Le Wrap Up de la semaine de la disparition du Peter Higgs, découvreur du Boson éponyme (semaine du 8 avril 2024)
🥋 : Axios change de modèle face à l’IA - 🏹 : RobinHood veut être un média à part entière - 👦 : les Youtubers sortent de YouTube - 📺 : YouTube vs. TF1 ? - 🥚 : la rétrospective Brancusi
Au sommaire de cette semaine :
⏳ Temps de lecture total : 8 min 38 sec
Pivotés 🥋 : les newsletters Axios changent de modèle face à l’émergence de l’IA
⏳ : 1 min 40 sec
La plupart des médias ont engagé une réflexion autour des impacts probables de l’IA, mais pour des médias plus jeunes et plus digitaux, la menace semble bien plus perceptible : Axios, piloté par Jim VandeHei, a décidé d’adapter avec audace une nouvelle stratégie pour devancer un futur dominé par l’Intelligence Artificielle.
In the view of Jim VandeHei, the chief executive of Axios, artificial intelligence will “eviscerate the weak, the ordinary, the unprepared in media.”
Le groupe de newsletters d’Axios (qui compte près de 2 M d’abonnés (gratuits) à sa trentaine de newsletters, dont 1,5M pour son édition nationale) a connu une croissance très forte depuis sa création en 2017, jusqu’à faire l’objet d’une acquisition pour le groupe de presse Cox Enterprises en 2022 pour une valeur de 525 M$.
Le CEO a décidé d’embrasser ce changement avec une vision claire : “fortifier l'expertise journalistique, établir une relation de confiance avec ses lecteurs et donner des occasions de créer du lien humain”.
Cette transformation s’articule par un changement de son modèle économique qui reposait sur des newsletters gratuites financées par la pub à l'organisation d’événements live, d'un programme d'adhésion mettant en avant les journalistes stars du groupe et d’augmenter progressivement la valeur des contenus exclusifs.
One of the big mistakes a lot of media companies made over the last 15 years was worrying too much about how do we get paid by other platforms that are eating our lunch as opposed to figuring out how do we eat people’s lunch by having a superior product,” he said.
Ce virage stratégique n'est pas seulement une réponse à l'effacement des médias milieu de gamme par les capacités de l’IA, mais une course de vitesse pour tenter de préserver une presse “intelligente et réfléchie”.
“We’re in the middle of a very fundamental shift in how people relate to news and information,” he said, “as profound, if not more profound, than moving from print to digital.”
Axios tente d’anticiper les mouvements à venir notamment en visant à créer des événements de portée mondiale et des newsletters spécialisées à haute valeur ajoutée (qui rappelle les lettres d’information d’antan, comme la Lettre de l’Expansion ou plus récemment la Lettre A). Avec une croissance de 60% de ses événements en 2023 et la croissance d’Axios Pro (pour une cotisation dont le prix de démarrage est à 599 $ par an par newsletter spécialisée), le mouvement semble déjà amorcé.
Dans un monde où les chatbots et les algorithmes aspirent au contenu créatif sans compensation, Axios se positionne en défenseur de la propriété intellectuelle, cherchant des accords de partenariat plutôt que de dépendre du partage de miettes publicitaires sur les réseaux sociaux.
Médiatisé 🏹 : RobinHood veut être un média à part entière
⏳ : 1 min 46 sec
Le géant du trading pour particuliers, Robinhood, a officiellement dévoilé mardi son tout nouveau site d’informations Sherwood News, filiale média du groupe qui promet de réinventer la consommation d'informations financières. La newsletter de RobinHood, Snacks, qui était l’un des piliers de la communication différente de RobinHood va désormais être intégrée à Sherwood.
Contrairement à nombre de marques qui se veulent des médias pour mieux vendre leurs produits (on peut citer pêle-même la division Redbull Media House, l’acquisition de The Hustle par la société de services B2B Hubspot, ou encore les maisons de production des maisons de luxe) Sherwood News se veut différente : il ne s’agit pas d’acquérir de nouveaux clients !
