Le Wrap Up de la semaine de la reprise du dialogue Iran-US (semaine du 14 avril 2025)
😇😈 Meta sur le grill - 🧒 : Nickolodéon se lance sur Youtube - 💡 : OpenAI veut un device et un réseau social - 🤑 : les médias sociaux veulent monétiser - 👩🎨 : Artemisia héroïne de l'art
Au sommaire de cette semaine :
Effrontée 🧒 : Nickolodéon lance sa nouvelle série jeunesse sur Youtube
Socio-économique 🤑 : comment les médias veulent monétiser leurs réseaux sociaux
⏳ Temps de lecture : 9 min 37 sec
Si vous préférez tester la version audio de cette newsletter, essayez le rendu de la moulinette Google NotebookLM (cette semaine en 🇺🇸), malgré mes prompts forçant le français, ca ne semble plus exactement fonctionner comme avant :
😇😈 Purgatorial : Meta sur le grill juridico-politique
⏳ : 3 min 9 sec
La semaine fut rude pour Mark Zuckerberg, pris en sandwich entre les pinces de la Federal Trade Commission d’un côté, et le grill incandescent du Congrès de l’autre. Dans le rôle du bon flic, The Economist le défend avec fougue dans un procès antitrust à haute tension. Dans celui du méchant flic, une whistleblower témoigne devant les élus américains dans un récit digne d’une dystopie algorithmique. Résumé d’une affaire où l’on ne sait plus très bien l’oeuvre de Dieu et la part du Diable.
Chapitre 1 : « Laissez les riches gagner »
Dans sa livraison du 15 avril, The Economist nous offre un plaidoyer ciselé en faveur de Meta. Pour le vénérable hebdomadaire pourtant libéral, ce procès antitrust — qui vise à casser le triptyque Facebook-Instagram-WhatsApp — tient plus de l’acharnement idéologique que de la justice économique.
Le marché des réseaux sociaux ? Plus vivant que jamais, juge le journal : TikTok cartonne, YouTube règne, et les jeunes ont déserté Facebook depuis la première élection de Macron (2017). Bref, aucune position dominante à l’horizon.
Competition has intensified in other ways, too. Thanks partly to TikTok’s innovation, social apps now revolve around video. That has pitched Meta into competition with giants such as YouTube, whose “Shorts” feature mimics the TikTok-like vertical clips that also play on Facebook and Instagram. Moreover, once-distinct media markets are converging. Spotify, originally a music service, is pushing into video; Roblox, a gaming platform, acts as a social network for many teenagers. As competition spreads across previously separate categories, the FTC’s narrow market definition looks ever sillier.
Pire encore, remettre en cause aujourd’hui des acquisitions validées il y a dix ans reviendrait à saper la confiance des investisseurs et punir ceux qui ont su innover (ou racheter les innovateurs, légère nuance).
By one estimate nearly half of all mobile screen time worldwide is spent browsing social media (and about a quarter of all waking hours are spent on phones).
Meta n’a pas tué la concurrence, il l’a absorbée. Et si cela vous dérange, peut-être n’aimez-vous tout simplement pas le capitalisme — insinue en creux l’éditeur londonien qu’on a connu plus regardant sur l’atomicité de la concurrence pure et parfaite…
Chapitre 2 : « Témoin à charge »
À la même heure ou presque, relaté dans l’excellent livraison de Future Media, une ex-cadre de Meta, Sarah Wynn-Williams, autrice du livre Careless People1 balance TOUT devant la Sous-Commission :
Meta secretly helped China advance AI, enabled DeepSeek, embed AI in weapons, and undermine rivals costing Nvidia and OpenAI billions.
Meta put teams to work to create tools - called Phase 0 - that censored and spied on China’s political enemies and then lied under oath about it to Congress.2
Execs joked about never allowing their kids to use Meta’s tools because they knew how dreadfully damaging and awful they were.
And Zuck personally ordered execs to “dominate, crush” the news industry, while sucking up journalist’s work to train AIs to foment rage for engagement and ads.
Pendant deux heures de déposition, elle décrit une entreprise guidée non par la mission, mais par les profits au détriment des effets sur le public.
Des documents internes montrent que Meta savait pertinemment que ses produits nuisaient aux adolescents. Des ingénieurs ont prévenu. Des chercheurs ont tiré la sonnette d’alarme. Mais la croissance est une déesse vorace, et les avertissements ont fini au placard. Le témoignage est glaçant.
