Le Wrap Up de la semaine où le projet de fusion TF1-M6 a été abandonné (semaine du 13 septembre 2022)
5 bullet points médias, tech, NFT et une pointe de recommandation culturelle
⌛️ : temps de lecture 7 minutes 27 secondes
Au sommaire de cette édition tonitruante :
Géant vert 🧑🎤 : Spotify fait un pas dans l’édition de musique avec de l’IA
Désocialisé 👯 : le succès de Tiktok signe la fin des réseaux sociaux?
Tokenisé 🪙 : le paywall de médias pourrait prendre la forme de NFT
Accessit 🏆 : le Ballon d’Or objet d’une vente de NFT par l’Equipe
Datées 👨👦 : les œuvres Maya Ruiz-Picasso au Musée Picasso
Géant vert 🧑🎤 : Spotify fait un pas dans l’édition de musique avec de l’IA
⌛️ : temps de lecture 1 minute 34 secondes
Ce qui est intéressant quand on est assis au sommet du monde (de la musique ici), c’est qu’on a un point de vue inégalable et inégalé pour voir ce qui se passe.
Depuis long déjà, Spotify jouit d’un statut d’exception dans le monde de la musique, car il sait en permanence ce que ses utilisateurs écoutent, aiment, réécoutent, recommandent, voire même leur suggère quoi écouter (je suis encore tombé sur cette statistique hallucinante qui veut que 70% des écoutes des plates-formes de streaming soient le fruit d’une recommandation de l’algorithme!)
Cependant, le métier de distribution, si l’on en croit les chiffres publiés par chacun, est nettement moins lucratif que celui de l’édition de musique. Dès lors, nous sommes plusieurs à contempler ce moment où Spotify fera de nouveau des incursions du côté des éditeurs.
Le groupe s’en défend en soulignant ses bonnes relations avec les maisons de disques (il serait même leur obligé), mais à observer ce qui s’est passé sur les podcasts - qui étaient certes une industrie fragmentée - on peut s’attendre à de prochaines incursions.
Une nouvelle étape vient peut-être d’être franchie avec l’annonce par le Géant Vert du lancement d’une fonctionnalité Basic Pitch (à tester ici) destinée aux artistes pour leur permettre de générer automatiquement un fichier MIDI (entendez avec de l’intelligence artificielle) des variantes de leurs babillages musicaux.
Spotify has launched an open-source AI-powered tool called Basic Pitch. It’s an audio-to-MIDI converter: a user can upload an audio recording of an instrument, or a voice, and the tool uses machine learning via a neural network to transcribe that input into MIDI – the musical digital standard used by almost all electronic musical instruments.
It means that your idly-plucked ukulele melody can then be used in a DAW like Garageband and be adapted or tweaked to “play” any digital instrument. It’s “built for artists and producers who want an easy way to turn their recorded ideas into MIDI,” says Spotify, whose Audio Intelligence Lab collaborated with Spotify-owned Soundtrap to create the tool.
Au début, le discours sur l’AI portait la possibilité pour les artistes de se concentrer sur la partie noble, la créativité, vu que les tâches à faible valeur ajoutée allaient être exécutées par la machine : tout d’abord, GPTA-3 est venu écrire à notre place, puis Dall-E est venu faire des illustrations à partir de quelques indications textuelles (des images qui n’ont jamais existé auparavant), Runway promet de le faire prochainement dans la vidéo, peut-être Spotify un jour nous proposera cela à partir de ces quelques riffs d’artistes ou quelques sifflotements dans son garage.
9️⃣ 7️⃣ 1️⃣ En 2022, je me suis fixé l’objectif, avec le Wrap Up, de dépasser les 1 000 abonnés. En cette fin août et grâce à votre aide, j’ai dépassé les 971 abonnés.
🤜🤛 Aidez-moi à poursuivre cette belle tendance en faisant découvrir à vos amis ou collègues, en leur partageant le lien ci-dessous pour s’abonner au Wrap Up:
Désocialisé 👯 : Tiktok signe la fin des réseaux sociaux
⌛️ : temps de lecture 1 minute 27 secondes
A chaque génération, chaque époque (tech), son mastodonte dont le déclin semble impossible au vu de la place indétrônable qu’il occupait dans le paysage économique.
IBM le fut dans les années 70-80, Microsoft régna sur les années 90 (et d’une certaine mesure Yahoo également), puis Google, Facebook, Amazon sifflèrent à leur tour la fin de la partie pour s’imposer.
