Le Wrap Up de la semaine où TF1 et Netflix convolent (semaine du 16 juin 2025)
🤖 : l’IA rend plus bête? - 🔗 : TF1 s’allie à Netflix - 📲 : la pub sur WhatsApp - ⚽ : Sorare, fin de partie? - 👳♂️ : les Mamelouks au Louvre
Au sommaire de cette nouvelle semaine de Wrap Up :
Stratégique 🔗 : TF1 s’allie à Netflix… pour mieux concurrencer YouTube?
Désenchantée ⚽ : Sorare, fin de partie pour une licorne française?
⏳ Temps de lecture : 8 min 26 sec
🪖 Colonel Motor, vous connaissez ? 🧠
Le surnom de “Colonel Motor”, ce n’est pas qu’un clin d’œil au surnom de De Gaulle à Saint-Cyr (déjà partisan d’une guerre de mouvement motorisée), c’est aussi la structure de conseil en stratégie et levée de fonds que j’ai créée en 2020.
Une mission prévue pour septembre reste incertaine, j’en profite donc pour lancer un appel:
Je cherche une nouvelle mission stimulante dans mon domaine des industries créatives (médias, production, apps grand public, IA).
🎯 Mes domaines d’intervention :
clarifier une stratégie ou un positionnement devenu flou;
ouvrir de nouveaux revenus (diversification, offres, spin-off);
structurer et piloter un projet digital ambitieux;
lever des fonds sur un projet ambitieux (deck, ambition, roadshow BAs, VCs, ou Family offices, accord d’investissement).
📩 Vous vous reconnaissez — ou pensez à quelqu’un ? contactez-moi : criedi@colonelmotor.com
Troublant 🤖 : l’IA rend-elle (vraiment) plus bête?
⏳ : 1 min 34 sec
C’est un pavé de 206 pages qui atterrit sur la table du débat sur l’intelligence artificielle. Le MIT Media Lab a suivi 54 volontaires sur quatre mois pour évaluer l’impact de ChatGPT sur l’activité cérébrale et les facultés humaines.
Le résultat ? Pour qui rêve du cerveau augmenté (Luc Julia plaidait pour qu’on parle d’intelligence augmentée plutôt qu’artificielle), il va falloir revoir la promesse à la baisse…
1. Trois groupes, trois cerveaux
Les chercheurs ont divisé les participants en trois groupes :
“Brain-only” : rédaction à la force du poignet, sans aide numérique.
“Search Engine” : un petit Google pour s’inspirer, mais pas d’IA.
“LLM” : rédaction 100% assistée par ChatGPT (GPT-4o).
Chaque cobaye a planché sur trois essais type “SAT” (l’examen-culte américain), sous surveillance neuronale rapprochée – électrodes sur le crâne et notation humaine/IA à l’arrivée.
2. ChatGPT réduit de 55% l’activité cérébrale
Côté résultats, le verdict est cinglant : plus le soutien est externe, plus le cerveau se met en veilleuse.
Groupe “Brain-only” : activité neuronale maximale, réseaux cognitifs activés à fond.
“Search Engine” : -34 à -48% d’activité (merci la navigation visuelle).
“LLM” : -55% d’amplitude cognitive. Autrement dit, ChatGPT fait gagner du temps, mais pas des connexions synaptiques.
3. Amnésie garantie
La palme de l’oubli revient aux utilisateurs de ChatGPT :
83% incapables de citer une phrase de leur propre texte… rédigé quelques minutes avant.
En cause, un encodage superficiel de la mémoire : on lit, on copie-colle, mais on n’intègre rien. Les “searchers” et les “sans-filet”, eux, retiennent bien mieux et revendiquent fièrement la paternité de leurs écrits.
4. Retour impossible à la normale ?
L’étude montre aussi qu’après avoir trop utilisé ChatGPT, il devient difficile de “réactiver” ses propres réseaux neuronaux.
L’IA crée une “dette cognitive” : on s’habitue à l’assistanat, et sans l’outil, la créativité s’étiole.
