Le Wrap Up de la semaine du clash Trump / Musk (semaine du 2 juin 2025)
⚔️ : OpenAI vs. cyber étrangères - 🌡️ : la mesure TV multi-usage - 🖖 : WarnerBros.Discovery se scinde en 2 - 🤝 : les majors négocieraient avec les IA musicales - 🗿 : Giacometti exposé à Marseille
Que se passe-t’il quand deux égos surdimensionnés, l’un chef des armées les plus puissantes au monde et l’autre à la tête d’une fortune jamais vue et dont les services en viennent à supplanter certains services publics essentiels (couverture de satellites de communication inégalée, lanceurs spatiaux, réseau d’informations mondialisé), se donnent des coups de griffe ? “La raison du plus fort est toujours la meilleure”. Je parie sur Max Weber et sur son monopole de la violence légitime en faveur du premier, mais peut être en resterons nous à ces anicroches interposés, dans ce que les Américains excellent à produire : du show!
Au sommaire de cette semaine écourtée :
Armé ⚔️ : OpenAI se défend contre les manipulations cyber étrangères
Splittés 🖖 : WarnerBros.Discovery se scinde en deux entités: prod vs. édition
Spotifié 🤝 : les majors de la musique négocieraient avec les IA génératives musicales
Evidé 🗿 : Giacometti sculpte le vide au Musée Canetti à Marseille
⏳ Temps de lecture : 7 min 35 sec
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Armé ⚔️ : OpenAI se défend contre les manipulations cyber étrangères
⏳ : 1 min 41 sec
Sam Altman, CEO d’OpenAI, fait le ménage : en trois mois, pas moins de dix opérations d’influence utilisant ses IA génératives auraient été démantelées, dont quatre imputables à la Chine.
Au menu : propagande à la sauce ChatGPT, commentaires automatisés sur les réseaux, faux journalistes et même—le pompon—des “performance reviews” de la désinformation, rédigées… par IA, pour épater les supérieurs. Oui, même la bureaucratie du troll s’automatise.
La fabrique industrielle du commentaire
L’une des officines, baptisée « Sneer Review » par OpenAI (on apprécie l’ironie avec Peer Review), a disséminé des micro-messages sur TikTok, X, Reddit, Facebook, en anglais, chinois et même en ourdou (langue officielle du Pakistan). Tout y passe : l’administration Trump, l’agence USAID (les posts étaient à charge et décharge de l’agence), mais aussi un jeu de stratégie taïwanais où le but était de renverser le PCC Parti communiste chinois—l’occasion pour la machine de générer des avis négatifs et, en bonus, un pseudo-article sur le “scandale” supposé de ce jeu (le jeu n’existait tout simplement pas!).
Petite mise en abime : la même IA produit le post, les commentaires, puis le bilan de performance du troll. Productivité et auto-évaluation : on n’arrête plus le progrès.
Journalisme d’apparat et recrutement douteux
D’autres “opés” plus subtiles jouent les analystes géopolitiques ou journalistes, le tout orchestré par IA : rédaction de biographies bidon sur X, traduction de mails, analyses de données, jusqu’à la rédaction de messages à destination d’un sénateur américain. On trouve aussi des campagnes marketing destinées au recrutement d’informateurs et du marketing “black hat” : espionnage et démarchage à la chinoise, mais version LLM.
"They also used our models to generate what looked like marketing materials," Nimmo said. In those, the operation claimed it conducted "fake social media campaigns and social engineering designed to recruit intelligence sources," which lined up with its online activity, OpenAI said in its report.
Les autres joueurs du bal masqué
La Chine n’a pas l’exclusivité de ces opérations : OpenAI a identifié des opérations russes et iraniennes, du spam marketing philippin, une arnaque de recrutement cambodgienne, et même une campagne d’emplois louches à la sauce nord-coréenne. Bref, le cyber-espionnage se décline en mode SaaS, sur abonnement mensuel.
Effet d’audience : flop ou future tempête ?
Bonne nouvelle : la plupart de ces opérations n’ont pas vraiment marché.
“Des outils plus puissants ne garantissent pas plus de résultats”, admet Ben Nimmo, enquêteur principal chez OpenAI. Les campagnes ont été repérées avant de toucher le grand public—mais pour combien de temps ? On ferme la porte, ils reviennent par la fenêtre. À surveiller : la sophistication croissante des outils, et cette étrange fascination de la désinformation pour l’auto-évaluation RH.
Démesurée 🌡️ : la TV à l’heure du multi-usage
⏳ : 1 min 45 sec
La citation est célèbre – et fausse : “What gets measured gets managed”, attribuée à Peter Drucker, est en réalité une de ces maximes de consultant qu’on répète plus qu’on ne vérifie.
Car à force de tout mesurer, on risque aussi de tout confondre. Et dans l’univers de la pub vidéo, c’est précisément ce qui se passe.
Lors d’une table ronde organisée par Minted, j’ai eu le plaisir de modérer aux côtés de Charlotte Bricard une discussion dense et engagée sur l’état de la mesure publicitaire à l’ère du multiscreen et de l’hétérogénéité des formats – une jungle touffue où les agences cherchent encore leur machette.