D’ailleurs, les Sénateurs envisagent plusieurs actions pour remédier à ces dérives inquiétantes :
Les sénateurs venaient pour qu'il réponde aux allégations de «comportement potentiellement illégal» pour favoriser un adversaire militaire;
Les sénateurs ont promis de mettre fin à l’exemption de la section 230 qui a fourni à Meta et d'autres géants de la technologie avec une protection contre les poursuites pour le contenu qu'ils publient (la règle de l’hébergement pour les disculper de la responsabilité des contenus publiés sur les plates-formes);
Ils ont dit qu'ils relanceraient la loi sur la sécurité en ligne des enfants (loi KOSA) qui avait échoué à trouver une majorité sénatoriale, sous un lobbying particulièrement intense de Meta de plusieurs millions de dollars;
Créer de nouvelles mesures de protection des whistleblowers, spécifiquement autour des implications de la sécurité nationale et de la course aux armements de l'IA.
Devant l’ampleur des accusions, il n’est pas besoin de chercher de la "concurrence" pour responsabiliser les agissements d’une des plus grosses capitalisations mondiales.
Chapitre 3 : une entreprise, deux procès
Ce qui frappe dans cette confrontation, c’est que les deux récits parlent de Meta, mais pas de la même entreprise. The Economist nous décrit un champion économique, attaqué pour avoir été trop bon (passant sous silence les pratiques anti-concurrentielles dans le domaine publicitaire!). Ricky Sutton nous montre une machine cynique, construite pour capter l’attention comme d’autres capturent du carbone : sans vergogne.
Et peut-être que les deux ont raison. Meta est à la fois la quintessence de l’entrepreneur américain et le laboratoire du pire de la techno-société.
Un procès pour monopole, un procès pour morale — avec pour point commun une entreprise devenue trop grosse pour que son impact sur la société soit ignoré.
Effrontée 🧒 : Nickolodéon lance sa nouvelle série jeunesse sur Youtube
⏳ : 1 min 19 sec
Dans un geste aussi stratégique qu’inédit, Nickelodeon — vénérable institution de la télé pour enfants aux US — vient de lancer sa nouvelle série animée Kid Cowboy non pas sur ses chaînes traditionnelles ni même sur Paramount+, mais sur… YouTube.
Oui, ce YouTube-là, devenu cour de récré mondiale, où les 4-18 ans passent en moyenne 70 minutes par jour, selon Qustodio.
Pourquoi ce virage ?
Parce que tout se passe désormais sur YouTube. À l’exception notable de Bluey, toutes les nouvelles franchises pour enfants à succès y sont nées. Nickelodeon ne fait donc plus semblant d’ignorer la plateforme : Kid Cowboy est le premier show original d’une chaîne linéaire à être diffusé en exclusivité sur YouTube dès le départ. Une première dans l’industrie.
La série, qui compte 10 épisodes de 13 minutes, cumule déjà environ 200 000 vues par épisode — bien loin des 1,4 million de vues pour un épisode de Paw Patrol mis en ligne récemment, mais suffisant pour tester un modèle hybride.
Car l’ambition de Nickelodeon, selon Ashley Kaplan, la directrice en charge du projet, n’est pas de se contenter d’un « gros channel YouTube » : Kid Cowboy est pensé comme un tremplin vers une franchise multi-plateformes. Film, merchandising, diffusion TV… 3.
Un détail révélateur : Nickelodeon perd actuellement de l’argent avec Kid Cowboy. Mais Kaplan assume l’investissement comme une phase R&D, YouTube devenant à la fois outil marketing et laboratoire d’expérimentation. L’équipe s’appuie aussi sur des vétérans de Fullscreen et AwesomenessTV, aguerris à l’écosystème des créateurs digitaux pour maximiser la portée du projet.
Quant au créateur du show, il voit dans cette diffusion directe une opportunité de se passer de l’approbation infernale des studios de production d’Hollywood. Son conseil à ses pairs ? Adapter ses contenus aux codes de la plateforme, plutôt que d’attendre indéfiniment qu’un diffuseur se décide.
Nickelodeon tente ici un pari audacieux : réinventer la machine à hits à l’ère post-câble. Et si Kaplan voit juste, le prochain Paw Patrol ne sera plus une série télé adaptée au web… mais une pépite YouTube montée en gamme.
