Le Wrap Up de la semaine où le Pakistan cherche à expulser 1,7m d'Afghans (semaine du 30 octobre 2023)
🤑 : Disney à 100% dans Hulu - 🌒 : la fin de l'âge d'or des séries TV? - ⚽️ : Sorare et la régulation - ☝️ : Meta doit stopper le ciblage comportemental en 🇪🇺 - 🧑🏾🎨 : Rétropsective Chéri Samba
Pour en savoir plus sur la tragédie en cours à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan (s’il vous reste encore de l’indignation en réserve…), je vous recommande une petite mise à jour avec cet article de Reuters.
Au sommaire du Wrap Up cette semaine :
Eclipsée 🌒 : la TV fait pâle figure à côté des séries issues du streaming
Perturbateur ⚽️ : Sorare challenge l’équilibre de la régulation des jeux
Sommé ☝️ : Meta doit arrêter le ciblage comportemental en Europe
⌛️ Temps de lecture : 7 minutes 22 secondes
Complété 🤑 : Disney rachète 100% d’Hulu
⌛️ : 1 min 12 sec
Dans l'arène disputée du streaming où Netflix règne en maître, voici que Disney, qui symbolise la vieille garde du divertissement, s'apprête à faire un chèque de 8,6 Md$ pour prendre 100% d’Hulu. Ce morceau de choix, connu ici pour avoir produit « La Servante Ecarlate », verra ainsi s’éloigner du pionnier du streaming AVOD1, NBC Universal (Comcast) qui détenait 33% de la société.
Le groupe de Mickey avait déjà croqué une bonne partie de Hulu en rachetant la 21st Century Fox en 2019 et s'était retrouvé avec les deux tiers du capital. L'accord de 2019 avec Comcast lui offrait la possibilité de racheter les parts de ce dernier et de pouvoir régner en maître sur Hulu à partir de 2024. Comcast a décidé d’exercer son option de sortie et d’accélérer le calendrier.
Entre temps, Hulu ne s’est pas déprécié, bien au contraire : la plateforme est désormais valorisée a minima 27,5 Md$, en affichant près de 50 millions d’abonnés. Les dirigeants de Comcast font valoir que le prix convenu en 2019 devrait être revu à la hausse.
Pendant que le groupe de divertissement fait des rachats, il reste sous la pression d’actionnaires activistes qui le pressent de se défaire d'ESPN et de ses entreprises indiennes. Pour optimiser la gamme de produit, Hulu pourrait accentuer son positionnement sur les jeunes adultes quand Disney + toucherait les familles.
À l'heure où les recrutements de Disney+ semblent marquer le pas, désormais détenu à 100%, la stratégie bundle Hulu, Disney+ et ESPN+ pourra s’intensifier (Hulu par ailleurs est bénéficiaire), les offres allant de 15$ avec pub à 25$ sans.
Netflix, dans un élan de frugalité, a resserré comme on le sait, le partage des mots de passe, montrant que cette stratégie était gagnante : son audience s’est gonflée à 247 millions d’abonnés. Disney, avec 146 millions, n'en est pas encore là, mais son activité de streaming affiche de “moindres” pertes avec seulement 512 M$ contre un milliard l'an passé.
Eclipsée 🌒 : la TV fait pâle figure à côté des séries issues du streaming
⌛️ : 1 min 59 sec
Tenons-nous le pour dit : l'âge d'or de la télévision est à bout de souffle (encore).
Jadis, des scènes de House of Cards nous glaçaient les sangs par leur audace, révolutionnaient le paysage télévisuel, libéré des règles de bonnes mœurs imposées par le régulateur aux réseaux traditionnels. Des séries audacieuses et sans concession se succédaient, de "Les Sopranos” à “Succession” en passant par “The Wire” ces héros peu conventionnels, et parfois détestables, étaient nos nouveaux compagnons de binge-watching.
Pour comprendre cette métamorphose, il faut lire l'essai Pandora’s Box de Peter Biskind. L'auteur y décrit une époque révolue où HBO, libérée des censures, pouvait produire des programmes pointus sans se soucier des conséquences, évoquant le sexe, les drogues et la violence à longueur d’écran. Les scénaristes, jouissant d'une liberté quasi-absolue, produisaient des récits complexes aux personnes pleins de nuances, devenant la référence pour nombre de médias TV.
HBO and other cable networks could ignore the nannying rules that constrained broadcasters. And their subscription fees meant no ads, and therefore no jittery advertisers demanding bland, brand-safe content.
Mais cette libération n'était qu'une répétition avant l'acte suivant : l'arrivée du streaming. Netflix et consorts ont poursuivi sur cette lancée, en offrant des saisons entières à binge-watcher, redonnant ses lettres de noblesse à l'intrigue et diversifiant les genres.
