Le Wrap Up de la semaine où le NY Times a poursuivi OpenAI en justice (semaine du 1er janvier 2024)
5 bullet points Médias et tech chaque semaine
Bonjour,
Je vous souhaite à tous une très belle et bonne année 2024. Après une première semaine de repos, nous reprenons le fil de nos actualités médias et tech et NFT et IA, avec toujours une idée de sortie culturelle pour le weekend (généralement à Paris).
Vous êtes dorénavant près de 1700 abonnés à suivre les éditions du Wrap Up (vs. 1124 un an plus tôt), merci de votre confiance et de partager autour de vous ces éditions concoctées avec mes doigts menus chaque semaine depuis maintenant près de 4 ans.
2024 sera l’année du déploiement du Wrap Up avec l’arrivée prochaine d’une édition sonore (dont la forme reste à définir) et probablement d’une version anglophone vue la prolifération des outils de traduction rendant cette tâche très facile, d’autres idées germent en ce moment dont je ne manquerais pas de vous tenir au courant.
Continuez à me faire vos retours sur ces éditions, j’apprécie particulièrement ces échanges toujours constructifs.
Bonne lecture !
Christian
Au sommaire de cette semaine de la nouvelle année :
⏳ Temps de lecture : 8 min 40 sec
Judiciaire ⚖️ : le NY Times poursuit OpenAI en justice
⏳ : 1 min 44 sec
Alors que la tendance était plutôt aux discussions collectives entre représentants de la presse et les entreprises leaders sur l’intelligence artificielle, le New York Times a dégainé et intenté une action en justice contre OpenAI et Microsoft, accusant ces entreprises d'avoir enfreint le droit d'auteur en utilisant des millions d'articles du Times pour entraîner leurs applications.
Cette affaire, portée devant le tribunal fédéral de district de Manhattan, est la première du genre intentée par un grand média américain. Elle soulève des questions critiques sur l'utilisation non autorisée d'œuvres publiées pour développer des technologies d'IA.
Le Times ne demande pas de montant spécifique en dommages-intérêts mais exige des milliards de dollars pour la "copie illégale et l'utilisation des œuvres de valeur unique" du journal de référence américain.
Il demande également la destruction de tous les modèles de chatbot et données d'entraînement utilisant du matériel protégé par le droit d'auteur du Times.
Le Times a approché Microsoft et OpenAI en avril pour discuter de l'utilisation de sa propriété intellectuelle et chercher une résolution à l'amiable, possiblement impliquant un accord commercial et des protections technologiques pour les produits d'IA générateurs, mais ces discussions n'ont pas abouti à une solution.
OpenAI a exprimé sa déception face à cette poursuite, soulignant le respect des droits des créateurs de contenu et l'engagement à travailler avec eux. Microsoft a de son côté choisi de ne pas commenter l'affaire.
Cette affaire pourrait redéfinir les contours légaux des technologies d'IA générales et avoir des implications majeures pour l'industrie de l'information. Le NY Times, un des seuls journaux réussissant à tirer profit du digital, est confronté à la concurrence des chatbots qui utilisent et génèrent du contenu basé sur des articles de presse.
OpenAI, valorisé à plus de 80 milliards de dollars, et Microsoft, qui a investi 13 milliards de dollars dans OpenAI, sont accusés de profiter sans rémunération des articles pour créer des contenus s’appuyant sur ce savoir ingurgité sans autorisation.
Des acteurs comme Sarah Silverman (avec l’utilisation de ses mémoires) et des écrivains comme Jonathan Franzen ou John Grisham ont déjà intenté des poursuites similaires. Getty Images a également poursuivi Stability AI pour utilisation non autorisée de matériel visuel protégé par le droit d'auteur.
La plainte du Times souligne le danger potentiel pour sa marque à travers les "hallucinations" d'IA, où les chatbots insèrent de fausses informations attribuées à tort au Times. La réduction du trafic web et des revenus qui en découlent serait également une préoccupation majeure pour la Dame Grise, qui explore par ailleurs l'utilisation de la technologie IA pour les besoins de productivité de ses propres journalistes.
Cette approche est diamétralement opposée à celle d’un Axel Springer qui a récemment défrayé la chronique en scellant un premier partenariat avec OpenAI pour justement lui fournir des informations fraîches à réutiliser dans ses réponses.
Prédictif 1/4 🔮 : Scott Galloway ouvre le bal
⏳ : 1 min 24 sec
Nous revenons sur le mois de janvier sur différents analystes de premier plan et sur leurs prédictions 2024.
Le célèbre professeur de marketing de NYU, Scott Galloway, propose à son habitude, une série de prévisions pour 2024, après avoir accompli l’exercice salutaire d’évaluer ses prédictions 2023 (notamment la non réalisation de ma préférée : l’acquisition de Roblox par Disney).