Inspiré 💡: OpenAI veut un device et un réseau social
⏳ : 1 min 49 sec
Dans la guerre des IA, ce ne sont pas (seulement) les modèles qui comptent. Ce sont les u-ti-li-sa-teurs.
Et sur ce front, OpenAI accuse, assez logiquement, un certain retard. Pour combler l’écart, la licorne californienne a révélé cette semaine deux initiatives directement inspirés du playbook des big techs les plus couronnés de succès : Apple et Meta (ou X/Twitter).
Au premier, il emprunte l’approche hardware avec un device en préparation, designé par les anciens d’Apple (le légendaire Jony Ives).
Au second, OpenAI a fait savoir qu’il travaillait sur “Yeet”, un réseau social dans l’ombre de X.
Le hardware, version “Made with Love From California”
Selon TechCrunch, OpenAI envisagerait ainsi de racheter la société io Products, la jeune pousse cofondée par Jony Ive, l’homme qui a dessiné l’iPhone.
L’idée ? Créer un objet IA à la croisée du smartphone et de l’assistant personnel. Dans l’ombre de ce projet : un micro-studio de rêve, composé d’anciens d’Apple et des financements venus de l’Emerson Collective de Laurene Powell Jobs (la veuve de Steve Jobs). Montant estimé de l’opération si elle aboutit : 500 M$.
L’enjeu, lui, dépasse largement ce chiffre. Malgré quelques tentatives qui ont fait long feu (qui se souvient des déjà obsolètes Humane AI Pin et Rabbit R1), il s’agit ici d’incarner ChatGPT dans un objet, comme Apple a incarné iOS dans l’iPhone. Contrôler l’interface. Posséder le point d’entrée.
Le réseau social, version ChatGPT
Parallèlement, OpenAI envisagerait de lancer un réseau social centré autour de ChatGPT, pour créer un social graph, des interactions de création de contenus et d’usages viraux. C’est vrai : quitte à inonder les réseaux sociaux de contenus générés par IA, autant raccourcir la boucle et devenir soi-même un réseau.
The Verge parle d’une alternative potentielle à X, structurée autour de threads, de bots, et de conversations dopées à l’IA.
Pourquoi ce virage social ? Parce qu’Elon Musk a déjà Grok intégré nativement à X/Twitter, que Meta pousse Meta AI (alias Llama 3.2) dans les interfaces d’Instagram, WhatsApp et Facebook (littéralement dans toutes les barres de recherche) et que Google s’apprête à infuser Gemini dans chaque pixel d’Android, Chrome et Gmail — avec pour ce dernier, le risque de voir surgir un nouveau procès pour abus de position dominante.
OpenAI sur mobile, en comparaison, a une app ChatGPT… que l’utilisateur doit aller chercher. Tout est dit.
C’est donc bien là que tout se joue. Le marché ne sera pas conquis par les seuls benchmarks, les tokens générés ou les levées de financement records : il sera gagné par ceux qui réduisent la friction d’usage à zéro.
Meta impose son IA dans les apps sociales. Google a l’OS. Musk a la plateforme. OpenAI, lui, veut un device et une couche sociale.
Autrement dit : l’objet et le réseau. Deux batailles, une seule guerre — celle de la présence quotidienne dans nos vies. Et pour Sam Altman, il est temps d'accélérer.
Socio-économique 🤑 : comment les médias veulent monétiser leurs réseaux sociaux
⏳ : 1 min 21 sec
Face à la stagnation, voire à la baisse des revenus publicitaires traditionnels, les éditeurs d'information se tournent vers leurs communautés sur les réseaux sociaux pour explorer de nouveaux leviers de monétisation. Cette stratégie qui visait à toucher de jeunes audiences peine encore trop souvent à convertir avec de la monétisation sur les supports propriétaires des médias.
Une stratégie en mutation
Des groupes comme Le Figaro, 366, Reworld Media, Lagardère News et M6 adaptent leurs offres publicitaires pour intégrer des formats éditoriaux sur des plateformes telles qu'Instagram, Facebook et TikTok.
L'objectif est de capter les budgets de "paid social" des marques, en proposant des contenus adaptés aux spécificités de chaque réseau.
