Le Wrap Up de la semaine de nomination du Gouvernement Barnier (semaine du 16 septembre 2024)
⚽️ : EA se défait de FIFA - 🧑🦰 : l’IA ouvre l’ère du “doute persistant” médiatique - ▶️ : Youtube boosté à l’IA - 🚼 : les apps de dating contre la démographie - 💾 : La Vallée du Silicium
Au sommaire de cette semaine :
⏳ Temps de lecture : 7 min 23 sec
Driblé ⚽️ : comment Electronic Arts s’est défait de FIFA
⏳ : 1 min 37 sec
L'article de The Economist de la semaine revient sur l’un des divorces les plus symboliques du jeu vidéo : comment Electronic Arts (EA Sports it’s in the game pour les intimes) a su surmonter sa rupture avec la FIFA par le haut.
Depuis 1993, EA publiait chaque année un jeu sous la marque "FIFA", devenu incontournable avec près de 30 millions de copies vendues annuellement.
In-game spending pushes its annual revenue above $3bn, estimates MoffettNathanson, a firm of analysts, which calculates that the title contributes nearly two-thirds of the profit of its publisher, EA. Gaming has few bigger names than “FIFA”.
Cependant, un désaccord (hum hum) sur les frais de la licence est monté année après année : FIFA réclamant plus que les 150 millions de dollars habituels – cette nouvelle exigence a conduit EA à un dilemme toujours riche dans les partenariats : qui bénéfie le plus de la collaboration?
EA a fait le partie d’abandonner le nom FIFA et de rebaptiser son jeu "EA Sports FC".
Ce changement, risqué sur le papier, s'est révélé payant. EA a cette année, augmenté ses revenus avec la nouvelle appellation.
Il faut dire que la marque a redéployé ses frais de licence en investissements marketing (en particulier le naming de LaLiga !).
Il faut dire que les “Appstores” des consoles de Sony et de Microsoft avaient gros à perdre également : le jeu représente près de 10% de parts de marché. Ils ont donc naturellement gardé une certaine visibilité au jeu star.
Par ailleurs, EA a pu exploiter, avec cette liberté retrouvée, de nouvelles opportunités commerciales, en travaillant avec des marques comme Nike et Pepsi, autrefois écartées en raison des partenariats de FIFA avec Adidas et Coca-Cola.
Ce nouvel élan a ainsi permis à EA d’aller plus loin dans les possibilités du jeu en offrant aux joueurs des fonctionnalités supplémentaires comme le partage de moments de jeu (accroissant la viralité organique du jeu sur les plates-formes sociales) ou encore l'achat de tenues digitales.
De son côté, FIFA n’a pas dit son dernier mot. Gianni Infantino, son président, a évoqué la création d’un jeu rival, bien que les rumeurs de partenariat avec l'éditeur Take-Two aient été depuis démenties. La concurrence, y compris des acteurs comme Konami avec eFootball, aura du mal à s'imposer face à la force de frappe d’EA.
Le jeu de football d’EA bénéficie de décennies d’expérience, d'une communauté solide et de nombreux accords de licence exclusifs, un avantage majeur dans l’industrie du gaming où le sport est un secteur où le gagnant “takes it all” (dans le basket, c’est Take Two avec “NBA 2K” qui écrase NBA live la version d’EA Sports).
Trompé 🧑🦰 : l’IA ouvre l’ère du “doute persistant” dans les médias
⏳ : 1 min 19 sec
Copernic, Darwin et Freud avaient déjà introduit l’ère du soupçon. Bien devenu désormais dans ce que Ars Technica appelle l’ère du « deep doubt », une nouvelle époque où tout ce que l’on voit ou entend est remis en question par le grand public.
Grâce à des outils d’intelligence artificielle de plus en plus accessibles, des images générées de toutes pièces envahissent les réseaux sociaux, pouvant jeter le doute sur toutes ces nouvelles vidéos reprises dans les médias. Ce phénomène, bien qu’ancré dans une tradition de doute qui remonte aux débuts des médias eux-mêmes (coucou Orson Wells et la Guerre des Mondes), prend une nouvelle ampleur avec l’apparition des « deepfakes ».
Les « deepfakes » ont vu leurs premières versions réalistes voir le jour en 2017 et se sont rapidement perfectionnés. Désormais, des théoriciens du complot clament que des personnalités comme Joe Biden ne sont que des hologrammes, ou que Kamala Harris manipule ses foules grâce à l’IA. Même Donald Trump s’y est mis, affirmant que des preuves photographiques le liant à E. Jean Carroll, la femme qui l’a accusé d’agression sexuelle, sont fausses et générées par l’IA !