La jungle de la mesure
Entre les outils propriétaires des plateformes, les critères méthodologiques hermétiques des walled gardens (la seconde, le trois secondes, le clic du mois dernier?), les arguments de chaque régie (le coviewing ou l’attention ou l’empreinte carbone des spots) et les attentes (souvent déçues) des clients, les agences ressemblent à des traders multiscreen perdus dans un marécage de dashboards. Et la boussole unique n’existe pas (Paul Valery disait : “Tout ce qui est simple est faux, mais tout ce qui ne l'est pas est inutilisable.”)
Autour de la table sont intervenus :
Magali Florens (UDECAM) a souligné l’explosion des outils côté agences et la difficulté à dégager une vision cohérente, sans parler des efforts d’harmonisation à produire avec des marchés anglosaxons plus avancés que nous sur une mesure unifié;
Julien Rosanvallon (Médiamétrie) a défendu la spécificité de la TV, notamment l’écoute conjointe – cette pratique ancestrale de regarder ensemble le même écran (un concept oublié (à dessein?) du digital…) ;
Massi Mekla (xpln.ai) nous a plongés dans les arcanes de la mesure d’attention via eye-tracking et autres techniques de haute précision, qui vise à rendre compte de ce qui passe du côté du “récepteur” du message publicitaire ;
Marc Herbault (CTVision+ / Rakuten Adversitising) a insisté sur le besoin urgent de déduplication des contacts entre les canaux.
Un consensus, sinon rien
Le vrai sujet ? L’absence de consensus. Faute de standards partagés, ce sont les normes américaines qui s’imposent chaque jour davantage, sans tenir compte par exemple de la spécificité IPTV française. Et le risque, c’est de se retrouver à jouer dans un jeu dont on n’a pas écrit les règles.
Si l’écosystème français (et européen) veut exister, il doit créer sa propre grammaire de la mesure : partagée, auditable, reconnue. En bref : une alliance Médiamétrie + éditeurs + agences + adtechs.
Mais n’oublions pas que la mesure n’est pas une fin en soi. Comme le disait peut-être Peter Drucker (ou pas), ce qui compte n’est pas de tout quantifier, mais de ne pas perdre de vue ce que l’on cherche vraiment à accomplir : de l’attention, de la considération, et in fine, des achats...
Splittés 🖖 : WarnerBros.Discovery se scinde en deux entités: prod vs. édition
⏳ : 1 min 30 sec
La tectonique des plaques continue à Hollywood, mais cette fois, c’est Warner Bros. Discovery qui choisit l’amputation stratégique.
La multinationale aux multiples têtes (HBO, CNN, TNT, DC Studios…) annonce sa scission en deux entités distinctes :
d’un côté, les chaînes câblées historiques (CNN, TNT, Discovery, TCM…) ;
de l’autre, l’empire streaming et studios (HBO Max, Warner Bros. Motion Picture Group, DC Studios…).
Pourquoi maintenant ?
Parce que le mariage de la carpe et du lapin – comprendre, chaînes câblées sur le déclin et streaming en quête de croissance – n’a jamais vraiment pris. L’ambition initiale (se regrouper pour lutter à armes égales contre Netflix et consorts) s’est soldée par une perte de moitié de la valeur en Bourse depuis la fusion de Discovery et Time Warner il y a trois ans.
Chiffre clé : la société traîne un boulet de 37 milliards de dollars de dette.
Qui prend les commandes ?
David Zaslav (l’inusable boss) garde le navire du streaming et des studios ; Gunnar Wiedenfels, son CFO et roi du cost-killing, prend les rênes du câble. Accessoirement, il devra gérer l’essentiel de la dette – merci patron.
Un choix stratégique ou un constat d’échec ?
La scission est un virage à 180° : là où tout le monde prônait la consolidation (Disney-Fox, AT&T-Time Warner, Discovery-WarnerMedia…), la mode est désormais au “désenchevêtrement”. Comcast avait déjà séparé ses chaînes TV dans une structure à part (Versant). L’objectif affiché : donner de la “flexibilité stratégique” (comprendre : faciliter reventes, fusions et licenciements massifs).
Les gagnants ? Les actionnaires… et peut-être les futurs prédateurs.
Le cours de Bourse a bondi de 10% à l’annonce, signe que Wall Street préfère la chirurgie radicale aux demi-mesures. Les analystes, eux, voient déjà poindre la tentation d’un géant de la tech (Apple, Amazon ?) qui pourrait avaler le catalogue Warner sans s’encombrer du câble.
Les perdants ? Les salariés, les chaînes câblées et, soyons honnêtes, le mythe d’un empire média intégré.
Attendez-vous à une nouvelle vague de licenciements et à des ventes à la découpe. La fameuse “valeur actionnairiale” a parfois le goût amer de la casse sociale.
En résumé :
Warner Bros. Discovery se met au régime sec, découpe dans le gras, et se prépare à être (re)mangé ou, au minimum, à sauver ce qui peut l’être. “Too big to fail” ? Plus vraiment. Plutôt “trop gros pour ne pas exploser”.
