Le Wrap Up de la semaine où Macron n'a toujours pas annoncé de référendum (semaine du 12 mai 2025)
😱 : l’IA et le Copyright - ⚔️ : les b'casters promeuvent la CTV - 🪙 : les pertes d'OpenAi? - 🥪 : l'influence marketing en France - 📸 : Richard Avedon et The American West (1974-80)
Au sommaire de cette semaine :
Fired 😱 : la responsable du Copyright US virée pour son approche critique de l’IA
Bataillée ⚔️ : les broadcasters veulent reprendre de la valeur avec la Connected TV
Sandwich 🥪 : les influenceurs toujours plus recherchés par les marques
Immortalisé 📸 : Richard Avedon fixe The American West pour l’éternité
⏳ Temps de lecture : 7 min 50 sec
La version audio de cette newsletter concoctée par NotebookLM est disponible ici (les voix sont moins expressives que d’habitude, peut être plus francisées dans le ton et l’amplitude) :
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Les lecteurs du Wrap Up sont conviés à une belle rencontre avec Antoine Monin, Managing Director Western Europe de Spotify, organisée par le Club Médias & Entertainment d'HEC Alumni, en partenariat avec les groupes médias d’ESCP Alumni et de l’ESSEC Alumni.
📅 Quand ? ce Mercredi, le 21 mai à 8h30.
𝐀𝐮 𝐩𝐫𝐨𝐠𝐫𝐚𝐦𝐦𝐞 : stratégie de Spotify en France, nouveaux formats audio, soutien aux créateurs, mais aussi IA et transformation du streaming.
Fired 😱 : la responsable du Copyright US virée pour son approche critique de l’IA
⏳ : 1 min 27 sec
Vendredi dernier, le U.S. Copyright Office a publié un rapport de 108 pages à la fois nuancé et courageux sur un sujet explosif : l'utilisation d'œuvres protégées pour entraîner des modèles d'intelligence artificielle.
Dès le lendemain, la cheffe de l’institution, Shira Perlmutter, était limogée par l’administration Trump. Coïncidence ? Peu de personne le croit.
Depuis les débuts de ChatGPT, une question divise : peut-on aspirer tout le web — textes, vidéos, musiques, images — pour entraîner des IA sans autorisation ni compensation ?
Les créateurs, les médias crient au pillage.
Les géants tech, eux, évoquent le “fair use” : leurs IA « apprennent », disent-ils, comme des étudiants. Sam Altman avait simplement dit que l’IA ne pouvait pas exister si les LLMs respectaient le droit d’auteur, n’hésitant pas à en faire un enjeu stratégique de la guerre entre les Etats-Unis et la Chine
"If China’s developers have unfettered access to data and American companies are left without fair use access, the race for AI is effectively over," the company wrote in its policy proposal. "America loses, as does the success of democratic AI."
Le rapport du US Copyright Office tranche : tout dépend du contexte, mais l’entraînement massif de modèles commerciaux concurrents des œuvres originales franchit clairement les limites.
Ce que dit le rapport :
Oui à un usage transformateur (si l'IA crée quelque chose de fondamentalement nouveau) ;
Non au siphonnage intégral de contenus pour des fins commerciales sans autorisation;
Le gouvernement devrait favoriser un marché des contenus sous licence pour l'entraînement des IA.
Ce rapport, trop équilibré au goût de certains, semble avoir signé la fin de mission de Perlmutter. Son éviction a déclenché un tollé politique.
Les démocrates dénoncent une prise de pouvoir illégale. Chuck Schumer et Adam Schiff rappellent que ce poste est protégé du pouvoir exécutif par le Congrès lui-même. Joe Morelle accuse Trump de vouloir « imposer un blanc-seing aux ambitions d’Elon Musk ».
Aujourd’hui, ChatGPT permet de transformer n’importe quelle photo en personnage des Simpsons, de Ghibli ou de Sesame Street. Aucun créateur de ces univers n’a son mot à dire. Ni droit de regard, ni rémunération.
