Le Wrap Up de la semaine où le Dôme de Fer prouva son efficacité (semaine du 10 mai 2021)
5 bullet points : médias, tech, société avec une pointe de culture
Si les temps n’étaient pas si tragiques, je crois que je vous narrerais ma meilleure blague sur la situation au Proche Orient : “si tu crois que tu as compris le conflit israelo-paslestinien, c’est qu’on t’a mal expliqué… “
Au sommaire cette semaine du Wrap Up :
Bellemarisé 🛒 : NBCU se rêve en centre commercial
Phénixés🔥 : certains médias traditionnels pourraient survivre au streaming
Aparté 👽 : interview de Marie-Hélène Smedjian de Mediapart sur les médias payants online
Perdurés ⏳ : les NFTs seraient là pour longtemps
Rouvertes 🚪 : les expos qu’on attend
Bellemarisé 🛒 : NBCU se rêve en centre commercial
En 1985, feu Pierre Bellemare s’assit dans un vol Paris-Chicago à côté d’un homme d’affaires américain. Avec sa faconde légendaire, le conteur entame la discussion et rapidement découvre l’existence du téléachat aux Etats-Unis et décide de l’importer en France. Ce format, à mi chemin entre commerce et télévision, connaîtra le succès avec des générations de téléacheteurs … et d’humoristes qui moqueront le style innimitable de ces ventes de barrages aux insectes et autres ceintures de gainage électrisées.
40 ans plus tard, le groupe TV américain NBCU file l’ouvrage sur le métier et rêve d’approfondir ces relations si étroites entre TV et commerce. Il faut dire qu’outre Atlantique, les règles de publicité clandestine et de citation des marques à l’antenne ne sont certainement pas aussi strictes qu’en France, et qu’il est très courant de faire de façon disons éhontée la promotion de nouveaux produits à l’antenne.
Avec l’aide de la technologie et à la faveur du renouveau qui vient d’Asie où le live commerce1 donne une nouvelle dimension à la commercialisation vidéo, NBCU a annoncé en marge des Upfronts, le lancement de One Platform Commerce. A l’aide d’un QR code, le téléspectateur pourra scroller parmi les produits vus à l’écran TV en 360, choisir les couleurs, projeter le produit dans son salon en réalité augmentée (que ce soit pour des chaussures, des sacs, un nouveau canapé ou même une voiture). Evidemment, les produits seront immédiatement achetables par le mobinaute avec la solution NBCU CheckOut.
“We rolled out Shoppable TV as our first initiative and last August, we rolled out NBCU Checkout, which now allows us to make any appropriate piece of content into a shoppable experience — whether that’s linear, whether that’s digital, whether that’s social, whether it’s English language, Spanish language, editorial or branded content.”
Pour marquer la volonté du groupe d’avancer dans cette direction, NBCU organise désormais un événement dédié à l’adresse des “développeurs tech”, la conférence One21, première du genre qui couvre le commerce, les annonceurs et les partenaires du divertissement, à la mode des plates-formes des GAFA qui organisent ces conférences pour développeurs pour évoluer dans l’environnement.
La fonctionnalité NBC CheckOut sera désormais intégrée avec Facebook / Instagram qui permet d’acheter les objets affichés dans les posts émanant du groupe de communication.
“I think previously, brands thought of us solely as a mechanism to get their brand messaging out there and raise awareness. But now we have the ability to truly complete that full purchase funnel, and have the purchasing and the actual transactions happen in real time. So we’re building out a full ‘one platform’ capability that makes any appropriate piece of content shoppable.”
Près d’une centaine de marques serait déjà référencée sur la plateforme, pour tester la fonctionnalité, comme Lacoste qui avait fait partie de l’expérience Shoppable TV lors de la diffusion de Roland Garros sur la retransmission américaine.
NBCU a lancé d’autres fonctionnalités (qui sentent un peu le repackaging de dispositifs publicitaires déjà existants ou déjà vus ailleurs) :
Look Live promet aux annonceurs de mettre à l’antenne en 36h un spot de pub en lien avec l’actualité ;
Stay in Show permet de faire des transitions publicitaires fondu-enchaîné entre l’émission et le spot de publicité ;
Interactive Scripted Commercial permet de rajouter une animation 2D ou 3D aux couleurs de la marque lors des jingles entrecoupant les émissions et les espaces publicitaires ;
Take15 : une séquence de 15 secondes d’un talent du groupe NBCU qui prendra la parole lors d’une intervention dans l’espace publicitaire, sponsorisée par une marque;
Choose Your Destiny : une invitation à la participation des spectateurs par vote sur les réseaux sociaux, pour modifier le contenu d’un écran pub, une sorte de “Pub dont vous êtes le héros” (aussi appelé AdSelector dans le digital);
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Phénixés🔥 : les médias traditionnels pourraient survivre au streaming
On tombe sans arrêt sur des articles qui disent pis que pendre de la faible probabilité de survie de nos vieux médias sous les coups de boutoir des services de streaming pour ne pas relever quand un acteur est un peu “contrarian” :
Les analystes d’Ampere Analysis soulignent la capacité des acteurs TV traditionnels, en particulier ceux qui détiennent également des studios de production dignes d’intérêt (ce que la réglementation française empêche à quelques égards), à s’adapter à la nouvelle donne de servir les consommateurs finaux en direct.
