Le Wrap Up de la semaine de l'ouverture de la Coupe du Monde de Rugby en France (semaine du 4 septembre 2023)
💀 : les artistes, le succès et la mort - 🎚️ : Deezer et Universal Music dans un bateau - 🦅 : la social vidéo française convoitée - 💻 La tech disrupte Hollywood - 🧑🎨 Jacobus Vrel
Au sommaire du Wrap Up de cette semaine :
Mortel 💀 : pourquoi les artistes trustent les classements à l’heure de leur trépas
Equilizer 🎚️ : Deezer et Universal Music dans un bateau
Momentum 🦅 : la social vidéo française convoitée
B(ar)oudé 🪧 : Hollywood dans un face-à-fàce avec la big tech
Mystérieux 🧑🎨 : Jacobus Vrel, précurseur de Vermeer
⌛️ Temps de lecture : 5 min 38 sec
Avant de commencer, une petite autopromo : 🎙️Last chance🎙️pour assister à la table ronde sur “la révolution de l’audio” à la Maison de la Radio (cocktail en haut de la tour!) :
🔴 Erwann Gaucher, Adjoint à la direction des antennes et de la stratégie éditoriale des stations de Radio France, parlera à la fois de l’art de combiner live et podcasts;
🔴 Constance Parpoil, Editorial Lead Europe chez Storytel, un des leaders européens de l'audiobook, parlera de l’essor considérable aujourd’hui de ce type de contenus;
🔴 Lorenzo Benedetti, CEO de Paradiso Media, fondateur de Studio Bagel (revendu à Canal+), évoquera sa stratégie de “studio podcast” spécialisé dans la fiction, le docu et la jeunesse.
Pour les lecteurs du Wrap Up avec le code ABOWRAPUP, une réduction vous attend à l’inscription :
Mortel 💀 : pourquoi les artistes trustent les classements à l’heure de leur trépas
⌛️ : 1 min 07 sec
Ce weekend, le fil Google News a remonté que la chanteuse Maurane était décédée et mon hôte du jour se lamentait à l’idée qu’on allait “devoir écouter du Maurane” (c’est faux : elle est décédée en 2018 et nous nous sommes donc épargnés ce pensum), mais il illustre bien ce phénomène qui nous pousse à consommer le contenu de ceux qui viennent de passer l’arme à gauche :
Ca tombe bien, The Economist revient dans un billet enlevé sur la mort de nos idoles et l’hystérie qu’elle déclenche.
Objectivement, ces moments de deuil collectif, dit l’article, semblent irrationnels, car tous les fans n’ont pas eu à proprement parlé “d'intimité personnelle” avec l’artiste. Par ailleurs, il faut séparer l’homme de l’artiste : les images publiques de ces derniers sont souvent fabriquées et sont assez éloignées de leur véritable personnalité dans la vraie vie.
En outre, le décès de l'artiste ne réhausse pas l’oeuvre, qui reste intact et dont l’acmé était même souvent des années derrière lui1.
A la rigueur, le deuil peut être plus frappant lorsque l'artiste meurt jeune ou dans des circonstances tragiques, car on se raccroche à l’idée de la perte d'un potentiel créatif non réalisé…
Alors, pourquoi cette émotion collective ? Trois interprétations se dessinent :
la mort de ces figures publiques nous rappelle notre propre disparition inéluctable à nous;
leur disparition symbolise également la perte d'une partie de notre passé individuel et collectif;
Enfin, ces moments de deuil offrent, peut être plus prosaïquement, une occasion de communion collective émotionnelle dans une époque fragmentée, où la pureté de l'interaction sociale est souvent rare.
Yet as much as anything else, the passing of an artist is an occasion for communion. In an atomised age, in which the default tone is abrasive, a beloved figure’s death is a chance to share benign feelings and memories with fellow admirers. Like water-cooler moments in a cemetery, these sombre holidays from spite and strife are the artists’ parting gifts.
Equilizer 🎚️ : Deezer et Universal Music dans un bateau
⌛️ : 1 min 37 sec
Quiconque s’intéresse à l’avenir de la musique devrait écouter le podcast Mediarama de François Defossez avec Aurélien Hérault, Chief Innovation Officer chez Deezer.
Son témoignage (16 ans de boutique chez Deezer!) donne un aperçu fascinant sur l’évolution du secteur musical et sur comment un acteur clairement challenger comme Deezer (presque 10m d'abonnés au compteur, dont la moitié en France), tente de se démarquer et de trouver son modèle de rentabilité (aucun des acteurs du streaming n’est rentable 18 ans après le lancement de ce mode de consommation). L’entretien a tourné autour deux sujets clés :
d’une part, avec une attention d’horloger suisse sur les algorithmes de recommandation. Ils sont le nerf de la guerre car ils conditionnent nos comportements dans ces apps : repeat, conversion payante, antichurn, ….