Voici les points les plus intéressants de la livraison 2024 :
3. Consolidation dans le streaming : il prédit une consolidation continue dans l'industrie du streaming vidéo, avec des acquisitions probables pour les services non détenus par les géants comme Netflix et Disney. La grève des scénaristes et la hausse des prix de Netflix sont mentionnées comme des facteurs d’accélération de cette tendance.
4. Prédictions sur le marché des actions : Galloway recommande d'investir dans Warner Bros Discovery et Disney, perçus comme des actifs sous-évalués. Il continue de penser que le secteur technologique est largement surévalué et que ces entreprises n’ont pas encore incorporé le gain de revenus provenant des dépenses marketing des élections présidentielles américaines.
5. TikTok menace Netflix et Spotify : TikTok va probablement empiéter sur les parts de marché de Netflix et Spotify en captant davantage l'attention des jeunes sur des fonctions similaires (la consommation de contenus teenagers, d’extraits de films ou de musique entraînante).
The Chinese (and it is Chinese) company had the most ascendant platform in history until OpenAI, and it remains the frame through which Western youth perceive the world.
6. L'IA va atteindre son pic : il pense que le secteur de l'IA va connaître un ralentissement des investissements en raison de l’emballement intervenu en 2023.
7. Prédiction pour Alphabet : Galloway pense qu’Alphabet compte tenu de son reach, de ses immenses données collectées sur ses utilisateurs et sur le mapping de la connaissance déployé depuis des années, va développer un produit supérieur à la concurrence dans l’IA et l’intégrera dans ses produits usuels déjà usités par des millards d’individus.
11. Twitter et Elon Musk : Musk pourrait perdre le contrôle de Twitter ou le vendre, en raison de problèmes de financement et de gestion.
12. Meta et WhatsApp : Meta va enfin tirer profit de WhatsApp, qui a un potentiel de croissance énorme et dont la monétisation est aujourd’hui quasi-inexistante.
Décomplexé 💿 : le CD fait un retour remarqué
⏳ : 1 min 17 sec
L'article de Shoshana Gordon pour Axios souligne le regain d’intérêt pour le CD, particulièrement sous l’effet de la génération Z (née entre 1997 et 2010).
Josh Friedlander de la RIAA (Recording Industry Association of America) note que les jeunes fans cherchent divers moyens d'écoute et de connexion avec les artistes, menant à une augmentation des revenus des formats musicaux physiques, dont les CD, à un niveau inégalé depuis une décennie !
(On avait déjà souligné une tendance similaire sur les vinyles qui ont dépassé aux Etats-Unis le pic de ventes connu en 1986).
Donald Nde Jr., un jeune de 22 ans, témoigne de son achat de CD comme un geste de soutien envers ses artistes favoris, bien que son mode de consommation usuel soit le streaming en ligne. Il voit l’achat d’un CD comme un acte militant ou de témoignage de son attachement.
L’industrie musicale considère les CD comme des objets de souvenirs presque précieux et des éléments de plus en plus incontournables de merchandising. Par exemple, Taylor Swift (encore elle) propose des versions deluxe de ses albums, très prisées par ses fans. En France, Orelsan avait sorti pour son dernier album des CDs en série limitée avec 16 designs du disque différents.
Toutefois, il faut noter que les CD dépassent pas les 3 % des revenus totaux de la musique enregistrée aux États-Unis en 2022, une part ridicule par rapport à leur poids en 2002 (-92% en volume). Les services de streaming dominent avec 84 % des revenus au S1 2023 et reste le premier moteur de croissance.
Though CDs are no longer the most convenient format on which to listen to your favorite band, collecting them has become a hobby for Gen Z fans, some of whom proudly display their discs among their belongings.
La tendance n'est pas de choisir entre streaming et CD, mais plutôt de combiner les deux, les plus jeunes achetant des CD tout en écoutant la musique en streaming sur leurs appareils mobiles. Il est temps de leur parler des discmans…
Souverain 👑 : le nationalisme AI fait son apparition
⏳ : 2 min 10 sec
L'article de The Economist met en lumière une tendance croissante à l’échelle internationale : les pays associent de plus en plus leur destin géopolitique à leur rôle technologique au plan mondial, et c’est particulièrement vrai dans le domaine de l'intelligence artificielle.
Cette course bien sûr stimulée par le lancement de ChatGPT par OpenAI en novembre 2022, a déclenché une vague de développements mimétiques à travers le monde. Fin 2023, plusieurs annonces importantes ont été faites :
Abu Dhabi a lancé AI71 pour commercialiser Falcon, son LLM maison.
La startup française Mistral a levé 400 M$, valorisant l'entreprise à plus de 2 milliards de dollars.
En Inde, Krutrim a dévoilé le premier modèle multilingue du pays, et Sarvam a levé 41 millions de dollars pour des modèles en langues indiennes. Ces entreprises visent à devenir des champions nationaux de l'IA.
Les États-Unis et la Chine mènent de très loin cette course de vitesse, avec des investissements gouvernementaux respectifs de 40 à 50 Md$ dans l’IA.
