Le Wrap Up de la semaine de l'inauguration de Trump II (semaine du 20 janvier 2025)
🔪 : L’Europe vs. la politique de la canonnière US - 🎸 : la musique après Spotify - 🏋️ : Netflix s’offre une fin d’année en fanfare -⚕️: Daniel Ek dans la santé - 🖼️ : Le Pierrot de Watteau
Au sommaire cette semaine :
Menacée 🔪 : L’Europe face à la politique de la canonnière digitale des US
Clinique⚕️ : Daniel Ek (Spotify) abonde une plateforme dans la santé
Revue 🖼️ : exposition autour du tableau du Pierrot de Watteau
Publicité - Conférence Media : Face à Netflix, quels modèles gagnants?
Dans un univers dominé plus que jamais par Netflix (voir la news de cette semaine), il était intéressant de questionner les autres plates-formes sur leur stratégie propre.
Streaming Wars saison 2025 : j’animerais donc avec Eric Lentulo mercredi 5 février à 19h une table ronde avec trois professionnels de premier plan :
Claire Basini (Groupe TF1)
Philippe Larribau (Paramount France - éditeur de Pluto (gratuit) et Paramount+)
Rémi Tereszkiewicz (BetaSeries)
Au programme : stratégie des acteurs historiques et nouveaux challengers, enjeux de la « hybridation » (gratuit/payant), impact de la publicité, et évolution des attentes des spectateurs.
30 euros pour les extérieurs, tarif réduit pour les ESCP.
Un cocktail suivra la conférence. Venez nombreux.
Si vous préférez tester la version audio de cette newsletter, essayez le rendu de la moulinette Google NotebookLM (cette semaine en 🇫🇷) :
Menacée 🔪 : L’Europe face à la politique de la canonnière digitale des Etats-Unis
⏳ : 1 min 32 sec
The Economist dans son édito sur l’Europe indique qu’elle est désormais confrontée à une nouvelle ère de « diplomatie numérique de la canonnière »1, alors que les géants américains de la tech, soutenus par Donald Trump, tentent de remettre en cause la régulation stricte de l’UE.
Malgré des efforts répétés pour stimuler l’innovation locale, aucune entreprise technologique européenne fondée ces 50 dernières années n’a atteint une valorisation supérieure à 100 Md$ – Spotify s’en approchant. Face à cette absence de géants locaux, les dirigeants européens ont longtemps cherché à courtiser les mastodontes tech américains (en témoignent en France les sommets Tech for Good généralement planifiés la veille de l’ouverture de Vivatech).
Toutefois, ces entreprises soutenus par le nouveau pouvoir républicain, expriment clairement aujourd’hui leur opposition aux régulations européennes comme un obstacle majeur à leur expansion. L’UE a ces dernières années, mis en place des règles visant à prévenir les monopoles numériques (Digital Market Act, Digital Services Act), limiter la diffusion de contenus nocifs en ligne et imposer une plus grande transparence sur les algorithmes influençant le débat public.
Ces mesures, couplées à une politique fiscale (plus) rigoureuse avec la taxe OCDE de 15% minimum2, ont conduit à des amendes colossales pour Apple, Alphabet et consorts, tout en freinant leurs acquisitions (sujettes à des examens plus scrupuleux pour les autorités anti-concentration) et en alimentant la colère de leurs dirigeants3
Avec le retour de Donald Trump à la présidence américaine, les géants de la tech comptent sur lui pour alléger les contraintes européennes. Trump, épaulé par son vice-président JD Vance, voit ces régulations comme une contrainte voire une menace pour les entreprises américaines et n’hésite pas à les comparer à des tarifs douaniers déguisés. En réponse, des entreprises comme Apple et Meta retardent volontairement le lancement de nouveaux produits en Europe, accentuant la pression sur Bruxelles.4
Pourtant, l’UE ne semble pas prête à céder facilement. Ses régulations sont profondément ancrées dans notre culture juridique et politique, avec une forte volonté de protéger les droits des citoyens et de limiter l’hégémonie des grandes entreprises. L’effet Bruxelles, selon Anu Bradford, fait que les normes européennes s’exportent dans le monde entier, avec une certaine fierté pour les Eurocrates (comme ce fut le cas pour le RGPD).
