Le Wrap Up de la semaine où le Vénézuela a voté l'annexion du Guyana (semaine du 5 décembre 2023)
🔇 : Spotify baisse le son - 📢 : le podcast fait du bruit - 💶 : la vidéo, futur de la presse? - 🎭 : l’info devient théâtrale - 🎭 : Cyrano à la Comédie Française
Au sommaire de cette semaine :
⏳ Temps de lecture : 6 min 53 sec
⚠️ Cher lecteur, chère lectrice du Wrap Up,
J’invite l’un d’entre vous à la Comédie Française ce mardi soir (à 18h) pour découvrir "Le Dictionnaire Khazar", interprété par Serge Bagdassarian. Inspiré de l’œuvre de Milorad Pavić, ce spectacle promet d’être un voyage littéraire fascinant où réalité et fiction se mêlent.
Ce roman, présenté comme un dictionnaire en trois versions (chrétienne, islamique et juive), explore l’histoire des Khazars, un peuple mystérieux du Caucase qui convoqua les trois religions du Livre pour s’en choisir une.
Intéressé(e) par l’expérience ? Ecrivez-moi à khazar@lewrapup.com pour être tiré(e) au sort.
Aphones 🔇 : Spotify baisse le son
⏳ : 43 sec
Spotify, le géant du streaming musical, a annoncé une coupe sombre dans ses effectifs, licenciant 17% de son personnel, soit environ 1 500 personnes à travers le monde. Cette décision intervient comme un coup de théâtre, surtout après les chiffres du dernier trimestre qui révélait un bénéfice trimestriel (pour la première fois depuis 2021!). Ironiquement, cette "bonne nouvelle" semble n'avoir été qu'une éclaircie passagère dans un ciel autrement assombri.
L'ironie devient plus cinglante quand on considère les annonces récentes de réductions d'effectifs de Spotify : 6% en début d'année, puis 200 postes en lien avec la restructuration de la division podcast. Wall Street n’avait jamais vraiment acheté les investissements massifs de Spotify dans le podcast, pour devenir le Netflix de l’Audio.
Daniel Ek, le PDG, dans une note au personnel, a décrit cette décision comme une réponse à une croissance économique qui ralentit "drastiquement" et à un accès au capital de plus en plus coûteux. En clair, c’est une recherche de rentabilité qui est faite (le DAF est d’ailleurs annoncé comme partant).
Daniel Ek, dans un langage abscons, reconnaît que Spotify était "certes plus productif mais moins efficace" :
“The Spotify of tomorrow must be defined by being relentlessly resourceful in the ways we operate, innovate, and tackle problems,” he said in a 1,000-word letter to staff. “Being lean is not just an option but a necessity.”
Il souligne le besoin d’allier les deux aspects, un aveu à l’heure où chacun continue de se demander si le streaming sera un jour rentable…
Publicisée 📢 : le podcast fait du bruit
⏳ : 1 min 31 sec
Un article du Wall Street Journal explore la nouvelle tendance dans le monde des podcasts où les sociétés de production adoptent des stratégies marketing inspirées des studios hollywoodiens.
Historiquement, le marketing des podcasts s'appuyait sur des méthodes peu coûteuses comme les publicités lues par les animateurs ou les emplacements privilégiés sur les plateformes de podcasts. Cependant, avec l'augmentation de la concurrence et la pression pour la rentabilité, ces entreprises se tournent désormais vers des approches visuelles plus engageantes.
L'article cite l'exemple de Wondery qui a lancé une campagne pour sa série "’Tis The Grinch Holiday Podcast", incluant une expérience "pop-up" à Los Angeles, avec un acteur déguisé en Grinch et diverses attractions. Cette stratégie s'inspire directement des techniques de marketing des films, un changement significatif par rapport aux pratiques antérieures.
La croissance continue de l'audience des podcasts a été alimentée principalement par les annonceurs et les entreprises tech qui les ont mis en avant. Cependant, la prolifération des séries de podcasts, avec plus d'un million de nouvelles séries lancées en 2020, a rendu nécessaire une approche marketing plus marquante.
Les podcasts investissent désormais dans des vignettes attrayantes pour se démarquer sur Spotify ou Apple Podcasts, et étendent le teasing de leurs épisodes à YouTube et TikTok. Certains ont même recours à des panneaux publicitaires (voir visuel à Broadway).
Des entreprises importantes du secteur comme Slate, Pushkin Industries ou NPR (le service public radiophonique US) ont également adopté cette nouvelle approche, cherchant à atteindre non seulement les auditeurs actuels de podcasts, mais aussi ceux qui n'en écoutent pas encore.
Pour convaincre d’avoir recours à des budgets marketing conséquents, les producteurs tentent de retracer, notamment grâce à des outils d’analytics comme Chartable, une attribution des auditeurs aux différents canaux marketing.
