Le Wrap Up de la semaine où le Wrap Up a dépassé les 2000 abonnés
👯♂️ : les jumeaux numériques - 😱 : les fusions manquées des médias - 🤖 : la Chine empêtrée sur l’IA - 🍏 : Apple et sa stratégie ciné -🚶♂️➡️: la déclanification de l'Europe source de prospérité
2000
“En vrai, c’est pas ouf” diraient les plus jeunes de mes lecteurs, mais ce qui a commencé comme une petite newsletter de veille tech et médias il y a presque 4 ans s’est établie progressivement comme une routine hebdomadaire qui ne connaît quasiment aucune interruption, même pas l’été, pour intéresser plus de 2000 personnes ce qui dépasse progressivement mon cercle familial, puis amical, puis professionnel.
C’est avant tout un exercice personnel, une auto-discipline de lecture de ces articles qu’on met de côté et qu’on ne lit ordinairement pas, un petit coup de pouce pour regarder ce reportage sur Arte ou aller à cette exposition à l’autre bout de la ville, et c’est, bien sûr, aussi un plaisir, celui d’écrire, d’apprendre, peut-être, qui sait, de mieux retenir.
C’est aussi un exercice social permettant d’échanger avec des personnes que je n’aurais pas connues autrement, d’univers de temps en temps assez éloignés de mes bases.
Donc pour toutes ces raisons, merci, merci à ces 2000 abonnés qui me rappellent à l’ordre alors que la mollesse naturelle des dimanches soirs s’installe.
Sans plus attendre retour à nos programmes habituels, au sommaire de cette semaine :
Estrangé🚶♂️➡️: la déclanification de l’Europe expliquerait la réussite de l’Occident
⏳ Temps de lecture : 7 min 09 sec
Geméllaire 👯♂️ : l’essor des jumeaux numériques
⏳ : 1 min 38 sec
L'article de The Economist nous plonge dans l'ère des "digital twins", ces répliques virtuelles de nos corps ou d'objets physiques, qui s'intègrent de plus en plus dans notre quotidien. Dans un futur proche, lors de vos visites médicales, vous pourriez être accompagné d'un double numérique de votre corps. Ce modèle virtuel, mis à jour en temps réel avec vos signes vitaux, aidera les médecins à poser des diagnostics précis et à concevoir des traitements personnalisés, augmentant ainsi les chances de guérison.
Si cette idée peut sembler futuriste, les bases sont déjà posées. À l'Université Queen Mary de Londres, des simulations informatiques du cœur sont déjà utilisées pour évaluer des traitements spécifiques pour des patients atteints de fibrillation auriculaire. D'autres organes sont également "jumelés" par les scientifiques, avec l'ambition de créer un corps virtuel complet qui servirait de cobaye.
Les jumeaux numériques ne se limitent pas à la médecine, ils se multiplient dans d’autres domaines : ils surveillent les moteurs d'avions, optimisent les chaînes d'approvisionnement d'Amazon, aident les autorités locales à gérer les inondations, et permettent aux constructeurs automobiles de tester des prototypes de véhicules sans les risques des tests réels. L'essor de l'intelligence artificielle donne à ces jumeaux numériques la capacité de prédire et d'optimiser leurs équivalents physiques en temps réel.
Historiquement, l'idée de créer des représentations symboliques des objets du monde réel remonte à la nuit des temps. Les civilisations anciennes construisaient des maquettes architecturales, tandis que la comptabilité en partie double, développée au XVème siècle en Italie, offrait une représentation sur papier des finances des marchands.
Aujourd'hui, les jumeaux numériques prolongent cette tradition, permettant de résoudre des problèmes complexes, de prédire l'avenir et d'éviter des erreurs coûteuses, que ce soit dans les affaires ou la société.
Cependant, ces répliques virtuelles ne sont pas sans risques. Mal programmées ou piratées, elles pourraient ignorer des conditions médicales cruciales, déstabiliser des systèmes d'entreprise, ou compromettre des infrastructures critiques.
The use of AI takes all this much further, allowing virtual models to become more sophisticated, and to both simulate and optimise activities in the real world. You may worry that this portends a dystopian future;
Morpheus, a character in a science-fiction film from 1999 in which a sentient machine subdues humanity through pervasive virtual reality, had a name for it. As he said: “The Matrix is everywhere. It is all around us.”
Elles consommeront également des montagnes de données, soulevant des préoccupations en matière de confidentialité et de surveillance. Malgré ces dangers, les avantages potentiels des jumeaux numériques sont indéniables : des soins de santé personnalisés, des villes mieux gérées, et une meilleure anticipation des menaces environnementales. Leur impact sera déterminant dans les années à venir.
