Le Wrap Up de la semaine où France TV convole avec Amazon Prime (semaine du 30 juin 2025)
⛵ : FTV disponible sur Amazon Prime - 📦 : CMA CGM veut acquérir Brut - 📹 : la Chine dystopie data - 🧴 : les influenceurs entreprennent sur le retail - 💃 : OnlyFans s’introduit en bourse
Au sommaire de cette semaine :
Atlantiste ⛵ : France Télévisions disponible sur Amazon Prime
Techno-surveillée 📹 : la Chine dystopie politique de l’Etat Data
Incarnée 💃 : Comment OnlyFans a changé l’industrie du charme
⏳ Temps de lecture : 7 min 37 sec
PUB 🪖 Colonel Motor, pousse toi que je m’y mette 🧠
Colonel Motor c’est la structure de conseil en stratégie et levée de fonds que j’ai créée en 2020 à mon départ de TF1.
Je cherche pour la rentrée 2025, une mission dans mon domaine de prédilection, celui des industries créatives (médias, production, apps grand public, IA).
🎯 Si vous n’avez pas besoin de :
clarifier votre stratégie ou d’ajuster votre ambition internationale ;
générer de nouveaux revenus (diversification, nouvelles offres, spin-off d’une activité à potentiel);
d’argent ou de lever des fonds sur un projet ambitieux (deck, roadshow BAs, VCs, ou family offices)
Alors ne m’appelez pas. Sinon on se parle très vite :
Atlantiste ⛵ : France Télévisions disponible sur Amazon Prime
⏳ : 1 min 32 sec
Chaque semaine apporte son lot de surprise : après Netflix qui a contractualisé avec TF1 et annoncée la semaine dernière, voilà qu’Amazon Prime Video ouvre grand ses portes à France Télévisions, version france.tv intégrale, du direct au replay en passant par l’incontournable « Drag Race France » et l’éternel « Un Si Grand Soleil » (le soap opera, cette machine à fidéliser).
Depuis 3 juillet, près de 20 000 contenus publics font ainsi irruption dans le salon de millions d’abonnés Prime Video français (envinron , accessibles depuis un joli “corner” sur la page d’accueil, euphémisme qui signifie visibilité garantie pour le service public.
Fini le vieux fantasme du monopole hertzien : bienvenue à l’ère du streaming tous azimuts.
Mais au-delà du symbole (historique, clame Delphine Ernotte Cunci), ce mariage entre la maison ronde et la pieuvre de Seattle a une conséquence bien concrète : la pub.
Car FranceTV ne se contente pas d’exporter son offre de contenus : elle embarque avec elle son modèle publicitaire, version “pression maîtrisée” et “ brand safety”.
Le deal : les campagnes prévues sur france.tv seront également diffusées sur Prime Video, exclusivement sous la houlette de FranceTV Publicité.
Un double bénéfice :
pour Amazon, c’est l’assurance de contenus populaires calibrés pour l’audience française ;
pour France Télévisions, l’occasion de muscler sa distribution, de rajeunir son image et d’élargir son reach… tout en gardant la main sur la monétisation digitale (les offres sont néanmoins disponibles en gré à gré ou en programmatique, via les DSP du marché).
On ne sait si c’est la réponse du berger à la bergère (après l’annonce de TF1 - Netflix), quand on sait que ces accords mettent des mois, voire des années à être négociés, mais il est cocasse qu’à l’heure où Mme Ernotte-Cunci faisait du numérique comme vecteur d’indépendance le coeur de sa candidature à une troisième présidence de FTV (avant peut être une ouverture vers le holding de l’audiovisuel public avec Radio France), on annonce cette nécessité de recourir à Amazon pour étendre son reach, au détriment sans doute de l’exclusivité de l’offre de FTV sur france.tv.
