Le Wrap Up de la semaine du Sommet extraordinaire sur la sécurité européenne (semaine du 3 mars 2025)
💬 : Amazon utilise l’IA pour ses contenus doublés - 🤑 : Mr. Beas(t)iness - 🎶 : les bons résultats d’Universal Music - 😅 : Google et le DOJ sont dans un bateau - ☦︎ : Revoir Cimabue au Louvre
Au sommaire :
⏳ Temps de lecture : 7 min 44 sec
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Parcimonieux 💬 : Amazon utilise subtilement l’IA pour ses contenus doublés
⏳ : 1 min 36 sec
Amazon Prime Video a annoncé se lancer dans l’expérimentation du doublage assisté par IA, avec l’ambition de rendre ses films et séries accessibles à un plus large public.
Ce projet pilote, initié le 5 mars, concerne pour l’instant 12 titres sous licence, parmi lesquels El Cid: La Leyenda, Mi Mamá Lora et Long Lost. Ces œuvres seront doublées en anglais et en espagnol latino-américain, une première étape qui pourrait s’étendre à d’autres contenus si l’expérience s’avère concluante.
Contrairement à d’autres plateformes, Prime Video adopte une approche hybride : l’IA s’occupe du doublage initial, mais des experts linguistiques locaux interviennent pour assurer la qualité et la fidélité des traductions. Raf Soltanovich, vice-président de la technologie chez Prime Video et Amazon MGM Studios, précise que cette technologie sera d’abord appliquée aux titres qui ne disposent pas encore de doublage officiel.
L’objectif affiché : améliorer l’accessibilité et l’expérience des abonnés Amazon Prime Vidéo, qui sont plus de 200 millions dans le monde.
Un pari sur l’IA dans un secteur en pleine mutation
Amazon n’en est pas à son coup d’essai en matière d’IA. Prime Video utilise bien sûr déjà des algorithmes de recommandation basés sur l’IA pour personnaliser les suggestions de contenus. Il a aussi intégré la fonctionnalité X-Ray, qui permet d’accéder à des résumés de films et séries en cours de visionnage.
D’autres acteurs du streaming s’aventurent également sur ce terrain. Disney+ teste des outils d’IA générative pour résumer les matchs diffusés sur ESPN, bien que certaines erreurs de traduction aient suscité des critiques et aient entraîné un rétropédalage d’ESPN. De son côté, YouTube a adopté un outil de doublage IA dès 2023, tandis que Lionsgate a récemment utilisé la technologie d’ElevenLabs pour le doublage international du film Armor.
Éviter le fiasco de Netflix
Mais le doublage IA n’est pas sans risques :
Netflix en a fait les frais en décembre 2024, après des critiques virulentes sur la version doublée de La Palma, une série catastrophe norvégienne.
L’intelligence artificielle avait produit un résultat jugé médiocre, déclenchant un tollé sur les réseaux sociaux. Pourtant, quelques mois plus tôt, Netflix annonçait vouloir améliorer le doublage de ses contenus non anglophones en formant ses comédiens de voix à des pratiques plus naturelles.
Face à ces enjeux, la prudence de Prime Video avec son approche hybride pourrait s’avérer payante. En combinant la rapidité et le coût réduit du doublage IA avec la supervision humaine, Amazon espère éviter les écueils de ses concurrents et proposer une solution efficace. Reste à voir si ce modèle convaincra les spectateurs.
Ambitieux 🤑 : Mr. Beas(t)iness
⏳ : 1 min 35 sec
Jimmy Donaldson, alias MrBeast, ne se contente plus d’empiler les vues sur YouTube : il veut bâtir un empire économique.
Son entreprise, Beast Industries, cherche actuellement à lever 200 M$, sur la base d’une valorisation vertigineuse de 5 Md$. Un pari qui repose moins sur ses vidéos que sur la vente de produits grand public.
Un business en croissance, mais déficitaire
Avec 500 employés, Beast Industries s’articule aujourd’hui autour de deux piliers :
Le contenu, qui génère des revenus colossaux mais reste (structurellement déficitaire avec des épisodes dont le coût peut atteindre 1-2 M$). En 2024, ses coûts de production ont dépassé 90 % des revenus, un modèle qui repose sur la surenchère d’effets visuels spectaculaires et la viralité permise par les plates-formes.
Le commerce, porté par la marque de chocolat Feastables, qui a explosé en 2024 et devrait dépasser (!) le contenu en chiffre d’affaires dès cette année.
Au total, Beast Industries a généré 500 M$ de revenus en 2024, soit une croissance de +125 % par rapport à 2023. Mais la rentabilité n’est pas au rendez-vous : l’entreprise a accumulé 200 M$ de pertes ces dernières années.
Un pari sur les produits de grande consommation
Si les investisseurs sont prêts à miser gros, c’est parce que la vision de MrBeast dépasse YouTube. Il veut transformer son influence en un empire de produits de grande consommation. Feastables a vu ses ventes nettes bondir de +160 % en un an et devrait atteindre 520 M$ en 2025, puis 780 M$ en 2026.
