Le Wrap Up de la semaine de la mort de Paul Auster (semaine du 29 avril 2024)
🤝 : la Coopération pourlutter contre la désinformation - 🤝 : la blockchain x l’IA - ⏬ : la fin d’Arnaud Lagardère ? - ♻️ : The Atlantic cible les jeunes? - 📸 : Andres Serano au Musée Maillol
Au sommaire de cette semaine :
⏳ Temps de lecture : 7 min 40 sec
Coopératif 🤝 : comment lutter contre la désinformation
⏳ : 1 min 41 sec
La désinformation s’invite dans notre quotidien avec une facilité déconcertante, brouillant les pistes entre vérité et mensonge avec une aisance aussi sophistiquée que dangereuse. L'article “How disinformation works—and how to counter it” de The Economist cette semaine explore avec rigueur ce phénomène qui, bien loin d'être une nouveauté historique, a pris une dimension particulièrement pernicieuse à l'heure des réseaux sociaux et de l’IA.
Disinformation has existed for as long as there have been two sides to an argument. Rameses II did not win the battle of Kadesh in 1274bc. It was, at best, a draw; but you would never guess that from the monuments the pharaoh built in honour of his triumph.
On ne le repète pas assez (même si on a l’impression de l’entendre toute la journée!) : L’enjeu de la lutte contre la désinformation est de taille : en période électorale, la désinformation risque de corrompre les fondements mêmes de nos démocraties.
Historiquement, la désinformation n’est pas une invention contemporaine. Cependant, la facilité avec laquelle elle se propage aujourd'hui est sans précédent. La désinformation coûte peu à produire et son impact peut être dévastateur.
L’article décrit les méthodes rusées par lesquelles cette désinformation est plantée et arrosée dans le jardin fertile des réseaux sociaux, où des comptes spécialisés gagnent d'abord la confiance en postant sur des sujets innocents avant de semer leurs récits fallacieux. Ces opérations ne cherchent pas toujours à favoriser le même camp politique ; leur but peut simplement être de semer la méfiance et le doute.
Restons optimistes : la technologie qui facilite la désinformation peut également s’avérer un outil puissant dans la lutte contre celle-ci. L’intelligence artificielle peut aussi aider à détecter et traquer les fausses narrations et les vidéos manipulées.
Similarly, academic researchers, NGOs, tech firms, media outlets and government agencies cannot tackle the problem of disinformation on their own. With co-ordination, they can share information and spot patterns, enabling tech firms to label, muzzle or remove deceptive content.
Par exemple, Facebook a récemment rencardé Google sur une opération de désinformation mencée contre l’Ukraine. La loi pourrait aussi forcé la coopération :
Under American law these firms are not obliged to share data with researchers. But Europe’s new Digital Services Act mandates data-sharing, and could be a template for other countries. Companies worried about sharing secret information could let researchers send in programs to be run, rather than sending out data for analysis.
L’article suggère que l'approche adoptée par des pays comme Taïwan, aux avant postes des déstabilisations par des pays tiers, pourrait servir de modèle, grâce à une confiance élevée dans le gouvernement et une compréhension claire des menaces.
Taiwan, for instance, is considered the gold standard for dealing with disinformation campaigns. It helps that the country is small, trust in the government is high and the threat from a hostile foreign power is clear.
En revanche, dans des pays comme les États-Unis, la polarisation de la politique rend toute coordination plus difficile.
Conférence ESCP Europe Alumni Medias 🗣️ : les jeunes et l’actu, comment les intéresser ? quel business model ?
Petite page de pub : nous animerons avec Eric Lentulo, une nouvelle table ronde le jeudi 16 mai, à 19h avec :
Lou Grasser, Directrice du numérique au Monde (près de 500k abonnés numériques, 10M de followers sur les réseaux sociaux, 65M de vidéos vues par mois);
Giuseppe de Martino, cofondateur & CEO de Loopsider, pure player d'origine française 100% vidéo, diffusé sur les réseaux sociaux (150M de vues chaque mois et une communauté de 5M de personnes);
Wallerand Moullé-Berteaux, cofondateur & CEO du Crayon Group (3,5M d'abonnés sur l'ensemble des plateformes).
La conférence est organisée dans le cadre du groupe Médias & Entertainement de l’ESCP Europe Alumni, mais est ouverte à tous :
Unies 🤝 : la blockchain et l’IA main dans la main
⏳ : 1 min 36 sec
Ah, same player shoot again : tous les technologistes qui étaient partis comme une balle sur la révolution de la blockchain et du Web3, tentent à présent de monter dans le train. Cependant, il reste quelques idéalistes qui pensent que les deux sujets vont de pair, c’est du moins ce que pense la publication The Big Whale qui a commis un cahier spécial sur le sujet :
Petit rappel : la blockchain, ce registre partagé et donc infalsifiable dont la promesse première est de garantir la transparence des informations (la propriété des actifs numériques, mais aussi les mouvements d’information quelqu’ils soient), voyons comment elle pourrait aider au développement de l’intelligence artificielle :
Transparence : on pourrait imaginer que la blockchain s’applicât à un monde où toutes les décisions d'une IA pourrait ainsi être enregistrée, transparente, à la portée de tous. Un tel niveau de clarté démystifierait l'IA, souvent perçue comme une boîte noire, et renforcerait la confiance des utilisateurs ainsi que des régulateurs. Un premier pas vers l'acceptation par tous de cette technologie.
