Le Wrap Up de la semaine de la mort du Pape François (semaine du 21 avril 2025)
⚖️ : Google abus de position dominante - 📹 : videocast > podcast 📲 : The Observer (233 ans) repris par Tortoise (6 ans) - 😎 : 31$ prix de la coolitude - 🌴 : Passeport de Michalak
Au sommaire de cette semaine du Wrap Up :
Adbreaké ⚖️ : Google reconnu coupable d’abus de position dominante sur l’ad network
Vidéoisé 📹 : pourquoi le videocast va l’emporter sur le podcast
Digital-transformé 📲 : The Observer (233 ans) repris par un startup vieille de 6 ans
⏳ Temps de lecture : 7 min 23 sec
Si vous préférez tester la version audio de cette newsletter, essayez le rendu de la moulinette Google NotebookLM (en 🇺🇸) :
Adbreaké ⚖️ : Google reconnu coupable d’abus de position dominante sur l’ad network
⏳ : 1 min 46 sec
Jeudi 17 avril dernier, un juge fédéral a (enfin) tranché : Google viole donc les lois antitrust américaines en dominant le marché de la publicité en ligne et de l'ad-tech. Mais que les Cassandres de la Silicon Valley se calment : la sanction attendue risque d’être plus symbolique que véritablement punitive.
L’enjeu ?
Le département de la Justice veut forcer Google à vendre sa suite Google Ad Manager, pilier de son activité publicitaire dite de "network" — celle qui vend des pubs sur les sites d’autres éditeurs. Si ce démantèlement coûte à Google quelques milliards et de jolis maux de tête pour désencastrer, il ne remettrait pas pour autant en cause son cœur de business.
Car Google a su se rendre "auto-dépendant" : aujourd'hui, il gagne surtout son argent en vendant de la pub sur ses propres assets (YouTube, Search, Maps, etc…).
Petit retour en chiffres : en 2014, le "network" représentait 18,4% de son business pub ; en 2024, à peine 11,5%.
Pendant ce temps, YouTube est passé de 8,5% à 13,6% des recettes publicitaires de la maison-mère Alphabet. Autrement dit, même amputé de son réseau externe, Google ne chutera pas.
La petite musique de Google
Sans surprise, Google dramatise : forcer la séparation d’Ad Manager pénaliserait... les éditeurs eux-mêmes, qui seraient contraints d'acheter de la pub via des réseaux concurrents plus coûteux. L'argument, digne d'un vaudeville, laisse sceptique. En réalité, les vrais gagnants seraient des solutions concurrentes comme PubMatic ou Magnite.
Un air de déjà-vu
C'est la deuxième claque judiciaire en peu de temps pour Google. une autre cour avait estimé qu’il abusait de sa position dominante sur le marché de la recherche en ligne. Le ministère de la Justice, gourmand, rêve désormais de forcer la vente de Chrome.
La semaine dernière (et même si la décision finale risque de prendre de prendre du temps), ça n’est pas un mais trois prétendants qui sont sortis du bois : Yahoo, Perplexity (décidément sur tous les dossiers après celui de Tiktok USA) et… OpenAI.
Il faut dire que la cible est alléchante : 2/3 de part de marché sur le marché des browsers et la capacité de mettre ses produits en avant devant les yeux de près de 4Md de consommateurs.
La suite du feuilleton
La cour a également précisé que Google domine illégalement deux marchés spécifiques : les plateformes d’échange publicitaire (donc les ad networks) et les serveurs de publicité (sa solution DSP, DV360). Mais point d’importance : pas l’ensemble de la pub display en ligne.
Google, fidèle à son habitude, compte faire appel.
En conclusion, Google encaisse les coups, accuse réception de ces verdicts plutôt défavorables, mais reste largement maître de son destin. À l’ère de l’IA, ralentir, même un peu, l’ogre de Mountain View est déjà, pour certains, une victoire en soi.
Vidéoïsé 📹 : pourquoi le videocast va l’emporter sur le podcast
⏳ : 1 min 25 sec
Le podcast, jadis bastion de l’audio pur et dur, est en train de se transformer... en vidéo. Et dans cette mue, c'est simple : tout le monde veut entrer dans la danse.
Si l'audio continue de croître (+8,5% en 2024 pour atteindre 7,6 Md$), le marché vidéo, lui, explose littéralement (+19,2%, soit 62,1 Md$). À ce stade, le choix est clair : pourquoi se contenter des miettes de l'audio quand la vidéo promet du publicitaires ?
D'ailleurs, près de 75% des auditeurs de podcasts aux États-Unis considèrent les discussions filmées sur YouTube... comme des podcasts1. Et près d’un consommateur de podcast sur trois préfère avoir la version vidéo2. Le podcast vidéo n’est plus un simple bonus, il est en passe de devenir la norme.
