Le Wrap Up de la semaine où Choose France a battu le record d'annonces d'investissements (semaine du 19 mai 2025)
💉 Hollywood & IA – 💀 Mort du livre (bis) – 📱 Ive & Altman prépare un device OpenAI – 📺 Broadway repasse à la TV – 🪆 Netflix & jeunesse – 🎭 Une Mouette revisitée à la Comédie Française
Au sommaire de cette semaine :
⏳ Temps de lecture : 9 min 22 sec (j’ai rajouté un article)
Future of TV Ads le 4 juin 2025 (promo)
Le 4 juin, j’aurais le plaisir de participer à Future of TV Ads, organisée par Minted, et d’y animer une table ronde sur les nouveaux formats créatifs (on y parlera aussi nécessairement CTV).
Au programme : convergence des inventaires, activation data cross-canal, formats interactifs, mesures d’attention, retail media… Les acteurs principaux du marché partageront leur vision pour concilier performance, innovation et vie privée, dans un écosystème transformé par l’IA.
Cette édition du Wrap Up est désormais, par la magie de l’IA de Google, NotebookLLM, disponible en audio à deux voix, en français ici :
Mourant 💉 : Hollywood et l’IA
⏳ : 1 min 39 sec
Et si les superproductions disparaissaient ? Pas faute de public, mais parce qu’un ado dans sa chambre pourrait, grâce à l’IA générative, produire un film d’aspect équivalent pour 1/1000e du coût.
C’est le futur que pressent Doug Shapiro, analyste expérimenté des médias, dans une interview fleuve pour Newsweek. Une révolution plus radicale que le passage de la pellicule au streaming : cette fois, c’est l’idée même que seuls les studios peuvent faire du « haut de gamme » qui vacille.
Historiquement, deux « douves » protégeaient Hollywood :
la distribution (complexe et coûteuse), balayée par internet;
et la production (risquée et capitalistique), jusqu’ici résistante, elle vacille sous l’effet de l’IA.
Shapiro rappelle que 80% du budget d’un film concerne des tâches désormais automatisables : effets visuels, son, costumes, montage... En octobre 2024, Where the Robots Grow, film d’animation long métrage, a été réalisé par 9 personnes en 3 mois pour 700 000 $, soit 99% moins que Kung Fu Panda.
Et Flow, petit film letton de 3,6 M$, a raflé l’Oscar du meilleur film d’animation devant Pixar et DreamWorks.
La production de qualité n’est donc plus un privilège. L’engagement, la relation “ parasociale “ (ce lien unilatéral mais fort entre créateur et public) devient la nouvelle métrique de succès.
Ce n’est plus la caméra RED1 ni Matt Damon qui font l’autorité, mais l’authenticité. Doug Shapiro rappelle qu’un quart du temps vidéo aux USA est absorbé par le social video (TikTok, YouTube…), alors que les géants du cinéma et du streaming réunis pèsent moins de 150 Md$ de revenus, contre 250 Md$ pour la “creator’s economy” (voir en France, les budgets influence atteindre 500 M€).
L’IA pourrait donc démocratiser la création, mais de fait, polariser encore plus l’attention.
Ne vous attendez donc pas au retour du « milieu de gamme », mais une atomisation en sous-cultures encore plus nombreuses, dont on a compris que la différenciation avec les super productions allait s’amenuiser…
D’après lui, des productions virales, ultra-ciblées, parfois éphémères, coexisteront avec de rares grands événements collectifs – Avatar 3, peut-être – nourrissant notre besoin de récits communs.
Ce futur n’est pas une tabula rasa. Les studios survivront, mais leur avantage concurrentiel historique sera affaiblie.
Le vrai enjeu ? Le contrôle de la distribution et donc des plateformes, ces nouveaux douaniers de l’attention avec la maîtrise des algorithmes, souvent aussi les fournisseurs des outils d’IA eux-mêmes (et la boucle est bouclée !).
Le contenu devient abondant, la rareté se déplace : ce n’est plus de produire, c’est d’être vu.
Hollywood n’est pas mais il va devoir apprendre à vivre dans un monde plus divers où le talent aura moins besoin de passer sous ses fourches caudines.
Remort 💀 : la mort du livre encore et toujours
⏳ : 1 min 55 sec
C’est un décrochage discret mais radical : en quarante ans, la France est passée de 73% de lecteurs de livres à 48%. Et si ce chiffre vous laisse sceptique, c’est peut-être le problème.
Le dernier baromètre Ipsos pour le Centre national du livre tire la sonnette d’alarme, mais dans le vide, déplore le rédacteur en chef du Monde, Michel Guerrin. Car à la différence des mathématiques, la lecture n’apparaît plus dans le discours ambiant une priorité nationale. Elle est devenue, au mieux, une passion individuelle ; au pire, un passe-temps désuet.