D’autres lancements1 sont dans les tuyaux :
Boissons
Snacks
Céréales
Une division jeux mobiles dès 2025
L’objectif ? Atteindre 900 M$ de revenus en 2025, puis 1,6 milliard $ en 2026 et même une introduction en bourse dans 2 à 3 ans.
La stratégie du “tout réinvestir”
MrBeast a toujours fonctionné en réinvestissant chaque dollar gagné dans de nouveaux projets. Il admet lui-même qu’il lui reste « moins d’un million de dollars » sur ses comptes personnels. Cette approche l’a propulsé comme deuxième personnalité la plus suivie au monde après Cristiano Ronaldo.
Son émission Beast Games, produite pour Amazon à grands frais, est devenue (peut-être) la série non scénarisée la plus regardée de cette plateforme.2 Mais jusqu’où cette diversification peut-elle aller ?
Les investisseurs devront répondre à une question clé : MrBeast peut-il réellement transformer son modèle en une entreprise rentable ou restera-t-il un créateur ultra-populaire mais structurellement déficitaire ? Le sort du plus grand YouTubeur du monde en dépend et quelque part le modèle économique de la creator’s economy.
Bruyants 🎶 : les bons résultats d’Universal Music
⏳ : 1 min 27 sec
Universal Music Group (UMG) reste le leader incontesté de l’industrie musicale. En 2024, neuf de ses artistes figuraient dans le top 10 mondial des plus écoutés. Malgré un petit ralentissement de la croissance du streaming, la major affiche des résultats financiers solides, surpassant les attentes des analystes.
Des chiffres en hausse, mais un rythme qui ralentit
UMG a généré un bénéfice ajusté de près de 800 M€, en progression de 18% sur un an, au-delà des 729,4 M€ attendus par les analystes.
Son chiffre d’affaires atteint 11,8 Md€, en croissance de 6,4%, (plus faible que les +11 % de 2023). La direction met en avant des économies structurelles et la montée en puissance du premium pour expliquer ces bons résultats.
Le streaming atteint un plateau
Le streaming, pilier du modèle économique d’Universal, montre des signes d’essoufflement. Les revenus issus des abonnements (Spotify, Amazon Music, YouTube Music) augmentent de 8,4%, soit 4 points de moins que l’année précédente. Le marché arrive à maturité, ce qui freine la dynamique des majors. L’impact est visible en Bourse : en juillet, le titre UMG avait chuté après la publication d’une croissance semestrielle décevante de 6,9%, loin des 11% espérés.
Le streaming financé par la publicité, quant à lui, plonge carrément en territoire négatif, avec un recul de 0,8 % (contre +3,6 % en 2023). Universal y voit néanmoins une opportunité : la migration des utilisateurs gratuits vers des abonnements payants, plus rentables.
Fin de l’embellie des ventes physiques
Le vinyle et le CD, qui avaient connu un surprenant regain en 2023 (+19%), repartent à la baisse en 2024 (-1,6%).
Pas de panique pour Universal : le vrai relais de croissance déclaré viendra du super premium. L’industrie musicale et les plateformes planchent sur des abonnements plus chers, offrant une qualité audio supérieure et des fonctionnalités exclusives qui restent encore à identifier (pourquoi pas des “NFTs” des plus grands artistes?).
UMG, le joyau du nouvel empire Vivendi
UMG est incontestablement la pierre angulaire du groupe Vivendi, récemment restructuré. Contrôlé à 17,85 % par la famille Bolloré, Universal représente la plus grosse participation du conglomérat français, valorisée 4,5 Md€. Vivendi, après avoir scindé Canal+, Havas et Hachette en entités autonomes, affiche un bénéfice net ajusté en chute libre : 111 M€ en 2024, contre 336 M€ en 2023…
Epargné 😅 : Google et le DOJ sont dans un bateau
⏳ : 1 min 32 sec
Le Département de la Justice américain (DOJ) ne lâche pas Google. Dans une nouvelle proposition judiciaire dans le cadre des poursuites pour abus de position dominante, il réaffirme son intention d’obliger le géant à vendre son navigateur Chrome (on en avait parlé ici), tout en assouplissant sa position d’interdiction sur les investissements en intelligence artificielle.
Chrome dans le viseur du DOJ
L’affaire remonte à l’administration Biden, qui avait déjà suggéré cette scission pour limiter le pouvoir monopolistique de Google. Aujourd’hui, sous la seconde présidence Trump, le DOJ persiste et signe malgré un tropisme pro business de Trump incontestable3 : Chrome doit être vendu. Il s’agit d’un des « éléments fondamentaux » de sa stratégie, au même titre que l’interdiction pour Google de verser des sommes aux fabricants et opérateurs pour s’imposer comme moteur de recherche par défaut.