Ce rapport était un rare moment de lucidité dans un monde où l’IA fonce tête baissée. Dommage que sa publication ait entraîné l’inverse de ce qu’elle prônait : un dialogue apaisé.
Bataillée ⚔️ : les broadcasters veulent reprendre de la valeur avec la Connected TV
⏳ : 1 min 51 sec
Dans un écosystème vidéo de plus en plus fragmenté, un terme tente de difficilement s’imposer : la BVOD (Broadcast Video on Demand) – autrement dit les plateformes de streaming des chaînes historiques comme TF1+, France.tv ou M6+.
Open Garden de Nicolas JAIMES décrit dans un article cette semaine de montrer comment la BVOD tente de trouver sa place entre la puissance de la TV linéaire (en direct), l’omniprésence de YouTube et la montée en gamme des streamers comme Netflix, Disney+, ou Amazon.
Avec 35,8 M de visiteurs mensuels pour France.TV, 34,4 M pour TF1+ et 28,7 M pour M6+, les plateformes de replay nouvelle génération peuvent revendiquer un reach significatif.
TF1+ parle même de 4 M de visiteurs quotidiens, un score solide, même s’il reste inférieur à la puissance instantanée d’un bon prime time télé. Certaines émissions, comme Koh Lanta ou Top Chef, font désormais jusqu’à 50% de leur audience en streaming.
Mais la bataille se joue sur un écran en particulier : la TV connectée (CTV).
Là, TF1+ se targue de capter 70% de sa consommation contre 30% pour YouTube. En raisonnant en nombre de devices, TF1+ devancerait même YouTube : 24 M vs. 15 M par mois. Un rapport de force qui n’était pas gagné.
Côté monétisation, les CPM en Bvod oscillent entre 7 et 20 €, bien moins que les 20 à 30 € facturés par les SVOD, ce qui en ferait au choix des discours, un produit très compétitif, ou une perte de valeur importante pour les diffuseurs nationaux.
Reste une dernière difficulté centrale : comment maximiser cet inventaire publicitaire déjà significativement plus cher que le linéaire, alors que ce dernier est plein.
La réponse tient en partie dans l’intégration systématique de l’offre Bvod dans les accords annuels avec les annonceurs, quitte à pratiquer des décotes significatives.
Pour illustrer : un GRP sur les 35-49 ans vaut 4 à 5 € en linéaire contre 15 € en streaming.
Résultat : une régie accepterait de brader ses CPM à 8-10 €, au risque d’ancrer cette valeur trop bas. Et de rééditer, selon certains, les erreurs tarifaires post-crise des subprimes qui ont durablement dévalorisé la TV linéaire français1
Autre défi : ne pas réduire la Bvod à un média de masse "socio-démo", là où YouTube brille sur les arguments d’augmenter la couverture d’une campagne (par les petits consommateurs TV) ou le ciblage affinitaire (adéquation enter les programmes et les pubs).
Côté data justement, les broadcasters avancent : accords avec des distributeurs alimentaires comme Unlimitail, partenariats avec Prisma, Webedia ou Reworld, voire mesures plus précisses d’impact sur les ventes des campagnes de publicité. Un moyen de remonter les CPM.
Quant à l’open auction – la vente programmatique ouverte – elle reste encore marginale. Trop risquée pour les chaînes qui s’échinent à promouvoir une image premium.
En somme : la Bvod avance sur une ligne de crête. Elle veut à la fois capitaliser sur la puissance de la télé, sans s’en faire cannibaliser, tout en se distinguant de la jungle digitale... mais sans perdre trop de terrain face à elle.
Impécunieuse 🪙 : OpenAI gagnera-t’elle jamais de l’argent ?
⏳ : 1 min 40 sec
Depuis novembre 2022, être Sam Altman est devenu l’un des PDG les plus en vues du monde depuis Steve Jobs, en y rajoutant les cases Davos + Coachella.
Patron d’OpenAI, il incarne l’IA qui fascine et effraie, côtoie Donald Trump en Arabie Saoudite comme Katy Perry à San Francisco, et rêve de faire d’OpenAI la startup la plus valorisée au monde (un petit 300 Md$ à ce jour). À ses côtés, à la cave, Sarah Friar, la CFO, rame à contre-courant.