Dans une note intitulée “Rethinking Legacy Media”, l’analyste Guy BISSON énonce sa thèse principale : le poids a basculé du côté du contenu (en a-t’il jamais été autrement?) :
Netflix’s rise didn’t just show the potential of direct streaming as a means of moving television distribution into new realms, it also showed the importance of content that is both high quality and exploitable on a global basis.
Il insiste, bien sûr, sur la capacité des groupes médias traditionnels à créer des franchises qui permettent de créer des contenus identifiables et suffisamment attractifs pour faire souscrire en direct des consommateurs en mal de repères marketing clairs. Malgré le rythme auquel Netflix sortirait de nouvelles productions et parviendrait à sceller des accords sur les franchises stars des grands studios, les grands groupes TV américains garderaient une longueur d’avance sur ce terrain des productions de référence et pourraient même se contenter d’atteindre un rythme inférieur à Netflix en termes de volumes de production (70-80% de la production de la firme au N Rouge) pour se retrouver sur un pied d’égalité dans la désirabilité du public.
“Studio-produced titles currently on studio-owned direct streaming platforms (across all genres and types, both movies and TV shows) rank more highly on Ampere’s Critical Rating than Netflix originals currently in the Netflix catalog.”
Cette analyste s’oppose, notamment, à l’avis d’un autre ponte des médias, Richard GREENFIELD de LightShed Partners qui soutient que les groupes médias sont désormais trop petits pour opposer une concurrence aux géants de la tech qui se sont mis au streaming. Une analyse corroborée par mon prof Galloway chéri qui soutient que le contenu vidéo s’est fait “featurizer” pour vendre autre chose, à défaut d’être un business profitable à part entière (auquel on objectera l’exception, plus que notable, de Netflix).
Enfin, l’analyste d’Ampere s’essaie à une modélisation du nombre d’abonnés pour être “substituable” aux revenus cumulés des sorties ciné, d’achat de droits TV et publicitaires. Les chiffres de substitution ne paraissent pas inatteignables (quelque chose comme 73 M d’abonnés pour Peacock), mais l’analyste ne croit pas nécessairement à une cannibalisation des différentes sources de revenus et croit davantage à un modèle hybride mêlant SVOD et exploitation traditionnelle par la TV gratuite, mais et cela intéresse les acteurs français, au détriment de son modèle historique de production et d’exploitation sur le marché intérieur avant les ventes internationales, à la faveur d’une exploitation en direct sur tous les territoires…
A part 👽 : interview de Marie-Hélène Smiéjan de Mediapart sur les médias payants online
C’est souvent le moustachu Plenel qui apparaît lorsqu’on évoque Mediapart, pourtant sa directrice générale, Marie-Hélène SMIEJAN gagne à être connue (Edwy confesse qu’à Mediapart, elle fait tout, et lui le reste…).
On apprend plein de choses dans cet épisode du podcast “Les Médias se mettent à table”, en particulier :
En digital, le support et la qualité de l’interface importe autant que la qualité du contenu (no kidding Sherlock…). Son approche de néophyte dans le secteur des médias y a nécessairement contribué.
Chez Mediapart, on se rapproche du ratio idéal 50/50 entre non-journalistes et journalistes (alors que le BP initial avait prévu 23 journalistes et 3 non journalistes), et Marie-Hélène de mettre en avant l’excellence opérationnelle avec des OKRs mensuels clairs, communiqués également aux fonctions éditoriales, permettant d’établir une culture de la frugalité ;
Les effectifs se décomposent aujourd’hui comme suit :
De très nombreux pigistes ;
50% de journalistes (sur les 120 salariés) ;
25% équipe technique ;
10-15% personnes en sales / marketing ;
5-10% relations abonnés ;
Reste : fonctions support ;
Même pour un journal se revendiquant clairement de gauche, les fonctions sales-marketing sont mises en avant comme clé pour la réussite ;
Donner envie d’accéder au contenu payant derrière un paywall, dans un monde en 2008 qui contenait très peu d’offres payantes :
Un système de parrainage de proches très incitatif ;
Un 1er mois de quasi-gratuité (l’offre à 1€ fonctionnant mieux qu’à zéro euro);
Un prix initial d’abonnement déterminé, sans prix de référence en 2008, en fonction du point mort cible au bout de 3 ans et de 50 000 abonnés (soit 9 € par mois) :
220 000 abonnés (2ème portefeuille d’abonnés presse digitale après le Monde), dont près de +90 K abonnés en 2020 (lectorat stabilisé de 45 000 abonnés);
Un churn très élevé mais une bonne modélisation des cohortes;
Une fenêtre en clair avec la chaîne Youtube et ses 450 000 abonnés, qui a pris la forme d’une quotidienne (à l’air libre) pendant la pandémie ;
Dans un modèle d’abonnement payant, créer des occasions de lecture sur tous les supports pour créer “une validation” de son abonnement ;
Aller chercher les jeunes ! via une opération de lecture gratuite pendant 6 mois ayant attiré 14 000 jeunes dont 6 000 sont devenus des lecteurs réguliers;
Perdurés ⏳ : les NFTs seraient là pour longtemps
Je continue mon exploration des NFTs et de son impact sur les médias, en lisant cette semaine ce court essai de Jason ZADA qui est un réalisateur indépendant américain. Il est plein d’enthousiasme pour pour les NFTs, qu’il décrit comme un système destiné à perdurer, car il permet l’authentification de nombre d’oeuvres digitales. Il entrevoit de multiples applications à différents secteurs des biens culturels :
Right now we are seeing NFTs as digital artwork, motion artwork and music, but it will eventually extend into everything and anything that is digital — from goods, apparel, avatars, AR/VR, utilities, experiences and anything else we haven’t dreamt up yet.
