Le Wrap Up de la semaine de l'attentat du Crocus City Hall à Moscou (semaine du 18 mars 2024)
🤯 : Apple et Google alliés dans l'IA ? - 📈 Reddit cotée - ™️ : quel référencement des marques dans les LLMs - 👾 : Linkedin teste des jeux - 🎭 : Isabelle Huppert dans Bérénice
Au sommaire de cette semaine :
Iconoclaste 🤯 : Apple pourrait sceller un accord avec Google sur l’IA
Gamifié 👾 : Linkedin songe à introduire des jeux sur sa plateforme ?
⏳ Temps de lecture : 7 minutes 32 secondes
Iconoclaste 🤯 : Apple pourrait sceller un accord avec Google sur l’IA
⏳ : 1 min 37 sec
C’est l’alliance de la carpe et du lapin : à ma droite, Apple, titan de l'innovation connu pour ses produits élégants et performants, à ma gauche Google, leader incontesté du Searche et éditeur de l’OS mobile le plus répandu sur la planète, parti en retard sur l’IA générative grand public. Leur discussion porte sur la possibilité pour le premier d’intégrer Gemini, le LLM1 dans son prochain iPhone.
Ces discussions, bien qu'encore à un stade préliminaire, marquent une étape significative dans la course à l'intégration de l'IA dans nos objets du quotidien.
La relation entre Apple et Google, bien que concurrentielle, a toujours été teintée d'une collaboration mutuellement bénéfique. Depuis l'avènement de l'iPhone en 2007, Google a fourni contre monnaie sonnante et trébuchantes, des services essentiels tels que Google Maps et est devenu le moteur de recherche par défaut sur le navigateur Safari, consolidant ainsi un partenariat lucratif qui s'est avéré fructueux pour les deux parties.
La révélation de ces discussions sonne comme un aveu de faiblesse de la part d’Apple, laissant entendre que la firme de Cupertino est à la traîne sur l'IA et qu’elle n’estime pas utile ou nécessaire ou possible de rattraper son retard rapidement.
Tim Cook, le PDG, s’était prestement engagé à introduire de nouvelles capacités d'IA générative au sein des produits Apple cette année, reconnaissant implicitement l'importance cruciale de l'IA dans l'avenir des produits high tech.
Apple pourrait être en retard au point qu’elle en serait réduite d’utiliser la tech de Google alors même que son grand concurrent dans les terminaux mobiles, Samsung, a déjà intégré Gemini dans ses appareils les plus récents pour des fonctionnalités telles que l'édition vidéo et la synthèse de résumés audio…
Ce retard à l’allumage a déjà eu des conséquences pour Apple, en particulier sur le plan boursier : Apple a dû laisser sa place de plus grande capitalisation boursière mondiale à Microsoft qui a bénéficié à plein de l'IA à travers ses investissements successifs dans OpenAI et dans l’intégration de ses outils dans ses suites logicielles (à travers Copilot).
Le bénéfice pour Google de cet accord en donnant accès, en théorie, à près de 2 milliards de devices Apple actifs dans le monde, loin devant le nombre total d’utilisateurs de ChatGPT :
A deal could bring the Gemini model to iPhones around the world, giving Google access to a massive user base and making generative A.I. even more mainstream. Virtually overnight, Google could have more consumers using its A.I. than its chief rival, OpenAI, which makes ChatGPT — making a pact with Apple a tantalizing prospect.
Toutefois, on peut aisément l’imaginer, une telle entente pourrait attirer l'attention des régulateurs américains, déjà préoccupés par les implications anticoncurrentielles de la relation entre Apple et Google.
Vu-lu 🤓 : Reddit, premier jour de cotation
⏳ : 38 sec
Reddit est souvent mal perçu en Europe, il s’agit pourtant aux Etats-Unis d’un mastodonte des réseaux sociaux désormais en Bourse à New York.
La valorisation atteint un vertigineux 6,4 milliards de dollars. Le réseau aux 100 000 forums, allant de l’actu des célébrités aux débats de société les plus houleux.
C’est la première depuis 2019 et la cotation de Pinterest qu’un nouveau réseau est coté : avec ses 73 M d'utilisateurs actifs quotidiens, il se dresse comme un colosse aux pieds d'argile, n'ayant jamais réellement approché les bénéfices, malgré un CA de 804 M$ l’an dernier.
Son modèle économique reste pourtant peu original : la publicité, mais dont l’efficacité sur ces forums peut être vu comme peu performante ou peu flatteuse. En 2023, c’est une perte annuelle de 90,8 M$ qui vient ternir le tableau. Ces dernières semaines, Reddit a laissé entrevoir de nouvelles formes de monétisation en signant des accords avec des acteurs de l’IA pour les laisser exploiter les données publiques de ses pages, un trésor pour les alchimistes de l'intelligence artificielle.