Décentralisation de la puissance de calcul : les promoteurs des tech blockchain promettent la fin du monopole de quelques géants technologiques sur les serveurs desquels tournent les LLMs1 ; avec le Web3, c'est toute une communauté mondiale qui pourrait contribuer, modifier, et surtout, bénéficier de cette puissance (je ne maîtrise pas très cette partie, je pensais notamment que l’un des problèmes de la blockchain c’est qu’elle-même tournait sur une infrastructure type AWS à 90%!).
Authentication des identités numériques : on en a déjà parlé dans le Wrap up, des projets comme Worldcoin proposent d’authentifier les productions de contenus en les rattachant à leur auteur (ici en scannant l’iris des participants) pour rendre intangible le lien entre un contenu et son émetteur dans un cyberespace de plus en plus peuplé de bots et de contenus générés par IA, promis à devenir proéminent à très court terme. Le projet porté par Sam Altman est également un brin inquiétant, soulèvant des questions éthiques importantes (et ne résolvant pas tout)…
En sens inverse, l'IA pourrait booster la blockchain, avec des outils d'analyse permettant de détecter les failles dans les smart contracts, de digérer les montagnes de données générées par les blockchains afin d’en extraire des tendances, ou encore débusquer des fraudes. Un
En somme, le rapprochement de l'IA et du Web3 ne serait pas une fusion technologique mais plutôt dessinerait ensemble un nouvel environnement technologique du web. Le rapport de The Big Whale explore les initiatives les plus prometteuses à ce carrefour, et espère vous donner des perspectives nouvelles et originales.
Successoral ⏬ : la fin d’Arnaud Lagardère à la tête du groupe éponyme
⏳ : 1 min 26 sec
La famille Lagardère, sous la gouvernance d'Arnaud Lagardère, a vécu des bouleversements majeurs depuis trois ans. En avril 2021, sous la pression des actionnaires, Arnaud Lagardère a dû mettre fin au verrou qui garantissait son contrôle du groupe sans être majoritaire, la commandite. Cette structure était l'un des nombreux héritages de son père, le capitaine d’industrie, Jean-Luc Lagardère.
Le dénouement le plus récent et sans doute le plus douloureux, est la mise en examen cette semaine d'Arnaud Lagardère pour abus de biens sociaux et achat de vote, l'obligeant à abandonner ses fonctions exécutives au sein du groupe.
La prise de contrôle effectif du groupe par Vincent Bolloré à travers Vivendi, était déjà le signe de la fin de l'ère Lagardère en tant que seul maître à bord. Vivendi possède désormais une influence prépondérante sur Lagardère, contrôlant les médias et l'édition à travers Hachette.
En 2023, Arnaud Lagardère avait été nommé à la tête d'Hachette, décision qui a suscité diverses réactions, notamment en raison de l'importance historique et économique de cette branche pour le groupe Lagardère. Cette nomination semblait être une façon de faciliter l’OPA de Vivendi sur Lagardère, sans froisser de trop l’héritier.
Le fonds activiste Amber a depuis longtemps joué un rôle clé dans la déconstruction de la commandite de Lagardère. Les circonstances uniques de la pandémie de COVID-19 et l'intervention d'acteurs majeurs du capitalisme français (Bernaud Arnault dans la bataille a récupéré Paris Match) ont accéléré la chute de cette structure réputée inébranlable.
Le conflit entre Amber et Lagardère a été marqué par des accusations de mauvaise gestion et des soupçons sur l'influence de la situation financière personnelle d'Arnaud sur le groupe. Bien que des poursuites réciproques aient été abandonnées suite au démantèlement de la commandite, la situation reste tendue.
La direction du groupe est actuellement assurée par Jean-Christophe Thiery, avec Constance Benqué prenant des rôles clés, notamment à la tête des activités médias et radio du groupe. La présomption d'innocence est maintenue pour Arnaud Lagardère malgré les accusations, et il attend une éventuelle reprise de ses fonctions, bien que sa position au sein du groupe soit de plus en plus précaire, limitée théoriquement jusqu'en 2027.
Si on veut un article plus acrimonieux, on peut lire le vitriolesque Libération qui parle de vampirisation de Lagardère par Bolloré :
Renouvelé ♻️ : The Atlantic cible les jeunes
⏳ : 1 min 32 sec
The Atlantic, mensuel éminent depuis 167 ans aux Etats-Unis, a récemment fait évoluer sa stratégie pour séduire de nouveaux publics, en ciblant en particulier la jeunesse universitaire américaine.
Depuis le lancement de son programme d'abonnement groupé en avril dernier, plus de 75 universités l’ont rejoint, permettant au groupe de toucher plus de 500 000 étudiants. Une initiative qui vise à garantir un renouvellement générationnel de son lectorat, stratégique à laquelle nombre de titres magazines semblent tout simplement avoir renoncé, ce qui pose un sérieux problème de vision stratégique.
