Le Wrap Up de la semaine de la réélection de Trump (semaine du 4 novembre 2024)
🏝️ : Airbnb se diversifie - 💔 : le streamer aime les pauses - 🎯 : Netflix France accusée de fraude fiscale, les Français se rebiffent - 🥡 : dîner seul au restaurant - 🃏 : Figures du Fou au Louvre
Pour les personnes des médias intéressées par la politique, la réélection de Donald Trump est perturbante. Elle est pour moi le signe d’un intemporel et d’une rupture.
L’intemporel c’est cette règle d’airain de la communication politique : celui qui impose son agenda l’emporte. Donald Trump a monopolisé l’attention des médias autour de sa personne, il a écrasé cette campagne de ses vérités alternatives, de ses outrances… Je mets au défi une personne en France de pouvoir citer une mesure proposé par Kamala Harris. On dira qu’elle n’a pas eu le temps de faire campagne, peu importe, elle semble être passée à côté.
La rupture, qui découle de l’idée précédente, c’est que les médias traditionnels ne pèsent plus pour grand chose dans la construction du débat public américain. Incapables de faire leur travail de décryptages au sujet de mensonges éhontés, incapables de nommer les choses par leur nom, incapables de donner l’impression de l’objectivité, de la confiance sur leur couverture de la campagne, ils n’ont pas vu venir le dépassement par les médias sociaux sans précédents de cette campagne: Twitter/X bien sûr, mis en coupe réglée pour le camp républicain, mais aussi l’électorat à travers les podcasts masculinistes1 (Joe Rogan au premier rang d’entre eux), Trump a gagné contre les médias, qui devaient relayer, malgré tout, ses propos : pile je gagne, face tu perds.2
Sans doute beaucoup d’enseignements à en tirer pour notre classe politique et médiatique sur les enjeux de nos prochaines élections.
Pour aller plus loin, lire l’article du NY Times sur Trump, Master of the Media.
Au sommaire de cette semaine dans le Wrap Up :
Alignés 🎯 : Netflix France accusée de fraude fiscale, la filière française de production se fédère
Unilatéral 🥡 : dîner seul au restaurant, un phénomène qui se développe
⌛️ Temps de lecture : 6 min 9 sec
Si vous préférez tester la version audio de cette newsletter, essayez le rendu de la moulinette Google NotebookLLM (en 🇬🇧), le résultat est encore surprenant :
Dépaysé 🏝️ : Airbnb envisage sa diversification
⌛️ : 49 sec
Airbnb se prépare à redéfinir son modèle en élargissant son offre de locations de longue durée et en renforçant ses activités d'expériences.
Brian Chesky, CEO d'Airbnb, a annoncé au Financial Times qu’à partir de l’année prochaine, la plateforme ira "au-delà de son cœur de métier", avec des nouveautés marquant, selon lui, "la plus grande mise à jour d'Airbnb à ce jour".
“Travel is our sweet spot,” he said. “Eventually the big frontier for Airbnb is to go beyond travel,” adding that “there’s an eventual opportunity for Airbnb to become a greater part of your daily life. Not just once or twice a year.”
Chesky envisage ainsi Airbnb non seulement comme un service de voyage, mais comme une plateforme pour la vie quotidienne, ouvrant la voie à des locations immobilières allant jusqu’à un an, un marché qu'il juge prometteur à l'ère du travail à distance. Actuellement, seules 18 % des nuits réservées dépassent 30 jours, laissant beaucoup de place pour des séjours prolongés, souvent nécessaires pour les digital nomads post-pandémie.
Cependant, cette vision audacieuse arrive en pleine pression des régulateurs, notamment à New York, où les nouvelles règles ont drastiquement réduit les locations sur Airbnb, provoquant un débat sur l'impact de la plateforme sur les loyers des villes touristiques.
Outre les séjours longue durée, Airbnb envisage aussi de diversifier ses services en proposant à terme des activités supplémentaires, telles que la location de voitures et des expériences gastronomiques éphémères, dans un modèle inspiré de l’économie collaborative (plus prosaïquement à ce sujet d’autres penchent plus simplement pour des réservations de restaurants).
Intermittent 💔 : le streamer aime les pauses
⌛️ : 1 min 08 sec
L’ère de l’abonnement streaming « on/off » est arrivée.
Alors que les prix grimpent et que le streaming supplante le bon vieux câble dans les foyers américains, un nouveau profil de consommateur émerge : le « pauser ».
Plutôt que d’abandonner un service définitivement, les abonnés choisissent désormais de suspendre leur souscription avec assez de facilité, pour revenir plus tard, souvent au gré des saisons de leurs séries ou événements sportifs préférés.
