Le Wrap Up de la semaine où la composition du Gouvernement Castex a été annoncée (6 juillet 2020)
5 bullet points de la semaine : media, tech, société
Cette semaine, au sommaire des 5 bullet points :
Déclinée 📚 : la culture patrimoniale s’en va ? (Ministère de la Culture)
SVODé 🦚: comment Comcast veut participer au streaming vidéo avec Peacock
Révitalisé 🦠: Jacques Attali et l’Economie de la Vie (l’Echo)
Basculées 📲: la technologie et la nouvelle normalité (Ben Evans)
Extatiques 🗿: l’exposition au grand air à la Seine Musicale
Déclinée : la culture “patrimoniale” s’en va ?
Photo by JOHN TOWNER on Unsplash
C'est une somme que tout acteur du monde du divertissement se doit de parcourir : l'étude du Ministère de la Culture sur les pratiques culturelles vient de sortir avec les statistiques de l’année 2018.
Elle remet les idées en place et nous fait nous interroger sur l'évolution de ce que nous considérons comme la culture. Elle propose surtout une analyse fine par cohorte et par génération sur une période longue (1973-2018) sur TOUTES les pratiques culturelles des Français (TV, radio, cinéma, théâtre, BDs, pratiques artistiques, bibliothèques, musique, concerts, musées, …)
Dans les statistiques, trois éléments intéressants :
La lecture : 62% des Français ont lu un livre en 2018 (-11 pts. vs 1988). La désaffectation est massive chez les jeunes, chiffre d'autant plus alarmant que c'est une pratique qui décline avec l'âge. Dès lors, on a peur que la prédiction de Philip Roth ne se réalise : “on ne lira plus de romans dans 25 ans” (faite en 2009, il reste 14 ans…)
La fréquentations des lieux patrimoniaux (musées, théâtres, etc...) : elle est portée par les plus aisées avec un accroissement de la population des cadres et une diminution des classes intermédiaires. (Au passage : les 15-28 ans ne sont que 2% à avoir assisté à un concert de musique classique au cours des 12 derniers mois).
la TV : le règne de la TV sans partage (mais peut-être aussi l'object culturel le plus partagé par tous) est révolu, mais cependant reste à un niveau de consommation élevée. 94% des Français continue de la regarder (- 4 points vs 2008), la baisse est sans surprise imputable aux consommation des 15-24 (58% d'entre eux continuent de la consommer quotidiennement), même s’ils consomment de la TV mais sur d’autres écrans.
Ce rapport génère beaucoup de réflexions :
la culture s'est démocratisée, la Culture moins.
Ce qu'on appelle visiblement désormais la "culture patrimoniale" (qu'on appelait auparavant simplement la culture classique) s'érode chaque année davantage auprès des jeunes publics. Longtemps critiqué comme instrument de reproduction sociale, son abandon comme critère de sélection universitaire (avec par exemple la disparition de l’épreuve de culture générale à Sciences Po) a accompagné sa dévalorisation auprès des plus jeunes. On peut s’interroger sur ce qui crée du commun chez un peuple qui n’a plus les mêmes références culturelles ou ne partage plus le goût du passé.
L'action publique dans la culture ?
Corrélativement, le contribuable pourra à juste titre s'interroger sur un ministère de la Culture qui à travers ses dépenses fait des choix budgétaires essentiellement tournés vers les pratiques culturelles des citoyens les plus aisés. En effet, le théâtre subventionné, l’opéra et autre Centre National du Livre se retrouvent de facto à permettre à ceux qui en ont déjà les moyens d’assouvir leurs goûts culturels avec de l’argent public. La question s'était déjà posée avec le “PassCulture” censé mettre le pied à l'étrier aux lycéens dans le domaine des arts et des lettres, et qui s'était retrouvé, au terme de son expérimentation, à subventionner, au nom de la non discrimination entre la culture élitiste et populaire, les abonnements aux plates-formes numériques...
La fausse promesse de démocratisation du numérique ?
Enfin troisième point qui donne matière à réflexion : le numérique, le digital permet incontestablement un fantastique accès à la culture, notamment élitiste (exemple des vidéos mises en ligne par la Comédie Française pendant le confinement), hélas… la consommation suit peu.