Not so long ago this scene, which launched Netflix’s “House of Cards” in 2013, would have been unshowable on American television. Broadcasters were bound by federal rules against rude or racy content and cowed by advertisers who demanded wholesome heroes and happy endings.
Toutefois, le conte de fées pourrait bien toucher à sa fin : la récente grève des scénaristes et acteurs à Hollywood annonce une ère de profonds changements. Les actionnaires, fatigués des promesses de croissance éternelle du streaming, réclament à présent des bénéfices tangibles. Les studios coupent en premier lieu le flot de nouvelles séries, qui, en qualité comme en quantité, risquent de ne plus bénéficier des conditions privilégiées d'antan.
L'article de The Economist met en lumière une tendance préoccupante : le retour vers une production plus consensuelle, moins risquée, voire insipide. Netflix, l'ancien enfant terrible, deviendrait-il le nouveau CBS, le network de la famille et des mièvreries qui ne choquent personne ? L'audace céderait ainsi progressivement la place à la prudence, avec le retour de la publicité.
As they grow, streamers seem to be edging away from niches and towards the mainstream.
Même les séries phares semblent touchées par cette tendance vers la sécurité et la rentabilité. Les sequels2, les prequels et autres franchises, ces "valeurs sûres", dominent désormais l'écran. Les géants de la tech comme Amazon et Apple TV+ ne sont pas en reste, usant de leurs plateformes de streaming pour promouvoir leurs écosystèmes commerciaux plus larges.
Dans cette quête de sécurité, les sujets controversés sont écartés. Les nouveaux barons de la diffusion en direct sont plus frileux que leurs prédécesseurs des réseaux traditionnels, évitant les sujets sensibles comme la Chine ou l'intelligence artificielle.
La conclusion de l’article est sans appel : l'âge d'or de la télévision, époque bénie où la créativité semblait sans limites, se transforme en cage dorée, un espace restreint où la créativité doit désormais composer avec les exigences de rentabilité et de prudence. Que restera-t-il de l'esprit HBO d'antan ?
Perturbateur ⚽️ : Sorare challenge l’équilibre de la régulation des jeux
⌛️ : 1 min 40 sec
Sorare a vendu cette semaine une carte unique du joueur français de la NBA, Victor Wembanyama, une carte partie aux enchères à 110 000 $, devenant l’item de la jeune star vendu au prix le plus élevé (devant même les objets de collection physiques).
Cependant, c’est une autre actualité qu’a aussi célébré Sorare cette semaine : la startup pourra désormais jouir d’un nouvel encadrement réglementaire de ses activités, un encadrement sur-mesure, tricoté par l'article 15 du projet de loi SREN (projet de loi de sécurisation de l’espace numérique). A travers ce prisme, le gouvernement cherche la ligne de crête, à réguler sans étouffer l'innovation, particulièrement celle des jeux à objets numériques monétisables (les “Jonum”), qui sont à la lisière des jeux d’argent.
L’argument évoqué pour ce nouveau cadre ?
L'absence de sacrifice financier, puisque les cartes acquises dans le jeu ne peuvent pas être perdues au cours du jeu.
Le monde traditionnel du pari, alourdi par les taxes et contraintes, s’étouffe : les mastodontes du secteur, dans un front commun rare, scrutent avec appréhension ce texte qui, malgré ses protections accrues pour les mineurs et la lutte contre le blanchiment d'argent, laisse augurer de nouvelles catégories qui pourraient créer des distorsions de concurrence. Et pour cause : les Jonum pourraient se targuer d'une fiscalité plus clémente et la possibilité, ô combien controversée, de faire gagner des cryptomonnaies, un fruit défendu pour les jeux d'argent classiques.
Pendant ce temps, à l'hippodrome numérique, PMU a déjà lancé ses chevaux de course virtuels avec Stables (sans possibilités de gains financiers pour l’instant), et la FDJ affûte ses armes avec différentes expérimentations NFT. Les opérateurs de paris sportifs ne sont pas en reste : tous semblent attendre le coup de pistolet pour s'élancer dans la course.
Les gérants de casino poussent aussi des cris d’alarme : les jeux Jonum pourraient, par un habile contournement de la loi, se muer en casinos en ligne, offrant des NFT monétisables ailleurs, une perspective qui fait frémir les casinos physiques et qui pourrait détourner une part de leur clientèle vers les écrans, ébranlant ainsi leur modèle économique et par rebond, les finances des collectivités locales qui les chérissent. Idem pour la FDJ qui pourrait perdre au profit de loteries en ligne à base de NFT, le monopole que l’Etat lui garantit.
Face à cette potentielle révolution, les exploitants de casinos, armés d'un lobbying acharné, pourraient trouver un argument de poids pour rendre légale une offre de casino en ligne légalisée, mais sur le modèle du "jumeau numérique", c’est à dire pour les casinos qui auront déjà aussi une présence physique !