D'autres pays, comme le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Inde, l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, se sont également engagés à financer les projets nationaux d'IA, avec des investissements collectifs avoisinant les 40 milliards de dollars.
En parallèle, les pays cherchent à réduire leur dépendance étrangère concernant le combustible de ces applications : les puces !
Les États-Unis vont accroître leur production domestique de puces, pour réduire la dépendance envers les fabricants de semi-conducteurs taïwanais particulièrement avec les tensions géopolitiques liés aux élections présidentielles en 2024 et aux revendications de plus en plus affirmées de la Chine. Ils imposent désormais des contrôles stricts sur l'exportation de technologies d'IA avancées vers la Chine et la Russie.
La Chine, en réponse à l'endiguement technologique américain, investit massivement dans la création d'une chaîne d'approvisionnement en semi-conducteurs nationale. Le PCC dirige également le capital privé vers ses priorités technologiques, réglemente l'IA grand public.
D'autres pays, notamment les États pétroliers du Golfe, adoptent des approches étatiques. Ils investissent dans le capital humain et l'infrastructure technologique, visant à créer des modèles d'IA de pointe.
L'Europe et l'Inde combinent des éléments des approches américaine, chinoise et émiratie. Ils encouragent la fabrication de semi-conducteurs et la construction de centres de données, tout en envisageant de faciliter l’échange de données entre entreprises chinoises pour que les PMEs chinoises puissent mutualiser leurs efforts en la matière.
Cependant, chaque approche nationale de l'IA présente des risques. Les États-Unis pourraient mécontenter alliés et adversaires. La réglementation stricte de la Chine pourrait limiter les avantages de ses investissements (Andreesen Horowitz, le célèbre fonds d’investissement avait mis en garde le Gouvernement US dans une tribune au sujet d’un potentiel AI Act à l’américaine qui pourrait restreindre les capacités d’innovation de leurs investissements dans des startups d’AI).
Les initiatives du Golfe pourraient échouer si d'autres gouvernements limitent l'utilisation de modèles open-source. De plus, la capacité de retenir les talents et l'utilité des données publiques vont poser problème partout :
The ai programme at King Abdullah University of Science and Technology in Saudi Arabia and the Mohamed bin Zayed University of Artificial Intelligence (mbzuai) in Abu Dhabi, the world’s first ai-focused school, have poached star professors from illustrious institutions such as the University of California, Berkeley, and Carnegie Mellon University in Pittsburgh. Many of their students and researchers come from China. And plenty stick around. Nearly all of mbzuai’s graduates, who number a couple of hundred, stay in the region to work at local firms and labs, says its provost, Timothy Baldwin (himself lured to the Middle East from the University of Melbourne).
Dispensable 📸 : Juergen Teller au Grand Palais Ephémère
⏳ : 1 min 17 sec
C’est une exposition qui finit bientôt et la bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas nécessaire de la regretter.
Juergen Teller est internationalement reconnu pour ses portraits francs de célébrités, ses éditoriaux de mode provocateurs et ses campagnes emblématiques pour divers créateurs…. L’exposition i need to live est, à ce jour, la plus importante dédiée à son œuvre.
J’ai eu l’idée d’aller voir dans les derniers jours la rétrospective du photographe de mode, Juergen Teller, au Grand Palais Ephémère. L’exposition avec près de 800 clichés occupe l’immense espace de la nef de la construction éphémère du Champ de Mars.
Juergen Teller, né dans une bourgade de Rhénanie, commence sa carrière au début des années 1990 à Londres en faisant des photos de musiciens (la couverture du single de Sinead O’Connor Nothing Compares 2 U, c’est lui!).
Le photographe s’est ensuite orienté vers la mode et est rapidement devenu très coté, connu pour ses clichés provocants pour les plus grandes marques de luxe (YSL, Versace, Gucci) sont promus au rang d’oeuvres d’art, sa rétrospective en est émaillé avec ses autres tentatives artistiques discutables, imprégné de réflexions sur le sens de la vie.
Le nu est généralement très présent, sans qu’on comprenne bien ce qu’il apporte si ça n’est de vouloir épater le bourgeois.
Ses portraits de célébrités sont commandés d’abord par les magazines d’avant garde (W, Purple, Paper) en raison de leur apparente normalité, une normalité qu’on pourrait presque qualifier de normcore, où il est question d’exprimer son talent par la platitude de ses clichés et l’inesthétisme ainsi recherché, voire revendiqué.
On touche alors au summum de ce luxe faussement transgressif, reconnaissant à cet artiste un sens du second degré, détournement fréquent dans l’art contemporain, un phénomène déjà décrit au XIXème siècle par Gustave Le Bon :
L'influence de la mode est si puissante qu'elle nous oblige parfois à admirer des choses sans intérêt et qui sembleront même quelques années plus tard d'une extrême laideur.
La rubrique Arts de France24 a obtenu une interview de l’artiste à l’ouverture de la rétrospective, visible sur Youtube.