Selon les données d’Antenna, près de 34,2 % des abonnés reviennent à un service qu’ils avaient quitté au cours de l’année écoulée, une hausse par rapport aux 29,8 % de 2022.
Ce va-et-vient atténue le taux de désabonnement perçu dans l’industrie : bien que les annulations aux États-Unis aient atteint 5,2 % en août, le taux réel de départs tombe à 3,5 % en comptant ceux qui se réabonnent.
Dans ce contexte, les plateformes redoublent d’ingéniosité pour retenir leurs abonnés ou les faire revenir plus vite. Outre les promotions et les options de pauses facilitées (jusqu’à trois mois pour certains services comme Hulu ou Netflix), certaines, comme Disney+, se préparent à intégrer cette fonctionnalité.
L’enjeu est crucial : les plateformes doivent offrir du contenu à valeur ajoutée pour rester attractives, notamment des séries à succès, des événements en direct ou encore des offres groupées, où il semble que la constitution de stocks de contenu ne suffit plus à retenir les abonnés passés la consommation en binge d’une toute nouvelle série.
Lors d’interviews d’abonnés, le journal révèle que la question est de maximiser la valeur sans subir l’effet « mille micro-transactions » des abonnements mensuels.
Avec la montée des « pausers », le modèle économique du streaming évolue. Les plateformes doivent désormais penser non seulement en termes de rétention, mais aussi de fidélisation épisodique, où l’abonné est plus que jamais maître de son calendrier.
Alignés 🎯 : Netflix France accusée de fraude fiscale, la filière française de production se fédère
⌛️ : 1 min 41 sec
Il est bien question d’écran pour Netflix, mais plutôt celui des sociétés écrans. La société américaine qui a depuis longtemps et comme d’autres établi son siège européen aux Pays-Bas pour la variété de ses fromages, mais également pour sa politique fiscale très avantageuse.
Une enquête du Parquet national financier français s’intéresse aux pratiques fiscales de Netflix : le 5 novembre, le siège néerlandais a ainsi été perquisitionné dans le cadre d’une enquête pour blanchiment de fraude fiscale aggravée, une investigation en collaboration avec Eurojust, organisme de coopération judiciaire européen.
On revient sur une notion déjà bien connue qui est celle des multinationales qui réduisent leurs charges fiscales en transférant leurs bénéfices d’une filiale à l’autre (généralement dans les Caraïbes) via des “frais de licence”.
Dans le cas de Netflix, les filiales locales envoient ces frais à Netflix International BV, qui les renvoie ensuite vers les États-Unis, abaissant ainsi l’assiette fiscale déclarée dans chaque pays. Résultat : Netflix, qui compte 277 millions d’abonnés dans le monde, n’a payé que 4 M€ d’impôts aux Pays-Bas en 2018 pour un chiffre d’affaires de 5,5 Md€, selon l’ONG TaxWatch.
L'enquête se penche également sur les chiffres en France, où Netflix aurait déclaré un chiffre d’affaires de 1,2 Md€ en 2021 après avoir modifié ses pratiques. En 2019, la société ne déclarait que 47 millions d’euros de CA. Le contraste a éveillé les soupçons du Parquet français, qui enquête sur le bien-fondé de ce changement soudain.
Les pratiques de Netflix en Italie ont aussi été remises en question, l’entreprise ayant dû y régler 55,8 millions d’euros d’arriérés en 2022, suite à la reconnaissance de sa "présence physique" due à l’usage des serveurs et câbles italiens.
Si Amsterdam offre à Netflix un cadre cosmopolite et anglophone, les avantages fiscaux semblent peser davantage dans la balance, qualifiant la ville de véritable “épicentre” stratégique. Derrière cette optimisation, un modèle économique astucieux, certes, mais qui résonne comme un évitement fiscal particulièrement criant pour les contribuables et les autorités européennes en quête de justice fiscale.
Comme les mauvaises nouvelles volent en escadrille, les diffuseurs français ont de façon assez surprenante (TF1 + FTV + M6), annoncé, à travers un confidentiel de la Lettre de l’Audiovisuel, reprise dans La Tribune du Dimanche, le lancement d’une alliance stratégique avec nombre d’organismes (SACD, SACEM, Scam ou l’Adami) et de producteurs, avec la volonté affichée de peser auprès des pouvoirs publics dans la réglementation de la production audiovisuelle. L’alliance dit vouloir faire face aux enjeux existentiels : "révolution de l’IA, défense du modèle français de la création et du droit d’auteur. Pas encore de quoi se faire de l’inquiétude aussi bien du côté des Gafas que de Netflix, mais ça frémit quand même.