Et voilà que le secteur du jeu, qui avait connu un tournant il y a près de quinze ans avec sa libéralisation maîtrisée, se tient à l'aube d'un bouleversement potentiellement encore plus radical.
Sommé ☝️ : Meta doit arrêter le ciblage comportemental en Europe
⌛️ : 1 min 36 sec
La Commission Européenne semble bien décider à faire rendre gorge à Méta au sujet du RGPD : ironie du sort, c'est la Norvège, qui n’est même pas membre de l'UE qui a lancé l'offensive.
Le verdict des juges norvégiens ? Meta, avec Facebook et Instagram, a franchi la ligne rouge en imposant la collecte des données personnelles sans un consentement clair et compréhensible de la part des utilisateurs.
Datatilsynets, le régulateur norvégien, n'a pas fait dans la dentelle : une amende de 90 000 euros par jour dès la mi-août (une paille pour Meta). Les Norvégiens ont ensuite porté l’affaire devant le comité européen de protection des données personnelles (l'EDPB) qui a étendu le 27 octobre dernier, ce jugement à toute la zone économique européenne.
Les Irlandais, traditionnels défenseurs des intérêts de Meta où la firme a établi son QG européen, ont même été sommés de faire respecter la sentence dans les deux semaines, sous peine de voir leur hôte se prendre une nouvelle amende, probablement plus salée que la précédente qui s’établissait à 1,2 milliard d’euros.
To protect people’s privacy, the European Court of Justice, the highest court in the E.U., effectively barred Meta in July from combining data collected about users across its platforms — including Facebook, Instagram and WhatsApp — as well as from outside websites and apps, unless it received explicit consent from users. That came after a January decision by E.U. regulators to fine Meta 390 million euros for forcing users to accept personalized ads as a condition of using Facebook.
Meta, quant à elle, joue la carte de la victime étonnée. « Mais on avait un plan ! » semblent-ils dire. Un plan qui a décidé de prendre à rebrousse poil les consommateurs européens en leur proposant … un abonnement, purgé de publicités, entre 9,99 euros pour la version web et 12,99 euros pour les apps, supputant que toutes les personnes qui refuseraient l’abonnement, donneraient son consentement à la collecte de données et au ciblage publicitaire. « Nous allons proposer aux Européens de payer pour ne pas être l’objet du ciblage de nos campagnes publicitaires », a annoncé Meta.
Une vision déjà contestée par les associations de consommateurs :
If we move to a pay-for-your-rights system, it will depend on how deep your pockets are if you have a right to privacy,” Mr. Schrems said. “We are very skeptical if this is compliant with the law.
En dehors de Meta, Apple est le prochain sur la liste : à partir de mars prochain, la firme devra permettre à “d’autres AppStores” de proposer des apps aux utilisateurs d’Apple.
Exposé 🧑🏾🎨 : Chéri Samba se révèle au Musée Maillol
⌛️ : 54 sec
La rétrospective au Musée Maillol, "Chéri Samba, dans la collection Jean Pigozzi", nous plonge dans l'univers coloré et critique du peintre congolais Chéri Samba. Cette première grande rétrospective traverse quarante ans d'un parcours artistique audacieux et satirique. Avec plus de 50 œuvres, l'exposition traverse des thèmes centraux tels que l'autoportrait, l'Afrique contemporaine, la géopolitique, l'environnement et le rôle de la femme, tout en engageant un dialogue (par moments) avec les œuvres de Maillol qui émaille encore les espaces d’exposition temporaire.
Cette exposition, puisée dans la collection de Jean Pigozzi (dépeint comme un homme d’affaires, mais surtout d’après sa bio wikipedia comme un jet-setter, héritier du dirigeant de Simca), met en lumière l'art africain sur la scène internationale et affirme le rôle de Samba comme figure majeure de la peinture populaire kinoise. Avec une palette de couleurs audacieuses et des sujets qui interpellent le spectateur, Samba utilise l'humour et la provocation pour interroger les réalités sociales et politiques (en recourant à l’écriture sur ses toiles, l’artiste s’est formé à la peinture à partir de ses premiers pas comme dessinateurs de BD, forgeant au passage le terme de peintre-journaliste).
Cependant, malgré l'éclat et la vivacité qui se dégagent des œuvres de Samba, je suis resté quelque peu hermétique à cette esthétique chamarrée. Sa richesse visuelle et sa narration assez éloignée de tout académisme, m’ont laissé peu réceptif. Je vous laisse vous faire votre propre avis.
(jusqu’au 7 avril 2024)
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Sequel, terme anglais pour désigner la série qui imagine la suite de la série, le prequel étant la série qui retrace la vie des personnages ou de l’intrigue avant la série qui l’a fait connaître.