Car si séduire les investisseurs semble (encore) facile — SoftBank a confirmé son investissement de 30 Md$ malgré la gouvernance kafkaïenne d’OpenAI (le non-profit reste aux manettes du for-profit) —, faire tourner un modèle économique dans l’IA générative relève du cauchemar logistique (malgré on imagine de nombreux prompts en ce sens!).
OpenAI a beau avoir triplé ses revenus en 2024 à 3,7 Md$, elle aurait perdu 5 Md$ la même année. Et ce n’est pas fini : en 2025, le chiffre d’affaires visé est de 13 Md$, mais avec 6 Md$ de coûts... rien que pour faire tourner les modèles.
Pourquoi ? Parce que l’innovation y est permanente et destructrice. Là où TikTok (ByteDance) ou SpaceX ont construit des business modèles stables autour d’un produit central, OpenAI est constamment en train de s’auto-dépasser — et de saboter ses prix.
Le modèle GPT-4 avait un ratio coût d’entraînement/coût d’exploitation de 1 pour 4 ; le dernier modèle o3, bien plus puissant en raisonnement, explose les compteurs avec un ratio estimé à 1 pour 100. Traduction : plus le modèle est “intelligent”, plus il coûte cher à chaque requête (je ne parle même pas de l’empreinte écologique, au sujet de laquelle nous nous fourrons la tête dans le sable).
Et les concurrents ne se privent pas : DeepSeek, startup chinoise, a sorti un modèle presque aussi performant qu’OpenAI, mais plus sobre et... open source. Une gifle pour une entreprise dont l’avantage compétitif reposait sur la puissance de feu (Microsoft en l’occurrence, dont l’accord est en train d’être détricotté).
Le casse-tête s’intensifie : comment fixer un prix, prévoir des coûts ou fidéliser un client quand tout change tous les six mois ?
L’abonnement fixe devient obsolète, les versions “light” moins attrayantes, et chaque nouveau modèle redistribue les cartes. L’hypothèse de 125 Md$ de revenus et 12 Md$ de cashflow en 2029 ? Une devinette, pas un business plan.
Bref, OpenAI ne manque ni d’ambition, ni de capitaux. Mais faire de l’argent — du vrai, durable — dans un monde où l’innovation s’accélère plus vite que l’équilibre financier... c’est une autre histoire. Quant à Sarah Friar, elle a peut-être, elle aussi, “le job le plus important de l’Histoire” — mais sans les paillettes.
Sandwich 🥪 : les influenceurs toujours plus recherchés par les marques
⏳ : 1 min 19 sec
C’est un chiffre qui fera date dans les plans médias 2024 : 519 M€.
C’est désormais ce que pèse le marketing d’influence en France, selon une étude conjointe de l’ARPP et France Pub.
Plus que les annuaires, pas encore au niveau de la radio, mais déjà une ligne budgétaire à part entière dans tous les plans marketing des marques grande conso.
Et surtout, le segment à la plus forte croissance de tout le marché pub (+42,4 % en deux ans, +12,8 % en un an).
Derrière ce chiffre, une réalité double :
la stabilisation du nombre d’annonceurs (2 000 grandes marques nationales et 31 000 acteurs locaux)
et l’augmentation des enveloppes budgétaires.
Même si 90 % des annonceurs nationaux y consacrent encore moins de 50 000 €, les volumes sont croissants.
Evidemment, la tendance est mondiale : chez Unilever, le nouveau CEO Fernando Fernandez veut désormais consacrer 50% de ses dépenses pub à l’influence et multiplier par 20 les collaborations.
Mais cette montée en puissance ne s’est pas faite sans effort.
Fini le Far West des débuts : depuis la loi influenceurs de 2023 et la création d’un certificat ARPP (déjà 2 100 délivrés), l’écosystème se professionnalise.
Loin des « influvoleurs » dénoncés par Booba, le secteur aspire désormais à une vraie "brand safety", condition sine qua non pour convaincre les marques encore frileuses.