Ce climat de doute persistant a un nom : le « liar’s dividend », ou le dividende du menteur. Défini en 2019 par des experts, ce concept décrit comment la capacité à créer de fausses preuves permet à ceux qui ont des choses à cacher, de semer le doute sur des preuves authentiques.
Ce qui n’était qu’une hypothèse est aujourd’hui une réalité : l’IA devient une arme dans les mains de ceux qui cherchent à discréditer la vérité.
Les implications sont profondes. Le doute s’étend au-delà des réseaux sociaux, touchant les tribunaux, les systèmes politiques et même notre conception de l’histoire.
Alors que les juges fédéraux américains s’inquiètent des preuves falsifiées lors de procès, ils sont aussi conscients que cette technologie peut éroder la confiance dans les preuves réelles.
La question est désormais de savoir comment nos sociétés pourront naviguer dans ce brouillard de méfiance, où la vérité devient une variable relative.
Le défi à venir ? Recalibrer notre rapport à la vérité dans un monde où les mensonges deviennent de plus en plus indétectables.
Regénéré ▶️ : Youtube met de l’IA partout
⏳ : 1 min 14 sec
YouTube est en train de faire un pas de géant dans l’utilisation de l’IA pour assister les créateurs de contenu. Lors de l'événement "Made on YouTube" à New York, la plateforme a dévoilé une série de fonctionnalités basées sur l'IA, conçues pour révolutionner la création de vidéos.
Parmi ces innovations :
L'onglet Inspiration dans YouTube Studio est particulièrement remarquable. Cet outil, déjà en phase de test, propose des idées de vidéos, des titres, des miniatures et même des scripts, allant jusqu’à écrire les premières lignes d’une vidéo. Ce "brainstorming" assisté par IA promet de faciliter le travail des créateurs, tout en optimisant leurs vidéos pour l’algorithme YouTube.
Une autre nouveauté notable est l'intégration de Veo, un modèle vidéo puissant développé par DeepMind, qui permet de créer des vidéos AI pour YouTube Shorts.
La fonctionnalité Dream Screen, une extension de l'écran vert classique, génère des arrière-plans par IA, donnant aux créateurs la possibilité de composer des clips de six secondes maximum.
YouTube souligne que ces vidéos resteront marquées par SynthID, l’outil de DeepMind, pour indiquer leur création par IA.
Au-delà de l'inspiration et de la production, YouTube étend également ses fonctionnalités de doublage automatique, permettant de traduire des vidéos en plusieurs langues, et propose des outils interactifs via la section Communautés de l’application.
Alors, quelles sont les implications? Pour YouTube, l'objectif est clair : rendre la création de contenu plus accessible, en particulier via les Shorts, dans une tentative de rivaliser avec TikTok et Instagram.
Mais cela soulève une question cruciale : à quel point le contenu généré par IA va-t-il uniformiser les productions, risquant de créer un flot de vidéos qui se ressemblent, dépourvues de la touche personnelle des créateurs?
Chaque créateur devra trancher entre utiliser ces outils comme un tremplin créatif ou les voir comme un raccourci vers une production de masse standardisée.
Ce mouvement stratégique souligne la confiance de YouTube dans le fait que l’IA peut simplifier toutes les étapes du processus de création, et potentiellement stimuler une augmentation de la production sur sa plateforme.
Dénataliste 🚼 : les apps de dating contre la démographie?
⏳ : 2 min 11 sec
Kyla Scanlon est une influenceuse économiste, elle était déjà l’autrice du concept de Vibecession, un condensé de Vibes et Recession pour décrire l’ère économique du Président Bident.
Un de ses articles de blog How Dating Apps Contribute to the Demographic Crisis explore la manière dont les applications de rencontres, initialement conçues pour faciliter les connexions amoureuses, contribuent en fait aujourd'hui à une crise démographique plus large.
Les plateformes comme Tinder, Bumble et Match, qui ont bouleversé le paysage des rencontres, affichent désormais des baisses de revenus liées à une désaffection croissante des jeunes générations, en particulier la Génération Z. Ces derniers semblent se désintéresser de l’utilisation de ces services et plus généralement et plus grave, des relations amoureuses.
Depuis leurs débuts dans les années 90 avec Match.com, les applications de rencontres se sont imposées comme des acteurs majeurs du marché, répondant au besoin croissant de trouver l’amour à l’ère numérique.
Mais, avec la montée de l’individualisme et les difficultés économiques, de plus en plus de personnes, en particulier les jeunes, se détournent de ces plateformes. En effet, environ 50 % des célibataires se disent désintéressés par les rencontres en ligne.
According to Morning Consult, 79% of women are uninterested in using the apps in the future. This is unsurprising. The US is already an individualistic society, and being single is more affordable than ever (however, married people do better economically).