Rodolphe Belmer lors des Rencontres Internationales des Médias est revenu sur l’une des raisons de son accord avec Netflix :
Selon les estimations internes du groupe, 13 millions de foyers français sont abonnés à Netflix, et 40 % d’entre eux ne regarderaient jamais les chaînes du groupe TF1. Ce sont ces foyers que nous voulons retrouver. On ne les convaincra pas de revenir à la télévision linéaire, il faut aller là où ils sont déjà.
Si vous n’avez pas le temps de lire la suite, essayez le podcast en 🇫🇷 pour connaître la suite (vous verrez la voix féminine se lâche un peu 😄) :
Coffrée 📦 : CMA CGM en négo exclusive pour acquérir Brut
⏳ : 1 min 20 sec
Rodolphe Saadé ne s’arrête plus : après avoir avalé La Provence, Corse-Matin, La Tribune, le pôle audiovisuel d’Altice (BFMTV, RMC, etc. pour la modique somme de 1,55 Md€), et s’être positionné sur Chérie25 et même Pathé (20% de participation via la holding familiale), le voici en « négociation exclusive » pour croquer Brut, le média social star des réseaux sociaux… et des levées de fonds qui en imposent.
Brut, une success story made in France… à crédit
Né en 2016 sur les cendres du Canal+, Brut a levé près de 150 M€ sur quatre tours, affichant une audience démente : 500 millions d’internautes touchés chaque mois dans plus de 100 pays, un +30 % de vidéos vues cette année, et une présence tous azimuts (YouTube, Insta, TikTok, Facebook, Snapchat…). Mais le conte de fées a parfois des relents de tragédie grecque : 2023 aura vu des vagues de licenciements, la fermeture express de BrutX (l’offre de streaming payante à 18 mois de vie) et le repli stratégique à Paris après l’aventure avortée à New York et Mexico.
Au capital, on retrouve tout le bottin mondain :
Xavier Niel (Free), François-Henri Pinault (Artémis), Orange Ventures, Bpifrance, Red River West, Tikehau, plus l’équipe fondatrice (Guillaume Lacroix, Renaud Le Van Kim, Roger Coste).
CMA CGM était déjà là avec 16 % du capital (pour 43 M€ investis début 2023 selon L’Informé).
La grande manœuvre : empire ou hôpital de la tech ?
Brut s’affiche rentable depuis fin 2023, après avoir consommé un cash impressionnant pour sa croissance – un scénario très French Tech.
Saadé promet que l’indépendance éditoriale sera conservée et que l’ADN « singulier et crédible » de Brut sera préservé. L’opération se veut « à un juste prix » : comprendre, ni la folie des valorisations 2021, ni le prix cassé du marché post-bulle.
Après le rachat de Loopsider par CMI et de Konbini par DC Capital, c’est le dernier actif pure vidéo sociale qui est racheté par un groupe média. A chaque fois la question de l’indépendance et des synergies avec les autres entités du groupe se posent (Brut a un deal de régie avec France TV Publicité)
Techno-surveillée 📹 : la Chine dystopie politique de l’Etat Data
⏳ : 1 min 34 sec
Bienvenue dans le XXIe siècle, où la Chine ne se contente plus de construire des ponts, des trains et des gratte-ciels, mais érige un empire fondé sur… la donnée.
Avec 1,1 milliard d’internautes (plus que l’Europe et les États-Unis réunis), un nuage de caméras de reconnaissance faciale et des véhicules autonomes qui carburent à la data, Pékin s’impose comme la vraie usine mondiale… à octets.
Mais ici, la quantité n’est que le début : le Parti intègre désormais la gestion des données dans les rouages de l’économie, de la sécurité nationale et du rêve chinois. Xi Jinping l’a dit : la data, c’est le “facteur de production” du futur, au même titre que la terre ou le capital.
Vision ambitieuse ? Certes. Inédite ? Assurément, et avec un zeste de centralisme digital sauce Mao 2.0.
Concrètement ?
Depuis 2021, la Chine s’inspirait du RGPD européen… avant de s’en émanciper allègrement.
