop compter sur Youtube pour fédérer son audience, on risque de rapidement de se trouver en concurrence avec de vrais éditeurs vidéos.
4️⃣ Dilution de son identité de marque : en intégrant leurs podcasts à une plateforme principalement dédiée à la vidéo, les créateurs pourraient rencontrer des défis liés à la cohérence et à la préservation de l'identité de leurs productions audio. L’audio est souvent décrit comme un média de l’intime, un lien qui peut perdre de sa force avec la vidéo.
Métabolisé 🫥 : Disney virtualise son métaverse
⌛️ Temps de lecture : 1 minute 13 secondes
Wall Street Journal nous apprend que Disney a pris la décision de fermer sa division “next-generation storytelling and consumer-experiences unit”, qui travaillait sur la stratégie de Mickey au sujet du métaverse, dans le cadre d’un vaste plan de restructuration. Cette unité avait été créée pour explorer les possibilités du métaverse, afin de permettre aux fans de l’univers de Mickey de se connecter, d'interagir et de participer à des expériences immersives en ligne. Les premières pistes concernaient les sports virtuels (fantasy sports) et les parcs à thème.
L'annonce de la suppression de la division Metaverse (50 personnes) intervient alors que Disney a annoncé son intention de réduire ses effectifs de 7 000 employés (après une première vague de 32 000 départs principalement dans ses parcs d'attractions à la suite de la crise du Covid).
Disney’s former chief executive, Bob Chapek, hired Mr. White in February 2022, telling employees in an internal memo at the time that the goal was to “create an entirely new paradigm for how audiences experience and engage with our stories.”
Bien que la suppression de la division Metaverse de Disney puisse être considérée comme un revers pour une industrie prometteuse (notamment à la suite de décisions similaires prises chez Meta), il est important de noter que cela ne signifie pas pour autant la fin de l'intérêt de Disney pour les technologies immersives.
On apprend dans l’article que l’initiative de créer un super programme de fidélité à la Amazon Prime a été fait les frais de la restructuration. Ce programme aurait integré la donnée consommateurs à travers les différentes plates-formes Disney (le streaming, les ventes en ligne, les apps que les visiteurs utilisent dans le cadre de leur visite des parcs Disney pour acheter nourriture, du merchandising).
En tout état de cause, l'entreprise va continuer d'investir dans la réalité augmentée et la réalité virtuelle, expériences qui pourraient notamment trouver un canal de distribution avec les abonnés à Disney+.
Avisé 💡 : Sam Altman, le nouvel homme (fort) de la tech ?
⌛️ Temps de lecture : 1 minute 26 secondes
Dans le New York Times, un long portrait de Sam Altman, le dirigeant d’OpenAI, la société qui défraie la chronique et effraie les humains sur leur place dans l’univers.
Le jeune dirigeant (37 ans) y est dépeint à travers plusieurs touches rassurantes :
le fait d’avoir pris les rennes du programme Y Combinator (YC) entre 2014 et 2019 et d’en avoir fait l’incubateur de référence des licornes de la Silicon Valley, lui donne un unique savoir faire dans la croissance de sociétés à fort potentiel ;
il ne détient pas d’actions dans OpenAI : tout juste a-t-il des parts dans YC qui est actionnaire du projet, il perçoit un “simple salaire” de 65 000 dollars par an pour pouvoir entre autres, toucher la couverture sociale;
Même si cela ne change rien, il y est ouvertement question de son homosexualité, ouvrant la réflexion à une sensibilité particulière sur l’inclusivité de la science et de l’informatique au sens large ;
On y apprend qu’il fut un des cofondateurs d’OpenAI en 2015 comme une association à but non lucratif (même si son statut a changé depuis); Il en prit la direction en 2019 lorsque l’entreprise en comptait qu’une centaine d’employés, ouvrant au passage une structure commerciale pour supporter les coûts de structure et les salaires (He rebuilt OpenAI as what he called a capped-profit company.)
L’article trace avec finesse le portrait d’un personnage qui saisit avec acuité les enjeux de société soulevé par la rapidité de développement de ChatGPT.
He also helped spawn the vast online community of rationalists and effective altruists who are convinced that A.I. is an existential risk. This surprisingly influential group is represented by researchers inside many of the top A.I. labs, including OpenAI. They don’t see this as hypocrisy: Many of them believe that because they understand the dangers clearer than anyone else, they are in the best position to build this technology.