L'importance de la mesure
L'ACPM lance un baromètre pour mesurer l'influence des marques médias sur neuf plateformes sociales, dont Facebook, Instagram, TikTok et YouTube. Cette initiative vise à fournir des indicateurs fiables pour valoriser les offres sociales des éditeurs auprès des annonceurs, qu’ils pourraient eux-mêmes commercialiser comme “preferred partners” de ces plates-formes.
Vers une industrialisation des offres
Pour répondre aux attentes des annonceurs, les éditeurs cherchent à industrialiser leurs offres sociales et ajouter des briques de service : cela passe par la création de studios de production, comme celui de 366, et par des partenariats avec des technologies publicitaires, à l'image de Mediads et Brands To Medias (TF1). L'objectif est de proposer des campagnes sociales multi-locales et de toucher une large gamme d'annonceurs, y compris les plus petits traditionnellement qui ne se tournent pas vers ces supports réservés aux marques puissantes.
Des défis à relever
Malgré ces initiatives, des défis subsistent : tous les éditeurs ne disposent pas de communautés sociales de taille équivalente, et la structuration des offres varie d'un groupe à l'autre.
De plus, la dépendance aux plateformes sociales pose la question de la pérennité de ces stratégies. Sans compter, la concurrence qu’opposent souvent les régies des plates-formes elles-mêmes qui peuvent créer des bundles “presse” ou “médias” touchant les mêmes CSPs.
En somme, la monétisation des communautés sociales représente une opportunité pour les éditeurs d'information, mais elle nécessite une adaptation continue et une collaboration étroite avec les acteurs technologiques et publicitaires.
Vue 👩🎨 : Artemisia Gentileschi à Jacquemart-André
⏳ : 1 min 28 sec
De toutes les façons, ça n’est pas très compliqué (vous commencez à me cerner), il suffit d’être un épigone du Caravage pour m’enchanter : Artemisia Gentileschi est de ceux-là (après il y a quelques semaines Ribera au Petit Palais).
Côté biographie remarquable : elle n’a pas seulement été l’une des premières femmes à vivre de sa peinture (d’autres contemporaines peignaient mais n’en vivaient pas) — elle a surtout peint de façon engagée : contre le silence, l’oubli et l’injustice.
Le musée Jacquemart-André lui rend hommage à travers une exposition de près de 40 œuvres, dont certaines rarement vues à Paris, offrant une plongée saisissante dans le clair-obscur de l’âme féminine au XVIIe siècle.
Fille du peintre Orazio Gentileschi, ami du Caravage, Artemisia apprend tôt à manier le pinceau et l’ombre. À 17 ans seulement, elle signe Suzanne et les vieillards, toile de grand format qui préfigure déjà son génie.
Mais c’est en 1611, sa vie connaît un drame : victime d’un viol par le peintre Agostino Tassi, elle subit un procès douloureux — y compris une torture censée "vérifier" la véracité de son témoignage. Le coupable est condamné... mais proche dans les petits papiers du Pape, il ne sera jamais puni.
Artemisia, elle, se relève, quitte Rome et s’impose à Florence, puis dans toute l’Europe.
Première femme admise à l’Académie du dessin de Florence, soutenue par les Médicis, elle peint le plafond de la Casa Buonarroti (en hommage à Michel-Ange, de son vrai nom Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni) et reçoit des commandes royales.




Son style, empreint de la tension caravagesque, se distingue par des cadrages dramatiques, un naturalisme sans détour et une lumière tranchante. Dans Judith décapitant Holopherne, elle va jusqu’à incarner elle-même la tueuse de tyran, prêtant les traits de son agresseur à la victime : une vengeance picturale d’une puissance rare.
Artemisia ne peint pas des femmes idéalisées : elle peint des “femmes puissantes” (Léa Salamé) : Cléopâtre, Esther, Yaël... toutes luttent, pensent, agissent.
Corps sensuels mais regards armés.
Pourquoi faut-il courir voir cette exposition ? Parce qu’elle est l’une des rares rétrospectives d’une femme artiste du XVIIe siècle. Parce qu’Artemisia ne se contente pas d’imiter les maîtres : elle les égale, parfois les dépasse, n’hésitant à se saisir des sujets nobles : les tableaux historiques, les récits de la Bible.
Un événement muséal... et un manifeste féministe avant l’heure.
“When Beijing demanded Facebook delete the account of a Chinese dissident living on American soil, they did it - then lied to Congress.
Et nous qui pensions qu’ils voulaient juste divertir nos chères têtes blondes.