Le Wrap Up de la semaine où Joe Biden a reconnu le génocide arménien (semaine du 26 avril 2021)
5 bullet points sur les médias , la tech et la société qui va avec
Au sommaire cette semaine :
Abonnés 🔄 : les créateurs d’internet et les médias sur le front de l’abonnement
Enchanté 🎶 : Spotify marque des points
Amassé 🤑 : la publicité sur Amazon progresse de 73% sur un trimestre
Ecartelés 🖥️ : les annonceurs face au dilemmme pub TV vs. pub Smart TV
Dérivés ⚔️ : Napoléon et La Commune, deux dérives de l’expérience républicaine
Abonnés 🔄 : les créateurs d’internet et les médias sur le front de l’abonnement
On a coutume de se dire que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel (Keynes) et que le basculement de la plupart de notre consommation courante vers une forme d’abonnement (que mon ami Julien Boyreau définit comme une subvention des gros consommateurs par les petits, et que le Professeur Galloway considère comme la preuve que notre espèce est incapable de mesurer efficacement son temps d’usage1), L’abonnement connaîtra donc inévitablement un pic.
Dans le domaine de la vidéo par abonnement par exemple, certains faisaient le pari que les foyers allaient à terme s’abonner à 2-3 plateformes différentes pour répondre à leurs besoins (les consommateurs américains seraient, au terme de 2020, déjà abonnés à 3,5 offres en moyenne).
L’article de Vox Media revient sur ce phénomène tente de faire un distinguo subtil en introduisant la notion d’abonnements émotionnels pour l’économie de la création.
D’un univers assez largement “océan bleu” il y a encore 20 ans dans la presse magazine, toutes sortes de produits consommables se sont mis à l’abonnement : des startups comme le Dollar Shave Club (copié par Bic), aux inévitables boxes (qualifiés de discovery commerce), aux médias et aux créateurs sur internet (voir le succès du site de soutien aux créateurs Patreon). (Également dans la même série : le lancement des abonnements Uber Pass cette semaine).
A self-described avid budgeter, Mason currently spends about $120 per month on 11 subscriptions, from streaming services to Substacks and artist Patreon accounts — up from last year’s average of $94 per month.
Selon une dichotomie, somme toute basique, McKinsey distingue les abonnements relatifs à des produits de tous les jours et aux services média. Cette dernière catégorie connaît une concurrence renforcée par tous les services connexes du divertissement qui imitent le succès des abonnements : par exemple le cloud gaming ou encore le fitness en ligne.
Cependant, l’article souligne finement que l’engagement ne saurait être le même entre de la consommation de produits par des sociétés « instituées » et la tentative d’artisans individuels de vivre de leur art, et qui arrivent à créer une connexion émotionnelle, particulière avec leur public. Dans ce second cas de figure, l’engagement est plus fort et durable :
If anything, today’s subscription landscape might be better divided not into content and products, but into one category of content and products the shopper thinks of as utilities and another that they consider emotional or moral investments.
Dans un cas, on se situera bien dans une logique commerciale de paiement d’un droit d’accès, dans l’autre dans l’engagement interpersonnel et la résonance avec nos valeurs.
Ainsi pour revenir aux plates-formes vidéos, nous allons vraisemblablement de plus en plus voir un comportement opportuniste se mettre en place : où les abonnés viendront pour une saison tout au plus d’une série avec laquelle ils ont une connexion émotionnelle (Bureau des Légendes, Handsmaid Tales ou Friends : faites votre choix) et ne se sentiront ensuite aucune obligation de rester abonné à ladite plateforme.
Les plates-formes tenteront en retour différentes tactiques pour éviter ce churn2 trop rapide :
alimenter le catalogue avec du contenu similaire pour relancer l’intérêt;
démultiplier les saisons;
réintroduire une consommation d’épisodes étalée dans le temps;
bundler les abonnements (par ex sport + films + enfants) pour retenir tel ou tel membre de la famille…
L’article souligne également que ce morcellement de la consommation à travers des offres payantes, se fait au détriment de la consommation culturelle commune que permet la TV commerciale gratuite3, et d’une certaine façon alimente le culture gap entre les communautés, sans même évoquer la divergence générationnelle qui se crée aussi en termes de supports de consommation :
More Gen Z consumers surveyed by Deloitte ranked playing video games, streaming music, and using social media above watching movies and television shows as their favorite entertainment activity.
A tout souffrance, il existe un service (par abonnement ?) pour y répondre : vous avez du mal à suivre la consommation de vos abonnements ? Minna Technologies a eu l’idée de mettre en place un service de gestion des abonnements. Là où ils sont malins, c’est qu’ils auraient pu traditionnellement vous proposer :
de gérer ces abonnements de façon dynamique (vous faire un peu économiser);
de vous recommander de nouveaux services vous correspondant (et vous faire dépenser);
tout en se rémunérant avec de l’apport de lead pour les nouveaux services (environ 10-12% du prix total).
