Le Wrap Up de la semaine des inondations meurtrières à Valence (semaine du 28 octobre 2024)
💵 les clubs de NBA en hausse avec des audiences en baisse - 😇 la presse épargnée par la recherche générative - 🎂 Hello Kitty, la pure licence - 🐎 l’IPO de Canal+ - 📚 Regain de Jean Giono
Pensées pour nos amis espagnols qui ont subi de plein fouet les pluies torrentielles et les coulées de boue de plus en plus associés à ces “épisodes méditerranéens” dans la région de Valence. Le bilan provisoire de plus de 200 morts ou disparus nous laisse tous hébété, plus d’informations ici.
Au sommaire de la reprise du Wrap Up :
Diversifiés 💵 : la valo des clubs de NBA en hausse avec des audiences en baisse
Optimiste 😇 : la presse sauvée par la recherche générative ?
⌛️ Temps de lecture : 6 min 57 sec
Si vous préférez tester la version audio de cette newsletter, essayez le rendu de la moulinette Google NotebookLLM (en 🇬🇧), le résultat est toujours surprenant :
Diversifiés 💵 : la valo des clubs de NBA en hausse avec des audiences en baisse
⌛️ : 1 min 34 sec
La NBA atteint des sommets financiers inédits : le magazine Forbes évalue chaque année après avoir épluché leurs comptes sociaux, les franchises de la NBA et en faisant ses petits calculs, le prix moyen d’un club de la prestigieuse ligue de basket américain se monte à… 4,4 milliards de dollars.
En tête, les Golden State Warriors sont valorisés à 8,8 milliards, avec une croissance de 14 % par rapport à l'an dernier. Les Knicks, les Lakers, les Celtics et les Clippers suivent de près. Même les équipes les moins cotées, comme les Grizzlies et les Hornets, franchissent désormais le seuil des 3 milliards.
Le modèle économique de la NBA repose de plus en plus sur un multiple de revenus (11,7x), bien au-dessus des autres ligues majeures, NFL incluse.
Un nouveau contrat média de 76 milliards, signé avec plusieurs diffuseurs dont ESPN et Amazon, booste ces valorisations et laisse présager une prochaine hausse des salaires des joueurs. Cependant, paradoxalement, malgré ces chiffres en hausse, l’audience de la NBA reste inférieure à celle des décennies passées, et certains propriétaires influents, comme Mark Cuban, commencent à céder leurs parts (Dallas Mavericks), un signe de prudence face à un profil de risque en mutation.
Pour compenser ces audiences qui s’effritent, la NBA mise sur des projets immobiliers à usage mixte autour de ses stades : restaurants, commerces et hôtels générant des revenus stables et diversifiés.
Cette stratégie, qui attire le capital-investissement, pourrait bien être la prochaine grande tendance pour les franchises sportives. Les projets comme Patriots Place et Deer District montrent déjà l'efficacité de ce modèle.
Mark Cuban, en vendant une partie de ses Mavericks, illustre cette nouvelle approche: la valorisation future d'une franchise ne passera plus seulement par les performances sportives, mais aussi par des stratégies d’investissement immobilier adaptées à un marché ultra-compétitif.
Avec cette diversification, les franchises NBA semblent bien armées pour maintenir leur valeur, malgré un contexte médiatique incertain. Le futur de la ligue pourrait bien reposer sur cette capacité à mélanger sport, immobilier et stratégie financière, loin du simple jeu sur le terrain.
En France, on se souvient de l’entrée de Colony Capital des grands jours au sein du PSG avec justement l’envie de rendre le football français plus familial avec la promesse d’une venue au stade qui pourrait être une destination en soi avec ses galeries marchandes et ses commerces adjacents. Si la tentative de féminisation et de rajeunissement semble avoir la mallisation du Parc des Princes a fait long feu.
Optimiste 😇 : la presse épargnée par la recherche boostée à l’IA ?
⌛️ : 1 min 12 sec
L’inquiétude des éditeurs face à l'impact de l'IA générative sur leur trafic semblerait, pour l’instant (OpenAI a introduit la semaine dernière son moteur de recherche IA), infondée.
C’est du moins l’avis de Sonali Verma de l’INMA : depuis l'introduction par Google d’overviews IA en mai, les craintes d’une baisse de fréquentation, causée par la capacité des moteurs de recherche à fournir des résumés instantanés, se sont atténuées. Une analyse de Parse.ly, qui étudie le trafic de milliers de sites américains, montre que l’IA générative n’a pas eu d’impact significatif sur le trafic global (pour l’instant).