À l’inverse, ceux qui passent de la rédaction pure à l’IA s’en servent comme d’un levier, pas comme d’une béquille.
5. Vers une “hypnocratie” cognitive ?
Au fil des sessions, les utilisateurs de LLM ont tendance à se limiter aux idées proposées par l’algorithme.
Résultat : pensée critique, créativité et capacité à challenger le contenu diminuent. On reproduit, on n’interroge plus.
Le MIT ne sonne pas l’alarme rouge, mais met en garde : l’usage intensif de ChatGPT pourrait faire de nous des copistes amnésiques, capables de tout rédiger… mais de rien retenir.
Moralité : l’IA ne tue pas (encore) le cerveau, mais elle le met en mode économie d’énergie. À utiliser avec modération, ou à vos risques et périls cognitifs.
Stratégique 🔗 : TF1 s’allie à Netflix… pour mieux concurrencer YouTube?
⏳ : 2 min 01 sec
Il fut un temps où Netflix était le croquemitaine de la télé française : un « prédateur » venu grignoter la baguette des audiences hexagonales, à tel point que Gilles Pélisson, ex-patron de TF1, l’accusait presque de vouloir repeindre la Tour Eiffel en rouge « N ».
Nouveau CEO (anciennement au board de Netflix), nouvelle approche : TF1 vient de conclure un accord inédit avec Netflix, qui diffusera dès l’été 2026 une section « TF1 » au sein de son interface (le temps de brancher les Ad servers chez Netflix…)
Oui, le « diable » d’hier est désormais invité à diffuser la bonne parole auprès de ses ouailles.
Lignes de front effacées
On le sait : les plateformes ont bousculé la TV de papa.
TF1 s’est lancé dans la vidéo à la demande (TF1+) début 2024, suivi de près par M6. France TV, pour ne pas être largué, a remplacé les logos de ses chaînes par celui de sa plateforme, histoire d’éviter le naufrage générationnel (mais au risque bien sûr de perdre ses plus vieux téléspectateurs qui disent encore Antenne 2 et FR3).
Pour donner raison à ce rapprochement, le public suit de moins en moins une grille horaire, il « butine » sur Netflix, YouTube et consorts.
Les plateformes, jadis accusées de vampirisme, copient désormais les chaînes TV : pubs, télé-réalité, même sport… Une sacrée ironie…
Expérimentation ou reddition ?
L’alliance TF1-Netflix a tout d’une expérience grandeur nature. Canal+ avait ouvert la voie en agrégateur de contenus ; Netflix devient à son tour une « hyperchaîne ».
L’idée pour TF1 ? Accroître son reach quotidien, puber ses contenus ailleurs (une sacrée pierre dans le jardin de YouTube qui n’est pas prêt à proposer de telles conditions), plutôt que de résister en solo dans une jungle fragmentée.
France’s largest commercial broadcaster will show all five of its linear channels on Netflix, as well as more than 30,000 hours of TV shows available on demand.
TF1 espère ainsi que ses programmes – jugés « assez forts pour émerger » dans la jungle Netflix – continueront à exister face au tsunami de contenus. Et surtout, être le premier à signer permet d’éviter d’être dilué dans l’océan de l’algorithme californien.
(Il faut dire que les décrets SMAD qui contraignent à une exposition à tout moment de 60% de contenus européens, dont 40% d’oeuvres d’expression originale français, étaient une vraie contrainte pour Netflix qui pourra ainsi aisément respecter cette obligation).
Netflix’s co-chief declined to say whether or how subscription and advertising revenues would be shared between the two companies, or whether the streaming company had paid an upfront fee for TF1 content.
Opportunisme gagnant-gagnant
Pour TF1, c’est l’occasion d’aller chercher le public « captif » de Netflix (dont on dit qu’il aurait dépassé les 10M d’abonnés et qu’il approche les 14 M !!), là où l’audience linéaire s’étiole (sur la démarche, elle ressemble un peu à celle d’Arte chez TF1!).