Tous les échelons de l’État sont désormais sommés d’inventorier, valoriser, et mutualiser leurs montagnes de data – au point d’inscrire ces “actifs” aux bilans des entreprises publiques ou de les échanger sur des places de marché officielles.
3 juin 2025 : le Conseil d’État impose le partage systématique des données publiques.
15 juillet : lancement d’une identité numérique nationale. Objectif : relier chaque citoyen à son historique numérique, et couper l’herbe sous le pied des GAFAM locaux qui devront se contenter d’un flux anonymisé (pour eux… mais pas pour l’État).
Avantages affichés :
Un “océan national de données” pour entraîner l’IA à grande échelle et booster les petits nouveaux de la tech chinoise.
Des économies d’échelle pour le machine learning, et un accès élargi aux jeux de données pour tous.
Inconvénients assumés (ou pas) : un État qui peine déjà à sécuriser ses data : Shanghai a “égaré” 1 milliard de dossiers policiers, subtilisés par un hacker, risque d’étouffer l’innovation privée si les entreprises n’ont plus la main sur “leur” data. Une tentation panoptique (version Orwell, mais en plus efficace), avec surveillance intégrale à la clé.
Pendant ce temps, à l’Ouest…
Les démocraties tâtonnent : Trump lorgne Palantir, l’Europe révise le RGPD, l’Inde hésite entre privacy et croissance. Mais impossible d’égaler la rapidité d’exécution chinoise, sans piétiner un peu plus les libertés individuelles.
La Chine n’est plus seulement le “copieur rapide” des innovations occidentales : elle tente le grand bond en avant, montrant que centraliser la donnée, c’est aussi dominer l’IA… et peut-être, demain, le récit mondial.
À ce jeu, la concurrence n’est plus seulement économique : elle devient profondément politique.
Brandée 🧴 : les influenceurs se ruent sur le retail
⏳ : 1 min 38 sec
Oubliez l’ère préhistorique des “stars” ambassadrices des marques beauté : Elf Beauty rachète Rhode, la marque beauté d’Hailey Bieber, pour 1 milliard de dollars. (si vous vous demandez comment Hailey est devenu célèbre : elle a fait du mannequinat avant de s’exposer en couple avec des célébrités comme Justin Bieber ou Drake. Elle lance il y a 4 ans une marque de cosmétiques qui grâce à sa notoriété sur les réseaux sociaux (55 millions de followers!).
La nouvelle génération de célébrités ne se contente plus de louer son sourire mais elle lance sa propre marque, fait exploser les compteurs, et revend le tout pour des montants dignes d’une IPO de licorne.
Skims (la griffe gainante de Kim Kardashian) tutoie déjà le milliard annuel de CA, Rihanna est désormais milliardaire non pas grâce à ses tubes, mais à Fenty Beauty, et Ryan Reynolds se diversifie entre gin, télécoms et VPN, façon homme sandwich.
L’endorsement à l’ancienne, c’est fini !
Michael Jordan et George Clooney pouvaient empocher des fortunes (1,5 Md$ pour l’un, 40 M$ pour l’autre) en prêtant leur image, mais la nouvelle vague joue la carte patrimoniale : prise de participation, implication opérationnelle, pilotage direct. L’avènement des réseaux sociaux a aboli la distance : désormais, la star vend directement à ses fans, en court-circuitant les intermédiaires.
Les marques de célébrités sont devenues les startups du secteur, prêtes à être absorbées à prix d’or par les géants de l’hygiène beauté, en mal de nouveaux récits et de base fan.
Beats (Dr Dre) racheté par Apple pour 3 Md$, la tequila de Clooney avalée par Diageo pour 1 Md$, le gin de Reynolds pour 610 M$… c’est désormais de plus en plus fréquents ce business.
Mais attention au crash-test du réel.