Néanmoins, des voix émergent, notamment celle de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui prône une approche souple face à la nouvelle administration américaine. Si l’UE maintient cette ligne, il y a un risque de subir des représailles commerciales ou militaires de la part des États-Unis.
Altérée 🎸 : la musique après Spotify
⏳ : 1 min 38 sec
Spotify a révolutionné notre manière d’écouter la musique, mais à quel prix ?
C’est l’interrogation dont se fait écho The Economist cette semaine : Selon Liz Pelly, journaliste indépendante américaine, critique musicale et autrice du livre Mood Machine: The Rise Of Spotify And The Costs Of The Perfect Playlist, la plateforme suédoise, lancée en 2006, a transformé la musique en un simple fond sonore, reléguant l’acte d’écoute à une consommation passive, rien de moins…
Dès ses débuts, Spotify a constaté que ses utilisateurs privilégiaient les playlists en fonction de leurs activités quotidiennes (sport, sommeil, ménage), ce qui a poussé l’entreprise à investir massivement dans des playlists éditorialisées et dans l’algorithme de recommandation, avec un objectif clair : concurrencer… le silence.5
Aujourd’hui, le streaming représente 84% des revenus mondiaux de la musique enregistrée, mais il a profondément modifié les attentes des artistes.
Pour toucher des royalties, un morceau doit être écouté au moins 30 secondes, ce qui a donné naissance à une musique stream-bait, calibrée pour capter immédiatement l’attention.
Un exemple ? Rockstar de Post Malone, dont une version remixée répétait en boucle son refrain accrocheur. Cette approche a aussi façonné un style musical que certains surnomment Spotify-core : des morceaux mélancoliques et mid-tempo, parfaits pour figurer dans plusieurs playlists et générer un maximum d’écoutes.
Les playlists de Spotify mixeraient des morceaux de différentes époques et genres dans le but de créer une ambiance homogène, aux dépens de l’histoire et du contexte musical. Résultat ? La nouveauté en souffre : 75% des morceaux écoutés sur la plateforme ont plus de 18 mois, contrastant avec l’explosion de genres musicaux des décennies précédentes.
Si certains artistes se réjouissent de voir d’anciens titres renaître grâce aux playlists, d’autres peinent à s’adapter aux exigences obscures des algorithmes. De plus, Spotify a mis en place le Perfect Fit Content (PFC), une stratégie consistant à produire de la musique sur commande à bas coût, sous des noms d’emprunt, afin de réduire sa dépendance aux majors. Une pratique qu’a mis au jour Harper’s Magazine.
La prochaine étape ? L’essor de la musique générée par intelligence artificielle, selon Pelly.
Malgré ces critiques, Spotify attire aujourd’hui 640 M d’utilisateurs mensuels et continue d’augmenter ses tarifs. L’entreprise s’est diversifiée dans les podcasts et les livres audio et prévoit d’atteindre la rentabilité cette année.
Cependant, les artistes indépendants dénoncent un modèle économique jugé injuste, notamment le pay-to-play, où ils doivent accepter des redevances plus faibles pour être mieux référencés.
En somme, si Spotify a sauvé l’industrie musicale, selon Liz Pelly, elle l’a également formatée, au détriment de l’innovation et des artistes émergents. Mais pour le grand public, la simplicité d’usage semble l’emporter sur toutes ces considérations (le concept du good enough).
Abondant 🏋️ : Netflix s’offre une fin d’année en fanfare
⏳ : 1 min 34 sec
Netflix a terminé l’année 2024 avec 302 M d’abonnés à l’échelle mondiale (+19 M sur le trimestre6) et un bénéfice d’exploitation annuel dépassant pour la première fois les 10 Md$.
Ce succès repose sur une programmation séduisante notamment avec la saison 2 de Squid Game, le film Carry-On et des événements en direct comme le combat entre Jake Paul vs. Mike Tyson ou encore les matchs de la NFL, qui ont attiré des audiences massives et fait beaucoup parlé d’eux.