Joshua Topolsky, rédacteur en chef et président, ambitionne de faire de ce média un véritable centre de profits : la monétisation sera bien sûr le fait de publicités avant d'élargir le spectre à la production d’événement.
Sherwood promet d’opérer comme une entreprise indépendante dont Robinhood serait actionnaire, avec une promesse d'indépendance éditoriale forte, y compris au sujet de sa maison mère comme n’importe quelle société cotée.
Topolsky a commencé à recruter pour Sherwood dès l’an dernier. En décembre, l'acquisition de Chartr Limited au Royaume-Uni a boosté les capacités de Sherwood en matière de visualisation de données et de produits newsletter. L'équipe de lancement compte près d'une vingtaine de journalistes aguerris, venant de Bloomberg, CoinDesk, du New York Times ou encore de Gawker.
Les principales rubriques seront assez classiquement les marchés financiers, les informations économiques, la technologie, la crypto-monnaie, les news politiques et internationales, les finances personnelles ou encore la culture. L'objectif est d'atteindre une quarantaine d’employés d'ici fin d'année.
À l'instar de Bloomberg, de plus en plus de médias cherchent à fusionner informations et trading (Yahoo! Finance a par exemple fait l’acquisition du trader CommonStock cette année). Cette tendance voit aussi des maisons de paris sportifs collaborer avec des médias sportifs pour lancer des produits cobrandées (voir ESPN Bet). Cependant, rares sont les médias qui réussissent à avoir une vie indépendante de l’activité de leur maison mère (voir à ce sujet comment la star John Stewart a révélé les pressions qu’il a eues à subir lorsqu’il travaillait pour Apple+ quand ce premier a abordé les sujets de la Chine et de l’intelligence artificielle ou encore de la régulation des telecoms, trois sujets sensibles pour la firme à la pomme).
Pour revenir à Sherwood, Topolsky voit une réelle opportunité dans la révolution de l’information financière qui parlerait aux jeunes investisseurs dans un langage en phase avec les réseaux sociaux (le cauchemar du retour des crypto-bros). Il imagine donc assez logiquement intégrer les “insights de Sherwood News” dans une suite de produits pour les investisseurs de Robinhood.
Sherwood News envisage d’ores et déjà d'élargir son offre avec des podcasts, des événements et peut-être même un magazine (imprimé!) dans le courant de l'année.
Emancipés 👦 : les Youtubers sortent de YouTube
⏳ : 2 min 4 sec
Dude Perfect est une très bonne illustration de la manière dont des créateurs de contenu venus de YouTube se transforment petit à petit en véritables magnats du divertissement.
Partis de simples vidéos humoristiques de basketball sur YouTube (44 M de vues), les cinq anciens colocataires de l'Université du Texas qui ont monté la chaîne YouTube Dude Perfect compte désormais plus de 60 millions de followers et veut désormais dépasser ce simple cadre de diffusion pour se lancer dans des projets plus ambitieux.
Le dernier en date ? La construction d'un parc à thème de 12 hectares, dont le coût est estimé à plus de 100 M$. Nommé Dude Perfect World, ce projet vise à pérenniser leur marque bien au-delà des simples fluctuations du marché publicitaire en ligne (et d’une certaine dépendance à l’algorithme de YouTube). Envisageant des attractions high-tech, comme des cages de football robotisés ou des paniers de basket mouvants (?), le parc promet de transposer l'esprit audacieux de leurs habituelles cascades en une “expérience familiale immersive”.
Dude Perfect veut aller plus loin encore : avec un financement récent de plus de 100 M$ du fonds d’investissement Highmount Capital, ils prévoient de transformer leur modeste société de production en entreprise d’entertainment (en montant à 25 personnes, recrutant un CEO) et d’internationaliser leur présence (près de la moitié de leur audience est internationale, ainsi une tournée à l’étranger et la traduction systématique de leurs vidéos en langue étrangère devraient être lancées).