Pour Netflix, c’est la possibilité de garder ses abonnés en leur proposant, pour la première fois, des JT et une chaîne info (LCI) en prime. Rien ne dit que l’exclusivité sera éternelle, mais le signal est fort : la télévision traditionnelle, si elle veut survivre, doit accepter d’être reprise par le streaming, quitte à avaler quelques principes de souveraineté.
Intrusive 📲 : la pub débarque (vraiment) sur WhatsApp
⏳ : 1 min 19 sec
Ce que tout le monde craignait (ou attendait, c’est selon) est en train de se produire : Meta teste l’affichage de publicités dans WhatsApp, précisément dans l’onglet “Statut” — l’équivalent local des stories.
Une première brèche dans l’interface, annoncée en toute discrétion par l’entreprise cette semaine.
La firme a aussi confirmé une autre expérimentation : des messages sponsorisés dans l’onglet “Actualités” — un feed que Meta entend bien pousser pour faire de WhatsApp… un réseau social à part entière.
Un business model (enfin) à l’échelle
Avec ses plus de 2 milliards d’utilisateurs actifs, WhatsApp reste, paradoxalement, le parent pauvre du groupe Meta en matière de revenus. L’introduction progressive de formats publicitaires s’inscrit dans une logique implacable : rentabiliser chaque pixel, chaque intention, chaque clic.
Jusqu’ici, Meta monétisait WhatsApp principalement via des outils pro (API, WhatsApp Business), surtout utilisés dans les pays émergents. Désormais, ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui seront “mis à contribution” avec des possibilités de paiemetn in app ?
The company said it is allowing companies and users to promote their Channels, WhatsApp’s broadcast feature, in the discovery section, and that it would allow select creators and businesses to charge users a subscription to unlock exclusive updates on Channels. The company said these subscription payments will be facilitated by app stores.
Une dérive logique ?
L’onglet “Statut” est un bon cheval de Troie : sous-utilisé, peu critique, il permet d’introduire des pubs sans trop de hurlements. Mais l’expansion vers les onglets de messages ou de groupes ouvrirait la voie à une invasion bien plus intrusive.
Et au-delà de l’UX, c’est l’esprit de WhatsApp qui vacille : une app conçue pour la confidentialité, qui se transforme lentement en Instagram bis — sans le glamour, mais avec les pubs.
Si l’on regarde bien, ce n’est pas la publicité qui est nouvelle — c’est notre seuil de tolérance.
L’indignation face à la pub sur WhatsApp est devenue tiède, quasi résignée.
L’âge d’or des apps “pures” touche à sa fin. Place à la saturation, à l’ultra-ciblage… et au scroll passif. On s’informe sur TikTok, on reçoit ses rendez-vous sur Instagram, et bientôt, on achètera depuis ses groupes WhatsApp.
Désenchantée ⚽ : Sorare, fin de partie pour une licorne française?
⏳ : 1 min 14 sec
Dans un texte acéré et bien documenté publié sur son Substack, Benjamin Charles dresse un portrait sans fard de Sorare, l’ancienne star française du web3 mêlant fantasy football et NFT, autrefois valorisée à plus de 4 milliards de dollars (et championne de la plus grosse levée dans l’univers français avec 600 M€ au sommet de la bulle Web3 de 2021) . Le constat est brutal : les promesses n’ont pas tenu face à la réalité du marché.
En s’appuyant sur des données publiques (notamment SorareData), l’auteur démontre comment l’activité s’effondre, que ce soit en nombre d’acheteurs, de cartes vendues, ou de transactions effectuées. À mi-2025, la plateforme ne séduit plus — même les fidèles s’en sont allés, faute d’émotion ou de compétition réellement renouvelée.
Les signaux faibles qui crient fort
Activité en berne :
-45% d’acheteurs uniques par rapport à 2023.
Volume des ventes quasi divisé par 2.
Nouveaux utilisateurs sporadiques.
