Le Wrap Up de la semaine où Microsoft a dépassé les 2 billions de dollars de capitalisation boursière (semaine du 21 juin 2021)
5 bullet points : médias, tech, société avec une pointe de culture
Petit rappel lexical : un billion en français (1000 milliards) est un trillion en anglais. Pour comprendre pourquoi on parle d’échelle courte et d’échelle longue pour compter les grands nombres, je vous renvoie à ce passionnant article de Wikipédia qui nous apprend entre autres que jusqu’au XIIIème siècle le terme million n’existait pas.
Pour faire écho au beau concert d’Alain Souchon auquel j’ai eu la chance d’assister cette semaine au Palais des Sports (demi jauge, masques pendant 2h30 et test PCR au préalable - le dernier ?-), chaque thème sera introduit par des paroles d’une chanson de son répertoire.
Cette semaine au sommaire :
“Pour faire la route dans l'autre sens” 📉 : les médias face au risque de la récession d’audience
“Y’a de la Rumba dans l’air” 🎼 : l’IPO à venir d’Universal Music
“On nous Paul-Loup Sulitzer” 🤑 : Whatsapp toujours plus business
“La vie ne vaut rien” 🤨 : les NFTs ne sont pas des droits de reproduction
“Rive Gauche” 👩🎨 : Peintres Femmes 1780-1830, naissance d’un combat ✊
“Pour faire la route dans l'autre sens” 📉 : les médias face au risque de la récession d’audience
Après une année passée le nez collé contre l’écran, les professionnels des médias craignent une “récession de l’attention” d’après The Economist.
Economisant le temps domicile-travail et pour certains en chômage partiel (environ 15% de leur temps de travail d’après MIDiA1), la consommation de médias et de divertissement a littéralement explosé :
Seeking new distractions, smartphone users around the world installed 143bn new apps on their devices, a quarter more than in 2019 (and more than double the previous year’s rate of growth), according to Craig Chapple (Sensor Tower)
C’est cependant la TV qui s’est arrogée la part du lion avec près de 80 minutes additionnelles par semaine (En France, ce serait 126 minutes supplémentaires par semaine avec 18 minutes de temps de consommation journalière supplémentaire en 2020 vs. 2019 d’après Médiamétrie);
Sans surprise, le nombre de services de SVOD utilisés par les Américains, gratuits ou non, après avoir augmenté, vient pour la première fois de connaître une baisse passant de 7,23 à 7,06 services en moyenne par mois. Netflix et Disney+ se font un peu plus discrets sur leur nombre de recrutements (le premier n’a annoncé qu’une progression de 5 M d’abonnés au 1er trimestre 2021).
Symétriquement, c’est la TV -par câble- qui renoue aux Etats-Unis, avec sa tendance historiquement baissière de consommation (-23% au 2nd trimestre), la TV généraliste est à l’avenant. Le cinéma n’ayant pas vraiment compensé en entrées, le manque des derniers mois doit subir désormais -hors France- les assauts de plates-formes de streaming qui possèdent des studios et qui diffusent simultanément leurs sorties ciné et streaming TV, imprimant sans doute un legs durable du COVID : la réduction des fenêtres de diffusion (hors chronologie des médias réglementaire comme en France).
Cette concurrence des médias tient aussi pour partie à l’unité de lieu de la concurrence entre les différentes formes de divertissement :
Until a decade ago, people accessed different media using different hardware: TV sets for video, computers for gaming, stereos for music. Today all varieties are delivered by smartphone.
Par ailleurs, un des autres phénomènes durables de la post-pandémie est la place prise par l’audio (les podcasts et les audiobooks) qui est passée, d’après MIDiA, d’un cinquième de la consommation musicale à un quart, au détriment de la musique en elle-même -en mai 2021, le nombre d’écoutes / de téléchargements de podcasts a atteint le record en France métropolitaine, de 92 millions, en hausse de 20% sur un an.
Enfin, le plus gros changement post pandémie vient du gaming :
The extra hour per week that people spent gaming last year represented the largest percentage increase of any media category. And unlike other lockdown hobbies, it is showing no sign of falling away as life gets back to normal… last year people installed 56.2bn gaming apps, a third more than in 2019 (and three times the rate of increase the previous year).