70% de nos écoutes en streaming sont le résultat des algo : ce qui est mis en avant sur la homepage, les suggestions de recherche dans votre barre de recherche ou encore les playlists automatiques créées à la suite de l’écoute d’un seul titre ;
sur la juste rémunération (le #fairshare) des artistes dans un marché du streaming, souvent décrit, à raison, comme injuste pour ceux hors du top 100.
Voici les points particulièrement intéressants de l’émission :
👨💻 Algorithmes :
Deezer, conscient de la place grandissante donc de ces algos, rajoute des couches de complexité. “Flow" ne se contente pas de vous proposer des titres avec de la découverte, il adapte aussi ses recommandations en fonction de votre humeur, de la météo, et même de votre posture — que vous soyez seul en mode layback ou dans une ambiance plus festive (programmation horaire donc).
Ca n'est pas qu'une délicatesse algorithmique mais bien l'idée de rester ultra concentrée pour obtenir la meilleure expérience utilisateur (et donc la rétention des abonnés).
📊 L’autre point clé : l'User Centric Payment System (UCPS) :
J'ai ENFIN compris les subtilités de l'UCPS, un sujet brûlant pour la répartition des revenus : en rémunérant les artistes sur la base des consommations individuels, on lisse les effets des heavy users, en particulier pour les artistes moins connus dont la part d’écoute ne sera plus écrasé par l'avalanche de streams des heavy users (du rap français par ex), soit par les illégales fermes à stream du dark web.
Deezer depuis plusieurs mois dans ses négociations avec les maisons de disque, tente de basculer vers ce mode de calcul.
Les espoirs étaient nombreux la semaine dernière à l’annonce d’une première mondiale signée avec Universal Music (la plus grosse major du marché), d’une expérimentation.
Las, les premiers retours des spécialistes laissent entendre qu’il s’agit surtout d’un accord pour sortir les “non professionnels” du marché de la rémunération du streaming (les bruits de pluie qui font des millions d’écoutes, mais encore les jeunes artistes qui n’atteindraient pas les 1000 streams par mois).
Le chemin est encore long donc…
Momentum 🦅 : la social vidéo française convoitée
⌛️ : 43 sec
Après le rachat (partiel) de LoopSider par le groupe de presse CMI, c’est au tour de la figure historique de la vidéo sociale française Konbini d’être courtisé par le groupe DC Company (fondé par Geoffrey La Rocca), ce dernier est parti depuis quelques années dans une stratégie de rachat d’actifs digitaux made in France (le Gorafi, I/O Média).
Le bateau tanguait depuis quelques temps à Konbini, à la suite des confrontations répétées entre les fondateurs et les actionnaires (la famille Perrodo à la fortune supposément faite dans le pétrole en Afrique), sur fond de quête de rentabilité, après quelques restructurations toujours douloureuses dans de jeunes groupes à la culture d’entreprise très forte.
Le Figaro rappelle que Konbini compte aujourd’hui 160 collaborateurs, dont 40 journalistes et a réalisé un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2021, dont la moitié issu de contenu en « brand content ».
« Le média totalise 2 milliards de vues par an, à raison d’une centaine de vidéos par mois, comprenant autant de pastilles courtes sur la pop culture que des formats plus longs tels que des grands reportages. L’ensemble est diffusé sur les réseaux sociaux et YouTube. »
B(ar)oudé 🪧 : Hollywood dans un face-à-fàce avec la big tech
⌛️ : 2 min 27 sec
En rebond de l’article de la semaine passée sur Amazon qui creuse son trou dans le streaming, Frédéric Filloux analyse dans l’Express cette semaine comment la Big Tech risque de mettre Hollywood au pas, sur fond de grève des scénaristes et des acteurs.
A l’heure du bouclage de cet article, le conflit dure depuis plus de quatre mois et ne semble pas près de se conclure. Il est le plus dur jamais enregistré dans cette industrie qui fournit 85 % de la production audiovisuelle américaine et 40 % de celle du monde entier. Un affrontement dont l’issue aura un énorme impact sur les conditions de production des films et séries télévisées, partout dans le monde.
Au delà du conflit initial sur la répartition de la valeur, les grévistes ont mesuré au fil du temps que l’enjeu de cette confrontation avec les donneurs d’ordre était plutôt de l’ordre de leur survie, avec des géants technologiques qui ont les poches profondes et pourront mieux tenir une grève qui s’étale dans la durée.
Les petites annonces de Netflix qui propose des salaires exorbitants par rapport aux habitudes d’Hollywood (pour les experts en IA plus de 83 000 $) sont venues encore accentuer le contraste avec la précarisation des métiers du cinéma et le sujet initial de la grève.
Le pouvoir économique a clairement basculé vers le Nord de la Californie, Hollywood, le "Sud", s'efforce de conserver son statut culturel historique mais de plus en plus de difficultés face aux cool kids du “Nord”.
L'IA s’attaque aux boulots les moins qualifiés: Les studios proposent de scanner les figurants et d'utiliser leurs images de façon numérique, réduisant les coûts et l'emploi.