Eh bien non : ils se sont tournés intelligemment vers les banques pour commercialiser leur offre.
Ainsi, ils sont sûrs de recenser “à la source” toutes les sources de dépenses par abonnement et ils trouvent un modèle plus pérenne avec les banques qui ainsi renforcent leur nouveau positionnement de donner des outils pour piloter votre consommation (réduisant ainsi (un peu) les chances que vous changiez d’établissement bancaire).
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Enchanté 🎶 : Spotify marque des points
On avait déjà suivi que Spotify cherchait à se différencier de ses concurrents, en se redéfinissant comme un acteur de l’audio, voire de la création audio, plutôt qu’un vulgaire “acteur de streaming musical”.
Cette semaine trois nouvelles sont venues apporter de l’eau au moulin de la firme suédoise :
1) Comme annoncé, Spotify va proposer à ses utilisateurs une expérience de live audio, à la suite de son acquisition de Locker Room. Ce mouvement est en grande partie pour contrecarrer le succès de Clubhouse sur ce format. Cependant, Daniel EK, le CEO de Spotify, relativise et se sert en l’espèce de la façon dont le format Stories, initialement créé par SnapChat, fut allègrement copié par l’ensemble des autres plates-formes vidéo, pour en quelque sorte, justifier son “emprunt” à la fonctionnalité cœur de Clubhouse, espérant ainsi que « les artistes pourront mieux se connecter et échanger avec leur base de fans ».4
Live audio experiences will be adopted by every major platform just like Stories have been, Spotify CEO Daniel Ek told investors on Wednesday’s earnings call.
Il faut souligner qu’il n’est pas le seul à rallier le format live audio, twitter, facebook et même linkedin ont décidé de lui emboîter le pas.
2) Spotify lance une offre de podcasts payants (Apple avait aussi annoncé une initiative dans cette direction), même si, pour l’instant, Spotify avance qu’il rétrocédera la totalité des revenus perçus aux artistes (à terme il devrait prélever 5% du prix des abonnements) :
Spotify annonce aujourd'hui la possibilité pour les créateurs de contenu de monétiser leurs productions via un système d'abonnement. Cette fonctionnalité sera assurée par Anchor, une plateforme de création et de publication de podcasts que Spotify a rachetée en 2019.
3) Enfin, une belle victoire devant les tribunaux européens pour faire reconnaître la position d’abus de position dominante pour Apple :
The statement of objections focuses on two rules that Apple imposes in its agreements with music streaming app developers: Namely what the Commission said is a “mandatory” requirement to use Apple’s proprietary in-app purchase system (IAP) to distribute paid digital content (with the Commission stating that Apple charges a 30% commission fee on all such subscriptions bought via IAP); and ‘anti-steering provisions‘ which limit the ability of developers to inform users of alternative purchasing options.
Apple a désormais 12 semaines pour répondre aux griefs de la Commission et a déjà distillé quelques éléments de défense dans la presse :
“At the core of this case is Spotify’s demand they should be able to advertise alternative deals on their iOS app, a practice that no store in the world allows. Once again, they want all the benefits of the App Store but don’t think they should have to pay anything for that. The Commission’s argument on Spotify’s behalf is the opposite of fair competition.”
Ce qui semble vraiment problématique dans ce débat, ça n’est pas tant l’Apple Tax de 30% sur les nouveaux abonnements (15% au delà d’un an), mais le fait qu’Apple ait lui-même un service de streaming musical, Apple Music, et que selon toute évidence, son service ne subit pas de la même manière cette commission de 30% sur les nouveaux abonnés.
Amassée 🤑 : la publicité sur Amazon progresse de 73% sur un trimestre
En pleine période de publication de leurs résultats du 1er trimestre aux Etats-Unis, les géants de la tech ont publié des chiffres de progression publicitaire hallucinants, qu’on en juge :
Google : +32,3% (à 44,7Md$);
Facebook : +48% (à 26,2 Md$), dont +30% de hausse des prix et +12% de nombre d’impressions;
Twitter : +32% (à seulement … 899 M$);
Amazon Advertising : +73% à 6,9 Md$ …
Cette progression est bien sûr liée à l’augmentaiton de traffic sur les sites monétisés par Amazon, mais aussi par une meilleure monétisation vidéo et un ciblage toujours plus pertinent pour les publicités “intéressant” les consommateurs.