Selon le DOJ, Google est devenu un « Goliath économique » dont les pratiques anticoncurrentielles faussent le marché au point de garantir que, quoi qu’il arrive, il reste toujours gagnant. Ce constat découle d’un jugement rendu par le juge Amit P. Mehta, qui a reconnu que Google avait illégalement maintenu son monopole sur la recherche en ligne. Google prévoit de faire appel.
L’IA, un terrain plus souple
Changement de ton en revanche sur l’intelligence artificielle. Si l’année dernière, le DOJ envisageait d’obliger Google à céder ses participations dans les entreprises d’IA, notamment ses milliards injectés dans Anthropic, il a finalement assoupli sa position : désormais, il se contentera d’un mécanisme de « notification préalable » avant toute nouvelle acquisition dans le secteur.
Le DOJ a également tempéré sa position sur Android. Plutôt que d’exiger immédiatement sa cession, il laisse la porte ouverte à une décision ultérieure du tribunal, en fonction de l’évolution du marché.
Google dénonce une attaque excessive
Face à ces propositions, Google crie à l’excès. Un porte-parole a déclaré à Reuters que ces mesures « vont bien au-delà de la décision du tribunal » et qu’elles nuiraient aux consommateurs, à l’économie et à la sécurité nationale des États-Unis, nouvelle ligne de défense très porteuse.
Le juge Mehta doit entendre les arguments des deux parties en avril. D’ici là, Google va continuer de plaider pour une solution alternative, qui lui permettrait d’assouplir ses pratiques sans aller jusqu’à la cession de Chrome.
Une chose est sûre : la bataille entre Washington et Mountain View ne fait que commencer, sauf énième intervention de D. Trump.
Vu ☦︎ : Revoir Cimabue au Louvre
⏳ : 1 min 35 sec
Les étudiants en histoire de l’art connaissent son nom, mais jamais encore la France ne lui avait consacré une exposition. Jusqu’au 12 mai, le musée du Louvre répare cet oubli en dédiant une rétrospective à Cimabue (1240-1302), figure clé de la transition entre l’art byzantin et la Renaissance italienne (réservation fortement conseillée).
Un événement porté par deux œuvres majeures
L’exposition s’appuie sur deux restaurations récentes accomplies par le Musée du Louvre :
La Maestà, chef-d’œuvre du Louvre, parfois qualifié d’"acte de naissance de la peinture occidentale"(rien de moins);
La Dérision du Christ, panneau inédit redécouvert en Bourgogne en 2019, vendu 24,18 M€ aux enchères avant d’être classé Trésor national (procédure à l’initiative de l’Etat qui rend non exportable une oeuvre) et depuis acquis par le Louvre.
Ces œuvres, dévoilées dans toute leur majesté après restauration en 2024, permettent de redécouvrir la richesse de Cimabue.
Un peintre révolutionnaire, entre tradition et naturalisme
On y apprend que Cimabue marque une rupture avec les icônes byzantines, aux formes figées et aux couleurs en aplats, fortement en vogue dans l’Italie du Docento : les relations commerciales intenses avec Constantinople ou les Royaumes Chrétiens d’Orient font que les icônes byzantines y sont très recherchés.
Cimabue cherche pour la première fois, à donner du volume aux corps, à créer de la profondeur et à exprimer les émotions humaines. Ses élèves, Duccio et le célèbre Giotto, suivront cette voie en développant un langage pictural encore plus libre et plus expressif.
Ils jetèrent par-dessus les moulins les modèles figés hérités des icônes byzantines, remplacèrent les chairs traitées en aplats par de délicats modelés, tentèrent de représenter des espaces tridimensionnels, et, sinon le réel, du moins la nature, même si le profane peut être dérouté par la persistance des fonds d’or dont les imagiers mettront du temps à se débarrasser.
L’exposition s’ouvre sur le contexte artistique de la Toscane au XIIIe siècle avant de s’attarder sur les influences croisées entre Cimabue, Duccio et Giotto. Pour la première fois, le Louvre réunit ensemble trois panneaux du diptyque de Cimabue, offrant une plongée pénétrante dans son art.
Un artiste au tempérament d’exception
Sa vie reste encore mal connue, mais on lui prête un caractère arrogant – au point que Dante l’a placé parmi les orgueilleux dans le Purgatoire de sa Divine Comédie. Avec Cimabue, le peintre en Occident ne se contente plus d’être un simple artisan produisant à la chaîne : il devient un créateur à part entière, inaugurant la figure de l’artiste telle qu’elle émergera à la Renaissance.
La sortie d’un burger Mr. Beast avait déjà été un succès retentissant avec près de 100 M$ de ventes après que le partenariat avec le fabricant tourne à l’imbroglio judiciaire en raison de la mauvaise qualité perçue des burgers par les fans.
Sur la question de savoir si les studios doivent signer les yeux fermés les stars des réseaux sociaux, cet article y répond en détail (réponse rapide : non !, les stats des plates-formes sociales se trouvent -surprise !- assez erronés par rapport aux standards de la TV :