Netflix débarque (en retard)
Lors du dernier appel aux investisseurs, Ted Sarandos (co-CEO de Netflix) a confirmé leur intérêt pour les podcasts vidéo (on en avait parlé là.
Selon lui :"la popularité des podcasts vidéo croît, et certains trouveront naturellement leur place sur Netflix."
Petite précision : YouTube n’a pas attendu Netflix et domine déjà avec 1 milliard d’utilisateurs mensuels pour ses podcasts, 400 M d'heures de podcasts consommées chaque mois sur les écrans de salon.
Spotify, Amazon, SiriusXM : la ruée continue
Spotify a de son côté également pris une longueur d'avance : 330 000 podcasts vidéo sont déjà disponibles sur la plateforme, vus par 270 millions d'utilisateurs.
Amazon (via l’acquisition de Wondery) muscle aussi son offre avec des vidéos sur son appli Prime Video et monte des chaînes gratuites sur Prime Video Live et même des animations pour dynamiser les podcasts narratifs.
SiriusXM, pour sa part, mise sur des shows vidéo hostés par des stars comme Alex Cooper connu pour son émission "Call Her Daddy" qui lancera deux “chaînes” : Unwell Music et Unwell Live.
À surveiller : Apple décroche
Malgré un support technique pour les podcasts vidéo et un rôle de précurseur en la matière, Apple semble perdre du terrain. Aujourd’hui, YouTube capte 31% des auditeurs hebdomadaires de podcasts aux États-Unis, loin devant Spotify (27%) et Apple (15%).
Pour finir, le podcast sans image risque d’être le Minitel du XXIe siècle. L’audience semble autant vouloir voir qu’entendre et la bataille ne fait que commencer.
Digital-transformé 📲 : The Observer (233 ans) repris par un startup vieille de 6 ans
⏳ : 1 min 34 sec
Après 233 ans à manier l’encre et le papier, The Observer, doyen des journaux du dimanche, s’aventure enfin dans le monde merveilleux de l'internet.
Tortoise Media, une start-up de six ans qui promet ni plus ni moins que de sauver un titre historiquement malmené.
Première urgence ? Offrir un vrai site web à l’Observer, jusqu’ici relégué dans les sous-pages du site du Guardian, son actionnaire précédent.
Tortoise, emmenée par James Harding (ancien du Times of London et de la BBC), avait pourtant préparé son rachat avec enthousiasme : 25 M£ promis pour un lifting digital.
Résultat de son offre? Une première réception corsée : grèves, lettres d’anciens rédacteurs pour dénoncer l’approche, départs en masse — environ la moitié des effectifs aurait préféré la porte plutôt que d’embarquer dans cette aventure incertaine.
Il faut dire que les chiffres donnent des sueurs froides : Tortoise aurait déjà brûlé plus de 20 M£ depuis sa création, avec des pertes "réduites" à 2,9 M£ en 2023.
Les craintes sont légitimes. Adossés à la confortable dotation annuel de 1,3 Md£ du Scott Trust (maison-mère du Guardian), les journalistes de l’Observer vivaient protégés, certes, mais aussi oubliés : effectifs divisés par deux en quinze ans, rubriques clés disparues, visibilité numérique quasi nulle. Même leurs opinions divergeaient publiquement de celles du Guardian — en témoignent les prises de position lors de la guerre en Irak (la 2nde) ou le clash autour de Tilda Swinton.
Le pari de Tortoise ? Miser sur des contenus longs et « éclairants » plutôt que sur la course au scoop, en s'appuyant sur un paywall pour assurer la viabilité du modèle (been there, done that..)
Avec l’expertise de Tortoise sur les podcasts et l’organisation d’événements, et une équipe rajeunie (plus de 50% des salariés ont entre 25 et 34 ans), Tortoise compte sur la magie d’un mariage improbable : une start-up « slow media » et un monument centenaire. Un "fit complexe mais élégant", selon le truculent Enders Analysis.
Harding espère atteindre l'équilibre financier sous trois ans, à l’image de The Atlantic aux US.
Mais le véritable caillou dans la chaussure reste la version papier : coûteuse à produire, elle impose du remplissage éditorial peu compatible avec la vision éditoriale rêvée. Maintenue sous perfusion pendant au moins cinq ans, elle pourrait finir par laisser place à un Observer 100% numérique.
Bref, un pari audacieux, où il faudra bien plus qu’une refonte de site pour ressusciter une institution endormie. À suivre les yeux bien ouverts.
BDG 😎 : le prix de la coolitude made in Apple
⏳ : 1 min 26 sec
Combien coûte le cool ? 31$ par mois, répondent les étudiants.
À l'heure où l'économie numérique tourne aussi autour de symboles aussi futiles qu'impitoyables, une étude menée par Leonardo Bursztyn (Université de Chicago) met un prix précis sur un marqueur social inattendu pour 31 dollars par mois.