A l’inverse de ces tendances inflation - récession, les apps de dating qui malgré leurs efforts, avaient connu une décrue significative de leur activité du fait de la distanciation sociale et des règles strictes de confinement, font désormais l’article de leur recrudescence et commencent même à évoquer un “summer of love” pour rattraper le temps perdu.
“Y’a d’la Rumba dans l’air” 🎼 : l’IPO à venir d’Universal Music
L’Assemblée Générale de Vivendi a approuvé la cotation d’Universal Music à compter de septembre prochain à la bourse d’Amsterdam. Le groupe qui détient une part de marché global de la musique de 30%, compte déjà le groupe chinois Tencent comme actionnaire minoritaire à hauteur de 20%. Deux fonds activistes se sont faits connaître et ont revendiqué près de 10% chacun de détention dans la société (un des deux est le SPACs ayant levé le plus d’argent avec une levée de 3,5Md€). Vivendi devrait continuer à détenir 10% des actions du géant de la musique et distribuer les 60% restants aux actionnaires actuels de Vivendi.
Les perspectives pour les grosses majors de la musique en ligne sont à l’aune des dernières années, particulièrement réjouissantes pour les actionnaires :
Between its lowest point in 2014 and last year, worldwide revenues rose by 54%, to $21.6bn. Some two-thirds of these revenues accrue to the three “major” record labels: Universal, Sony and Warner. Only Warner is publicly listed; its share price has risen by 16% since its own initial public offering a year ago.
mais un certain nombre de défis pointent à l’horizon :
For Universal, the question is whether it can keep the hits coming. Growth will slow as the streaming market matures. Rich countries are already nearing saturation point… Music faces competition from
new audio formats, notably podcasts, whose share of total listening has grown during the pandemic.
And a rising share of streaming revenues goes to self-published artists, who—like Universal—have decided that they can make a better go of it alone.
Philippe ESCANDE revient dans le Monde ($) sur la valorisation d’Universal Music à 35 milliards, soit autant que Vivendi qui comprend, excusez du peu, Canal+, Editis, Prisma et une part non négligeable de l’agence Havas… Il souligne, sans aménités, l’absence historique de synergies entre les différentes entités, faisant remonter l’absence d’approche industrielle à la genèse du pôle médias-communication de la Générale des Eaux de Guy Dejouani… quand la décote de holding a la vie dure
“On nous Paul-Loup Sulitzer” 🤑 : Whatsapp toujours plus business
Facebook a déployé les fonctionnalités Shop dès 2020 pour Facebook et Instagram, aussi n’est-ce guère surprenant que la fonctionnalité soit désormais étendue à Whatsapp (dans certains pays seulement pour l’instant). On pouvait légitimement se demander quand Facebook allait choisir d’accélérer la monétisation de sa plateforme acquise en 2014 pour 22 milliards de dollars.
Un déploiement préparé par les changements de conditions générales qui ont tant fait jasé début 2021 : Facebook avait décidé de contraindre l’acceptation sous peine de coupures du service, puis de réductions progressives des fonctionnalités clés de la plateforme (finalement il n’en sera rien).
Ces conditions générales faisaient en sorte que Facebook puisse désormais partager les informations de ses utilisateurs de Whatsapp qui correspondaient avec les marques par le biais de la plateforme.
La nouvelle fonctionnalité Shop prend essentiellement forme avec la possibilité de “chatter” avec une entreprise, petite ou multinationale, à travers l’application WhatsApp. Le confinement a modifié les habitudes de consommation et désormais les utilisateurs indiquent avoir de moins en moins l’intention de se déplacer dans les magasins à proximité et se tourner de plus en plus vers les plates-formes de Facebook (source : Facebook). Ils sont désormais 300m d’utilisateurs à utiliser la fonctionnalité Shops sur Facebook et Instagram.
“one in three shoppers globally say they plan to spend less time in-store even after the pandemic is over, and almost three-quarters say they get shopping ideas from Facebook, Instagram, Messenger or WhatsApp. ” (source : Facebook)
“La vie ne vaut rien” 🤨 : les NFTs ne sont pas des droits de reproduction
On avait déjà évoqué le statut “trouble” du droit de la propriété concernant les NFTs2, un article de Techcrunch revient sur ce sujet en soulignant le flou juridique en cours :
le premier écueil provient du fait que le lien entre l’oeuvre et le NFT est extrêmement ténu.