La Culture subit un double assaut dont on peut douter qu'elle se relève :
D'une part, la désintermédiation du numérique met à mal toute forme de prescription hiérarchique (The World is Flat) et la qualité est noyée dans un océan de contenus débiles (pour faire vite : les chatons sur les skate boards, plutôt qu'Anna Karénine au sein du projet Gutenberg).
D'autre part, l'usage est très majoritairement par le biais des algorithmes des réseaux sociaux, se polarise sur les hits et autres influenceurs décérébrés, et la qualité, comme le dit poliment Laurent Wolff, co-auteur de ce rapport dans une interview au Monde, a tendance "à s'hybrider" : le succès, la popularité des contenus tend à remplacer le jugement esthétique autorisé sur les oeuvres.
Consulter le Rapport du Ministère de la Culture
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SVODé : Comment Comcast a conçu son offre de streaming, Peacock
Long article du magazine Variety qui décrit de l'intérieur le projet d’offre de vidéo par abonnement (SVOD mais aussi AVOD), Peacock du groupe Comcast.
On y apprend que le projet a été monté en 10 mois (initialement prévu pour être prêt pour les JO de Tokyo cet été) et que la société compte désormais 1 000 collaborateurs.
L’offre mêle savamment des offres :
gratuite financée par de la publicité (moins de 5' de pub par heure, un vrai deal quand on connaît la pression pub des flux TV US), mais avec moins de contenus disponibles aussi ...
payante à petit prix, financé en partie par de la publicité
payante sans pub.
Le confinement a en partie changé la donne : il a affecté la production de programmes premium qui devaient accompagner le lancement de la plateforme (report des tournages et des JO de Tokyo), cependant la plupart des accords de distribution sont en place (manquent à l'appel Amazon et Roku).
L'équipe mise beaucoup sur l'abonnement gratuit, constatant une réelle "fatigue de l'abonnement", même si sur le fond, l'offre de contenus proposé au lancemenet n'apparaît pas comme très différenciante.
Différents analystes jugent l'offre un peu tardive et surtout sans la largeur de contenus d'un Disney ou d'un WarnerMedia, même si NBCU a conduit un effort de rapatriement des contenus jusqu'alors licencié à d'autres plates-formes (par exemple : The Office qui figure régulièrement (et paradoxalement!) dans le top3 dans des contenus consommés sur Netflix, reviendra en exclusivité sur Peacock en janvier prochain). Idem pour Hulu dont, à partir de janvier, les contenus seront partagés et à partir de 2022, éventuellement en exclusivité sur Peacock.
Par ailleurs, le service proposera aussi des contenus chauds : quelques extraits de ses journaux d’information, des late shows de Jimmy Fallon ou de Seth Meyers. A partir de 2021, y sera également diffusé un match de la NFL par semaine.
Côté chiffres financiers, Comcast va investir 2 Md$ sur 2020-2021 et attend 2,5 Md$ de revenus d'ici 2024, avec une base abonnés de 30-35 M d'utilisateurs pour atteindre le point mort.
A suivre…
Revitalisé : L’économie de la vie
Jacques Attali a livré une interview au magazine belge l’Echo, où il parle de la sortie de son livre "L'économie de la Vie", qui est une recompilation de certains de ses ouvrages précédents, comme "Comment survivre aux crises" que j'avais personnellement apprécié (spoiler : il faut être flexible, avoir plusieurs sources de revenus, être à l’affût des opportunités, sans trop s'attacher ou se lier à ces différentes sphères), livre augmenté de ses réflexions autour de la crise sanitaire actuelle.
Dans cette interview, quelques points de vue toujours rafraîchissants :
il s'étonne que notre réaction prioritaire se soit focalisée sur l'environnement comme réponse évidente à la crise (alors que les liens de causalité sont ténus, pour ne pas dire moins, entre les deux catastrophes, sanitaire et environnemental);
“Il est étonnant que face à une crise sanitaire, la plupart des pays répondent par la résolution de problèmes de l’environnement. On aurait pu s’attendre que l’on évoque plutôt les moyens accordés à la santé. Cette économie de la vie inclut donc des secteurs comme la santé, l’hygiène, l’alimentation, l’agriculture, la recherche et l’innovation, la logistique, la distribution, le logement, le recyclage des déchets, la gestion de l’eau, l'énergie propre, l'éducation, l’information, le crédit, l’assurance, la culture, la sécurité. .. Le projet de toute société devrait être de s’orienter vers cette économie de la vie.”