Une pensée amicale pour les Eurosport bringuebaler dans ce maelström boursier américain.
Spotifié 🤝 : les majors de la musique négocieraient avec les IA génératives musicales
⏳ : 1 min 29 sec
Bienvenue dans la nouvelle ère du Far West musical : trois cow-boys – Universal, Warner et Sony – négocient, non pas un duel à l’ancienne, mais un pacte de non-agression (avec beaucoup de clauses) avec deux startups d’IA, Suno et Udio.
Leur objectif ? Poser les premières balises de la monétisation de la musique générée par IA, et surtout éviter un nouveau syndrome Napster, où cette fois la version générative remixe Taylor Swift sans demander aucune forme de permission.
L’enjeu : argent, attribution, et contrôle
Cash, attribution, participation : Les majors réclament la mise en place d’une technologie de “fingerprinting” façon Content ID de YouTube pour pister chaque note suspecte générée par IA. But de la manœuvre : savoir qui utilise quoi, et surtout, faire rentrer l’argent – chaque usage devant générer des royalties.
Mainmise sur les produits IA : Les labels veulent pouvoir peser dans le développement des produits de Suno et Udio. Pas question de voir sortir une appli qui transformerait “Bad Blood” de Taylor Swift en générique de jeu vidéo japonais sans leur accord.
Droit de retrait pour les artistes : Les labels, qui représentent des pointures comme Taylor Swift, Drake ou Ed Sheeran, exigent que chaque artiste puisse refuser certains usages de ses œuvres. Message implicite : l’IA, oui, mais pas touche à l’ADN artistique.
Pressions juridiques et réglementaires
Procès en série : L’industrie musicale n’a pas attendu l’IA pour dégainer l’arme fatale : la plainte. En juin dernier, la RIAA (syndicat des majors) attaquait déjà Suno et Udio pour violation de copyright. Les startups, elles, jurent qu’elles ne font que “créer du neuf” sans copier. Une querelle de voisins, mais à l’échelle du cloud.
Flou réglementaire total : Le licenciement de la directrice du Bureau du Copyright US, soupçonnée de pencher côté artistes, a ravivé les craintes d’un arbitrage pro-tech côté Maison Blanche.
Un accord, mais à quel prix ?
Stakes & damages : Toute licence à venir inclurait sûrement le règlement amiable du contentieux, avec à la clé le versement de “dommages” pour l’utilisation passée des catalogues. Bonus : comme pour Spotify à l’époque, les majors veulent aussi prendre des participations dans Suno et Udio – histoire de rester assis à la table.
Un précédent ? : L’accord, s’il est signé, risque de devenir la norme pour toute l’industrie créative face à l’IA.
Evidé 🗿 : Giacometti sculpte le vide au Musée Cantini à Marseille
⏳ : 1 min 12 sec
C’est un petit événement à Marseille : pour la première fois, l’œuvre d’Alberto Giacometti débarque au musée Cantini, dans une exposition coproduite avec la Fondation Giacometti. Au programme, tout le spectre de l’artiste suisse, entre plâtres et bronzes, dessins, estampes, peintures – bref, la totale, pour explorer son obsession centrale : le vide.
L’artiste du vide, ou comment sculpter l’absence
Giacometti, selon Sartre, est l’artiste qui “éprouve l’espace”. Comprendre : il ne se contente pas de modeler des figures, il tente de donner forme au manque, à l’isolement, à l’espace autour des êtres.
Chez lui, l’homme n’existe jamais sans son environnement, qu’il s’agisse de ces silhouettes filiformes solitaires ou de personnages surgissant d’un décor minimaliste. Le vide n’est pas un accident, c’est le matériau principal.
Un parcours en quatre temps (et un musée imaginaire)
L’expo commence par les formes pleines, synthétiques, de la fin des années 1920 : Le Couple (1926), Femme cuillère (1927)… On y sent l’influence du cubisme, des arts extra-occidentaux – Giacometti, déjà, s’ouvre au monde.






Place ensuite à la période surréaliste (années 1930), où le rêve s’invite dans la sculpture : Le Palais à 4 heures du matin (1932), Fleur en danger (1932), L’Objet invisible (1934-35) – alias “Mains tenant le vide”. On n’est plus dans le visible, mais dans la vision, la fantasmagorie, le subconscient.
Après-guerre, retour à l’humain – ou plutôt à son fantôme, longiligne et fragile. Giacometti joue des échelles et des distances dans des œuvres devenues iconiques : Toute petite figurine (1937-39), Femme au chariot (1943-45), Le Nez (1949), Grande Femme I (1960). L’homme est là, mais perdu dans l’immensité.
Clou du spectacle : une “salle des influences”, sorte de musée imaginaire où dessins, estampes et archives dialoguent avec des pièces africaines, océaniennes ou amérindiennes prêtées par les musées marseillais. Manière de rappeler que l’art du vide, chez Giacometti, est aussi un art du métissage et de la quête de sens.
« même la bureaucratie du troll s’automatise.» Quelle Phrase ! ✍️✍️✍️