Le Wrap Up de la semaine où Michel Zecler a été passé à tabac par des policiers (semaine du 23/11/2020)
5 bullet points de la semaine écoulée : média, tech et société
Au sommaire cette semaine :
Subprimé 💸 : la pub ciblée est-elle une gigantesque fraude ?
Zoom-fatigué 🧟 : 5 façons d’en sortir
Same same but different 👯♂️ : tous les réseaux sociaux vont-ils se ressembler à la fin ?
Utiles 🔨 : les marques se (re)mettent à la brand utility
Lu 📚 : Fouché de Stefan Zweig
Subprimé 💸 : la pub ciblée sur internet est-elle une gigantesque fraude ?
Des milliards de dollars sont dépensés chaque année sur internet par les annonceurs. Combien de ces précieux dollars ont atteint leur but et convaincu les consommateurs ? Peu d’'entre eux pense Tim HWANG.
Ancien de Google ayant travaillé sur la réglementation, actuellement chercheur à Georgetown, il est l’auteur d’un ouvrage, comme l’industrie en connaît régulièrement, qui veut renverser la table : “Subprime Attention Crisis”.
La thèse en est simple, pour ne pas dire simpliste : la publicité ciblée ne serait pas plus efficace que la publicité indiscrimée. En définitive, la prime accordée à un contact qualifié ne se justifierait pas et il faut s’attendre à un effondrement des prix pratiqués.
Advertising is overvalued due to the opaqueness of the market, and few actors are willing to point out that the advertising emperor has no clothes. Much like the subprime mortgage crisis, once people come to realize the true value of digital ads, the market could crater…
…. I think the idea though is that you have this market that is highly opaque, there’s a lot of evidence to suggest that the value of ads is misidentified, and you have a lot of people interested in boosting it even in spite of all that.
L’auteur s’appuie en grande partie sur les mensonges à répétition de Facebook sur le nombre de vidéos vues, sur la minimisation des adblocks, sur le recours aux fermes à clics ou encore au “domain spoofing” (usurpation des noms de domaine pour donner faussement l’illusion de la qualité de l’environnement dans lequel est diffusée une pub).
Face au contre-argument classique qui est de la justesse du prix de la publicité en raison du mécanisme de l’enchère, l’auteur se défend (relativement mal) en mettant en avant le fait que, bien qu’il y ait des corrections à la baisse (sur les taux de clics et les CPI), toute la chaîne de valeur publicitaire reste opaque.
Plus loin, l’auteur incrime plus spécifiquement l’achat programmatique :
The claim that data-driven programmatic advertising is going to solve the kind of long-standing questions with ads is, I think, not the case.
In fine: des propos volontairement polémiques avec des arguments manquant souvent de précisions, malheureusement pour une interrogation qui reste légitime, particulièrement compte tenu du poids que Google et Facebook représentent aujourd’hui dans les investissements publicitaires.
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Zoom-fatigué 🧟 : 5 façons de s’en sortir
Ce sont des petits trucs, mais comme les semaines de reconfinement ressemblent de plus en plus à un long tunnel de réunions sur Zoom (la durée quotidienne de notre temps en video conférence a augmenté de 277% depuis début mars), cet article de Time Rescue, une société qui veut vous aider à reprendre le contrôle, est bienvenue.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le sentiment de fatigue augmente :
Zoom fatigue en contexte de pandémie : le glissement de nos tunnels de réunions physiques tranformés en zoom, sans compter l’anxiété de cette situation nouvelle peut nous exténuer rapidement.
Syndrome de l’Hydre de Lerne : une étude psychologique américaine montre que notre cerveau, fruit d’une longue évolution, et notre regard ne sont pas faits pour gérer une dizaine de visages à la fois (l’Hydre des Douze Travaux d’Hercule en comptait, selon les versions, comme nos videocalls, entre 5 et 9 têtes) et que cette attention accrue aux réactions des uns et des autres créerait une fatigue supplémentaire.
Death by Meeting : la vidéo call requiert une coordination accrue et d’autres études psychologiques montrent le phénomène bien connu énergivore des réunions inutiles. “When an employee sits through an ineffective meeting their brainpower is essentially being drained away.”
Voici les cinq conseils que la société propose de mettre en oeuvre pour éviter ce phénomène :
Préférer le téléphone quand vous le pouvez 📞
La communication asynchrone c'est bien aussi : le comeback de l'email 📩
Réduire le nombre de Zooms d’un commun accord, fixer des plages horaires dédiées ⏲
Compter ses heures passées sur la plateforme ⏳
Dire simplement non à une n-ième réunion 🙅♀️
Same same but different : tous les médias sociaux vont-ils se ressembler à la fin?