Il considère l'aviation, l'automobile et le tourisme comme des secteurs “zombies” appelés à se réinventer totalement, pour ce dernier avec une éventuelle réorientation vers le “care”.
Il met en garde contre les changements trop radicaux sur nos modes de vie professionnel :
"Le télétravail constitue un piège extrêmement dangereux. Il ne concerne pas tout le monde et accentue une tendance très forte de notre société qui est une tendance égoïste. Il transforme les entreprises en des juxtapositions de mercenaires narcissiques déloyaux. On a constaté que lorsque les entreprises mettent très durablement en télétravail leurs collaborateurs, soit ces derniers sont virés, soit ils s’en vont d’eux-mêmes.
Une entreprise ne peut pas durer si elle n’est pas capable de créer un projet commun. Mais pour cela, il faut absolument une présence sur place. Les gens doivent revenir dans des lieux qui permettent à l’entreprise de jouer son vrai rôle. Au fond, le seul endroit important dans une entreprise, c’est la machine à café.”
Il affirme (je n’ai pas vérifié) qu’il y a une équivalence en termes d’endettement total (privé et public) entre les pays dits frugaux et dispendieux (sur la dépense publique), et que nous avons donc à faire face à un problème à l’échelle européenne :
“Ces déficits sont en forte hausse. On parle souvent des pays dits frugaux et des pays non frugaux. Mais les pays frugaux ont d’énormes dettes privées et peu de dettes publiques. Les pays non frugaux ont, eux, peu de dettes privées mais beaucoup de dettes publiques. Mais au final, les frugaux et non frugaux ont le même total de dettes.”
Basculés : la technologie et la nouvelle normalité
Ben Evans est un gourou de la Silicon Valley (je vous en avais parlé sur les “événements en ligne” le 8 juin dernier), fin juin dernier il a mis à jour son deck de slides sur la technologie et la "nouvelle normalité".
Les 55 slides sont pleines d'enseignement (sans doute plus appréciables avec le speech-over du maître par dessus).
On en retient 3 thèmes clés :
la pénétration continue de l'eCommerce : d’après lui, la plupart des pays se rapprochentdu fameux tipping point et Amazon continue de croître de 20% par an; cependant le marché devient tellement massif qu’il y a désormais de la place pour des acteurs alternatifs qui deviennent de plus en plus crédibles (Shopify à 85 md€ de capitalisation boursière, le succès d'Instagram et de Facebook sur le social shopping, l’eCommerce en voie de “trading up” : les recherches google “best product” ont dépassé celles pour “low cost”.)
le digital sans surprise modifie en profondeur nos modes de vie
83% des teenagers US auraient un iPhone ?! (source : Jefferies)
Après 2017, 40% des couples américains hétérosexuels se sont rencontrés en ligne !
La prévalence de la tech dans nos quotidiens impacte toutes nos politiques publiques : la fiscalité, les données personnelles et vie privée, l’accès à l’information et la diffusion de fausses informations, les élections, le droit de la concurrence, la réglementation sociale et lois sur le travail, ...
le COVID et l'adoption forcée du mode de vie numérique :
Le confinement a provoqué trois phénomènes concomittants : l'adoption accélérée de technologies, l'expérimentation forcée de ces outils dans le quotidien du travail et va très certainement produire des redistribution de parts de marché assez radicale.
Selon un cycle d’adoption des technologies qui commence à être bien connu et illustré par ce slide :
La médecine, l'éducation au premier titre vont très probablement être durablement affectées par le travail à distance et le recours à des logiciels.
Cependant, gare au fossé numérique : tout le monde, par exemple en France, n'a pas de smartphones (le taux d'équipement français doit être de seulement 77%, 23% de la population est limité dans ses interactions digitales aux appels et aux SMS).
A tous ceux qui pensent que dans le monde d’après, tout le monde travaillera depuis l’Ile de Ré, certains graphiques rappellent les inégalités de situation :
Les présentations de Ben Evans
Extatiques à la Seine Musicale
Pour ceux qui sont dans l'Ouest Parisien, c'est l'occasion d'aller voir en ce moment, l'exposition Extatiques sur l'esplanade et dans les jardins de la Seine Musicale. L’exposition dispose des oeuvres d'art contemporaines en plein air de Fabrice Hyber, de Félice Varini ou encore du Coréen Jeong Hwa CHOI et sa monumentale fleur respirante de lotus :
Le site de présentation de l’exposition
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