L’article est dans l’ensemble très flatteur, accompagnant le discours dominant d’un OpenAI qui aurait pris la décision de lancer la version publique de ChatGPT afin de, selon eux, commencer à sensibiliser le grand public sur les possibilités de l’intelligence artificielle.
Une version contestée par les détracteurs de la société (et les signataires qui appellent à un moratoire de 6 mois sur l’IA) qui y voit plutôt une façon de griller la politesse aux autres acteurs de la tech qui construisaient plus sagement à huis clos, leur propre modèle d’IA.
Antipathique 👺 : Antifragile de Nassim Nicholas Taleb
⌛️ Temps de lecture : 1 minute 43 secondes
Nassim Nicholas Taleb, ancien trader financier, est un auteur connu des milieux d’affaires en ce qu’il a théorisé les crises financières (celle de 2008 en particulier) et a fait rentrer dans le langage le terme de Cygne Noir, du titre d’un de ses ouvrages (ses autres livres filent le même thème : Fooled by Randomness, Skin in the Game, ).
Il est souvent question dans ses livres de notre incapacité à bien prendre en compte la complexité de notre monde : nous nous berçons d’illusions à travers l’élaboration de statistiques réductrices et trompeuses (en particulier tout ce qui concerne les moyennes arbitraires et fait fi des points statistiques aberrants).
Dans Antifragile, il développe l’idée que notre vocabulaire moderne ne sait pas rendre compte de l’opposé de la fragilité, qui n’est pas de la robustesse (qui décrirait plutôt le retour à la situation antérieure au stress). L’anti-fragilité est la propriété de ce qui profite des crises pour se renforcer. L'idée est séduisante et permet de réfléchir à des approches nouvelles pour tirer parti de nos réponses aux crises et aux imprévus.
L’érudit s’appuie en premier lieu sur la médecine et différentes formes de mithridatisation (le fait d’ingérer de petites quantités de poison quotidiennement pour se prémunir de dose létale). Evidemment, Taleb étend ce raisonnement à d’autres domaines, économiques en particulier, faisant l’apologie des options (pour mal résumer : subir un léger coût avec la perspective de toucher le pactole en cas de survenance du risque contre lequel on s’est prémuni).
Il insiste sur la mauvaise habitude de nos sociétés de considérer les causes et leurs effets sous le seul prisme de la linéarité : au contraire, les phénomènes sont davantage régis par des fonctions concaves ou convexes (indice : recherchez plutôt ces dernières).
L’ouvrage fait profusion d’exemples et de mathématisation de ce qu’il décrit, sans toutefois convaincre sur la scientificité de sa méthode (en particulier sur ses connaissances médicales). Taleb adopte souvent un ton sentencieux et en rupture de ban avec le monde académique qu’il abhorre, car selon lui, trop déconnecté du terrain et surtout dénué de “skin in the game”1
Son style, souvent provocateur et péremptoire, mais reconnaissons-le pleine de verve et d’esprit, agace souvent, particulièrement le lecteur en quête d'un discours nuancé et constructif. En outre, certaines de ses critiques envers la science, l'économie ou la politique manquent simplement parfois de rigueur et de crédibilité (avec une certaine insistance sur l’épreuve du temps comme ultime pierre de touche). On restera un peu sur sa faim, concernant les exemples pratiques d’anti-fragilité, plutôt vu comme une célébration des artisans, du pragmatisme, tout ce qui se tient éloigné d’une pensée complexe nécessairement fausse.
Malgré ces réserves, il serait injuste de jeter le bébé avec l'eau du bain : Antifragile offre de nombreuses réflexions intéressantes sur la manière dont nous gérons nos systèmes économiques, politiques et sociaux, et fait moults références à l’histoire méditerranéenne tant pour ce qui est de la philosophie, de la science ou de la médecine.
En somme, je recommande la lecture d'"Antifragile" pour son concept central et la grille d’analyse du monde contemporain qu’il fournit (particulièrement en situation d’instabilité bancaire que nous retrouvons en 2023), mais on pourra se contenter des 100 premières pages si l’on ne veut pas se perdre dans la logorrhée de l’auteur.
qu’on pourrait faute de mieux résumer en français par l’adage “jouer sa peau” (ou plus vieilli, attribué à Céline : mettre sa peau sur la table)
Merci pour cette news très claire, au style mi journalistique mi écrivain que j'apprécie beaucoup ! Il y a du taf derrière cette news 🌟