Marketé ™️ : pour une marque, quel branding ?
⏳ : 1 min 46 sec
À l'ère de l'omniprésente intelligence artificielle, les marketeurs de tout pays se penchent sur un nouvel indicateur : la part de modèle (share of model en anglais).
Alors que les modèles de langage large (LLM) comme ChatGPT, Llama 2 de Meta ou encore Copilot de Microsoft prennent une place prépondérante dans le traitement des requêtes de recherche, il devient crucial pour les marques de comprendre comment ces modèles perçoivent leur image (tout en continuant de se défendre d’avoir enfreint une quelconque règle de copyright!).
Le défi ne réside plus uniquement dans la maîtrise de la part de Top of Mind classique du branding mais s'étend désormais à la part de modèle, qui évalue la perception de la marque par les modèles IA, sa comparaison avec les concurrents, et les raisons pour lesquelles un produit est recommandé.
Nous avions évoqué ce sujet avec Sane Lebrun qui édite la newsletter sur le marketing et l’IA (Upmynt dont je vous recommande la lecture hebdomadaire) : nous trouvions curieux la prépondérance des bouteilles de Ketchup Heinz (voir exemple plus haut) dans n’importe quelle requête sur Midjourney ou Dall-e 3 concernant le simple terme de Ketchup, nous interrogeant sur les relations potentiellement commerciales déjà établies entre des marques iconiques, véritables category killer de leur secteur d’activité, avec les principaux LLMs du marché.
L’article d’Adweek évoque une triple stratégie que doivent adopter les marketeurs
Tout d'abord, ils doivent saisir l'importance des premières impressions. À une époque où l'IA peut explorer le web ouvert pour répondre aux interrogations des utilisateurs, chaque contenu contrôlé par la marque devient un plaidoyer crucial pour sa valeur et son unicité. Il ne s'agit plus seulement d'attirer l'œil humain mais de modeler la perception de l'IA à travers chaque publication en ligne.
Deuxièmement, la curiosité proactive est de mise. En posant directement des questions aux différents modèles, les marketeurs peuvent décrypter les apprentissages déjà assimilés par l'IA concernant leur marque.
Cette démarche équivaut à conduire un groupe de discussion infini avec des participants infatigables, permettant une optimisation continue de la communication pour améliorer la part de modèle.
Enfin, l'optimisation et l'observation constantes sont essentielles. Dans un univers où l'IA évolue sans cesse, les marques doivent adopter une approche dynamique, ajustant régulièrement leur stratégie pour rester pertinentes. L'objectif est d'établir la part de modèle comme un KPI aussi crucial que la part de marché ou la part de voix, nécessitant une veille permanente pour s'adapter aux perceptions changeantes des LLM.
Ce qui suppose dans les trois catégories, la mise en place d’un nouveau métier de LLMO (pour LLM Optimization), qui consiste à faire en sorte que la marque dont l’expert marketing aura la charge soit correctement dissémée et indexée dans tous les documents dont le LLM se nourrira. Search Engine Land revient dans un article assez complet sur les différentes interventions possibles pour influencer la structuration de la donnée dans les LLMs, bien sûr sans garantie de succès…
Gamifié : Linkedin songe à introduire des jeux sur sa plateforme ?
⏳ : 1 min 58 sec
Si tout se gamifie, est-ce que LinkedIn, LE réseau social professionnel, comptant plus d'un milliard d'utilisateurs pourrait se gamifier ? D’après TechCrunch, LinkedIn réfléchit à développer une nouvelle expérience de jeu, en s'appuyant sur l'engouement pour les puzzles qui a rendu des jeux simples comme Wordle (un des produits d’appel du New York Times) célèbres et rassemblé des millions de joueurs.
Les premiers jeux développés seraient un jeu de dames, « Inference » et « Crossclimb ».
Des traqueurs d'application ont récemment découvert du code indiquant ce projet de LinkedIn dans les derniers updates : Nima Owji, l'un d'entre eux, a révélé que LinkedIn envisage d'organiser les scores des joueurs par lieu de travail, permettant ainsi un classement des entreprises selon ces scores.
Un porte-parole de LinkedIn a confirmé le développement de cette initiative de jeu, sans pour autant annoncer de date de lancement.
“We’re playing with adding puzzle-based games within the LinkedIn experience to unlock a bit of fun, deepen relationships, and hopefully spark the opportunity for conversations,” the spokesperson said in a message to TechCrunch. “Stay tuned for more!”
Les images partagées par le chercheur ne seraient pas les versions les plus récentes, et de nouvelles images ont été fournies.
