Le Wrap Up de la semaine du meurtre de Dominique Bernard (semaine du 9 octobre 2023)
🎶 : les petits pas de Spotify - 📖 : état de l’IA en 2023 - 👾 : Sonic et Mario, retour aux sources - 🔗 : Comment Schibsted augmente son ARPU en bundlant - 🌍 : Docu au centre de la Terre
Au sommaire de cette semaine tragique :
⏳ Temps de lecture : 7 min 7 sec
Itératifs 🎶 : les petits pas de Spotify
⏳ : 2 min 2 sec
Il est loin où Spotify voulait simplement être le fournisseur désintéressé de notre bande-son quotidienne ; désormais, le géant suédois entend s’appuyer sur l’IA pour envahir d’autres terrains de jeu : il veut devenir le contributeur principal de nos conversations et de nos apprentissages. Comment ? Notamment grâce aux podcasts.
Lors de sa conférence annuelle Wrapped 2022, Spotify avait indiqué vouloir aller sur tous les terrains de jeux : musique, podcast, audiobooks et XYZ.
La semaine dernière, Spotify est sorti du bois sur l’audiobook : les abonnés auront désormais la possibilité d’écouter 15h d’audiobook par mois1, sans surcoût dans le cadre de son abonnement (Audible chez Amazon coûte seul 9.95 euros par mois). L’analyste star, Mark Mulligan, avance que cette initiative sur l’Audiobook est une façon de rendre les auditeurs plus actifs, plus attentifs, en particulier à la marque qui livre le contenu aux utilisateurs.
Audiobooks are the completely natural and logical progression for Spotify (and other DSPs), but they are also another waymarker in the journey away from being a pure play music service… Audiobooks can turn passive listening into active listening in a way that music cannot so easily do.
Une annonce que le cabinet d’analyse média LightShed a bien relevé dans son podcast:
Cette semaine, on a peut-être vu Spotify placer ses pions pour avancer dans différenciation :
Premier coup d'éclat : l’extension du reach potentiel de ses podcasts. Spotify s'associe à OpenAI pour introduire une fonction de traduction vocale basée sur l'IA (démo ici). Alors qu'on a du mal à avoir une bonne traduction textuelle, voilà que l'intelligence artificielle prétend cloner les voix dans d'autres langues. Le résultat ? Vous pourrez écouter votre podcast anglophone favori en espagnol, allemand ou français. Mais attention, n'imaginez pas entendre la voix de Michel Houellebecq s'exprimer en japonais. Pour l'instant, la fonctionnalité ne traduit que de l'anglais vers quelques langues et sur une sélection limitée de podcasts. C'est un début;
Le deuxième acte de cette mise à jour concerne les transcriptions textuelles et donc la découvrabilité et le référencement naturel de ses contenus. Le leader du streaming veut en effet rendre ses podcasts accessibles aux “malentendants ou à ceux qui préfèrent lire” (oui, ces gens existent). Vous pourrez donc suivre mot pour mot ce qui se dit, comme au théâtre, sauf que les acteurs sont invisibles. Le but caché de tout cela : rendre lisible et référençable tous les contenus produits, voire les ingester dans une IA qui pourra vous restituer toute l’étendue du savoir sur un sujet donné, mais on spécule là;
Enfin, un onglet "À propos" pour vous donner plus de structures et d'informations sur l'émission que vous écoutez. Parce que, évidemment, il est primordial de savoir qui est donc ce type qui parle depuis 30 minutes de la reproduction des méduses. Et puis, cerise sur le gâteau, les chapitres de podcasts pour naviguer facilement entre les différents sujets traités (un découpage auquel Youtube nous avait déjà habitué). Gageons que dans un search qui est en train de se réinventer, les données structurées auront une prééminence certaine, elles permettront aussi d’éditer ces formats trop longs (les 3h de certains podcasts GDIY) en snacking entre deux activités, au gré de votre scrolling sur spotify2 ;
Mais attention, tout ceci a un prix. Les abonnements mensuels des platesformes de streaming grimpent en flèche, il faudra à un moment se poser la question : toutes ces fonctionnalités (que nous n’avions pas demandées) justifient-elles cette hausse de prix?
Ainsi c’est en balance : Spotify se réinvente ou tente de justifier l’inflation avec de petits pas fonctionnels ? L'avenir nous le dira et la croissance du nombre d’abonnés aussi, une chose est sûre : la firme suédoise bouge.
Rapporté 📖 : l’état de l’IA 2023
⏳ : 2 min 2 sec
Chaque année depuis 2018, Nathan BENAICH du fonds d’investissement Air Street Capital fait un état des lieux de l’IA, autant dire que son édition 2023 était très attendue vu le tournant vers le grand public opéré cette année3.