Ce financement doit également servir à développer leur marque à travers des live shows plus fréquents (certainement plus coûteux à produire) et au lancement de produits dérivés (leur nouveau siège devrait d’ailleurs inclure une boutique de merchandising), soulignant, une fois encore, l'importance d'une diversification hors des plateformes numériques :
Leur première TV remonte à 2016 sur Country Music TV avec "The Dude Perfect Show," et ils ont produit une série par la suite qui est passé sur la chaîne jeunesse Nickelodeon;
Dude Perfect a créé un flux de commentaires alternatifs pour le match du jeudi soir de la NFL diffusé sur Amazon;
Dude Perfect avait développé pour Nerf une nouvelle ligne de jouets ainsi que des vêtements avec Columbia Sportswear Co;
La marque Smoothie King a lancé le mois dernier le Dude Perfect Smoothie.
Les chiffres de Dude Perfect témoignent de leur succès colossal : plus de 15,5 Mds de vues cumulées et des revenus qui devraient dépasser les 50 M$ cette année (après 25 M$ en 2022 et 20 M$ en 2021).
Cette stratégie leur permet de ne pas se reposer uniquement sur les revenus publicitaires numériques mais de tenter de créer une expérience de marque cohérente et engageante.
Ce mouvement rappelle celui du GOAT1 MrBeast (et ses 250M d’abonnés Youtube) qui se lance également dans des entreprises physiques (Burgers, tablettes de chocolat, contrats avec Amazon Prime Video).
Plus largement, ces Youtubers stars se font de plus en plus soutenir / approcher par des structures d’investissement qui misent sur des talents qui ont émergé sur YouTube afin d’embarquer leur audience de masse vers d’autres plates-formes (Tiktok, Twitch, …) et générer de nouveaux flux de revenus.
Dans des registres proches :
Candle Media soutenu par Blackstone a fait l’acquisition de Moonbug Entertainment (éditeur du personnage pour enfant CoComelon - 174 M d’abonnés) pour près de 3 Md$ en 2021.
Recurrent Ventures, un fonds de build-up2 a fait l’acquisition de Donut Media (9m d’abonnés), la plus grande émission autour de l’auto sur YouTube en 2021.
Cathodique 📺 : YouTube vs. TF1 ?
⏳ : 1 min 56 sec
Rien de nouveau sous le soleil : dans une ère où le smartphone et le haut débit élargissent considérablement la variété de contenus disponibles à tout moment, la TV traditionnelle voit son empire contesté par les nouveaux acteurs de la vidéo, des streamers jusqu’à YouTube. Dans une interview dans les Echos, Rodolphe Belmer, le patron de TF1, annonce que la vraie bataille se joue maintenant sur les « smart TVs », qui ont remplacé à bas bruit les téléviseurs traditionnels dans les foyers français. Avec près de la moitié des ménages équipés, le potentiel de croissance (et de disruption) est considérable.
La transition vers les écrans connectés marque ainsi d’après lui, un tournant, favorisant les formats longs et les programmes en streaming, à l'inverse des smartphones qui privilégient le contenu court. Il replace le lancement de TF1 + dans ce contexte, anticipant une augmentation massive de la consommation de contenu à la demande.
D’après lui, la pub vidéo sur mobile, dominée par les réseaux sociaux YouTube, Facebook ou TikTok, connaît un ralentissement. Il attribue ce déclin à la saturation du marché et à des réglementations accrues sur la vie privée (notamment la fin des cookies). En revanche, l'adoption croissante des smart TV ouvre de nouvelles avenues pour la publicité numérique, un marché que TF1 est prête à exploiter avec son offre de contenu long, de qualité.
Contrairement aux plateformes payantes, dont les versions hybrides avec de la pub ont un impact publicitaire limité, TF1 mise sur une stratégie de contenu gratuit et engageant qui peut attirer un public plus large et donc plus d'annonceurs.