Le porte-parole de LinkedIn n'a pas précisé si l’actionnaire unique Microsoft, dont les activités de jeu vidéo sont très importantes avec plus de 7 Md$ de revenus en 2023, et bien plus encore depuis l’acquisition d’Activision, était impliqué dans la conception de ces casual games.
Les jeux, notamment les puzzles et jeux casual, font partie des applications les plus populaires sur mobiles et PC, en termes de revenus et d'engagement. D'autres plateformes non ludiques ont historiquement exploité cette popularité pour augmenter leur trafic, une tendance qui existe bien avant l'internet, comme le montre la popularité des mots croisés dans les journaux.
Le New York Times, qui a acquis Wordle en 2022, rapporte que des millions de personnes continuent de jouer au jeu, désormais intégré à une plateforme plus large de puzzles et jeux en ligne développée par le journal et qui peut constituer un abonnement à part (à 3 euros par semaine!).
D'autres tentatives d'intégration de jeux sur des plateformes sociales ont eu des résultats mitigés. Facebook, par exemple, a fermé son application de jeux autonome en 2022 en raison d'une baisse d'utilisation, se concentrant davantage sur les expériences de réalité mixte de son casque maison Meta Quest.
Au fil des ans, LinkedIn a testé différentes nouvelles fonctionnalités pour augmenter l'utilisation et l'engagement sur sa plateforme, avec une stratégie qui pourrait se résumer ainsi : comment prendre les outils les plus populaires utilisés actuellement et les rendre pertinents pour l'audience de LinkedIn, avec un focus sur le monde professionnel MAIS tout en gardant les fondamentaux de Linkedin inchangés ?
Parmi les quelques initiatives de diversification, on a vu passer des efforts pour développer l'éducation en ligne (notamment avec le rachat de la plateforme d’elearning Lynda), le développement professionnel, l'édition de newsletter (avec la fonctionnalité Articles), l'intégration d'outils vidéo (les vidéos live Linkedin ou différentes tentatives du temps du succès de Clubhouse), ou encore le fait d’attirer des créateurs et des influenceurs (création du label Top Voice Linkedin).
Expérimentalisée 🎭 : d’après Bérénice… Isabelle Huppert
⏳ : 1 min 28 sec
On ne sait jamais si on doit trop se renseigner sur une représentation théâtrale avant d’y aller. Là, on sait : il faut savoir où on met les pieds quand on va voir “Bérénice” d’après Racine, avec l’iconique Isabelle Huppert, mise en scène par Romeo Castelluci.
Il faut savoir car au delà du choc esthétique, il faut savoir qu’on ne va pas voir Bérénice de Racine au Théâtre de la Ville. On va voir une pièce inspirée de Racine et qui devient plutôt le terrain expérimental du metteur en scène, à l’origine plasticien, réputée pour son approche hard-core du théâtre.
Du reste, sur le site du théâtre, Castelluci avait averti :
Sur la scène, comme une étoile fixe, Isabelle Huppert incarne Bérénice, la particulière et ontologique solitude du personnage théâtral et de la figure humaine. Il n’y aura sur scène que deux autres acteurs qui joueront Titus et Antiochus, et plusieurs sénateurs romains. Toutes leurs répliques seront incompréhensibles et recouvertes par la voix de Bérénice. Les éléments sonores du spectacle – tous, perçus ou inouïs – sont produits par la voix d’Isabelle Huppert et élaborés par l’artiste Scott Gibbons.
Dont acte : Huppert sera seule en scène, énonçant des bribes de la partition de Bérénice, sans aucune réplique des autres personnages de la pièce, ni Titus, ni le soupirant Antiochus, ni sa confidente, Phénice. A la place, un spectacle par moment pénible plein de fumées, d’écrans, de voix déformée par le vocodeur, de basses qui font penser à du Denis Villeneuve dans Dune, des accessoires énigmatiques (un radiateur, un lave linge), des inscriptions cryptiques sur les murs drapés du palais. ..
La pièce énigmatique part franchement en vrille à la fin alors que comme certains s’accordent à le penser, Bérénice est une pièce “où il ne se passe rien” et que rien ne semble venir appuyer les délires modernistes d’une création en mal de rebondissement (l’inévitable striptease du chœur de sénateurs romains, les cris machinaux stroboscopiques qui intiment l’ordre de ne pas regarder, et les rétroprojections absconses de la composition des corps).
Il en reste, une fois qu’on a dit tout cela, une expérimentation qui colle à la rétine et qui donne matière à penser, certains effets audiovisuels sont sublimes comme ce rideau noir qui dégouline sur les parois, ce drap spongieux qui monte et retombe en faisant un splash ventouseux et Huppert qui court d’un côté à l’autre de la scène fuyant sa honte et son chagrin.
En représentation jusqu’au 28 mars, avant tournée européenne, puis Rennes en 2025 :
LLM : large language model, la base des modèles d’IA textuels.