Le Wrap Up de la semaine des manifestations turques pour Ekrem İmamoğlu (semaine du 24 mars 2025)
🤔 : de nouvelles interdictions pub en France - 🇺🇸 : Perplexity se penche sur Tiktok US - 💇 : le live soutenu par le marché noir - 👩🎨 : le dernier Comptoir IA - 🎭 : Bénérice au Français
Le 19 mars, Ekrem İmamoğlu, maire d’Istanbul et principal opposant au président Recep Tayyip Erdoğan, a été arrêté. Depuis, la Turquie est secouée par des manifestations massives. Plus de 1 400 manifestants ont été interpellés, dont sept journalistes et un photographe de l’AFP. Les autorités qualifient les protestataires de « provocateurs », tandis que la répression s’intensifie.
Au sommaire de cette semaine du Wrap Up :
Suspicieux 🤔 : vers de nouvelles interdictions publicitaires ?
Américanisée 🇺🇸 : l’IA Perplexity a des idées pour Tiktok US
⏳ Temps de lecture : 7 min 58 sec
Si vous préférez tester la version audio de cette newsletter, essayez le rendu de la moulinette Google NotebookLM (cette semaine en 🇫🇷), le résumé est de plus en plus vivant :
Suspicieux 🤔 : vers de nouvelles interdictions publicitaires ?
⏳ : 1 min 35 sec
C’est un document que le gouvernement aurait préféré garder sous le tapis et que rélève l’Informé la semaine dernière.
Commandé en catimini par le gouvernement Attal en fin de mandat, un rapport confidentiel, rédigé par des Inspecteurs des Finances, de la Culture et du Développement Durable, tire à boulets rouges sur le système actuel de régulation de la publicité, jugé totalement inadapté à l’urgence écologique.
Le constat est accablant : sur les 34 Md€ investis chaque année dans la pub en France, près d’un quart finance la promotion de produits notoirement contraires à une consommation durable — en tête : les SUV et la restauration rapide.
La régulation actuelle, portée par l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), repose sur un système d’autorégulation “désuet” aux dires du rapport, limité à des acteurs volontaires et centré quasi exclusivement sur la pub TV avant diffusion.
Une ONG, partie prenante jusqu’en 2020, aurait quitté l’ARPP en dénonçant son inefficacité (information que je n’ai pas réussi à recouper).
Les auteurs du rapport proposent, toujours selon l’Informé, une révolution : la création d’une “loi Evin de l’environnement"1, vers une interdiction pure et simple de certains types de publicité (avions, courts séjours, véhicules très polluants), plafonnement de la publicité en ligne — qui concentre aujourd’hui 10 Md€ des investissements, soit un tiers du marché, capté par les GAFAM — et contrôle renforcé par l’Arcom, qui aurait un pouvoir de sanction et d’évaluation sur l’ARPP.
Cette dernière semble aussi directement mise en cause : “gouvernance verrouillée”, présidences à vie (19 ans pour le Conseil d’Éthique Publicitaire, 17 ans pour le Conseil Paritaire), déséquilibre de la répartition des sièges (27 pour les publicitaires, 3 pour les associations), et une efficacité laissant à désirer : 230 interventions de l’ARPP en 2023, contre 25 000 pour son homologue britannique (ASA).
Le rapport appelle aussi à une action européenne avec la révision des textes européens (directive e-commerce, DSA, SMA), aujourd’hui, selon les rédacteurs du rapport, incompatibles avec une véritable régulation verte.
Le principe du pays d’origine empêche par exemple la France de limiter les pubs venues de plateformes basées à l’étranger, comme le très décrié Shein, premier annonceur mondial sur Meta. Résultat : x10 pour les budgets de pub en ligne pour la mode entre 2013 et 2023.