Un jeu qui s’est vidé de sa substance :
Le gameplay est resté figé. Pas de réel nouveau mode, une interface vieillissante, peu de feedback, et une incapacité à captiver les non-geeks du foot.
Même le “Mode Rivals” lancé récemment ressemble à un cautère sur une jambe de bois.
Gouvernance hermétique
L’article pointe aussi un manque criant de transparence de l’équipe dirigeante, peu présente dans les médias, peu communicante vis-à-vis de sa communauté. Le fantasme du “produit mondial de la French Tech” s’est peu à peu étiolé.
Sorare n’est ni le premier ni le dernier mirage Web3. L’histoire est presque classique :
Un produit tech habillé de passion (le foot).
Un modèle économique porté par la rareté numérique.
Une bulle d’attention... suivie d’un effondrement d’intérêt.
La vraie leçon ici ? Sans renouvellement profond de l'expérience utilisateur, la promesse spéculative n’aura pas suffi à maintenir à flot l’engouement des premiers utilisateurs. Qu’elle semble loin l’époque où des fonds d’investissement levaient de l’argent pour spéculer sur fonds propres sur le marché de Sorare…
Le monde des collectibles s’est professionnalisé (ou marginalisé) . Et Sorare semble coincé entre les deux écueils.
Redécouverts 👳♂️ : les Mamlouks au Louvre
J’avais glané deci delà des bribes d’informations sur les Mamlouks, en particulier dans l’épopée napoléonienne et les affrontements lors de la Bataille des Pyramides.
L’exposition au Louvre intitulée "Mamlouks” jusqu’au 28 juillet, propose une large plongée dans un monde oublié — celui de ces esclaves-soldats devenus seigneurs du Caire, véritables rois-philosophes d’un islam conquérant, raffiné et savant.
Le mot “mamlouk” signifie “possédé” : acheté très jeune, souvent captif du Caucase ou d’Asie centrale (pour ceux qui pensaient que l’esclavage était l’apanage de l’Occident), le jeune garçon est éduqué dans un système militaire et spirituel quasi monastique, avant de devenir officier, puis parfois… sultan.

Oui, sultan : l’Égypte médiévale a été gouvernée pendant plusieurs siècles (1250-1517) par des souverains issus d’une armée d’esclaves affranchis. Non seulement ils mirent fin aux royaumes chrétiens d’Orient, mais ils continrent les Moghols venant de l’Est, véritable lieu de passage obligé pour le commerce entre l’Orient et l’Europe, duquel ils firent une énorme fortune. Ainsi, ils purent mener une politique de prospérité et de construction qui résonnent encore dans l’Egypte contemporaine et dans le Proche-Orient.
Épées, calligraphies et architecture de la puissance
Le Louvre déroule un parcours très complet, ponctué de sabres finement décorés, de corans enluminés, de panneaux de marbre sculpté, et d’objets rares ayant traversé les siècles.
On découvre un monde à la fois brutal et lettré, dans lequel un même homme pouvait commander 10 000 cavaliers et méditer des traités soufis le soir.
Le pouvoir mamlouk se manifeste surtout par les nombreuses réalisations architecturales ordonnées lors de leur domination : mosquées, médersas, mausolées — de véritables “cités d’âmes”, pour reprendre l’expression de l’exposition.
Il y a du “Star Wars” dans les Mamlouks : des padawans formés à la discipline et à la guerre, des temples monumentaux, des seigneurs silencieux aux regards perçants.
Mais ici, c’est l’histoire — la vraie — qui donne le vertige.
À voir absolument, même si vous n’êtes pas férus de Moyen Âge musulman. Car ce que cette exposition raconte, c’est aussi comment l’esclave domine le maître, symboliquement mais aussi ici, de façon très concrète.
Le règne des Mamlouks prendra fin avec la défaite face aux Ottomans et ils continueront d’être présents dans les instances du nouveau pouvoir jusqu’à constituer un formation de cavalerie intégrée dans la Garde Impériale napoléonienne.
Tous mes vœux de réussite Colonel Motor.