Unilatéral 🥡 : dîner seul au restaurant un phénomène qui se développe
⌛️ : 52 sec
La tendance des repas en solo connaît une très forte croissance, et les restaurants semblent commencer à s’adapter pour répondre à cette demande inattendue : les réservations solo ont augmenté de 29 % aux États-Unis en deux ans, avec des progressions similaires en Europe et en Asie.
Au Japon, où le terme "ohitorisama" est même consacré pour ce type de repas, un quart des Japonais déclarent manger seuls au restaurant.
Cette tendance trouve plusieurs explications, notamment le télétravail et un recentrage sur le bien-être personnel. D’après Debby Soo, PDG d’OpenTable, les gens apprécient de plus en plus… leur propre compagnie. La pandémie a renforcé cette évolution, modifiant les normes sociales et normalisant (un peu) la vue de personnes dînant seules sans être jugées comme isolées.
Les restaurateurs, bien qu’hésitants à perdre des tables pour deux, s’adaptent et voient dans ces clients en solo un potentiel de fidélité. Des initiatives voient le jour, comme des sièges au comptoir ou des menus adaptés. Certains établissements comme Avant Garden à New York offrent même une expérience personnalisée, avec un menu spécial pour les dîneurs solitaires.
Pourtant, tous les restaurants ne suivent pas cette tendance avec la même ouverture. Certains, comme le restaurant londonien Alex Dilling, facturent une table pour deux même si elle est occupée par une seule personne, non sans protestations des consommateurs concernées par la discrimination..
Affolés 🃏 : Figures du Fou au Louvre
⌛️ : 1 min 40 sec
L’exposition « Figures du Fou - Du Moyen Âge aux Romantiques », au Louvre, explore la fascinante représentation de la folie, une figure complexe et subversive au cœur de l’art médiéval.
Avec plus de 300 œuvres, dont sculptures, enluminures, médailles et tapisseries, elle s’intéresse à l’évolution de la perception de la folie, depuis ses racines religieuses jusqu’à son incarnation au Moyen Âge, et son omniprésence littéralement dans l’art de la Renaissance.
L’exposition tente d’expliquer pourquoi une telle place a été prise par cette figure diverse et pourtant bien codifiée.
La folie était initialemenet considérée comme une absence de foi et elle inspirait des figures comme celle de l’« insensé » des Écritures et des « fous de Dieu » tels Saint François d’Assise (par un intéressant basculement où le fou est celui que Dieu a distingué).
La notion semble s’intégrer davantage au fil du temps, dans la société, pour en être une forme de critique. Les chevaliers fous d’amour, comme Tristan ou Lancelot, illustrent la folie passionnelle, tandis que le fou de cour se politise au XIVe siècle, incarnant le bouffon qui divertit mais aussi la voix subversive qui défie la sagesse royale.
Au XVe siècle, la figure du fou devient omniprésente dans les carnavals et le folklore. Dans ce contexte, Bosch ou Bruegel adopte ce thème entre absurdité et dérision.
À l'époque moderne, la folie perd son institutionnalisation et se transforme sous l'influence des révolutions sociales et artistiques du XIXe siècle, souvent avec une teinte sombre et tragique. Ce parcours historique, conclu par une interprétation romantique du Moyen Âge, invite à réfléchir sur la symbolique de la folie dans notre culture collective.
L’exposition est extrêmement riche et documentée (on pourra d’ailleurs regretter que les cartouches soient aussi longs et explicatifs et aussi petits et mal éclairés). La revisitation de ce thème est très intéressante, et l’on comprend que le Fou est au coeur des tensions de la société, des injonctions morales de l’Eglise et permet un exutoire salutaire. Par un curieux retournement, le fou est aussi celui qui se met à distance et juge à l’aune de sa propre folie, de la folie encore plus grande que celle des Hommes.
On pourra regretter que l’exposition, on est au Louvre tout de même, s’arrête aux Romantiques et ne va pas chercher dans l’art contemporain où le thème ne lasse pas d’interroger les artistes : Van Gogh, Dali, Bacon ou Basquiat eurent été d’intéressants compléments. Alors que l’exposition s’était volontairement concentré sur les figures du fou qui ne traitaient pas de la démence, elle semble faire une incartade à la fin de l’exposition avec Courbet et Goya, pourquoi s’arrêter en si bon chemin.
A voir jusqu’au 3 février 2025
la “Manosphere” appelé aux Etats-Unis
Regardez cette vidéo de Trump qui trolle le discours d’investiture démocrate sur X live pendant la diffusion, une belle illustration de la façon qu’il a eu de lui voler la vedette (à partir de la minute 12’).