Mais le hic selon L’Informé : malgré l’ampleur des propositions, le rapport aurait été enterré. Le nouveau gouvernement Bayrou ne l’a pas repris, et le Conseil de la Planification Écologique du 28 mars ne l’abordera pas. Officiellement, on parlera de souveraineté.
Américanisée 🇺🇸 : l’IA Perplexity a des idées pour Tiktok US
⏳ : 1 min 40 sec
Et si TikTok devenait enfin une plateforme utile et fiable ? C’est le pari que formule Perplexity, la start-up IA fondée en 2022, bien décidée à transformer le géant chinois de la vidéo en une bête de transparence et de connaissances, façon Wikipédia dopé au GPU2.
Pour rappel, le Président Trump a donné un sursis à la décision de fermer Tiktok aux US de 90 jours, le temps de trouver un repreneur et que le projet se conforme aux desiderata de la loi passée au Congrès.
Le pitch de Perplexity : la société propose de reconstruire TikTok from scratch, sur le sol américain, avec des algorithmes ouverts, une gouvernance transparente et… une couche d’IA maison pour y injecter du sens et de la confiance.
Refonte de “For You”
Premier chantier : l’algorithme "For You", aujourd’hui opaque comme une réunion du Politburo russe. Perplexity veut le rendre open source.
Objectif : se libérer des “manipulations des gouvernements étrangers et des monopoles globalistes” (sic). Ce nouveau TikTok tournerait dans des data centers américains, avec des standards de confidentialité conformes au “droit local”. Exit donc les soupçons d’espionnage par le PCC ou la mainmise d’un Musk sur ce réseau social qu’il ne maîtrise pas encore.
Infra IA pour booster les résultats
Ensuite, Perplexity compte injecter son infrastructure IA de “classe mondiale”, propulsée par Nvidia Dynamo (qui a cité Perplexity comme “partenaire de préférence” lors de sa dernière keynote). Résultat : des recommandations 100 fois plus rapides et pertinentes. TikTok, version turbo.
Un Google de la vidéo boosté à l’IA
Mais la vraie originalité est ailleurs : Perplexity veut faire de TikTok un moteur de recherche vidéo augmenté. Chaque vidéo serait enrichie de citations (comme dans leurs réponses actuelles), de notes communautaires, et même de traductions automatiques pour élargir la portée des créateurs.
En somme, un TikTok qui pense, cite ses sources, et parle toutes les langues.
Cerise sur le gâteau : la fusion avec Perplexity permettrait une personnalisation croisée entre les deux plateformes. Nos recherches sur Perplexity influenceraient le type de vidéos qui nous seraient proposées sur TikTok. Et réciproquement.
L’histoire ne dit pas si c’est la tiktokisation du moteur IA qui cite ses sources et tentent de faire valoir des points de vue différents, ou c’est l’élévation du niveau de jeu de la plateforme vidéo, où les vidéos informatives prendraient le pas sur les contenus de faible qualité.
Derrière le storytelling éthique (transparence, savoir, personnalisation), c’est aussi une tentative habile de récupérer l’une des plus puissantes machines d’attention de la planète — sans sombrer dans le cynisme du modèle publicitaire pur.
Reste à savoir si ByteDance et les régulateurs suivront la partition.
Scalpée 💇 : la musique live soutenue par le marché noir
⏳ : 1 min 27 sec
Alors que l’économie américaine donne des signes de ralentissement, un lieu continue de jouer à guichets fermés : celle de la musique live.
Live Nation, poids lourd du secteur, anticipe une année 2025 record. Son principal point de distribution, l’application Ticketmaster, a vu son trafic grimper de 70% en février par rapport à l’année précédente, selon Sensor Tower.
Ce n’est pas un hasard : historiquement, le live résiste bien aux crises. Selon Goldman Sachs, lors des trois dernières récessions américaines, les dépenses en concerts ont mieux tenu que celles pour d’autres loisirs.