Le plus frappant, c’est la bascule générationnelle : autrefois, les jeunes lisaient plus que les vieux. Aujourd’hui, ce sont les seniors qui tiennent la barre — pour encore combien de temps ? L’entrée du smartphone à 10 ans, les 35 heures d’écran hebdomadaires des ados, l’érosion du rôle des parents lecteurs… Tout concourt à faire du roman une espèce en voie d’extinction.
On a bien tenté de se rassurer en invoquant les "nouvelles formes de lecture" numériques, où les devices numériques “accompagnent” vers la lecture (sans précision de la méthode de cet accompagnement peu pédagogue). Mais l’argument a surtout servi à anesthésier le débat.
Régine Hatchondo, directrice du CNL, parle même de fléau, tandis que le sociologue Michel Desmurget oppose les bienfaits cognitifs du roman (nuance, empathie, sommeil) au chaos mental des écrans (stress, impulsivité, rejet de l’altérité).
Et l’Etat ? Il organise bien quelques opérations comme Partir en livre ou soutient 900 festivals littéraires, mais, aux dires de l’éditorialiste, les moyens ne suivent pas :
Le mal est profond :
« Un collégien sur deux est surpris quand un auteur vient en classe, croyant que tout écrivain ne peut être que mort », note Régine Hatchondo.
Et comme le rappellent Erik Orsenna et Noël Corbin dans un rapport enterré de 2018, si les parents ne lisent pas à leurs enfants avant 10 ans, ces derniers ont dix fois moins de chances de devenir lecteurs.
Alors, est-ce si grave ? Oui. Parce que le roman reste, selon l’éditorialiste et le rédacteur de cette newsletter, l’un des rares outils à transmettre la complexité du monde, la richesse du langage, la profondeur du regard.
En s’effaçant, il laisse le champ libre à une culture de l’instant, du clash et du prêt-à-penser. Une littérature sans lecteurs, c’est une société sans imagination.
On avait crié à la mort du roman — c’est peut-être la société de la nuance qu’on enterre.
Vous serez étonné de ne pas avoir lu à la fin de cette recension, d’éléments ayant trait à l’IA et à la lecture ? Rassurez-vous : je vous invite à lire ce post d’octobre 2024 d’un mordu du numérique par essence, en la personne de Paul Graham, cofondateur du fameux incubateur Y Combinator, sur l’écriture et sur le fait que cette discipline et pratique se rapproche sans doute au plus près de la construction d’un esprit critique…
Re-né 📱 : Jony Ive et Sam Altman sont dans un bateau
⏳ : 1 min 58 sec
6,5 milliards de dollars. C’est ce qu’OpenAI vient de mettre sur la table pour acquérir IO, la jeune pousse fondée il y a un an par Sir Jony Ive, l’homme derrière l’iPhone. (On avait déjà évoqué cette possibilité dans le Wrap Up en… octobre 2023).
Pas pour refaire un téléphone, mais pour créer… autre chose. Un objet, ou une famille d’objets, qui donneraient enfin un corps tangible à l’intelligence artificielle, aujourd’hui cantonnée à des applis dans nos smartphones.
Ce mariage entre Sam Altman, prophète de l’AGI (intelligence artificielle générale), et Jony Ive, gourou du design minimaliste, vise à “élever l’humanité” (rien que ça). Ambition galactique, vocabulaire quasi mystique : on croirait lire un mémo de la NASA ou une annonce de lancement de secte californienne.

Côté stratégie, IO et ses 55 ingénieurs passent sous le giron d’OpenAI, mais LoveFrom, le studio de design d’Ive, reste indépendant. L’objectif ? Créer des objets “ambiants” – des pendantifs, des lunettes, des dispositifs invisibles et omniscients – qui remplaceraient les smartphones et nous offriraient une interaction “apaisée” avec l’IA. (Le Rabbit R1 ci-dessous et l’Humane.ai Pin avaient déjà tracé la voie.)
En clair : nous débarrasser de ce que l’iPhone a lui-même engendré. “Je porte une part de responsabilité dans ce qu’est devenu le téléphone”, confesse Ive. Mea culpa en aluminium brossé.
Altman aussi se dit mal à l’aise avec la technologie actuelle : trop d’interruptions, trop de bruit (il faut se pincer pour le croire, mais il est de notoriété que Sam Altman travaille avec un … cahier, oui oui!).
L’idée : remettre de l’intelligence dans l’expérience. Mais sans tomber dans les pièges d’Humane, start-up dans laquelle Altman avait investi et dont le pin IA s’est vite écrasé au sol.