Voici les principaux enseignements de l’année écoulée :
GPT-4 domine sans conteste tous les autres LLM, à la fois sur les épreuves classiques de test mais également sur des examens conçus pour tester les humains, illustrant la force des architectures propriétaires (seul Méta continue d’appuyer le modèle open source) et la force de l'apprentissage par les retours humains pour lesquels les plus de 100M d’utilisateurs sont un précieux atout.
Les efforts pour cloner ou surpasser les performances des modèles généralistes augmentent, grâce à des modèles plus petits, de meilleures bases de données et des contextes plus longs.
Les LLM et les modèles de diffusion continuent d’avoir des impacts significatifs dans le monde “réel”, en particulier dans les sciences de la vie (les modélisations de protéines), avec des progrès en biologie moléculaire et en découverte de nouvelles molécules destinés à devenir des médicaments;
Les capacités de calcul apparaissent comme le nouveau pétrole, notamment avec la firme NVIDIA qui enregistre des bénéfices records grâce à la pléiade de startups lancés à la poursuite de l’IA forte, en utilisant les GPUs4 du groupe initialement issu des cartes vidéo.
Alors que le gouvernement des États-Unis restreint commercialement les exportations de puces en direction de la Chine, NVIDIA, Intel et AMD ont trouvé des failles pour continuer à commercer avec les pays interdits
L’IA générative à la rescousse du monde du capital-risque : les start-ups tournées vers les applications d'IA génératives (y compris la vidéo, le texte et le codage) ont levé plus de 18 Md$ ;
Le débat sur la sécurité devient de plus en plus prégnant dans le grand public, poussant à l'action les gouvernements et les régulateurs du monde entier. Cependant, la communauté de l'IA est divisée sur les bonnes régulations au niveau global;
Les 10 prédictions du rapport pour les 12 prochains mois :
Une production de qualité hollywoodienne utilisera l'IA générative pour les effets spéciaux;
Une entreprise “média” reposant sur l’IA générative sera mise en examen pour avoir tenté de tromper le public lors des prochaines élections US de 2024;
Des agents IA auto-apprenants surpasseront les “modèles fondationnels” dans un environnement complexe (par exemple : un jeu vidéo AAA, l’utilisation d'outils ou des problèmes scientifiques) ;
Le marché des introductions en bourse va repartir et nous verrons au moins une introduction pour une entreprise qui travaille sur l'IA (ex : Databricks);
La course de mise à l'échelle des IA génératives fait tourner les têtes : un groupe dépensera plus de 1 milliard de dollars pour former un seul modèle à grande échelle ;
La FTC des États-Unis ou la CMA du Royaume-Uni enquêtent sur l'accord Microsoft/OpenAI pour des raisons d’entorse à la concurrence;
Nous constaterons une progression limitée de la gouvernance mondiale de l'IA, au-delà des engagements volontaires de haut niveau ;
Les institutions financières lancent des fonds d'emprunt GPU pour remplacer les fonds propres des capital-risqueurs pour le financement des calculs ;
Une chanson générée par l'IA fait son entrée dans le Top 10 du Billboard Hot 100 ou du Spotify Top Hits 2024 ;
À mesure que les charges de travail et les coûts d'inférence augmentent, une grande entreprise d'IA (par exemple, OpenAI) acquiert une entreprise de puces axée sur l'inférence IA5 ;
Aplatis 👾 : Sonic et Mario, retour aux basiques
⏳ : 1 min 10 sec
Oubliez le métavers et les mondes 3D surchargés, le rétro est à l'ordre du jour.
A partir du 20 octobre, Mario, l'indétrônable plombier italien, revient à ses racines 2D avec la sortie du jeu "Super Mario Bros Wonder", une aventure à défilement latéral… Pas en reste, Sonic le Hérisson rejoint la fête du 2D avec "Sonic Superstars" lancé ce mercredi sur toutes les bonnes consoles.
Cette vague de nostalgie n’est pas cantonnée au jeu vidéo. Hollywood également retrouve les charmes de la 2D. Le film "Spider-Man: Across the Spider-Verse" a renoncé à la 3D omniprésente depuis, tout de même, Toy Story en 1995, pour adopter un style hybride baptisé "2.5D", faisant écho aux bandes dessinées classiques de Spider-Man. Les “Tortues Ninja” avaient également adopté un style de croquis, inspiré des gribouillages d'enfance des dessinateurs en chef.
Pourquoi ce retour en arrière? Bien sûr, l’économie réalisée par un tel choix joue un rôle non négligeable. Les jeux 3D réalistes peuvent prendre des années et des budgets colossaux à développer. Le prochain "Grand Theft Auto" par exemple sort probablement l’an prochain, après presque une décennie de travail !