The truth is, NFTs are just tokens that represent an asset, completely separate from the assets themselves. Because every NFT represents a unique asset, a single NFT can’t be duplicated while maintaining the same value as the original. Many equate this exclusive form of ownership with ownership of the work itself, but the distinction must be emphasized… So unless an external agreement is made between the artist and the buyer, the bundle of copyrights to an NFT still belong to the original artist.
le second écueil tient à la place de la fraude. Une oeuvre digitale pouvant, par nature, être facilement reproduite, un faussaire pourra aisément “minter3” une copie de l’oeuvre sans être l’auteur, mais le NFT ainsi créé établira bien un lien entre les deux; Ainsi de nombreux artistes se sont vus dépossédés du droit sur leurs oeuvres, ces dernières étant vendues sans leur intervention.
Une des solutions à ce problème pourrait venir de la légitimité donnée par la certification par les pairs, un peu à la façon des revues scientifiques dont le comité de lecture donne crédit aux publications du simple fait d’avoir passé leur filtre. On conviendra que cette légitimité par les pairs semble bien archaïque face à la promesse moderne de décentralisation de la certification par la blockchain;
Une autre solution proposée par l’article serait de se rapprocher pour la poursuite des fraudes à la propriété de la Convention de Berne qui date de … 1886 signée désormais par 179 pays dans le monde. Un traité (WIPO) datant de 1996 souhaitait étendre les dispositions de la Convention de Berne aux oeuvres numériques, mais peu de pays ont accompli cette mise à jour, laissant perdurer un flou juridique sur les oeuvres digitales.
“Rive Gauche” 👩🎨 : Peintres Femmes 1780-1830, naissance d’un combat ✊
La thèse était entendue : notre société n’avait rien fait, à l’ère moderne, pour donner aux femmes une juste place dans les formations et les académies de peinture4, il en a résulté en dépit des quelques femmes encouragées à persévérer et à se faire une place au soleil (derrière Vigée Le Brun et Labille Gaillarde), qu’elles furent rares à recevoir les reconnaissances publiques.
Aimée BRUNE (1803-1866), Une jeune fille à genoux
C’est tout l’objet de cette exposition au Luxembourg d’aller à l’encontre de cette thèse de déploration et de ne pas rester dans cette image d’Epinal : l’exposition montre que des artistes véritables, des formations aux arts en bonne et due forme ont existé et ont été encouragées. La Révolution provoquera la fin de l’Académie Royale et inaugurera le Salon Libre ouvrant ainsi l’accès des expositions aux non Académiciens / Académiciennes, sans pour autant être tout à fait au clair sur le rôle attendu de la citoyenne dans la nouvelle république.
Il en résulte une exposition plaisante, avec de belles oeuvres classiques et romantiques, une meilleure compréhension de ce qui se joue à ce moment-là, sans que pour autant, personnellement, on ne soit totalement emporté par le sujet :
Malgré le talent indéniable des protagonistes, il y a tout de même une certaine loi des nombres qui me semble à l’oeuvre ici et qui fait que de la même façon qu’il y a plus de chances que le prochain Mozart soit chinois, du fait des 60 millions de pianistes que l’Empire du Milieu compte, les chances de voir sortir des rangs féminins des artistes majeures au XIXème siècle me semblent bien amenuisées par la relative faiblesse du stock initial d’impétrantes.
Snackés🌯 : Quelques burritos pour la route
“Pourquoi tu te prépares” : rapprochement aux Pays-Bas entre Talpa et RTL pour constituer un champion national “pour lutter contre les plates-formes de vidéo à la demande” ;
“C’est déjà ça” : Google reporte de deux ans (2023) l’abandon du cookie tiers et laisse respirer les éditeurs qui vivent de la publicité digitale ;
“Debussy Gabriel Fauré” : les 10 start-ups à suivre dans la musique par Wity Mag.
The average full-time worker gained about 15% more spare time during the pandemic, according to a survey by MIDiA of consumers in America, Australia, Britain and Canada.
les non fungible tokens.
c’est à produire le NFT correspondant, en l’inscrivant dans la blockchain.
qu’on en juge : au total, 14 femmes furent admises à l’Académie Royale de Peinture depuis sa création, la première fut admise en 1663, 15 ans après son ouverture de cette académie.