Contrairement aux prévisions, Google n’a pas appliqué ces résumés IA aux actualités critiques. Cela pourrait expliquer pourquoi les publications de type "service" ou guides pratiques n’ont pas subi de baisse particulière (pour l’instant). En fait, à ce jour, les clics sur les liens dans les résumés IA génèrent même un taux de clic plus élevé que les listes de liens classiques (pour vérifier?).
Les résultats diffèrent selon les plateformes :
Sur Google Discover, les recommandations personnalisées ont favorisé une hausse du trafic vers les éditeurs de 13 % depuis janvier 2023.
Côté Facebook, le déclin est bien plus prononcé : les visites référencées ont chuté de 14 % au printemps à seulement 6 % en août.
Bing, quant à lui, dépasse maintenant X (ex-Twitter) en termes d’apport de trafic.
Dans ce contexte, miser sur un lectorat fidèle et une approche plus indépendante pourrait s’avérer judicieux pour les médias cherchant à naviguer au-delà des aléas des changements d’algorithmes des différents apporteurs de trafic, entre moteurs de recherche et réseaux sociaux.
L’association internationale de la presse internationale croit même à une opportunité face à l’abondance de contenus digérés par l’IA :
I wrote in June about a flight to quality — that news consumers are going to choose trusted news sources that provide differentiated content over a generic answer that a search engine spits out.
Cinquantenaire 🎂 : Hello Kitty, la pure licence
⌛️ : 1 min 34 sec
Hello Kitty, l’icône incontestée de la culture kawaii, fête ses 50 ans.
Née en 1974 de l’imagination d’une dessinatrice japonaise, Shimizu Yuko, elle s’est rapidement imposée comme l’empreinte visuelle de Sanrio, une entreprise générant aujourd’hui près de 4 Md$ de revenus annuels.
Son visage minimaliste – trois cercles, six lignes et un nœud rouge – n’a jamais eu besoin de mise à jour, contrastant avec Mickey Mouse. C’est cette simplicité qui lui permet de se retrouver sur tous les objets possibles, des faux ongles OPI aux baskets Adidas, en passant par des produits beaucoup moins officiels.
Le succès mondial de Hello Kitty incarne la fascination pour le kawaii, une esthétique de la mignonnerie ancrée dans la culture japonaise depuis le XVIIe siècle.
Hello Kitty, qui est censée être une petite fille vivant dans la banlieue de Londres, exprime la douceur, la vulnérabilité et une absence de traits émotionnels. Selon Joshua Paul Dale, spécialiste des Cute Studies (apparemment oui ça existe), cette absence d’expression la rend adaptable et apaisante, surtout dans des périodes économiquement ou socialement moroses. Ainsi, même quand le Japon entre en récession dans les années 1990, Kitty continue de séduire, offrant une échappatoire douce et rassurante à une société en mutation.
Le phénomène Hello Kitty transcende bien sûr les seules frontières japonaises, et cartonne à la fin du XXe siècle, alors que le monde occidental découvre les mangas et anime japonais (on en parlait là dans le Wrap Up).
Le gouvernement japonais a même capitalisé sur cette tendance en 2013 en promouvant sa culture à l’international, ce qui a consolidé Hello Kitty comme un symbole de "Cool Japan". Sa popularité a ouvert la voie à d’autres personnages kawaii, comme Cinnamoroll, qui rivalise aujourd'hui avec elle dans les sondages de popularité de Sanrio.
Hello Kitty est aussi un reflet de l’évolution socio-économique du Japon. Dans les années 1970, alors que de plus en plus de femmes rejoignent le marché du travail, elles adoptent ces objets "mignons" comme un moyen de se faire plaisir et d’alléger leur quotidien. Roland Kelts, de l’université Waseda, voit en Kitty un emblème post-Seconde Guerre mondiale, incarnant la volonté de tourner la page et de "paraître mignon et paisible" plutôt que de revendiquer une identité guerrière.
Ainsi, malgré l’arrivée de nouveaux personnages, Hello Kitty reste fidèle à elle-même, offrant, à travers son expression énigmatique et son air intemporel, une présence rassurante dans un monde en perpétuel changement.
Cotée 🐎 : l’IPO de Canal+ sur une valorisation à 7 Md€
⌛️ : 1 min 28 sec
Vincent Bolloré, le Mozart de la Finance comme il fut un temps surnommé, n’est jamais en manque d’une manoeuvre boursière : alors qu’il avait promis de se retirer des affaires en 2022 et de laisser un ensemble cohérent à son groupe dans les médias et la publicité, voici qu'à la suite de l’annonce de l’éclatement de l'empire Vivendi, il avance sur la cotation de Canal+ comme entité indépendante.