On peut d’ailleurs admirer les leçons apprises et la vélocité avec laquelle Google et Facebook en particulier se préparèrent pour faire face aux prochains défis tech que leur domination, déjà conséquente, les empêchait d’envisager avec agilité.
S’ensuivirent notamment des acquisitions, facialement payées très chères (Instagram, Oculus pour l’un, DoubleClick, Android pour l‘autre) mais dont l’histoire a montré qu’elles avaient été des coups de génie et permis aux mastodontes en question de se renouveler et de continuer de s’imposer sur la scène tech.
Pour les réseaux sociaux, il semble que chaque génération mette en péril le réseau dominant en s’évertuant à se différencier de ses parents en adoptant son propre réseau social avec ses propres codes (Facebook → Snap → instagram —> Tiktok —> BeReal?)
L’article de The Drum formule cependant une nouvelle hypothèse autour de ce que la fin du social veut dire en 2022 :
It seems that every new digital platform that is not a website nor a utility app is immediately branded a social platform. Without pausing to think, TikTok has also been branded ‘social’ by our industry when it is anything but.
That’s what makes it so good… TikTok is not a social channel. It is a broadcast channel.
L’auteur de la tribune, Leroyson Figueira, directrice de création, y développe l’idée que bien que la construction du succès de TikTok repose sur de la data et sur des millions d’autres comportements parallèles aux nôtres, les actions que nous accomplissons sur Tiktok n’ont rien de “social” : nous ne souhaitons pas exposer notre vie aux yeux des autres, nous ne voulons pas à travers les commentaires, exprimer notre soutien ou répugnance sur telle ou telle vidéo Youtube, nous sommes uniquement dans une attitude semi-passive (le swipe down) de consommation vidéo et de pure publication pour les créateurs.
TIkTok serait donc le stade ultime du réseau social et en même son terminus : un réseau social centré uniquement sur soi, construit à partir des goûts des autres.
Autopromo :
Masterclass Gilles Pélisson - 22 septembre 2022
L’assassin revient toujours sur les lieux de son crime. Pour ne pas déroger au dicton, j’aurais le plaisir d’interviewer Gilles Pélisson avec mon camarade Eric Lentulo, jeudi prochain.
Cet événement, organisé par ESCP Alumni (et un peu nous deux) est prioritairement réservé aux anciens de l’ESCP, de l’ESSEC et d’HEC, il n’y aura donc pas de places pour tous.
Les sujets à aborder sont très nombreux : numérique, production, inclusion, information y compris le plus brûlant d’entre tous : le rapprochement avorté avec le groupe M6. Gilles Pélisson qui s’est fait relativement discret sur ce sujet ces dernières semaines, livrera peut-être son récit de ces longs mois de procédure et de ce qui s’est joué dans la discussion avec les autorités de concurrence sous le feu roulant des concurrents, des producteurs et des annonceurs qui n’ont pas tous vu d’un œil bienveillant ce rapprochement qui devait modifier durablement le PAF. Il donnera aussi très probablement une esquisse de ce que TF1 peut faire à partir de là.
En attendant, on pourra se mettre sous la dent, le communiqué de l'Autorité de Concurrence à la suite de celui des groupes médias et de leurs principaux actionnaires annonçant la fin du projet de fusion : il est surtout question de la place que conserve la TV aujourd’hui, même s’il faut reconnaître son relatif déclin, et surtout le maintien de la distinction (le fameux marché pertinent, clé de voûte des juges des concentrations industrielles) entre les marchés publicitaires de la TV linéaire et de la vidéo en ligne, même la TV segmentée est considéré comme un marché séparé.
Tokenisé 🪙 : le paywall de médias pourrait prendre la forme de NFT
⌛️ : temps de lecture 7 minutes 27 secondes
⌛️ : temps de lecture 1 minute 36 secondes
The Block, un média en ligne qui couvre l’actualité des cryptomonnaies et autres joyeusetés Web3, vient d’annoncer qu’il a basculé son paywall (ce moment où les articles ne sont plus lisibles pour les non-abonnés) sous la forme de NFTs, non seulement pour ses besoins propres mais aussi pour tout autre créateur de contenus en ouvrant son système (baptisé Access Protocol) aux tiers.
Chaque créateur/éditeur pourra ainsi décider du nombre de tokens à stacker (à immobiliser en quelque sorte) pour accéder au contenu premium de son média (étant entendu que l’utilisateur pourra interrompre son accès à ce contenu en retirant ses tokens).