Autre signe de maturité : 68% des annonceurs passent aujourd’hui par une agence ou un intermédiaire pour leurs campagnes, contre 37% en 2022. De quoi structurer la filière et rassurer sur la qualité des partenariats.
Reste une spécificité bien française : la monétisation inégale. Chez les annonceurs locaux, les influenceurs (surtout les "nano" à moins de 10 000 abonnés) sont encore souvent payés en produits, événements ou visibilité, plutôt qu’en argent sonnant et trébuchant. Le reflet d’un marché encore jeune, hybride, où cohabitent influence de masse et microciblage artisanal.
L’influence n’est plus un gadget mais un pilier stratégique, toujours en construction mais désormais légitime (car aussi sacrément prescripteur!). L’ère des Léna Situations, Tibo InShape et consorts est bien là. Et visiblement, elle coûte de plus en plus cher.
Immortalisé 📸 : Richard Avedon fixe The American West pour l’éternité
⏳ : 1 min 33 sec
À rebours des cow-boys glorifiés par Hollywood ou des couvertures en papier glacé de Harper’s Bazaar auxquelles il a largement contribué, le photographe Richard Avedon a capturé l’Ouest américain sans ses oripeaux mythologiques, mais dans sa vérité nue.
Mineurs burinés, bouviers solitaires, forains fatigués, jeunes marginaux : ce sont les visages et non les paysages qui composent In the American West, série devenue culte, que la Fondation Henri Cartier-Bresson expose pour la première fois en intégralité en Europe (110 clichés), jusqu’au 12 octobre.
Commandée par l’Amon Carter Museum of American Art (Texas), cette odyssée photographique s’est déroulée chaque printemps et été entre 1979 et 1984 : 1 000 personnes croisées, 103 portraits retenus, tous réalisés en lumière naturelle, sur fond blanc, au format monumental, grâce au studio portatif d’Avedon. Une esthétique radicale qui dépouille les sujets de tout artifice et fait surgir une humanité brute, frontale, émouvante.

Avedon ne documente pas : il interprète l’Amérique. Loin des figures héroïques ou caricaturales, il révèle les creux, les failles, les cicatrices d’une nation. C’est un contre-récit visuel qui secoue les certitudes : un Américain ne porte pas toujours un stetson, et il ne sourit pas forcément.
L’exposition présentée à Paris ne se contente pas d’aligner les images du livre original de 1985 (réédité à l’occasion par Abrams). Elle dévoile aussi les coulisses du projet : polaroids de repérage, tirages d’essai annotés par Avedon lui-même, lettres échangées avec les modèles… L’ensemble éclaire autant l’artiste que son œuvre.





En filigrane, on y sent l’ambition de montrer comment cette série, longtemps perçue comme un virage dans la carrière d’Avedon, est aussi un tournant dans l’histoire du portrait photographique : celui d’un regard qui ne cherche pas à séduire, mais à comprendre dans une Amérique qui doutait et qui voulait renouer avec le MAGA de tous les présidents républicains (Avedon tenait à son geste politique).
Une remarque en passant : à l’heure de l’IA générative, où il est permis de s’intéresser au geste artistique qu’il reste “aux vrais artistes”, la remarque est souvent faite que l’apparition de la photo a souvent reçu les mêmes quolibets à l’endroit des artistes picturaux en disant que le jeu était plié, qu’il ne leur restait plus rien. Même si on peut avoir des doutes sur la place des artistes dans notre nouvel environnement, Avedon marque indéniablement la force de l’art photographique.
Si vous n’en avez pas assez, trois articles notables de cette semaine :
les recettes de cuisine d’OpenAI sur l’art du prompt du GPT4.1
La place croissante du don dans les business models de la presse repérée par l’INA
Le demi milliard d’euros de recettes des salles Indoor (Le Monde)
Au moment de la crise des subprimes et de la montée en puissance des chaînes TNT aux programmes peu coûteux, avait provoqué un choc déflationniste (sous forme de guerre commerciale) des principales chaînes de TV dont elles avaient eu du mal à se remettre.