Après s'être débarrassé d'Universal Music Group (UMG) en 2021, Bolloré décide maintenant de coter en Bourse trois divisions phares de Vivendi : Canal+, Havas et Hachette, pour en maximiser la valorisation individuelle et en finir avec la décote de holding qu’on prête à ce titre.
Canal+ serait ainsi valorisée à près de 6,85 milliards d'euros et sera introduite sur le marché londonien.
Avec près de 50 millions d’abonnés mondiaux et l’acquisition en cours de Multichoice en Afrique pour 3 Md€, le groupe de chaînes payantes continue d’ambitionner à affronter les géants américains du streaming. Ce repositionnement de Canal+, amorcé par Bolloré, marque une rupture avec son ancien modèle, qui évaluait la chaîne à 5 Md€ il y a dix ans. En somme, ce positionnement dans la course au leadership global du divertissement payant, est à même de séduire les investisseurs londoniens.
Du côté d’Havas, la situation est moins triomphante. La valorisation d'Havas, estimée à 3,44 milliards d’euros, est légèrement inférieure aux 3,9 milliards d’euros déboursés par Vivendi en 2017. L'agence de publicité se dirige vers une introduction plus discrète à Amsterdam, rappelant une relation d'amour-haine entre Bolloré et ses actifs.
Quant à Hachette, fort de ses parts majoritaires dans Lagardère et Prisma, il est coté à 2,15 milliards d’euros, formant avec Canal+ et Havas un ensemble de 12,5 milliards d’euros, soit une valorisation supérieure de 25 % à celle de Vivendi en Bourse.
Pour Bolloré, cette réorganisation marque la transition de Vivendi en une holding de participations. Le groupe conservera ainsi des parts dans des entreprises comme Telecom Italia, Mediaset, et une minorité d’Universal Music. Avec une dette résiduelle de 1,9 milliard d’euros, la galaxie Vivendi est estimée à 8 milliards d’euros, offrant à Bolloré encore de quoi orchestrer quelques opérations complexes.
En somme, Bolloré pousse chaque pièce de son empire vers l’autonomie financière, avec en toile de fond une stratégie pour maximiser les gains individuels tout en maintenant un pied dans chaque entité.
Reverdi 🌿 : Regain de Jean Giono
⌛️ : 1 min 14 sec
"Regain" de Jean Giono, c’est un bijou littéraire qui ressuscite la culture paysanne de la Haute-Provence dans l'entre-deux-guerres, et par-là, il fait aussi revivre un rapport au monde des campagnes qui tend à disparaître (parole de rat des villes).
Panturle, seul dans son village abandonné, survit dans une nature farouche, là où les générations passées entretenaient encore le lien avec la terre. Avec l’arrivée d’une femme, l’isolement prend fin, et c’est toute une cosmogonie rurale qui renaît dans un monde où le langage, les gestes, et même la rudesse des échanges dépendent de la nature, des saisons, du vent et de la pierre.
La langue de Giono n’est pas seulement magnifiquement poétique ; elle incarne un rapport ancien et profond au monde, celui-là même que certains d’entre nous, par des récits familiaux ou les paroles de nos aînés, ont encore frôlé du bout des doigts.
Cet héritage paysan, âpre et beau, a sombré dans l’oubli avec nos racines. Mais dans "Regain", il revit sous la plume de Giono, qui ne dissimule rien de la dureté, de la cruauté parfois, de ce monde où les émotions sont retenues.
Les personnages — Panturle dans sa solitude animale, Mamèche, la pythie piemontaise du village, l’Arsule, ou le vieil Gédémus — incarnent une humanité à la fois primitive et universelle. Chacun de leurs mots, prononcés dans un Provençal qui vient enrichir le français vernaculaire, nous transporte dans les hauteurs d’Aubignane, là où même les villages ont été désertés par l’industrialisation dans les années 1920-30.
Giono magnifie ce monde rural, le rend humain sans en masquer l’adversité. Il nous rappelle que, face aux caprices de la nature, l’homme peut s’endurcir et parfois s’avilir, mais aussi retrouver l’essence de la vie, celle qui fait de "Regain" une œuvre intemporelle et vivifiante. Ce retour à la simplicité, à la puissance de l’essentiel, c’est l’art de Giono, et c’est aussi un appel — peut-être désespéré — à retrouver un lien avec ce qui, pour nos anciens, fut tout.