Les modèles économiques de ces applications, basés sur la monétisation de la solitude et la gamification des interactions, montrent leurs limites. Les utilisateurs se sentent pris au piège d’un système qui, au lieu de favoriser des rencontres réelles, privilégie les abonnements payants et les options à la carte, compromettant ainsi le but de l’expérience utilisateur : trouver l’amour. Les attentes des investisseurs (et les valorisations très importantes de ces sociétés aux forts revenus récurrents) forcent ces entreprises à se concentrer davantage sur la rentabilité que sur la satisfaction des utilisateurs.
Cette crise des applications de rencontres s’inscrit dans un contexte plus large de baisse des taux de fécondité et de vieillissement de la population.
Avec une génération qui peine à nouer des relations stables en raison de facteurs économiques et sociaux, la démographie devient une source d’inquiétude.
The foundation for relationshiphood (housing, childcare, beginner wages) is exorbitant. Insurance costs, especially auto and housing, are skyrocketing. This is what Talmon Joseph Smith calls ‘structural affordability’, and it’s challenging to form a solid foundation for a relationship if there is no underlying foundation. The average age to leave home in the 1990s was 23 - now, it is 26. The labor market dynamics have shifted to where it’s tough to get a job if you’re looking for one right now.
We have an aging population. The fertility rate is 1.8, far below the replacement rate of 2.1. By 2040, 1 in every 5 Americans will be 65 or older - up from 1 in every 8 in 2000.
L’article conclut que si les plateformes de rencontres ne sont pas les seules responsables, elles symbolisent une époque où l’amour est devenu un produit à vendre, aggravant indirectement la crise démographique.
Finalement, face à ce constat, pour l’auteur, deux solutions se profilent : encourager les rencontres dans la vie réelle ou repenser entièrement la manière dont ces services monétisent les relations humaines1, pourquoi pas les deux à la fois?
Digitalisé 💾 : La Vallée du Silicium d’Alain Damasio
⏳ : 1 min 30 sec
L’auteur de Science-Fiction français, Alain Damasio, auteur notamment de La Horde du Contrevent, a été pendant un an l’hôte de la Villa Albertine à San Francisco. Cette villa est l’équivalent aux Etats-Unis de la Villa Medicis à Rome qui fait office de résidence d’accueil pour les artistes français distingués.
Il a profité de cette année à proximité de la Silicon Valley pour approfondir ce que les meilleurs auteurs de SF n’avaient pas anticipé le repli de l’espèce humaine sur une vitre électrique de la taille d’une main, ce que Damasio appelle le techno-cocon.
Il s’attache à décrypter sociologiquement, les ramifications intellectuelles et sociétales de cette nouvelle façon d’être au monde : on s’en doute les perspectives ne sont pas réjouissantes, et ce d’autant que nous sommes désormais face à des Léviathans technologiques que peu de pouvoirs publics semblent pouvoir combattre - RIP Thierry Breton.
L’ouvrage est à mi-chemin de la fascination pour l’Homo Numericus qui vient et dont les Américains de ces contrées sont déjà l’incarnation et le rejet total du mode de pensée induit, propre culturellement à l’Amérique matinée d’individualisme et de communautarisme (au sens littéral, la communauté comme façon de vivre ensemble), assez éloigné de nos préceptes d’égalité (à tout le moins en temps qu’objectif téléologique) et de fraternité (la juxtaposition entre le quartier de Tenderloin à SF où se ramasse la misère humaine la plus à criante et le siège de Twitter/X distant de seulement 200 mètres est sidérante).
Quelques répétitions viennent alourdir l’ouvrage et la philosophie anarchiste nourrie de situationnisme dont se revendique l’auteur biaise la réflexion. Il n’en demeure pas moins que la réflexion érudite autour du techno-capitalisme et de la trahison d’un avenir radieux par la technologie, promis par le cyber-punk est convaincante.
Mais on aurait de réduire l’ouvrage à une critique unilatérale de cette nouvelle ère, contaminé par certaines de ses rencontres sur la normalité des protagonistes californiens, Damasio tente d’élaborer ce que pourrait être une technologie positive : il faut accepter que cette technologie et en particulier l’IA va s’hybrider avec notre nature humaine et qu’il faut domestiquer notre avenir.
La dernière partie du livre rompt avec les chroniques du début de l’ouvrage pour se faire plaisir avec une fiction de science-fiction, forcément radicale.
Le gouvernement japonais aurait, pour lutter contre la baisse de la démographie qui est presque un problème civilisationnel dans ce pays, lancé sa propre app de dating. Pas si choquant, si l’on pense que les bals, source majeure de formation des couples dans la première moitié du XXème siècle, étaient organisés par les mairies…