Ce trimestre marque également un tournant dans la communication financière de la firme : Netflix a annoncé qu’il ne rapportera plus ses chiffres d’abonnés dans ses rapports trimestriels, préférant désormais se concentrer sur la croissance de ses revenus et de ses bénéfices pour “éviter les fluctuations boursières liées aux variations d'abonnés.”
Pour continuer sur cette bonne dynamique, la plateforme a augmenté ses tarifs aux États-Unis, au Canada, au Portugal et en Argentine. Ces hausses, représentant une augmentation moyenne de 13%, ont fait grimper l’action de Netflix de 14,5% après la fermeture des marchés, portant sa capitalisation boursière à un niveau record.
Désormais, Netflix vaut plus que la somme de ses concurrents directs, Disney, Comcast, Warner Bros. Discovery et Paramount réunis.
Les abonnés regardent en moyenne 7 films par mois.
Netflix mise également sur une amélioration de sa rentabilité avec une marge opérationnelle prévue à 29% en 2025, soit une augmentation de 10 points par rapport à il y a cinq ans.
Les analystes estiment cependant que le rythme de croissance va ralentir, avec une prévision de 19 M de nouveaux abonnés annuels en moyenne sur les trois prochaines années, contre 27 M en moyenne ces cinq dernières années.
Malgré l’essor du contenu en direct, Netflix insiste sur le fait qu’elle ne cherche pas à acquérir des droits pour des packages sportifs de saison complète, jugés extrêmement complexes par Ted Sarandos, co-directeur général.
Toutefois, la société nous a habitués à adapter rapidement ses stratégies : après avoir écarté l’idée d’investir dans la diffusion en salle, Netflix a récemment annoncé la sortie du film « Narnia » de Greta Gerwig en IMAX à partir de fin 2026, une décision susceptible de séduire d’autres réalisateurs jusqu’alors réticents à ne diffuser leurs oeuvres que sur une seule fenêtre d’exploitation.
Pour 2025, Netflix mise sur des titres phares comme les nouvelles saisons de « Wednesday » et « Stranger Things », ainsi que 52 semaines de catchs WWE, un talk-show de John Mulaney, de nouveaux matchs de la NFL à Noël, et des films très attendus comme « Frankenstein » réalisé par Guillermo del Toro.
et en complément, celui-ci du WSJ
Clinique⚕️ : Daniel Ek (Spotify) abonde une plateforme dans la santé
⏳ : 1 min 8 sec
Daniel Ek, cofondateur de Spotify, se lance un nouveau défi, nous apprend Les Echos : révolutionner la santé préventive avec sa nouvelle start-up, Neko Health.
L'entreprise vient de lever 260 millions de dollars auprès de grands noms comme Lightspeed Venture Partners, xAI (Elon Musk), Stripe et Epic Games. Cette levée valorise Neko Health à 1,7 milliard de dollars et vise une expansion aux États-Unis.
Fondée en 2018, Neko Health propose un bilan de santé complet en une heure pour 350 euros, comprenant un scan corporel haute résolution, des analyses sanguines et une consultation médicale. Grâce à l’analyse de « millions de points », les scanners permettent de détecter des maladies de peau, cardiovasculaires, voire certains cancers.
Depuis l’ouverture de ses premières cliniques en 2023 à Stockholm, puis à Londres en 2024, l’entreprise a examiné 2 700 patients, détectant des anomalies médicales dans 14% des cas et des maladies graves pour 1% d’entre eux.
Le marché de la santé préventive est en plein essor. En 2023, il représentait 400 Md$ et pourrait atteindre 870 Md$ d'ici 2033.
En France, le marché représentait 200 M€ en 2023, avec plus de 300 000 bilans réalisés, selon Xerfi. Des start-ups comme Zoi (3 600 euros le bilan) ou Kor (500 euros/an) avec des prestations évidemment différentes.
