Le Wrap Up de la semaine où l'on a fêté les 100 ans de la naissance du Mime Marceau
5 bullet points sur l'actualité tech, médias, NFTs avec une recommandation culturelle à la fin
⏳ Temps de lecture : 8 min 35 secondes
Pour en savoir plus sur la naissance et la vie de Marcel Marceau, lire l’article dans The Economist qui rappelle la jeunesse résistante du jeune Alsacien, le succès des premiers spectacles dans les années 50 aux Etats-Unis et les presque 300 représentations de spectacle muet dont il était l’auteur, célébrant au passage l’art unique et rare du mime.
Retour à la parole, avec au sommaire de cette semaine :
Réjuvénateur 📺 : la diffusion de la F1 par Netflix tente d’autres sports
Addictif ☕️ : le programme de fidélité en NFT de Starbucks semble prendre
Artificielles 📰 : les éditeurs de presse demandent des comptes à l’IA
Réjuvénateur 📺 : la diffusion de la F1 par Netflix tente d’autres sports
⏳ Temps de lecture : 1 min 46 secondes
Le sport s’est toujours transformé en fonction de son exposition médiatique, de la conception du Tour de France par le rédacteur en chef du journal sportif l’Auto (en 1903) à l’introduction des caméras dans pratiquement toutes les rencontres de Canal+ dès la diffusion des matchs de L1 sur la chaîne cryptée en 1984.
La Formule 1, sport encore récemment considéré comme en perte de vitesse (notamment sous la volonté de maximisation des droits de diffusion en réduisant son exposition grand public en TV gratuite), a connu un formidable renouveau avec la production d’une série sur Netflix (The Drive to Survive) qui en est à sa 5ème saison, attirant des millions de spectateurs nouveaux en particulier aux Etats-Unis où la F1 a toujours concouru difficilement contre le championnat NASCAR.
Flairant la recette du succès, Netflix a enchaîné : en janvier, les abonnés ont eu “Break Point” sur le tennis, en février, “Full Swing” sur le PGA golf tour. Plus tard cette année sont annoncés “Tour de France: Unchained” et une série sur la Coupe du Monde de Foot. Amazon et Disney ont également annoncé de nouveaux programmes à connotation sportive.
The Economist pointe le risque d’excès en la matière et de déformer le sport en question :
It focuses on personalities, with teams’ bosses and drivers’ partners getting almost as much attention as the competitors and their cars. The expletive-filled outbursts of Guenther Steiner, the boss of the Haas team, and the withering looks of Toto Wolff, his opposite number at Mercedes, have turned them into unlikely stars. James Gay-Rees, one of the producers, has compared the series to a soap opera.
“Drive to Survive” est ainsi accusé de prendre des libertés avec la réalité pour satisfaire aux besoins de la dramatisation, rendant le visionnage des performances en live moins grisant.
Le Rugby à travers le tournoi des 6 Nations, serait sur le point de connaître une pareille évolution pour satisfaire aux canons de l’entertainment :
That is in part because the game has moved on from an emphasis on speed and skill, and instead rewards strength and size. As well as taking a brutal physical toll on players, this has also made the game more plodding and predictable. Attempts by organisers to inject dynamism have largely failed. But next year a series made by the same company that makes “Drive to Survive” promises to take viewers “inside the exhilarating world” of the Six Nations.
Le risque serait de mettre l’accent sur les personnalités individuelles comme en F1 alors qu’ici plus qu’ailleurs le poids du collectif est déterminant. Certaines équipes refuseraient déjà l’accès des caméras aux vestiaires dont le langage ou la tenue des sportifs ne sauraient “convenir à tous les publics”.
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Addictif ☕️ : le programme de fidélité en NFT de Starbucks semble prendre
⏳ Temps de lecture : 1 min 28 secondes
La révolution est en retard.
Les principes de la blockchain ont été posés par un groupe d’hacktivistes dès 2008 qui pourrait être une seule personne (le fameux Satoshi Nakamoto) ou un groupe.
Les NFTs sont connus depuis 2015 (et les smart contracts ont été théorisés en 1993), la période 2017-2021 a certes été florissante et pleine de rebondissements spéculatifs, mais la contagion au monde entier du Web3 (NFTs, Métaverses) se fait attendre (lire l’article sur la hype dans The Economist).
On cherche encore les cas d’usage grand public qui pourront donner à sentir et à tester les promesses faites par la blockchain (la décentralisation, la transparence, la liquidité parmi d’autres).
Les détenteurs de Bored Apes et autres collections prisées des NFTs (les fameuses Blue Chips), les utilisateurs de The Sandbox sont encore trop peu nombreux et accélèrent encore trop lentement pour maintenir en haleine la promesse de révolution digitale.
Peut-être Starbucks serait de nature à changer la donne : l’analyste de Bank of America qui suit la valeur de la chaîne de café, semble donner des gages aux expérimentations conduites sur le programme de fidélité, intitulé Starbucks Odyssey.