Cela pose pour ainsi dire TF1 en compétiteur direct avec YouTube, qui cherche également à se positionner sur le marché des smart TVs. TF1 espère tirer son épingle du jeu par un engagement publicitaire plus fort du fait de programmes plus engageants, agissant également sur la complétude de visionnages des publicités.
C'est la raison pour laquelle leur CPM [coût pour mille, qui mesure le coût des spots pour les annonceurs souhaitant toucher 1.000 personnes, NDLR] est bas, de l'ordre de cinq à six euros, quand nous commercialisons nos inventaires sur TF1 + autour d'une douzaine d'euros du CPM…
La montée des offres gratuites pourrait même menacer le streaming payant, obligeant ces services à accroître encore leurs investissements en contenu pour que leur qualité reste compétitive. TF1, qui continue de miser sur des franchises populaires et une programmation de séries, voit là une opportunité d’augmenter son audience et ses revenus pub.
YouTube est consommé par près de 50 millions de Français pendant plus de 20 heures par mois. Sur myTF1, nous étions à 28 millions d'individus par mois, mais 3 heures seulement par individu. La différence est telle que YouTube peut proposer 10 fois plus d'écrans publicitaires aux annonceurs. Mais nous progressons, et vite. En à peine trois mois, TF1 + est consommé par 35 millions de personnes et le nombre d'heures vues a progressé de près de 50 %.
Le volet innovation n’est pas en reste avec l'intégration de brique d’'IA dans ses services, comme montre "Top Chrono" qui offre des résumés instantanés de matchs sportifs.
Pure 🥚 : la rétrospective Brancusi à Beaubourg
⏳ : 1 min 11 sec
Beaubourg met à l’honneur une des figures les plus emblématiques de l'art moderne avec Constantin Brancusi. À travers une rétrospective sans précédent, le centre Pompidou propose dans une scénographie originale, une plongée dans l'univers poétique de celui qui a redéfini les contours de la sculpture.
L'exposition actuellement offre un accès inégalé à plus de cent-vingt sculptures et quatre cents œuvres de l'artiste d'origine roumaine. La reconstitution de son atelier où il oeuvra toute sa vie, un sanctuaire de création où Brancusi non seulement y a conçu non seulement ses œuvres les plus célèbres mais où il avait à coeur que cet atelier soit une oeuvre totale, au point de remplacer les pièces vendues qui en sortaient au fil du temps.
Il n’est pas seulement affaire de sculptures : photographies, dessins, et même films enrichissent cette exploration. L'atelier, intégré au Musée national d'art moderne depuis le legs de l'artiste en 1957, est le cœur vibrant de cette exposition. Il est à la fois un lieu de vie, de création, et de contemplation, capturant l'essence de la démarche artistique de Brancusi.
Des pièces provenant de la Tate Modern, du MoMA, du Guggenheim, ainsi que de plusieurs musées internationaux, enrichissent la rétrospective. Le dialogue instauré entre les plâtres de l'Atelier Brancusi et les œuvres originales en pierre ou en bronze crée un bel effet visuel.
La dernière rétrospective d'envergure de Brancusi en France remonte à 1995. Ceux qui ont manqué cette exposition historique ou souhaitent renouveler leur admiration pour l'artiste trouveront dans cet événement une occasion précieuse de redécouvrir un maître du XXème siècle.
Pour les amateurs d’art contemporain et de curiosités, je vous recommande aussi de visiter au 4ème étage les lieux temporaires consacrés à :
Hervé di Rosa féru d’art populaire et créateur du MIAM -le musée international d’art modeste;
et Vera Morlan, une des toutes premières artistes génératives (dès les années 1970!) dont les journaux intimes sont une pure merveille.
Greatest of all time (GOAT)
un fonds d’investissement dont le but est de croître au gré des rachats d’entreprise qu’il effectuera.