Pourquoi ? D’abord, l’effet "paiement différé" : on achète ses billets longtemps à l’avance. Ensuite, le prix moyen d’un concert reste plus accessible qu’un match de NFL ou une soirée à Broadway (oui on a les bases de comparaison qu’on peut…). Enfin, les tournées s’internationalisent : si Johannesburg boude, Jakarta répond présent.
Mais l’acteur clé de cette résilience est inattendu : le scalper3. Souvent vu comme un parasite capitaliste, le revendeur de billets serait, selon The Economist, en réalité un amortisseur de choc.
Les concerts sont intentionnellement sous-tarifés pour permettre à tous, y compris les jeunes fauchés, d’assister aux shows. Résultat ? Les billets s’arrachent, puis circulent sur le marché secondaire, au "vrai" prix d’équilibre comme disent les économistes.
En période faste, les scalpers prospèrent : ainsi en 2019, ils auraient dégagé 1,3 Md$ de profits aux États-Unis (soit davantage que le bénéfice opérationnel de Live Nation cette année-là!).
Mais quand la demande fléchit, c’est eux qui trinquent les premiers. Leur marge fond, absorbant les effets de la baisse de consommation avant qu’elle ne touche les producteurs ou les artistes. En somme, ils jouent le rôle de stabilisateur économique…
Et si l’économie se grippe en 2025 ? Les fans d’Oasis (en tournée l’été prochain) devront peut-être renoncer à acheter un billet à prix d’or sur la revente (voir aussi la polémique sur l’utilisation de robots pour l’achat de ces précieux sésames), mais pour les frères Gallagher, c’est sans conséquence : tout est déjà vendu. Ce sont les scalpers qui, cette fois, devront vivre avec…
Rappelons pour mémoire qu’un vaste procès a été instruit contre Ticketmaster, accusé avec la complicité de certains managers d’aristes, d’organiser la rareté des mises en vente pour eux-mêmes aller alimenté le marché noir maximisant leurs profits ainsi…
Créative 👩🎨 : la dernière édition du Comptoir IA
⏳ : 1 min 56 sec
Le ComptoirIA Edition 22, c’était cette semaine, à deux pas de l’Opéra Garnier, dans la toute nouvelle “Maison AI” de Motier Ventures — un nom qui résonne comme un bon mot sur la concentration de capital et d’intelligence dans le 8ème arrondissement. L’événement, organisé par
(désormais en lien avec Maddyness), a réuni un joli bottin de l’écosystème IA parisien, entre fonds, builders, marketeux et créateurs dopés aux prompts.Mais ce qui a surtout électrisé la soirée, c’est la percée graphique de GPT-4o, la version la plus avancée du modèle d’OpenAI.
GPT-4o met DALL·E3 au tapis
Nicolas l’a annoncé d’emblée : DALL·E3, c’est fini. Le générateur d’images d’OpenAI passe la seconde avec GPT-4o. Des visuels plus fins, des compositions plus cohérentes, enfin du texte lisible dans les images générées. Les modèles concurrents (Midjourney, Leonardo, etc.) viennent de prendre un coup de pelle pixelisé. La production visuelle automatique vient de franchir un cap.
Mais avec cette montée en gamme graphique surgit une question incontournable :
Qui détient les droits sur ces images générées à partir d’un prompt flou ?
Et plus largement, où se loge la créativité quand l’IA exécute mieux que nous, à vitesse et échelle industrielles ?
Je ne vous fais pas la généalogie de cette question, dont chacun peut lire à longueur de billets sur Linkedin les opinions les plus diverses et les réactions qui commencent à être de plus en plus acerbes des défenseurs du droit d’auteur intégral.
La tentation est grande de confondre prompt et œuvre. Sauf que pour l’instant, la jurisprudence ne suit pas. Et les agences, artistes et marques avancent à tâtons entre fascination et méfiance.