Le business model est relativement complexe et repose en partie sur le fait de générer par l’usage croissant, de l’inflation autour du cours du token dont une grosse partie reste aux mains de l’émetteur (le média) et s’en trouve ainsi indirectement rémunéré.
Accessit 🏆 : le Ballon d’Or objet d’une vente de NFT par l’Equipe
⌛️ : temps de lecture 1 minute
Les groupes média continuent de tester différents modèles de monétisation, en particulier ces derniers temps en lien avec les NFTs.
Un des projets facilement mis en oeuvre consiste à événementialiser certains des programmes ou de leurs activités et de faire gagner ou vendre à leur audience engagée, voire très engagée, un sésame pour cet événement, réputé précédemment inaccessible.
Fun Radio l’a fait en mai dernier avec la startup de votre serviteur, Atlanticus Music, pour son événement Fun Radio Ibiza Expérience, L’Equipe vient d’annoncer sa première salve de NFT à l’occasion de la très célèbre cérémonie du Ballon d’Or. Les NFTs achetés au-delà du caractère collectionable qu’ils comportent, permettront d’être tiré au sort pour assister à la cérémonie pour une durée de 20 ans.
Par ailleurs, une autre collection de 3 NFTs vendus aux enchères permettra d’être assuré de participer à la prochaine édition du Ballon d’Or, cérémonie d’usage fermée au public.
Le groupe l'Équipe aurait pu proposer des avantages similaires à ses lecteurs sans passer par des NFT. Mais il y a vu l'occasion d'expérimenter de nouvelles technologies. «Nous souhaitons comprendre le Web3. Il serait dommage pour un groupe comme le nôtre, puissant sur le numérique, de ne pas investir ce terrain», explique la directrice de la stratégie.
Avant de se lancer, le groupe médias a longuement observé ce secteur. «Nous en avons retenu qu'il ne fallait pas demander trop d'argent pour les NFT, et que ces derniers devaient offrir des contreparties qui donnent envie», poursuit-elle.
Pour voir les résultats des trois premiers NFTs mis aux enchères, voir ici (le dernier s’est vendu le double du prix de mis en vente).
Datées 👨👦 : les oeuvres Maya Ruiz-Picasso au Musée Picasso
⌛️ : temps de lecture 1 minute 17 secondes
Une exposition intéressante au Musée Picasso (c’est toujours intéressant le musée Picasso, on y revient sans cesse) à l’occasion de l’exposition de nouveaux tableaux provenant de la dation de la première fille de Picasso :
María de la Concepción, surnommée Maya, naît le 5 septembre 1935. Elle est la première fille de Pablo Picasso et de Marie-Thérèse Walter. L’arrivée de cette enfant est un bouleversement dans la vie de Picasso. L’exposition « Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo » propose de relire une partie de la production de l’artiste sous le prisme de ce rapport filial.
Un ensemble exceptionnel de portraits peints consacrés à la fillette, mais aussi une importante sélection de sculptures, d’œuvres graphiques, de photographies et de documents d’archives raconte ce volet personnel de l’histoire familiale de Picasso. Il souligne la manière dont la présence de Maya a nourri et amplifié l’intérêt de l’artiste pour le thème de l’enfance.
L’exposition prend prétexte donc de l’entrée dans les collections nationales de 9 chefs-d’œuvre - six peintures, deux sculptures et un carnet de dessins - grâce à la dation en paiement qui permet le règlement en nature des droits de succession.
Cette modalité d’acquisition a permis la constitution même du Musée Picasso, créé pour abriter la dation Pablo Picasso en 1979. Acceptée par l’Etat en 2021, la dation Maya Ruiz-Picasso s’inscrit dans cette histoire fondatrice du musée et en prolonge l’esprit.
Organisé chronologiquement, le parcours très lumineux s’articule autour de ces neuf chefs-d’œuvre conservés par la fille de l’artiste depuis le décès de son père.
Les oeuvres “datées” sont remarquablement mises en valeur avec un dialogue désormais bien rôdé entre arts premiers, art ancien (les Grands Maîtres n’auront eu de cesse d’interpeller Picasso) et l’art moderne à travers un ensemble d’œuvres du maître, de memorabiliae, de pièces issues de sa collection (on apprend aussi que la prolixité de la production de Pablo Picasso fut une découverte à sa mort lorsqu’on recensa les oeuvres présentes dans sa dernière résidence à Grasse) et une sélection de prêts remarquables (notamment le Pied Bot de Ribera).