Le marketing des podcasts investit également les plateformes de streaming ou les télévisions connectées, ainsi que pour les plus chanceuses, les médias de leurs sociétés mères. Le groupe iHeartMedia utilise ses propres stations de radio pour promouvoir ses podcasts maison gratuitement.
Les producteurs de podcasts ont compris l’importance d’une marque forte, d’abord pour fidéliser sur le moyen-long terme, et puis pousser d’autres exploitations : des abonnements payants, des événements en direct (voir plus loin), la visibilité hors podcast des hosts de ces podcasts.
Des marketeurs oeuvrant habituellement pour le ciné ou la télévision sont de plus en plus recrutés pour coordonner ces efforts, jouant des mêmes phénonèmes de franchises (séquel / préquel) ou de campagnes en plusieurs temps (teasing, différentes fenêtres de sortie).
Monétisable 💶 : la vidéo, futur de la presse?
⏳ : 1 min 49 sec
Lors de l'événement récent "La Presse au Futur", j'ai eu l'opportunité de participer à une conférence sur les stratégies de monétisation vidéo dans l'industrie de la presse.
Partageant la scène avec des experts du domaine, Johan Hufnagel de Loopsider et Mickaël Busson de L'Equipe, sous la férule de Cyrille Frank (ex directeur pédagogique de l’ESJ Lille et fondateur de MediaCulture), nous avons exploré les dynamiques en évolution rapide du contenu vidéo dans les médias.
Le paysage changeant du contenu vidéo
Le monde des médias subit une transformation rapide, en particulier dans la production de contenu vidéo. Historiquement, la PQR1 a joué un rôle essentiel en fournissant via ses agences de presse locales, des images aux chaînes nationales, mais aujourd'hui, cette dynamique s'est considérablement étendue et diversifiée.
L'ascension des Chaînes FAST sur les TV connectées
Un sujet brûlant actuellement est l'émergence des chaînes FAST (Free Ad-Supported TV) sur les télévisions connectées. Ces modèles financés par la publicité, tels que ceux disponibles sur Samsung TV Plus, offrent de nouvelles possibilités prometteuses, générant en quelques années un CA publicitaire intéressant. Cette approche est d’autant plus intéressantes qu’elle concerne en premier lieu des ayants droit disposant déjà d’un stock vidéo important, ce qui n’est pas initialement le cas de la presse.
Production de contenus pour tiers
Nous avons également discuté de la tendance croissante à produire du contenu pour des tiers, comme les chaînes de marque ou faire de la production déléguée. Des exemples notables incluent Loopsider, qui historiquement faisait de la marque blanche et qui désormais en fait pour son nouvel actionnaire (minoritaire) CMI qui possède le magazine Elle et qui a tôt fait de les mettre en synergies. L'Equipe de son côté collabore avec des acteurs comme Amazon et France24 pour leur produire des contenus forts de son savoir faire accumulé sur l’édition de sa chaîne TNT.
Le brand content et les opérations spéciales
Le Brand Content et les opérations spéciales représentent une part substantielle du chiffre d'affaires de sociétés comme Loopsider (80%), des sociétés qui ne diffusent pas chez elle et qui subissent la monétisation contrainte par l’hébergeur de leurs contenus (le pire étant sans doute Tiktok). Bien que ces approches offrent des avantages supplémentaires aux acteurs qui ont d’autres voies de monétisation à proposer aux annonceurs avec les OPS, elles sont fréquemment challengées au sujet de leur rentabilité. Une fois le travail de commercialisation de création d’un format fait, il est nécessaire de convaincre également les annonceurs d'investir dans l'amplification de la production.
La vidéo au service du recrutement d’abonnés et de fidélisation
Une autre utilisation stratégique de la vidéo dans la presse est son rôle dans le recrutement et la fidélisation des abonnés sur le core business print et digital.
Un point crucial qui a été abordé concernait la saturation croissante du marché de la vidéo en ligne. Il est fondamental pour les acteurs de la presse d'être à la fois innovants, éditorialement pertinents et économiquement viables.
Animée 🎭 : l’info devient théâtre
⏳ : 2 min 4 sec
Le journalisme évolue constamment, cherchant des moyens innovants de raconter des histoires et de transmettre des informations. Deux initiatives originales, MédiaVivant et Live Magazine, illustrent parfaitement cette tendance, fusionnant journalisme et théâtre pour créer une expérience narrative.
MédiaVivant : le journalisme d’abord au théâtre
Fondé au démarrage par journalistes (Jean-Baptiste Mouttet et Alix de Crécy), MédiaVivant donne vie à leurs enquêtes originales sur scène. Les journalistes y jouent le rôle principal, racontant leurs articles et font intervenir sur scène avec eux les intervenants et témoins de leur enquête dans ce cadre scénique, sans les dorures habituelles de la mise en scène théâtrale.