C’est, en moyenne, ce qu’il faut payer à un étudiant américain pour qu’il accepte de troquer ses élégantes bulles bleues signes qu’on est sur Apple (et qu’on utilise iMessage) contre l’infamant vert Android, pendant un mois.
Ce dilemne causé par le statut ainsi renvoyé : sur iPhone, la bulle bleue signifie que vous appartenez à la secte Apple, tandis que la bulle verte vous condamne à l’exil social numérique.
Officiellement, ce code couleur devait indiquer des différences techniques. Officieusement, il alimente un snobisme algorithmique : pas d’iPhone, pas de salut.
L'expérience, ingénieuse, proposait plusieurs scénarios.
Dans le groupe témoin, il suffisait d’envoyer quelques captures d’écran contre 18$.
D'autres groupes devaient désactiver certaines fonctions contre compensation :
la bulle bleue (49$ de compensation),
iMessage complet (69$),
ou même la caméra (86$).
Le simple renoncement à la couleur bleue — sans perdre d'autres fonctionnalités — révèle l'ampleur symbolique du phénomène : entre statut et stigmatisation, le design de l’expérience utilisateur devient une arme de fidélisation massive…
Ce que l’étude montre, c’est moins la bêtise des étudiants que la maîtrise machiavélique d’Apple de son marketing.
À une époque où l’interopérabilité (en théorie imposée depuis l'an dernier avec la norme RCS) devrait aplanir ces différences, la firme persiste à maintenir ce marqueur tribal (en témoigne cet article de iPhoneAddict où Apple ne consent pas à descendre de son Aventin). Les documents internes d’Apple, exhumés par le procès antitrust Epic Games, sont explicites : iMessage est un outil pour "locker" les utilisateurs.
Rêver d’un monde où tous les messages seraient neutres, comme sur WhatsApp ou Signal ? Bonne chance : convaincre tout son campus de migrer relève du fantasme collectif. Et, avouons-le, beaucoup d’utilisateurs iPhone semblent secrètement savourer leur supériorité chromatique.
Finalement, à l’heure où la concurrence devrait jouer sur le prix ou la qualité, Apple préfère subtilement jouer sur l’ego. Et dans ce jeu-là, même les esprits les plus critiques ne sont pas totalement immunisés : quand l’identité sociale se niche dans un coin d’écran, le "cool" a étrangement un prix rationnel… 31$.
Junglisé 🌴 : Passeport d’Alexis Michalik
⏳ : 1 min 11 sec
Issa, jeune migrant érythréen, est retrouvé inconscient dans la "Jungle" de Calais, anonyme parmi les anonymes.
À son réveil à l'hôpital, son esprit est vierge de tout souvenir : seule trace de son existence passée, un passeport retrouvé dans sa poche. De retour dans le chaos du camp calaisien, Issa se lance dans une quête aussi concrète qu’impossible : retrouver son identité et obtenir un titre de séjour en France.
À ses côtés, deux compagnons d’infortune : Ali, professeur de lettres anglaises classiques, Syrien ayant fui la guerre, et Arun, tamoul indien en quête d'un avenir mais débrouillard. Trois trajectoires distinctes, trois jeunes vies suspendues dans l’attente. Ensemble, ils avancent, reculant parfois, cherchant non seulement des papiers, mais aussi un sens à leur déracinement.
Le récit prend une autre dimension avec Lucas, gendarme français à l’identité chaviré (Mahori adopté par un militaire) chargé de fouiller les camions pour empêcher les traversées illégales vers l'Angleterre. Loin de la figure caricaturale du "méchant de service", Lucas est dépeint avec nuance : il incarne ces fonctionnaires de l'ordre, souvent ballottés entre devoir, compassion et malaise face à une misère qui déborde des cadres administratifs.
À travers le croisement de ces destins, le récit du très talentueux et cosmopolite Alexis Michalik (multiprimé aux Molières) tisse une fresque sobre sur l’exil, l’oubli et la mémoire. Il rappelle avec une certaine élégance sans prêchi-prêcha excessif que derrière les statistiques migratoires, il y a des visages, des blessures invisibles, des renaissances fragiles.
Le texte choisit l'empathie sans naïveté, montre les épreuves sans en édulcorer la dureté. De la Jungle de Calais aux couloirs de l'administration française, c'est tout un parcours du combattant que retrace cette histoire, miroir contemporain de ce que furent aussi, hier, les migrations de nombre de nos ancêtres.
La mise en scène est un vrai tour de force où les 7 acteurs, tous remarquables alternent leur personnage principale et des personages secondaires d’autres tableaux.
Courrez-y !
source : Oxford Road & Edison Research
Source : Cumulus Media