The coffee company, which launched a beta test of Odyssey in December, allows members to participate in interactive journeys like games and virtual tours related to coffee education and Starbucks history and earn Odyssey Points that can be exchanged for rewards or Journey Stamp NFTs that can be collected and traded…
Ce qui semble déclencher particulièrement l’intérêt serait la capacité de Starbucks à dépasser les simples contours traditionnels d’un programme de fidélité fait de earn / burn et de faire rentrer dans la danse des participants, pas nécessairement membres du programme de l’enseigne :
Odyssey appears to be bringing new members into the Starbucks Reward fold, as well as motivating existing members to engage differently and at greater length, "a critical development" given that the rewards program membership growth has historically been a driver of comps.
Les chiffres restent encore modestes, car certains de ces “timbres” se seraient échangés pour une valeur de 1 900 dollars, et un CA additionnel généré serait de l’ordre de 150 K$ (loin des 93 M€ de revenus secondaires des créations de Nike / RTFKT), mais on est sur la bonne voie :
En complément pour comprendre l’ampleur du programme fid de Starbucks, je vous recommande de parcourir le post de Laura Boukobza sur ce sujet sur Linkedin.
Echouée 🐋 : l’absence de SVOD française
⏳ Temps de lecture : 2 min 2 secondes
Alain Le Diberder, à la carrière protéiforme entre TV, Culture et Nouvelles Technologies (notamment créateur du Deuxième Monde et de FilmoTv), revient sur son blog sur ce constat surprenant au moment de la fin de Salto et de la sortie d’OCS d’Orange : la part de marché (pdm) des services de SVOD américains est en France la plus élevée d’Europe pour un pays qui s’enorgueillit de défendre ses industries culturelles.
Qu’on relativise la pdm US est énorme partout en Europe :
Les services américains obtenaient donc 88% des abonnés et 84% du chiffre d’affaires du secteur en 2020, pour l’ensemble de l’Europe.
Cependant, la pdm franco-française est deux fois plus faible qu’ailleurs !
Dans les autres grands pays européens la domination américaine est également évidente mais il existe une offre nationale significative. Soit issue des télécoms (Magenta en Allemagne filiale de Deustche Telekom est parfois présentée comme le quatrième service de svod allemand par le nombre d’utilisateurs, pas loin de Disney), mais aussi Timvision en Italy ou Movistar+ en Espagne) soit des groupes de télévision (Britbox au Royaume-Uni, Mitele+ en Espagne, Mediaset Infinity en Italie, RTL+ et Joyn en Allemagne). La Belgique flamande, la Scandinavie, la Croatie ou la Suisse disposent également d’une offre de svod locale non négligeable.
Pour expliquer cet échec, la responsabilité est collective : les pouvoirs publics, les groupes audiovisuels privés, les FAI et l’Autorité de la Concurrence en prennent chacun pour leur grade.
Les pouvoirs publics : après un soutien initial plutôt bienveillant, les présidences Sarkozy et Hollande furent au mieux impuissantes, au pire ignorantes de la problématique assimilant la SVOD à un mode d’accès pour la jeunesse :
Tout ce qui aurait ressemblé au protectionnisme, tout ce qui aurait freiné le déploiement du « numérique » était renvoyé au purgatoire des corporatisme, du vieux monde, de l’éclairage à la bougie.
Les groupes audiovisuels ont tous fait preuve de cécité : De Canal de peur de cannibaliser son produit phare de pay TV et craignant les foudres de l’Autorité de la Concurrence qui venait d’autoriser du bout des lèvres la fusion CanalSat-TPS, à TF1 dont les dirigeants n’ont pas fait évoluer la filiale déficitaire, TF1 Vision de la VOD à la SVOD, sans parler des trop timides initiatives de M6, d’Arte ou de France Télévisions qui sont restés sur la VOD à l’acte ou le replay gratuit des programmes;
Les FAI ne sont pas en reste : les velléités de bricoler leurs propres services de distribution, voire les quelques immersions dans l’achat de droits n’ont pas donné lieu au constat d’une nécessité de construire un acteur commun des FAIs qui aurait été distribué partout (ce qui sera aussi le talon d’Achille de Salto);
Enfin l’Autorité de la Concurrence : elle aura été constante dans l’échec. D’abord, elle interdit à Canal+ de grouper en une seule négociation les acquisitions de droits de diffusion, de VOD et de SVOD. Ensuite, elle fait peser tellement de contraintes au naissant projet de Salto (A. Le Diberder ne mentionne pas par charité chrétienne, le temps d’instruction et de validation d’un tel projet) qu’on pourrait s’étonner que l’échec ne soit pas intervenu plus tôt :
En résumé Salto ne pouvait pas bénéficier de la promotion par ses actionnaires, ne pouvait en aucun cas se coordonner avec eux, ne pouvait pas leur communiquer d’informations ni bénéficier d’accès privilégié à leurs programmes. Salto ensuite n’aura duré qu’un peu plus de deux ans.
Artificielles 📰 : les éditeurs de presse demandent des comptes à l’IA
⏳ Temps de lecture : 1 min 46 secondes
La guerre n’est pas nouvelle : depuis longtemps, la presse accuse les acteurs de la tech d’être le fossoyeur de son business : d’abord en déportant ce contenu exclusif sur ses propres moteurs de recherche et autres newsfeeds, ensuite en monétisant cette attention par des outils autrement plus performants que la vente traditionnelle et en n’en redistribuant pas la valeur aux titres de presse.