Snap a lancé Spotlight pour faire comme Tiktok, comme Instagram l’avait fait avant lui avec Reels; Instagram avait auparavant lancé les filtres, les Stories pour faire comme … Snap. Twitter leur a emboîté le pas cette semaine avec le rajout des “Fleets”, un format de stories.
On assiste à une convergence comme en témoigne ce tableau d’Axios sur les fonctionnalités des différents médias sociaux :
Au delà de l’homoplasie de ces plates-formes (à placer dans vos prochains dîners en ville), cette convergence pose :
1) la question de la propriété intellectuelle en termes d’UI : le vol semble l’hommage du puissant au malin, mais quelles sont les facultés de recours quand un géant du web plagie manifestment une invention en termes d’interface utilisateur ?
Le peu de cas de procès reportés en la matière laisse entendre que cette piste ne soit pas couronnée de succès (cependant, les dépôts de brevet sur des fonctionnalités continuent de pleuvoir, cf. la très bonne newsletter PatentDrop). Je laisserais les experts s’exprimer sur le sujet;
D’un point de vue business, il semble que la seule solution réside dans le fait d'accélérer le rythme de l’innovation (c’est le sujet du livre d’Howard YU : Leap sorti il y a deux ans), démontant l’idée qu’il y a un avantage au First Mover, mais plutôt qu’à l’ère des monopoles de la big tech, l’avantage est au late-mover, pour peu qu’il y ait la puissance de rattraper et la base pour déployer rapidement.
2) La question connexe de la désormais incontournable régulation des GAFA : si les plates-formes sont de plus en plus similaires, c’est la preuve que le rythme de l’innovation ralentit du fait de la taille de ces conglomérats.
Inversement, c’est aussi l’occasion pour le régulateur de s’appuyer sur toutes ces fonctionnalités communent pour les rendre inter-opérables, poussant ainsi dans leur retranchement, chacune d’entre elles pour se différencier !
Utiles 🔨 : les marques se (re)mettent à la Brand Utility
Cette année aura été l’occasion pour les marques de remettre sur le devant de la scène, de quelles façons elles peuvent être U-TI-LES.
L’affaire n’est pas nouvelle (on attribue souvent au Guide Michelin en 1900 la paternité de la brand utility pour une marque …) et la définition reste encore un peu floue : dans l’absolu, si un consommateur achète votre produit, c’est que votre produit répond à un besoin, le consommateur y trouve une utilité (coucou Maslow).
Ma compréhension est que la brand utility concerne ce que la marque fait en plus pour vous, qu’elle réfléchit aux usages et met en place des “quick wins” qui va au-delà des attentes, pour faciliter la vie (si cela devient un nouveau service, on sort de la simple brand utility pour aller sur de la diversification).
Pendant cette crise, les marques ont d’abord dû s’adapter elles-mêmes pour continuer à fonctionner normalement, avec, si on schématise, une communication en trois temps:
D’abord le nombre de messages mettant en scène les efforts qu’elles avaient entrepris pour rester à flot pour les consommateurs ;
Ensuite, la glorification de leurs personnels “en première ligne” (vous le voyez ce Fenwick au petit matin)
Enfin la promesse de se retrouver avec le retour à la vie normale lors du 1er déconfinement (on pense fort à McDo.)
On peut distinguer trois niveaux de brand utility :
1. Un clin d’oeil de communication
Exemple : Lego avec ses chaussons spéciaux pour ne plus se faire mal en marchant sur les petites pièces de Lego (sur une idée de l’agence BrandStation)
2. un service vraiment utile (le gros du bataillon)
Petit florilège du confinement :
Franprix et Casino mettent en place un numéro vert pour permettre aux personnes âgées ou numériquement précaires de se faire livrer gratuitement.
Club Med propose à ses clients de « puiser dans la malle aux trésors de ses G.O. Mini Club » des idées d’activités pour toute la famille. Des activités en famille, des playlists à écouter en famille
Petit Bateau propose des activités pour enfants sur son compte Instagram. Plein de super idées : fabrication de marionnettes, partage de podcast sur la parentalité, idées de jeux en appartement… A découvrir dans les stories
3. la brand utility “d’utilité publique”
Récemment, avec la mobilisation pendant le pic de pénurie de la crise sanitaire, les entreprises ont reconverti leurs lignes de production pour produire masques (entreprises textiles), respirateurs artificielles (Peugeot, Airbus, …), gels hydroalcooliques (cosmétiques et alcooliers). Plus largement, il s’agit aussi de l’engagement politique d’une marque pour faire avancée une cause sociétale (les exemples les plus parlants qui viennent en tête sont Patagonia sur l’environnement ou Danone sur la santé par la nutrition).