Outre-Atlantique, des acteurs comme Prenuvo, proposant des scans corporels à 2 500 dollars, attirant des célébrités comme Kim Kardashian. Sam Altman a investi de son côté environ 180 M$ dans la société Retro Biosciences, qui vise tout simplement à prolonger la durée de vie humaine d'une décennie.7
Malgré le potentiel de croissance, la santé préventive soulève des critiques. Certains experts s’inquiètent des faux positifs générés par ces examens, entraînant une surcharge des systèmes de santé publics. Daniel Ek défend son modèle en assurant que les suivis nécessaires sont inclus dans le tarif initial.
Neko Health prétend vouloir devenir l’Apple de la santé, en démocratisant un suivi médical préventif de pointe. Reste à voir si ce modèle saura s’imposer sur un marché aussi exigeant que celui de la santé.8
Revue 🖼️ : exposition autour du tableau du Pierrot de Watteau
⏳ : 1 min 15 sec
Le Pierrot, dit autrefois le Gilles, est un des chefs-d'œuvre du peintre Antoine Watteau (1684-1721).
Ce tableau est au cœur d’une exposition-dossier très agréable au Louvre jusqu’au 3 février 2025. Très agréable car l’objet est l’unique objet d’étude de cette salle, et par conséquent on passe du temps à l’étudier sous toutes les coutures.
La toile énigmatique, fraîchement restaurée, fascine historiens et amateurs d’art.
Découverte par Vivant Denon, directeur du Louvre sous Napoléon, cette œuvre est rapidement érigée au rang de chef-d’œuvre, incarnant à travers les siècles une vision contrastée du XVIIIe siècle : tour à tour malicieuse, cynique ou mélancolique. Son influence fut importante dans le regain d’intérêt pour l’art rococo au XIXe siècle, notamment sous l’impulsion de Manet et Nadar.
L’exposition s’articule autour des révélations issues de sa récente restauration, offrant un éclairage inédit sur son attribution parfois contestée et son contexte artistique (le Pierrot notamment n’est pas au centre géométrique de la toile).
Elle rassemble autour du tableau, une riche sélection d’œuvres de Watteau et de ses contemporains dont Fragonard, ainsi que des références au théâtre de l’époque, avec des auteurs (Marivaux) pour restituer l’univers culturel qui a nourri la création du tableau.
Depuis son entrée dans les collections du Louvre en 1869, grâce au legs de Louis La Caze, cette peinture suscite une fascination continue. L’exposition explore également « l’ombre portée » du tableau, sa postérité artistique et critique. Le Pierrot de Watteau a profondément marqué la littérature, influençant des auteurs comme Théophile Gautier, Baudelaire, Verlaine, Sand, les Goncourt ou Prévert, mais aussi le cinéma (Carné avec les Enfants du Paradis bien sûr ou Chaplin) ou la photographie (Nadar).

Des maîtres comme Manet, Picasso, Courbet, Derain, Juan Gris ont puisé dans cette figure silencieuse une source d’inspiration pour réinventer leur propre modernité. L’exposition propose ainsi un dialogue entre l’œuvre de Watteau et les artistes qui s’en sont inspirés.
La diplomatie de la canonnière au XIXe siècle désigne une stratégie utilisée par les grandes puissances européennes (ou les US), consistant à déployer des navires de guerre près des côtes de pays plus faibles pour les contraindre à accepter des accords commerciaux ou politiques sous la menace d’une intervention militaire. Cette approche impérialiste visait à imposer des conditions favorables aux puissances coloniales sans déclencher de conflits ouverts.
d’ailleurs aujourd’hui dénoncée par la nouvelle administration Trump.
Voir la sortie de Zuckerberg sur les 30 Md€ que l’UE aurait imposé en amendes aux tech américaines chez Joe Rogan.
Voir le dernier épisode où Google indique qu’il n’appliquera l’effort volontaire demandé par les autorités européeenes sur le fact-checking dans ses résultats.
à la manière du CEO de Netflix qui décrivait le sommeil comme son principal concurrent…
dépassant même le pic de 15,8 millions de nouveaux abonnés observé au début de la pandémie de Covid-19 en 2020 !
dans un pays dont l’espérance de vie avait baissé en 2022…
L’expression “L’Apple de la Santé” comme garantie de démocratisation de services de pointe de la médecine reste un concept flou à mon sens.