Si un nom connu peut offrir les 100 000 premières ventes, il ne garantit ni la récurrence ni la qualité. Les linéaires débordent de cosmétiques “has been” signés Rosie Huntington-Whiteley ou Sarah Jessica Parker, et le parfum “Victory 45-47” de Donald Trump n’a, paraît-il, rien d’inoubliable. Les réseaux sociaux, impitoyables, actent le verdict en temps réel.
At their best, celebrity brands are innovative, creative—and lucrative for their owners. Yet, just like show business, brutal flops are possible, too.
Chiffres clés à retenir pour Rhode la marque d’Haily Bieber :
1 Md$ : valeur de rachat de Rhode par e.l.f. Beauty
212 M$ de CA en trois ans, avec une ligne de 10 produits
40% de taux de rétention client
e.l.f. Beauty : +91 % de croissance internationale en 2024, présence dans 14 pays, notamment alimenté par une politique agressive de croissance externe : 297 deals ces dernières années.
Incarnée 💃 : Comment OnlyFans a changé l’industrie du charme
⏳ : 1 min 33 sec
Depuis sa création en 2016 par un dandy britannique et son ascension fulgurante sous pavillon ukraino-américain, OnlyFans a réussi là où les géants historiques du porno ont échoué : transformer le X en véritable cash machine récurrente.
La plateforme lorgne désormais sur une introduction en bourse pour la bagatelle de 8 milliards de dollars, revendique 4 millions de “créateurs” pour plus de 300 M de “fans” payants.
En 2023, OnlyFans a généré 1,3 milliard de dollars de revenus avec une marge opérationnelle de… 50% (oui, plus rentable qu’Alphabet, Meta ou Microsoft). Un modèle qui donne des envies de voyeurisme à tous les entrepreneurs digitaux.
Le porno, éternel moteur de l’innovation web ?
Le X a toujours été à la pointe de l’adoption des usages sur Internet : audience supérieure à Amazon, Netflix ou Zoom, selon une étude de 2023 (Journal of Sex Research). Mais l’industrie, rongée par la gratuité des “tube sites” et le boycott publicitaire, peinait à monétiser. OnlyFans, lui, a réinventé la roue : accès payant, contenu personnalisé, merchandising et messagerie privé… la plateforme ponctionne seulement 20% des revenus de ses créateurs (à peine moins qu’Uber ou Airbnb) et a reversé 5,3 milliards de dollars en 2023 à ses “créateurs”. Elle échappe aussi à la dîme d’Apple et Google, car OnlyFans sûr de son pouvoir d’attraction n’est pas présent sur leurs stores.
“Bankable” mais pas sans garde-fous
L’argent frais permet d’investir dans la sécurité : reconnaissance faciale pour filtrer les mineurs au Royaume-Uni, vérification documentaire poussée pour les créateurs, 1 500 employés chargés de contrôler les contenus, et un taux de rejet de 66% des nouvelles inscriptions. Pas d’anonymat, pas d’algorithme recommandant des vidéos – un neutralité quasi-bancaire, selon la CEO Keily Blair.
Une nouvelle aristocratie du X ?
Lily Allen, chanteuse, gagne plus avec ses photos de pieds sur OnlyFans que sur Spotify… Bonnie Blue, ex-star du site aurait touché jusqu’à 250 000 $ par mois. Mais la vie de “créateur” n’est pas que strass et paillettes : Bonnie consacre 70% de son temps à l’administratif, entourée d’une équipe digne d’une PME.
Des risques… et une aubaine ?
Compétition (Fansly), pression réglementaire (loi suédoise qui criminalise les clients, amende de 1,4 M$ au Royaume-Uni), montée de l’IA générative, dépendance aux systèmes de paiement… OnlyFans a un certain nombre de challenges auquel elle doit faire face. Mais à 8 milliards, c’est encore une affaire : sur les ratios d’Uber ou Airbnb, le site devrait valoir 28 milliards. Qui va miser sur le X 2.0 ?