Le lobbying continue entre les GAFAM et les journaux qui savent aussi se faire entendre des législateurs. Dernier épisode, sur une musique bien connue : le Canada envisagerait de demander à Google News de rémunérer les titres de presse du pays.
Google and Facebook, which have come in for most of the flak, retort that they merely display links and a few lines of text, rather than articles themselves, and that by doing so they drive traffic to publishers (who in any case can opt out if they choose). Facebook estimates that it sends 1.9bn clicks a year to Canadian media, publicity it values at C$230m ($170m).
Facebook et Google en première ligne, ont vu les feux s’allumer dans nombre de pays : la France bien sûr, l’Espagne, le Royaume-Uni et dernièrement l’Australie, et ont développé des actions préventives pour s’éviter les foudres législatives :
To ward off similar legislation elsewhere, Google and Facebook have set up mechanisms for funnelling “support” to media companies. Google’s “News Showcase” will spend about $1bn in 2020-23 on licensing content from more than 2,000 news organisations in more than 20 countries. Facebook’s News Tab does something similar, but has lately been scaled back. Unlike Google, Facebook can live without news, which makes up only 3% of what users see in their feed.
Evidemment, les récents développements autour du search sont encore moins susceptibles d’envoyer du trafic aux éditeurs de presse.
Tout est fait pour que l’utilisateur ait une réponse unique à ses questions tout en restant sur le site agrégateur. Cela est d’autant plus frustrant que les premières limitations auto-imposées à ChatGPT ne prévoyaient pas de pouvoir répondre à des faits postérieurs à 2021. Las, les barrières sont en train de sauter et l’IA va allègrement sauter les paywalls pour aller chercher de l’information fraîche et pertinente.
Les lames des avocats de la presse s’aiguisent et réclament d’aller au fond des choses : pourquoi les nouveaux outils de search ne partageraient pas cette fois, leurs revenus comme Spotify le fait avec les éditeurs de musique ?
The chief counsel at one large media company argues that AI-search companies should be made to license the content they regurgitate, just as Spotify has to pay record labels to play their songs. AI’s use of others’ material is “the copyright question of our times”, he says.
En complément, cette annonce peu opportune d’Axel Springer annonçant la disparition de nombreux postes de rédacteurs rendus “superflus” par ChatGPT.
Chitchaté 💬 : l’art perdu du papotage
⏳ Temps de lecture : 1 min 22 secondes
Plutôt qu’une expo, un podcast ou un livre, je vous recommande cette semaine la lecture de cet article long du Monde Magazine ($), sur l’art en déshérence de la conversation quotidienne, de ces moments gênants de discussion avec des inconnus sur la pluie et le beau temps mais qui créent cette chose essentielle: du lien social.
A l'heure où le chat informatique excite les foules, l’excellente Guillaumette Faure revient avec brio et humour, sur la désaffection du papotage humain. A coups d’écrans, d’écouteurs sur les oreilles1, de télétravail qui met finalement votre bureau partout (au café, dans une file d’attente, dans les transports), il a régressé.
Le phénomène n’est pas nouveau, mais a pris un nouvel ascendant avec la pénétration des smartphones et du Covid (la distanciation n’a pas disparu). L’article ne tombe pas pour autant dans un éloge de la ruralité et de la politesse des campagnes :
Dans The Power of Strangers : The Benefits of Connecting in a Suspicious World (« le pouvoir des étrangers : les bienfaits de l’échange dans un monde méfiant », 2022, non traduit), le journaliste new-yorkais Joe Keohane suggère que cette solitude pourrait être la conséquence de l’inflation de gens autour de nous. Dans les métropoles, on serait obligés de limiter les échanges pour réussir à vivre avec autant de monde.
Bien avant lui, en 1963, le sociologue canadien Erving Goffman avait formulé l’idée d’« inattention civile » pour décrire la façon dont, lorsque nous croisons quelqu’un, nous lui indiquons que l’on reconnaît sa présence tout en ayant la courtoisie de ne pas lui prêter une attention excessive pour s’éviter mutuellement un trop gros flot d’informations à gérer – imaginons si nous devions nous présenter et discuter avec chaque personne que nous croisons !
Pour tenter de réhabiliter cet art de vivre, l’article met en avant les gains attendus par le fait de renouer avec cette pratique :
Dans The Good Life, l’ouvrage tiré de l’étude d’Harvard sur le développement adulte qui a suivi 724 personnes et leurs descendants depuis 1938, le psychiatre américain Robert Waldinger fait des liens aux autres la première cause de satisfaction dans la vie et recommande, lui aussi, de parler à ceux qu’on ne connaît pas comme “un exercice d’hygiène de vie”.
Même Orelsan s’en émeut : “Est-ce que tu peux garder tes AirPods dans tes oreilles quand j'te parle, s'te'plait, batârd ?” scande-t-il dans C’est Du Propre