"Sonic Superstars", en revanche, a été conçu pendant des apéros Zoom durant le confinement et assemblé en un rien de temps par la suite.
Le phénomène ne devrait pas s’arrêter là : davantage de productions 2D sont dans les tuyaux. Aussi bien côté cinéman avec “Wish", un long métrage animé de Disney qui sortira en novembre avant les fêtes. En janvier, "Prince of Persia", une franchise de jeu vidéo (vieille de 34 ans!) sera relancée en 2D avec "The Lost Crown". Même Sony prépare une suite à "Across the Spider-Verse", l'un des films les plus rentables de 2023.
Pour l'instant, il semble que le public soit plus qu'heureux de perdre une dimension. La 2D, c'est la nouvelle 3D. Enfin, l'ancienne 3D. Enfin vous m’avez compris.
Bundlé 🔗 : Comment Schibsted augmente son ARPU
⏳ : 1 min 21 sec
Le modèle d'abonnement groupé à plusieurs services de presse n'a pas encore connu de succès en France dans le secteur de la presse, contrairement au traditionnel bundle dans le cable et le satellite.
Cependant, d’après un article approfondi de Mind, l'éditeur norvégien Schibsted a misé sur cette approche en 2022 et a partagé ses retours d'expérience.
Schibsted, acteur en pointe dans la transition numérique, observait une croissance flat de ses abonnés numériques depuis quelques mois. Plus grave : seuls 13 % des nouveaux abonnés conservaient leur abonnement après le premier mois et 13% (aussi) également étaient abonnés multi-abonnés à deux titres ou plus du groupe.
Schibsted a donc testé sur son marché historique, la Suède, trois produits d'abonnement groupé:
Le premier, Tilgang, donne accès à l'ensemble des titres du groupe pour environ 30 euros par mois.
Le deuxième, Pocketet, est une offre similaire pour ses titres en Suède.
Le dernier est une offre "divertissement".
Les offres groupées représentent aujourd'hui 10 % des revenus abonnés numériques de Schibsted. Elles ont aussi (en partie) résolu le problème de fidélisation : 50 % des nouveaux abonnés viennent d'une offre groupée et 60 % restent abonnés après le deuxième paiement.
Reste à voir comment cela peut évoluer dans le temps, le groupe reste confronté à de mutiples défis : cannibalisation des offres, complexités opérationnelles et adaptation aux besoins des utilisateurs.
Schibsted envisagerait de créer des "bundles" plus fins à l'avenir.
En France ?
En France, l'approche reste timide, avec des directions marketing de titres presse encore souvent en silos, la peur de la dilution de la marque et la complexité opérationnelle. Quelques initiatives existent, comme celle entre Libération et Les Inrocks, mais elles restent ponctuelles.
Schibsted a montré que contre intuitivement et par opposition au contrat de lecture de chaque titre avec son lecteur idéal, le modèle d'abonnement groupé n'est pas seulement réservé à l'audiovisuel et pourrait apporter des solutions aux défis multiples auxquels est confrontée la presse numérique. Encore faut-il oser prendre ce risque ?
Centripète 🌍 : Voyages au centre de la Terre
⏳ : 32 sec
Plus d'un siècle et demi après la publication du chef-d'œuvre de Jules Verne, "Voyage au centre de la Terre", la quête pour explorer les abysses terrestres continue. Un reportage de premier plan de France Télévisions remet ses pas dans ceux des visionnaires du récit de Jules Verne pour vérifier la part d’invention et celle de prémonitions.
A renfort d’outils modernes, les géologues, biochimistes et sismologues se rapprochent (modestement) du cœur de la Terre. En écho aux aventures du barbu de la IIIème République, deux expéditions distinctes en Islande et au Sultanat d'Oman dévoilent des découvertes intrigantes, renouant avec les scènes emblématiques du roman légendaire de Verne.
Ces expéditions, bien que loin de l'expédition fictive de Verne, révèlent l'impact indélébile de la littérature sur la science, et comment l'imagination d’hier préfigure l'exploration d’aujourd'hui, voire même la devance.
Ces 15 heures peuvent ne pas sembler beaucoup mais c’est près de 40% du temps d’écoute moyen mensuel d’un abonné, autant de moyens de faire baisser l’assiette du reversement aux maisons de disque et aux artistes musicaux.
Signalons également l’incroyable somme que produisait jusqu’en 2021 Olivier Ezratty avec son rapport sur l’intelligence artificielle, avant qu’il décide de concentrer ses efforts sur l’ordinateur quantique.
GPU / graphic processing units : ces puces initialement destinées à paralléliser les calculs pour des jeux en 3D se trouvent très performantes pour les calculs d’IA.
l’inférence IA est la puissance de calcul nécessaire pour résoudre une question en interrogeant les données apprises pendant la phase d’entraînement.