Les collections : l’auteur pense que toutes les marques médias vont connaître une déclinaison en “collections NFTisables” à l’instar de ce qui s’est déjà passé sur les Top Shots de la NBA ou encore sur les cartes de baseball Topps qui se sont également lancés en version dématérialisée. (A titre tout à fait personnel, je pense a contrario, en non-Américain que la collectionnite des cartes de baseball était à l’origine, un phénomène artificiel de gestion de la rareté et donc répond à une logique somme toute assez mercantile, voire spéculative, de gestion de la demande) ;
les biens virtuels des métaverses : Jason ZADA pense qu’à force de passer de plus en plus de temps dans les métaverses (Fortnite, Minecraft, Animal Crossing etc…), nous allons vouloir y transposer nos normes du monde réel : la propriété, l’identité personnelle, les flux financiers. Pour lui les NFTs vont être justement une façon de rendre possible la compatibilité des biens virtuels d’une plateforme à une autre ; Le marché des biens virtuels déjà estimé à 10 milliards de dollars, devrait ainsi continuer à croître notamment grâce à la comptabilité de ces produits sur toutes les plates-formes.
le ticketing d’événements virtuels : avec la démultiplication des événements online et des expériences virtuelles, il paraît assez censé que nous ne pourrons plus nous satisfaire d’un lien zoom ou d’un PDF d’un site de billetterie traditionnelle. Là encore le NFT avec la possibilité d’encoder des données d’usage, de transfert à des tiers pourrait être le véhicule idoine pour ce faire (et pourrait une fois l’événement passé, servir comme aujourd’hui le sont les billets d’anciens concerts, de memorabilia de certains artistes online);
les films, les jeux vidéos ou les biens culturels digitaux : dans le prolongement du point précédent, cela fait en effet quelques décennies qu’on nous promet avec le digital, l’absence des contraintes que représentaient les biens culturels physiques. A savoir la libre circulation d’une oeuvre achetée en ligne (disons pour la partie illégale), la partie légale, elle, s’échinait à reconstruire un univers calqué sur le monde physique, en créant artificiellement des contraintes. Les films achetés en ligne étaient prisonniers de coffre-fort type UltraViolet ou autre Apple qui faisaient que la transmission d’un support digital à un autre était quasiment impossible, sans même évoqué la promesse de pouvoir garder le contenu à chaque changement de génération de devices. C’est encore plus flagrant avec les liseuses électroniques, au sein desquelles on ne peut pas prêter les oeuvres à des amis, comme on l’aurait fait pour un bon livre à un proche dans le monde physique. Les NFTs pourraient là aussi permettre cela, le créateur pourrait même bénéficier indirectement de la circulation ou de la revente d’oeuvres achetées en ligne (grâce au codage dans la blockchain d’un droit de suite).
Les marques : toujours soucieuses d’être à la pointe de la nouveauté pour séduire un public jeune, certaines marques comme McDo ont été promptes à tokeniser des créations à leur effigie, sans qu’on perçoive vraiment la durabilité de ces opérations ; cependant, on pourrait imaginer un merchandising digital qui pourrait, là aussi plutôt pour un public de collectionneurs, prendre de la valeur dans le temps. Il est vrai que les marques de luxe regardent ce sujet de très près.
Rouvertes 🚪 : les expos qu’on attend
On trépigne, on fulmine, mais il semblerait que le Gouvernement ne revienne pas en arrière et permette réellement aux musées de rouvrir à partir de mercredi 19 mai.
Par conséquent, les conservateurs et commissaires qui nous mitonnent depuis des mois des expositions plus belles les uns que les autres, vont pouvoir faire montre de leurs talents.
La newsletter La Culture By Roger(s) recense les prochaines expositions qui devraient rouvrir, on retiendra particulièrement Signac à Jacquemart André et une exposition croisée entre Magritte et Renoir au musée de l’Orangerie.
NBC avait lancé sur son service de streaming Peacock l’an dernier une émission de deux heures spécial cadeaux, reprenant les codes de son segment Bons Plans de son morning show.