La vocation est assez radicale car le prix de la place repose sur la contribution volontaire (Alix qui m’a raconté son concept et son parcours, indiquait un revenu de 10 euros par place) et la recherche de nouveaux publics à la fois pour le journalisme et le théâtre.
La dernière représentation sur le rôle des “Djobeurs”, ces petites mains des circuits de la drogue dans les quartiers Nords de Marseille (recrutés sur Telegram et passant des périodes d’essai, comme pour un vrai job) a permis de faire venir des familles de ces quartiers pour venir entendre raconter leur quotidien. La salle actuelle (de 150 places) est remplie à chacune des représentations.
Live Magazine : une scène pour des histoires vraies
Live Magazine, quant à lui, se présente comme un "journal vivant" offrant une expérience unique à chaque représentation. Dans cet espace, journalistes, photographes, dessinateurs et cinéastes se succèdent pour partager les coulisses de leurs récits – un mélange de mots, de sons et d'images, une sorte de behind the scenes. Chaque histoire racontée est vraie, enquêtée et racontée à la première personne, alliant information et émotions. Petite nuance : les stories journalistiques sont ici rejouées, reracontées, comme une nouvelle fenêtre d’exploitation. Le prix des places y est aussi nettement plus élevé (env. 35 euros).
Un nouveau mode de narration journalistique ?
Ces deux concepts réinventent la manière dont les histoires sont portées. En amenant des articles et des reportages sur scène, ils offrent une dimension humaine et tangible à des sujets qui sont souvent perçus comme lointains ou abstraits. Cette approche permet aussi aux spectateurs de s'immerger dans les récits, créant un lien émotionnel plus fort avec les histoires présentées.
Le fait n’est pas fondamentalement nouveau : on m’a parlé du festival du Monde qui aurait aussi pris le parti de raconter ses grandes enquêtes et Joseph Kessel2 ne faisait pas autre chose à l’époque des “grands reporters” pour la presse quotidienne, quand il déclinait ses reportages en deux versions, l’une immédiate pour le journal qui l’avait commandé et l’autre pour un tirage en librairie plus littéraire et enrichie de détails luxuriants, pouvant même dans certains cas, donner lieu à la rédaction d’un scénario pour la TV ou le cinéma, comme ce fut le cas pour Le Lion.
Vers un avenir médiatique plus engagé?
MédiaVivant et Live Magazine symbolisent un pas en avant vers un journalisme plus engagé et expérientiel. En brisant les barrières traditionnelles entre le narrateur et le spectateur, ces initiatives ouvrent la voie à un futur médiatique où l'information n'est pas seulement consommée, mais véritablement vécue (les nouvelles infographies immersives qui pullulent dans les JTs en sont aussi le reflet, le journaliste vit des choses). Elles réhabilitent la fonction de conteur du journaliste, où l'histoire et l'humain se rencontrent pour une compréhension plus profonde du monde qui nous entoure.
Admiré 🎭 : Cyrano de Bergerac à la Comédie Française
⏳ : 52 sec
J’ai eu la chance d’aller samedi soir voir Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, avec Laurent Lafitte dans le rôle titre, mis en scène par Emmanuel Daumas (qui avait déjà monté Dom Juan de Molière avec le même acteur).
La pièce préférée des Français sonnait encore bien dans le cadre prestigieux de la Salle Richelieu de la Comédie Française. Le metteur en scène et l’acteur ont cherché, disent-ils, à donner une version plus “intimiste” du héros français, plein de panaches et de verve poétique. L’accent a été mis sur les désillusions (presque adolescentes) et l’amour par procuration qui font vibrer le personnage.
La tirade des nez est bien sans être exceptionnelle, celle des “Non Merci” prend une tournure originale, le balcon est formidable avec un Cyrano qui s’y croit et commence même à gravir l’échelle vers les lèvres de Roxane. Les derniers moments de Cyrano sont très touchants et donnent une autre version que celle du film de Rappeneau avec Depardieu qui malgré les différentes représentations auxquelles on a pu assister, restent dans les esprits.
Les autres acteurs Yoann Gasiorowski en Christian, Nicolas Lormeau en Guiche changent de notre perception habituelle, Laurent Stocker (Ragueneau) et Jenifer Decker (Roxane) sont très bons même s’ils dissonent parfois.
(Les réservations sont malheureusement closes, mais diffusion au cinéma en direct le 25 janvier prochain. Alternativement vous pouvez m’accompagner à la Comédie Française, mardi soir à la représentation du Dictionnaire Khazar, écrivez-moi à khazar@lewrapup.com).
Presse quotidienne régionale
Je vous recommande la très bonne série podcast de France Culture sur le célèbre académicien qui date de cet été.