Show & tell : l’IA met les formes
La soirée a déroulé son best-of visuel avec plusieurs démos impressionnantes :
Argil et
ont montré la puissance de la vidéo générative de la jeune startup française : des avatars hyper réalistes, qui sortent enfin du cadre “talking head” pour s’animer dans des décors extérieurs avec scripts et transitions pro.If Only a mixé Midjourney, Kling 1.5, Runway et Magnific pour des animations immersives et des effets “Fake Out Of Home” à couper le souffle, regardez son compte instagram.
Seelab.ai fait office de Freepik français : génération de visuels de produit sur-mesure, inpainting4 de haute précision, et contrôle colorimétrique chirurgical. L’humain reste nécessaire — mais pour peaufiner, pas pour produire.
Et même l’architecture s’y met avec Archireum, générant des maquettes d’immeubles sous tous les angles en quelques prompts bien sentis.
Prompt, prod & propriété
Trois tendances se dessinent clairement :
Le prompt devient un langage de production à part entière (sympathique démo de l’IA agentique chinoise Manus.ai aux 2M de personnes en waiting list)
Les workflows IA s’alignent sur ceux des studios créatifs (avec versioning, calques, retouches, QA…) ;
La frontière entre démonstration et production réelle s’efface chaque jour un peu plus.
Mais attention : la magie ne fait pas tout. Les 5 à 10% restants — ceux qui donnent à une production son unicité, son âme, sa justesse — restent le fait d’humains.
📍 Prochain rendez-vous IA : la MaddyKeynote en avril. On y parlera sûrement encore de génération, mais peut-être aussi… de régulation.
Vue 🎭 : Bérénice à la Comédie Française
⏳ : 1 min 5 sec
Le metteur en scène Flamand Guy Cassiers est de retour pour une mise en scène à la Comédie-Française avec l’une des pièces les plus classiques du répertoire : Bérénice de Racine, dans une mise en scène sobre donne toute la place aux passions impossibles à assouvir.
Cette tragédie de l’amour empêché est aussi une méditation sur l’identité, le pouvoir et ses impératifs.
Un trio amoureux piégé par la raison d’État
L’intrigue est simple et implacable : Titus, nouvel empereur de Rome, aime Bérénice, reine de Palestine (récemment annexée par Rome). Cependant, une vieille loi romaine empêche que l’Empereur épouse une reine étrangère, loi que le Sénat entérine.
Titus congédie Bérénice, sacrifiant alors son amour à l’ordre politique. À ses côtés, Antiochus, fidèle ami et amoureux silencieux de Bérénice, assiste à la tragédie avec une loyauté douloureuse. Aucun coup d’éclat, aucun meurtre, mais une lente asphyxie sentimentale — et c’est précisément là que Racine touche juste.
Cassiers brouille les identités
J’avais déjà parlé de la très contestée mise en scène de Romeo Castellucci que j’avais vue l’an dernier. Il était écrit que les metteurs en scène ne voudraient pas suivre Racine : la première fois, seul le texte de Bérénice était dit par Isabelle Huppert, là Cassiers décide de prendre un seul acteur (Jeremy Lopez) pour jouer l’Empereur nouvellement empourpré et l’ami éconduit. Certes ce dernier s’en sort bien, mais pourquoi semer cette confusion entre deux rôles que tout oppose et fait se percuter, si ça n’est pour appuyer un peu lourdement que ce sont deux aspects d’un même problème qu’on met ici en exergue.
On goûtera cependant le texte de Racine dont certaines fulgurances vous percent le coeur.
A voir avec quelques réserves donc.
Du nom du Sénateur qui fit voter la loi contre la promotion de l’Alcoolisme et du Tabagisme qui a toujours court.
Les unités de processeurs informatiques utilisées désormais massivement pour l’entraînement et la restitution des requêtes en intelligence artificielle dans les LLMs (large language models).
ainsi désigné est le revendeur de billets du marché noir.
Inpainting : le fait de pouvoir retravailler seulement certaines parties d’une image