Manqués 😱 : les fusions manquées des médias
⏳ : 1 min 23 sec
Le dernier article d’Axios Media Trends met en lumière une tendance préoccupante dans le monde des fusions et acquisitions médiatiques : l’émergence de propositions de rachat qui, bien que médiatisées, manquent souvent de financement réel pour aboutir. Un exemple frappant est celui d'Edgar Bronfman Jr., qui a récemment retiré son offre pour Paramount. Son groupe d'investissement, malgré la présence de financiers sérieux comme Fortress et BC Partners, comptait aussi des acteurs moins connus, rendant l'obtention des fonds incertaine.
Ce phénomène n’est pas isolé. Plusieurs tentatives de rachats médiatiques ces dernières années ont échoué lorsque les acheteurs n'ont pas pu réunir les fonds nécessaires à temps.
C’est le cas du magazine Forbes, où le jeune PDG d’une entreprise de véhicules électriques, Austin Russell, n’a pas respecté le délai de financement. De même, le groupe Black, qui depuis des années promet des acquisitions majeures, n’a encore rien concrétisé de significatif, et Byron Allen, bien qu’ayant manifesté un intérêt pour de nombreux actifs médiatiques, n’a jusqu’à présent réalisé aucun rachat important.
Les vendeurs, soucieux de conclure des transactions viables, préfèrent souvent des offres plus modestes mais sécurisées, plutôt que de perdre du temps avec des propositions aux engagements flous :
Bronfman, malgré une offre augmentée à 6 Md$, n’a pas pu concurrencer Skydance, dont l'offre était soutenue par RedBird Capital Partners, un investisseur au financement plus stable.
Dans des secteurs comme les médias et le sport, où la valeur financière est souvent détachée du prestige des actifs, la viabilité des offres est souvent mise en balance avec l’attention médiatique que ces offres peuvent générer.
Bien que Bronfman ait échoué à racheter le magazine Time il y a quelques années et n'ait pas réussi cette fois avec Paramount, il s'est néanmoins positionné comme un acteur à surveiller dans les futurs grands deals médiatiques, car c’est autour de porteurs connus que les financiers de l’ombre peuvent donner leurs lettres de crédibilité.
En France, le rachat d’actifs médias reste encore l’apanage de capitaines d’industrie à la fortune éprouvée, d’un certain Kretinsky (CMI) dont on continue d’ignorer l’origine exacte de la fortune, à Rodolphe Saadé (CMA-CGM), en passant par l’incontournable Bernard Arnault. Le dernier deal à consonance très financière remonte au rachat de Deezer par le SPAC financé en bourse.
AI been 🤖 : la Chine empêtrée sur l’IA
⏳ : 1 min 18 sec
The Economist explore cette semaine les débats internes en Chine concernant l'intelligence artificielle (IA), mettant en lumière une scission au sein de l'élite chinoise.
D'un côté, les « accélerationnistes » soutiennent une progression rapide de l'IA, arguant que la compétition avec l'Occident, notamment les États-Unis, nécessite de maintenir un rythme effréné pour ne pas être distancé.
De l'autre, une faction croissante de « doomers » estime que l'IA représente un risque existentiel pour l'humanité, comparable ou supérieur à celui des armes nucléaires, et donc une certaine prise de conscience relative à cela.
Ce débat a été ravivé par des discussions entre dirigeants américains et chinois, dans la lignée des dialogues initiés par Henry Kissinger avant sa mort, portant sur les dangers potentiels de l'IA.
La Chine, traditionnellement plutôt concentrée sur le contrôle de la liberté en ligne, commence à prendre en compte les préoccupations liées à la sécurité globale de l'IA.
Des personnalités influentes, comme Andrew Chi-Chih Yao, lauréat du prix Turing, et d'autres scientifiques de renom, ont eu la liberté d’alerter sur les dangers d'une IA non régulée, notamment les risques d'autonomie incontrôlée des modèles d'IA.
En réponse, le gouvernement chinois a déjà mis en place des mesures de surveillance et de conformité pour s'assurer que les modèles d'IA respectent les « valeurs socialistes » et ne subvertissent pas le pouvoir de l'État.
Cependant, les réglementations restent relativement légères, et les accélérationnistes plaident pour ne pas freiner le développement technologique de peur de compromettre la compétitivité de la Chine sur la scène mondiale.
La position finale de la Chine dépendra largement de Xi Jinping, qui a récemment montré un intérêt accru pour les préoccupations des “apocalypsologues”, en intégrant les risques de l'IA dans les priorités nationales aux côtés des risques biologiques et des catastrophes naturelles.
Si la Chine décide de renforcer les restrictions sur la recherche avancée en IA, elle pourrait devenir le premier grand pays à imposer des contrôles significatifs dans ce domaine.
Cependant, le débat reste ouvert, tant en Chine qu'à l'international, entre ceux qui prônent une accélération du développement et ceux qui prônent la prudence.