Mary Liz McCurdy, Senior VP du développement commercial et des partenariats stratégiques de The Atlantic, souligne l'importance de ce mouvement en direction du monde académique : en effet, capter les jeunes adultes à l’aube de leur propre choix média (payant) et de leur autonomie financière présente une opportunité importante en termes d’ancrage marketing.
Felix Danczak, de la plateforme de souscription Zuora, confirme cette dynamique, considérant les étudiants comme les meilleurs candidats en raison de l'équilibre optimal entre le coût d'acquisition et la lifetime value d’un abonné.
Sur le plan stratégique, The Atlantic ne se contente pas de proposer des tarifs attractifs ou des accords avantageux pour les universités à budget plus serré. Le magazine s’est également lancé dans une tournée universitaire, nommée "Democracy at a Crossroads", avec des escales prévues à l’Université du Nevada, à Atlanta ou à Michigan State. Ces interventions visent à renforcer son influence en tant que leader d'opinion sur la démocratie et l'histoire américaine.
Les modalités d'abonnement diffèrent des abonnements d'entreprise habituels. The Atlantic propose des abonnements d’un, trois ou cinq ans, tarifés en fonction de la taille de l'institution éducative, sans toutefois divulguer les détails financiers précis de ces arrangements.
Cependant, le vrai défi demeure la rétention de ces jeunes abonnés. La transition entre l’université et le monde professionnel pose un problème d’engagement et de suivi, les adresses e-mails universitaires devenant obsolètes après l'obtention du diplôme. Pour pallier ce problème, The Atlantic a mis en œuvre des programmes d'ambassadeurs et des partenariats avec des journaux étudiants des campus (dont on ignore s’ils gardent leur lectorat à l’heure du tout digital).
En conclusion, bien que cette initiative puisse sembler marginale en termes de revenus immédiats, elle est stratégiquement vitale pour l’avenir de The Atlantic. Elle lui permet d'asseoir son audience future tout en minimisant les coûts d'acquisition de nouveaux abonnés. Un pas de plus vers l'objectif de dépasser les 1,5 million d'abonnés, tout en construisant une relation durable avec la prochaine génération de lecteurs.
Sur ce thème, je ne saurais trop vous conseiller la conférence Les Jeunes et l’Actu du 16 mai prochain que je co-animerai.
Portraituré 📸 : Andres Serano au Musée Maillol
Dans les méandres de l'Amérique contemporaine, le Musée Maillol dévoile depuis le 27 avril 2024, l’exposition : « Andres Serrano. Portraits de l'Amérique ».
Cette galerie photographique plonge au cœur d'une nation au seuil d'une élection pivot, à travers le prisme d'Andres Serrano, artiste photographe qui tente de coller à la réalité de la société américaine, sous tous ses différents aspects.
Andres Serrano se décrit lui-même comme un « artiste avec un appareil photo », nous confronte à une Amérique à la fois grandiose à laquelle il est profondément attachée (en témoignent ses clichés à la suite du 11 septembre) et ébranlée par ses propres contradictions (la place des minorités raciales, les délires politiques de l’Alt-Right, la place encore prépondérante de la question religieuse).
Dans ses œuvres, il infiltre des thèmes comme la religion, la mort, le sexe, la politique, la pauvreté et la violence — autant de fils conducteurs qui tissent le portrait d'une société complexe et souvent perturbante pour nous Européens.
Le talent de Serrano réside dans sa capacité à se concentrer sur les individus, notamment en puisant dans l’art du portrait de la culture de la peinture classique, qu'il réinvente au filtre de la pop culture. Par exemple cette très belle série autour des SDF newyorkais qu’il photographie comme des princes de la Renaissance :
Cette approche donne naissance à des portraits qui offre un miroir à une société qu’il qualifie de “schizophrène” : il n’est pas étonnant que Donald Trump, figure aussi clivante que représentative des tensions sociétales, occupe une place centrale dans cette exposition, avec un portrait demeuré célèbre et une pièce consacrée à une partie des produits dérivés que le milliardaire aux cheveux orange a mis sur le marché dans son culte égotiste.
Le travail de Serrano a souvent été considéré comme provocateur (notamment le fait de mélanger des symboles religieux aux fluides corporelles comme celui de Piss Christ qui lui a vallu des actes de vandalisme lors d'expositions antérieures.
L'exposition présente 89 pièces emblématiques, chacune explorant les divers thèmes chers à l'artiste. À travers cette rétrospective, le Musée Maillol invite les visiteurs à pénétrer dans une Amérique à la fois mise à nu par l'objectif impitoyable de Serrano et magnifiée par son esthétique saisissante.
Une occasion de décrypter, de ressentir et de réfléchir sur les forces qui façonnent l'Amérique d'aujourd'hui, dans un contexte où le retour de Donald Trump semble très actuel.
(Expo visible jusqu’au 20 octobre 2024)
les large language models à la base de la révolution de l’IA générative.