Evidemment : gare au woke-washing, comme l’ont été les différentes illustrations lors de Black Live Matters, sinon attention retour à la case 1 d’un coup de communication dont on ne maîtrise pas toujours la réception.
Le site Ace Metrix a créé une petite matrice utile, qui retrace les engagements sociétaux de certaines marques, et les a ensuite passés au crible d’avis du public pour déterminer si on était dans l’exploitation (Exploit) vs. l’engagement à passer à l’action (Empower), voire des deux.
Enfin pour finir, voici quelques initiatives relevés de Brand Utility, avec un focus sur notre Zoomification récente (voir le Wrap Up de la semaine précédente) :
L’Oréal qui numérise le maquillage avec ses filtres SnapChat pour avoir l’air pimpant et pimpante lors de votre première conf vidéo du matin;
Les casques et enceintes Bose qui met à la disposition du public avec PinPoint, sa technologie d’IA pour filtrer directement les sons d’ambiance qui arrivent ou partent de votre ordinateur, lors de ces mêmes conf vidéos;
Red Lobster prenant en considération la fermeture temporaire des restaurants, tente de revitaliser les dîners aux chandelles en proposant aux couples (y compris à distance) d’améliorer la seule expérience culinaire : fonds d’écran dédiés sur Zoom, playlists sentimentales sur Spotify.
Lu 📚 : Fouché de Stefan Zweig
Extrait du film le Souper (1991) confrontant Talleyrand et Fouché à la veille de la Restauration
Pénétrant Stefan Zweig qui tente de percer et de rendre compte de la fine psychologie des Grandes Vies, comme s'intitule le recueil de ses biographies chez Grasset (y sont compilés les biographies de Marie-Antoinette, Marie Stuart et Magellan).
Avec Fouché, il s'attaque au monument le plus obscure, le plus labyrinthique de la Révolution Française, de la Convention, du Directoire, du Consulat, de l'Empire et enfin de la Restauration (il jouera également un rôle capital lors des Cent Jours). Les zones d'ombre persistent autour du Duc d'Otrante qui aura été de tous les régimes, de toutes les conspirations avec une maestria inégalée, dont la survie est un signe de son agilité exceptionnelle à survivre.
Zweig remet à juste titre sur le devant de la scène l’abbé défroqué (encore un avec Talleyrand et Seyiès) qui se sera échiné à rester dans la coulisse à observer et espionner les puissants, les conspirateurs, les agitateurs à l’affût de leurs faiblesses, de leurs secrets d’alcôve, afin d’en rabbatre aux puissants et de neutraliser les dangereux.
Serviteur de lui-même avant tout, Fouché est dépeint comme vil, d’un sang froid à tout épreuve, travailleur infatigable.
Zweig souligne l'excellence d'équilibriste du Ministre de la Police, qui ne se complait dans la volupté du pouvoir qu'en gardant toutes ses options ouvertes, qu'en ne choisissant pas, qu'en pouvant en fonction de la tournure des événements, arguer à juste titre qu'il a toujours embrassé la cause qui l’a finalement emporté. Seule la période des Cent Jours le montre clairvoyant de la déroute napoléonienne et redoutable d'efficacité pour faciliter la restauration, au point de retourner la Chambre des Députés, Lafayette, Carnot avec une dextérité qui laisse sans voix.
Subsiste un goût d’inachevé, mais sans doute lié au mystère qui l’entoure, le manque de précisions sur les méthodes que Fouché a inauguré pour la police d’Etat moderne qui explique sa puissance de l’époque (il fera par ses connexions et ses informations de première main, une fortune considérable). Il est rappelé ad libitum qu'il est un travailleur rigoureux, efficace et infatigable, mais à aucun moment on ne rentre dans le cabinet de Fouché. Peut-être la biographie de référence de Louis Madelin pourrait y répondre, mais ce manque ne suffit pas à dissiper le nuage qui continue d'entourer “le bras du Crime” selon le mot de Chateaubriand.
Quelques chips de torilla pour la route :
Comment le Covid19 a changé nos habitudes alimentaires ? (Quartz)
Les Dark Patterns : quand le design est utilisé à mauvais escient ? un exemple avec la nouvelle version d’instagram (Le Monde)
Le Wrap Up de cette semaine, c’était comment ?
😕 🙂 🤩
sans plus pas mal chouette
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