Gâtée 🍏 : Apple revoit sa stratégie cinématographique
⏳ : 1 min 22 sec
Apple a récemment annoncé revoir sa stratégie de distribution de films après plusieurs échecs au box-office.
Le cas récent le plus emblématique est celui de "Wolfs", un film d'action-comédie avec George Clooney et Brad Pitt. Initialement prévu pour une large sortie en salles, le film ne sera finalement diffusé qu'une seule semaine dans quelques cinémas avant de basculer sur la plateforme de streaming Apple TV+.
Cette décision a surpris les créateurs du film, dont le réalisateur Jon Watts, qui avait conçu initialement le film pour le grand écran.
Ce revirement s'inscrit dans un contexte plus large de déceptions pour Apple au box-office. En effet, plusieurs de ses productions récentes, comme "Napoleon" de Ridley Scott ou "Killers of the Flower Moon" de Martin Scorsese, n'ont pas atteint les résultats escomptés malgré des budgets colossaux et le recours à des acteurs et réalisateurs des plus bankables.
Ces échecs mettent en lumière les difficultés d'Apple à s'imposer dans le monde du cinéma traditionnel, un secteur où pourtant sa marque de qualité et d'innovation aurait dû trouver sa place.
Face à ces déboires, Apple semble réévaluer ses priorités. La société aurait décidé de limiter ses films à grand budget à un ou deux par an, tout en réduisant le coût des autres productions.
Cette stratégie vise à minimiser les risques financiers tout en continuant d'alimenter Apple+, son service de streaming avec des contenus exclusifs.
Cependant, on le sait les inflexions de politique de production ont généralement des impacts à deux ans : La société prévoit prochainement une sortie en grande pompe pour "F1", un film de Joseph Kosinski avec Brad Pitt, prévu pour l'été 2025.
Apple qui ne se contente que de l’excellence, bute dans le divertissement sur la réalité d'un marché impitoyable, où les formules de succès ne sont pas évidentes, avec le dilemme en toile de fonds entre les sorties en salle et une large exposition au public tous bords confondus et les utilisateurs Apple de son service (la fin de l’offre de gratuité dans les offres Canal+ en France pour Apple+ vient peut être justement s’aligner avec cette stratégie de repli cinématographique).
Estrangé🚶♂️➡️: la déclanification de l’Europe expliquerait la réussite de l’Occident
C’est à une digression fascinante à laquelle se livre Florent Ingen-Housz dans sa dernière newsletter Les Eclectiques, Vol. 35 - E pluribus unum.
Il y propose une réflexion sur les racines psychologiques et culturelles des États-Unis, en tant que "spin-off" de l'Europe. À travers une lecture croisée de l'essai The WEIRDest People in the World (dont nous avions brièvement parlé ici) et de la fameuse biographie de Benjamin Franklin par Walter Isaacson, il explore l'idée que le principal héritage européen transmis aux Américains serait un profil psychologique distinct, façonné par des siècles d'évolution culturelle et institutionnelle sur le Vieux Continent.
Cette thèse va à rebours de l’universalisme de la pensée humaniste et vient nourrir un certain discours sur la supériorité de l’Occident dans une époque qui voit cet Occident justement descendre de son piédestal sous les coups de boutoir du “Sud Global”.
L'essai met en lumière le concept des WEIRD (Western, Educated, Industrialized, Rich, Democratic), des individus issus de sociétés occidentales produit d'évolutions culturelles différenciées, fortement influencées par l’évolution des structures familiales.
Les WEIRD se caractérisent ainsi par des structures familiales nucléaires, la diffusion de la monogamie et une interdiction stricte des mariages consanguins, contrastant avec les sociétés plus traditionnelles où le clan et les liens du sang dominent.
Florian, souligne à l’appui de l’auteur E. N. Henrich, le rôle crucial de l'Église chrétienne en Occident, qui, à travers des règles matrimoniales strictes, a progressivement démantelé les structures claniques et poussés les familles à aller chercher plus loin les conjoints, voire à favoriser la population des villes (aidant aussi ainsi l'émergence de l'individualisme et la mise en place d’institutions permettant la coopération impersonnelle dans la vie en collectivité).
Les villes et dans un autre registre les universités ont à leur tour renforcé ces traits psychologiques en favorisant l’émergence de ce qu’il faut bien appeler un sentiment diffus d’appartenance, ne se rattachant pas au sang mais plutôt à une communauté d’élection comme la nation.
Le billet se conclut en rappelant que l'une des forces des sociétés modernes réside dans cette capacité à instaurer la confiance et à aligner l’individualisme avec le civisme. Dans un contexte de fragmentation sociale croissante, ce rappel est plus pertinent que jamais.