Côté finances, la pilule est amère. OpenAI paie cher une société non rentable, au moment même où elle doit restructurer son modèle hybride (à but non lucratif devenu “for-profit”). Elle vise près de 12 Md$ de revenus en 2025 mais doit aussi calmer ses investisseurs, comme SoftBank. Autrement dit, elle brûle du cash pour une vision qui apparaît aujourd’hui sans produit, sans roadmap, sans support de démonstration.
Sans compter la complexité industrielle de faire produire 100 millions de ce nouveau device après toutes les itérations qu’il a fallu à Apple pour perfectionner sa propre chaîne logistique.
Mais bon, “We’ll be fine”, lâche Altman. L’essentiel n’est pas le produit, mais la posture : celle de l’homme qui, après avoir dompté le langage, veut redéfinir l’objet. Et c’est là tout le pari : reconfigurer notre rapport à l’IA non plus par l’écran, mais par le geste, la présence, l’émotion.
Apple avait son “One more thing”. La très artificielle OpenAI aura-t-il son “First real thing” ? À ce stade, c’est encore un concept flou. Mais dans la Silicon Valley, les promesses valent parfois plus cher que les produits.
Frédéric Filloux dans sa newsletter Episodiqu.es avec son approche no-nonsense résume bien toutes les raisons qu’il y a que ce pas de deux finisse en fiasco.
Je vous laisse apprécier la mise en scène de cette annonce filmée sous l’oeil des Coppola (excusez du peu) :
Re-diffusé 📺 : Broadway revient sur les écrans TV
⏳ : 1 min 33 sec
Pendant que l’IA (encore?!) promet des avatars toujours plus réalistes, Broadway opère un retour inattendu au premier plan, porté non pas par un raz-de-marée de spectateurs en salle, mais par l’appétit soudain des chaînes TV et des plateformes de streaming.
Le théâtre vivant, incarnation suprême du “c’est du vrai, c’est du direct”, devient le nouveau terrain de jeu des géants du divertissement.
CNN diffusera en direct, le mois prochain, la pièce Good Night, and Good Luck de George Clooney — une première historique pour Broadway.
“Live TV. No net. Buckle up everyone”, a prévenu Clooney, façon trapéziste sans filet.
Pourquoi cet engouement soudain ? Pour Eric Kuhn, producteur multi-primé et investisseur, la réponse est simple : “Les gens ont soif de communauté, d’émotion brute. Et rien ne vaut le direct pour ça.” Dans une ère saturée d’algorithmes, Broadway deviendrait un antidote émotionnel.
La télé et les streamers lui emboitent le pas :
Disney+ diffusera Frozen (capté à Londres) dès le 20 juin;
PBS (la chaîne “publique”) enchaîne sa huitième saison de “Broadway’s Best”;
Max (ex-HBO Max) diffusera deux comédies Waitress et Just for Us ;
NBC et Fox vont rejouer la carte des comédies musicales live ;
Et Netflix, toujours plus ambitieux, a porté sur scène “Stranger Things: The First Shadow”, préquel de sa série culte, lancé à Londres avant d'arriver prochainement à New York.
Côté chiffres, la Broadway League rapporte que la saison actuelle a déjà généré 1 801 Md$, dépassant le record précédent qui datait de 2018-2019.
Mais derrière ce chiffre mirobolant, les coûts grimpent : produire un show coûte aujourd’hui entre 650 000 et 800 000 $… par semaine. Même Netflix, avec ses poches profondes, ne s’y retrouve pas toujours. L’adaptation Stranger Things aurait enregistré 880 000 $ sur une semaine en mai. Rentable ? Difficile à dire.
Ce qui change vraiment, c’est l’état d’esprit : fini la peur de “tuer la magie du live” en la diffusant à l’écran. Au contraire, comme pour les concerts ou les matchs, la diffusion alimente l’envie d’être là en vrai. Alex Levy, producteur récompensé de quatre Tony Awards (les Molières américains), résume : “Streaming builds the hype.”
On en revient à la théorie que le streaming est désormais une immense machine marketing à prescription (après les échecs, la formule 1, le vélo, etc…).
Reste une grande inconnue : les plateformes peuvent-elles réparer l’économie (très précaire) du théâtre ? Pour l’instant, elles offrent surtout un second souffle, et peut-être, un nouveau modèle. Showtime, baby.
Rajeunie 🪆 : Netflix mise sur la jeunesse
⏳ : 1 min 11 sec
Il était une fois une télé linéaire dont l’audience fondait comme la neige qui tombait sur les tubes cathodiques (trop de métaphores?), Netflix de son côté avait décidé d’accélérer sa conquête des familles… en s’invitant auprès des plus petits dans un environnement sécurisé, à l’abri des scandales qui émaillent régulièrement les programmes jeunesse sur Youtube.