Traditionnellement sur de grandes productions, vous avez quelques dizaines ou centaines de figurants qui sont embauchés à 100 ou 200 dollars par jour pour quelques semaines ou quelques mois. Cet été, les studios ont dit aux extras : on vous scanne de la tête aux pieds, vous nous abandonnez les droits sur votre image sans limitation de durée, et lorsqu’on a besoin de vous pour une scène, vous restez chez vous, mais on vous paie la moitié du tarif…
Mais on sait aussi que cela est en train de concerner les acteurs de premier plan :
Car le marché des scans humains est en train d’exploser. Aujourd’hui, nombre d’acteurs – Will Smith ou Angelina Jolie – ont été scannés à titre expérimental. On ne connaît pas les termes du contrat, mais les avocats des stars ont péché par naïveté en laissant les studios régler la facture des scans, ce qui leur confère un droit de regard sur l’usage qui en est fait. Celui-ci sera progressif, au fil des demandes des studios.
Enfin on mesure encore mal l’impact que l’IA va avoir sur la globalisation des productions avec des capacités facilitées de doubler des dialogues en plusieurs langues et avec les mouvements labiaux en prime, accélérant ainsi le renforcement des capacités de diffusion du soft power américain.
Aujourd’hui, il suffit de quelques minutes d’entraînement pour qu’un modèle d’IA maîtrise le bengali ou le swahili ; la moindre production américaine pourra donc être déclinée automatiquement dans des centaines de langues.
La tech a aussi révolutionné les catégories mentales : les termes "contenus" et "créateurs" et les façons de produire du good enough pour Youtube où l’influenceur peut remplir tous les métiers, détruit la longue ribambelle de métiers techniques qui apparaissaient au générique de nos superproductions !
Le résultat de douze années de culture YouTube et des réseaux sociaux où le contenu s’apparente à un salmigondis de production originale – interviews, reportages – réalisé par un créateur ou une créatrice polyvalent, qui assure la prise de vue, l’éclairage, le son, le montage, la postproduction, la promotion. Autant de métiers qui étaient identifiés comme tels dans le Hollywood "d’avant".
La longueur du conflit fait également craindre un grand manque de fraîcheur des contenus dans les prochaines semaines avec pour corollaire de provoquer des vagues de désabonnement des plates-formes de streaming intermédiaires, donc à l’exception de Netflix, ce dernier avec ses 48 Md$ de réserves de cash (autant que tous les studios US réunis) pourrait être le grand gagnant du conflit.
Mystérieux 🧑🎨 : Jacobus Vrel, précurseur de Vermeer
⌛️ : 59 sec
Ah, l'art et ses mystères. La Fondation Custodia à Paris s'est attachée à éclairer l'un des peintres les plus méconnus du XVIIe siècle néerlandais, Jacobus Vrel, à travers la première exposition qui rassemble ses œuvres majeures en Europe.
Un nom qui n'évoque pas grand-chose ? Pourtant, ce peintre souvent confondu avec Vermeer laisse dans son sillage une aura de mystère.
Les Liaisons Dangereuses avec Vermeer
Vous découvrirez que bon nombre de leurs tableaux partagent un certain calme contemplatif sur les intérieurs bourgeois du Siècle d’Or et une prépondérance des figures féminines actives (à lire, à passer le balai, à épouiller les chevelures des petites filles). Une proximité troublante car c’est bien Vrel qui est l’aîné de Veermer (1632-1675). Les analyses dendrochronologiques (datation par l’âge du bois employé dans les tableaux) montrent que Vrel peignait ses vues de villes vers 1635 et ses scènes d'intérieur vers 1650.
Un Portraitiste de l'Anonymat
Il est le premier à avoir choisi de représenter des vues de rues et de bâtiments sans histoire marquante, quelconque. En d'autres termes, Vrel s'est intéressé à la banalité avant que la banalité ne devienne à la mode.
La peinture comme un roman d’épouvante
Certains des tableaux présentés sont des petits concentrés d’énigmes : souvent les personnages sont peints de dos, comme s’ils se cachaient ou qu’on était en attente qu’il se passe quelque chose en dehors du tableau. Sur un autre tableau, il montre un jeune garçon derrière le carreau d’une fenêtre observant une femme qui lit sur un fauteuil à bascule. Stephen King adorerait. On pourra y voir une même atmosphère mystérieuse et sombre (malgré la luminosité de la peinture à l’huile de Vrel), comme dans les tableaux de Giorgione (1477-1510), notamment la Tempête.
L’exposition est à voir jusqu’au 17 septembre dans cette fondation peu connue rue de Lille et rencontre un certain succès, mais pas de réservation en ligne, il faudra faire la queue sur place.
qu’on me pardonne cette préciosité…
J'adore que tu utilises le terme "acmé" dans cette édition. Ça fait du bien, le respect de notre culture générale...