Le cercle est d’autant plus vertueux que les publicités sur les sites d’amazon renvoient vers des produits vendus sur … le site d’Amazon sur lesquels le géant de Seattle perçoit également des commissions.
Les autres chiffres de la division “autres produits” ne sont pas en reste, en particulier le visionnage sur les sites Amazon :
doublement des heures visionnées sur Twitch sur un an avec à présent 35 millions de monthly active users (MAU);
175 millions d’utilisateurs de Prime Video (sans pub), soit 7/8 des abonnés Prime, preuve que le contenu vidéo n’est pas juste là pour faire joli.
Ecartelés 🖥️ : les annonceurs face au dilemne pub TV vs. pub Smart TV
Chaque année à la même période ce sont les Upfronts, ce moment où les grands annonceurs se voient proposer les nouvelles grilles de programmes des chaînes TV et ils peuvent ainsi commencer, à des prix intéressants, à faire leur réservation d’espaces pub TV pour l’année à venir et à se placer dans les émissions qui leur semblent les plus affinitaires avec leurs produits.
Seulement, cette vieille tradition digne de Mad Men, qui remonte à 1962, a du plomb dans l’aile avec bien sûr le digital (les grands acteurs du digital ont tenté avec succès de se greffer à cet événement pour faire valoir qu’eux aussi avaient des nouveautés à proposer aux annonceurs), mais de façon accrue avec l’émergence de la TV adressée :
As linear TV and streaming viewership continue to head in opposite directions, agency executives expect advertisers to continue to move more money to streaming in this year’s upfront.
Les choses se compliquent encore davantage quand l’ancienne différence entre programmes TV de qualité (exclusifs et frais) et plates-formes d’agrégation de vieux catalogues s’estompent avec les tentatives de ces dernières (les FAST pour Free Ad-supported Television) d’elles-mêmes commissionner de nouveaux contenus frais : c’est le cas de Roku avec le lancement de sa chaîne Roku TV et l’acquisition du catalogue du défunt Quibi, d’IMBD TV (Amazon) qui lance des originals.
Cerise sur le gateau : la forte progression des scores de visionnage de Youtube sur les TV connectées (27% de la consommation US de YouTube se ferait sur TV et Youtube revendique près de 100M de téléspectateurs chaque mois), ce qui on voudra bien le reconnaître dans un contexte de visionnage sur grand écran, ressemble à s’y méprendre à une consommation de public, plus jeune que la moyenne, dans un contexte d’immersion très semblable à celui de la TV traditionnelle, la data de Youtube en plus… D’ailleurs depuis l’an dernier, Youtube propose aux annonceurs de ne cibler publicitairement que les consommations réalisées sur les TV connectées (pour une petite surtaxe de 10 à 15%).
Dérivées ⚔️ : Napoléon et La Commune, deux dérives républicaines
A chaque fois que je suis en manque d’inspiration pour cette dernière partie plus culturelle, c’est simple, il suffit de me tourner vers Arte ou France Culture, tant les deux chaînes publiques regorgent de contenus riches et gratuits.
Cette semaine, c’est l’embarras du choix : deux formidables séries mises en ligne et à l’antenne (toutes deux sur Arte) :
L’une sur Napoléon à travers 7 moments de sa vie où il se confronta à la mort et nourrira ainsi sa légende personnelle et son croyance mystique en sa bonne étoile; (pour aller plus loin : écouter également les podcasts de Philippe Collin qui reprend en 9 épsiodes le legs de Napoléon, et aussi pour les enfants, une série des Odyssées sur l’Ogre);
L’autre sur la Commune de Paris à travers l’adaptation en TV du roman graphique de Raphaël Meyssan “les Damnés de la Commune”, très largement inspiré d’un impressionnant travail documentaire sur les gravures des journaux de l’époque. On peut regretter le manque de perspective du récit entre les parties prenantes, même si historiquement impeccable.
S’il fallait trouver un fil rouge entre ces deux histoires, on s’improviserait historien pour interroger les liens que ces deux événements, que nous commémorons cette année, entretiennent avec l’idéal républicain, d’une avec ce lieu commun concernant Napoléon entre fossoyeur et propagateur des idées de la Révolution et d’autre part, la Commune de Paris, fantasme ou tentative avortée d’une république sociale et populaire.
18% des abonnés à une salle de sport (avant Covid) s’y rendaient régulièrement.
taux de désabonnement, une notion centrale suivie comme le lait sur le feu par les services marketing des différents services d’abonnement.
le fameux “lien social” que les sociologues Missika et Wolton décrivaient dans la Folle du Logis
Une petite nuance cependant : les stories sont de courtes vidéos de quelques secondes facilement consommables, là où le live audio est long, difficilement consommable en petites bouchées et pour l’instant difficilement exportable.