Dernier coup de maître en date : *Sesame Street*, l’émission éducative culte aux marionnettes mondialement connues, va débarquer sur la plateforme dès cette année.
Exit Warner Bros. Discovery, partenaire historique de cette diffusion, Netflix récupère les droits mondiaux en streaming. Les nouveaux épisodes seront diffusés simultanément sur Netflix, PBS (la chaîne “service public” aux US) et son application PBS Kids. Un rare cas de cohabitation entre le monde du streaming et celui de la télé, preuve que l’avenir de la télé jeunesse passe désormais par la pluralité des canaux.
Ce n’est pas un coup isolé. Netflix renforce ainsi méthodiquement son line-up familial. La plateforme détient déjà les droits de Ms. Rachel un programme ludo-éducatif pour les tout petits et CoComelon, deux des chaînes YouTube enfants les plus regardées au monde. Et cerise sur le gateau : extension de l’accord avec la star britannique des cours de récré, Peppa Pig.
Pourquoi ce virage vers l’enfance ? Car les programmes jeunesse représentent déjà 15% de l’audience totale de Netflix. Et parce qu’en s’invitant dans les habitudes TV des foyers, la plateforme devient un substitut crédible aux bouquets TV familiaux classiques, ces anciennes valeurs sures du salon cathodique aujourd’hui débranchés à la faveur de Youtube TV.
Ce que Netflix tente ici, c’est un *soft power* éducatif à la maison : capter les petits pour fidéliser les parents, et verrouiller l’attention à la source. Quand Big Bird (le personnage principal de Sésame Street) entre dans le catalogue, ce n’est pas juste un oiseau en peluche — c’est une stratégie de conquête de part de marché à hauteur d’enfant.
Revue 🎭 : Une Mouette à la Comédie Française
⏳ : 1 min 3 sec
UNE Mouette, version 2025 de La Mouette de Tchekhov à la Comédie-Française, n’est pas une nouvelle mise en scène, mais une tentative de réinvention signée Elsa Granat.
Le spectacle s’ouvre sur un préquel à partir de la pièce en un acte de Tchekhov. On y découvre une Arkadina, jeune mère et jeune actrice, luttant pour sa survie artistique et familiale. Son fils, Kostia Tréplev, est encore un bébé pleurant dans un berceau. Sorine, oncle bienveillant, élèvera l’enfant. C’est un théâtre de la mémoire, de la construction des identités, où l’on voit émerger les tensions fondamentales : entre l’art et la vie, entre ambition et maternité, entre modernité et tradition.
Puis vient La Mouette proprement dite. Tréplev, jeune auteur en quête de « formes nouvelles », présente sa pièce dans un théâtre de verdure. Face à lui, sa mère Arkadina, actrice reconnue, incarne l’art établi. Trigorine, son amant, l’écrivain célèbre, séduit le premier rôle, Nina, actrice en devenir. Tréplev, trahi, rate son suicide, Nina part pour Moscou et la spirale tragique s’enclenche qui aboutira au dernier acte, non sans avoir ravagé le coeur des femmes du spectacle, mais qui restent debout.
Le décor est changeant, évoluant au gré des humeurs d’Arkadina, jusqu’à l’instant où “le ciel lui tombe littéralement sur la tête”, image aussi puissante que poétique. On passe alors d’un monde onirique à un retour à la réalité brutal.
Personnellement, même si les cris restent nombreux et l’on peine à se détacher de l’issue tragique de la pièce, la poésie et l’humour viennent ajouter quelques grammes de légèreté à l’ensemble, toujours servi par des comédiens remarquables (j’ai même trouvé Loïc Corbery supportable, c’est vous dire).
La Caméra RED est célèbre pour avoir révolutionné le cinéma numérique au début des années 2010. Elles permettent de filmer en résolution ultra-élevée (jusqu’à 8K et plus), avec une grande profondeur de couleur, une plage dynamique étendue, et des formats RAW permettant une postproduction très poussée. Elles sont modulaires, donc personnalisables selon les besoins du tournage (objectifs, capteurs, accessoires…). Elles sont enfin utilisées sur de nombreuses superproductions hollywoodiennes, séries et publicités haut de gamme (par ex. The Hobbit, House of Cards, Mindhunter, etc.).
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Super édition once again Christian. La phrase de Régine Hatchondo : « Un collégien sur deux est surpris quand un auteur vient en classe, croyant que tout écrivain ne peut être que mort » me hante ...