Le Wrap Up "light" de la semaine de la disparition d'Hélène Carrère d'Encausse (semaine du 7 août 2023)
🤩 : les super-fans de la musique suffiront-ils? - 🧑⚖️ : l’Europe contraint Tiktok à modifier son feed - Best of 2023 📆 : la TV va mourir (encore) et renaître - 🤜🥊 : le retour de la souveraineté
Encore une Immortelle qui s’en va… Hélène Carrère d’Encausse, Mme “Le” Secrétaire Perpétuelle de l’Académie Française, s’en est allée. La mère d’Emmanuel Carrère était connue pour sa connaissance du monde russe et ses nombreux ouvrages sur l’ère soviétique.
Au sommaire de cette semaine dans le Wrap Up Light :
Fannés 🤩 : les super-fans suffiront-ils ?
Normée 🧑⚖️ : l’Europe contraint Tiktok à modifier son feed
Best of S1 2023 📆 : la TV va mourir (encore) et renaître
Entrechoqué 🤜🥊 : le retour de la bataille des souverainetés par Pascal Lorot
⏳ Temps de lecture : 5 min 36 secondes
Fannés 🤩 : les super-fans suffiront-ils ?
⏳ : 59 sec
Mark Mulligan dirige le cabinet de recherche MIDia Research sur l’industrie musicale (j’avais déjà parlé de ses travaux sur les relais de croissance de la musique ici).
Dans le prolongement des informations de la semaine dernière sur Spotify sur la fan-economy, Mulligan revient sur le sujet et arrive à la conclusion que les super fans ne suffiront pas à faire vivre les artistes.
Music superfans… may be the shining light of the industry’s future. Little surprise, given how record labels are trying to establish superfans as the next growth driver for an investor community that is growing increasingly concerned about slowing streaming growth and looming threats, such as AI.
Il avance que l’industrie s’est professionnalisée dans les années 60-70-80 et l’essentiel des revenus provient alors de la vente d’albums physiques et les fans de musique devinrent les gros acheteurs de CDs. La transformation digitale et l’effondrement des ventes physiques (avant l’émergence du streaming comme mode dominant de consommation) a remis sur le devant de la scène les revenus du live et du merchandising artistes dans son sillage.
Le hic c’est lorsque les consommateurs prirent l’habitude de payer mensuellement pour leur usage de la musique, cela mit mécaniquement un plafond à la dépense mensuelle.
We have had 15 years (i.e., almost a generation’s worth of time) of educating consumers that music does not need to cost more than $9.99….ok….$10.99. Superfans have been un-supered… So, to Make Fans Super Again™, there has to be a genuine value exchange. Fans need new things to persuade them to spend, new things that actually build and deepen their fandom rather than simply a new opportunity to fleece them for another dollar.
Normée 🧑⚖️ : l’Europe contraint Tiktok à modifier son feed
⏳ : 1 min 32 sec
Les faits :
TikTok a annoncé qu'il allait modifier le fonctionnement de son feed d’ouverture pour se conformer au Digital Service Act (DSA) de l'Union Européenne qui doit entrer en vigueur à la fin de ce mois d'août.
Cette nouvelle loi européenne établit des règles renforcées concernant la confidentialité des données, la protection de l’enfance, ainsi que la désinformation/les discours de haine.
En pratique, TikTok permettra, et c’est une victoire des autorités européennes, aux utilisateurs européens de désactiver les recommandations personnalisées de contenus basées sur un algorithme, caractérisé pour son caractère particulièrement addictif, en particulier auprès des plus jeunes.
À la place de cette personnalisation, les utilisateurs pourront plutôt opter pour des recommandations de vidéos populaires dans leur région ou à travers le monde.
La plateforme facilitera également :
le signalement des contenus illicites et interdira la publicité ciblée pour les 13-17 ans (il est intéressant de constater que : 1) la plupart des diffuseurs TV français s’interdisaient eux de faire de la publicité pour les jeunes publics 2) que Tiktok interdit le ciblage sur les 13-17 alors que la France “requiert” pour les 13-15 ans, le consentement des parents pour l’inscription sur les réseaux sociaux (sans qu’on sache exactement comment le réseau implémente cette exigence…)
L’entreprise chinoise a également promis une plus grande transparence concernant la modération des contenus. Cette annonce fait suite à plusieurs critiques et accusations visant TikTok, notamment pour la mise en avant de contenus haineux ou illégaux auprès d'un public jeune et pour des soupçons d'espionnage au profit du Parti Communiste Chinois. Plusieurs pays, dont la France, ont récemment interdit l'utilisation de TikTok sur les téléphones professionnels des fonctionnaires par crainte d'un transfert de données confidentielles vers la Chine.
Qu’en retenir
Contrairement à une opinion répandue, les réseaux sociaux ne sont pas insensibles aux contraintes réglementaires et législatives “locales” surtout lorsque ces dernières leur permettent d’accéder à 350 M de consommateurs à fort pouvoir d’achat (et donc fort pouvoir publicitaire) et ils savent selon toute vraisemblance, faire preuve d’adaptation de leurs services quand nécessaire… Il sera intéressant de suivre les autres applications de ces nouvelles réglementations.
Pour aller plus loin, la Civilisation Tiktok est une remarque série d’été de 5 articles sur Tiktok dans les Echos qui se décompose sur les articles suivants (payants) :
Gaspard Koenig essaye de comprendre Tiktok et s’inspire du stoïcisme pour réfréner nos “instincts surexcités”
La naissance de la scalpelmania sous l’influence des filtres
Le pas de deux de Tiktok avec le Parti Communiste Chinois
Best of S1 2023 📆 : la TV va mourir (encore) et renaître
Trois tendances émergent de ces 12 dirigeants d’industrie TV aux US :
la lente agonie du média (qui n’en finit pas de mourir)
La TV va rester massivement regarder et ses coûts de programme ne vont cesser d’augmenter.
les GAFAM continuent de tracer leur route;
Il se dégage un consensus également pour dire que les GAFAM vont poursuivre leurs efforts pour croquer de ce marché : Amazon, Google et Apple font consensus pour dire qu’ils représentent l’avenir du streaming.
Innovation et old media
Plusieurs buzzwords autour de l’innovation nécessaire pour la TV sont énoncés, sans qu’on sache vraiment ce qu’il en adviendra : paris sportifs, IA pour la recommandation de programmes ou encore “métavers télévisiuel”.
Les autres news qu’il fallait lire de février 2023 :
La séparation Google - Youtube est souhaitable (The Economist)
Spotify teste les contenus accessibles uniquement sur présentation d’un NFT
Entrechoqué 🤜🥊 : le retour de la bataille des souverainetés par Pascal Lorot
⏳ : 2 min 8 sec
L'ouvrage le Choc des Souverainetés de Pascal Lorot, l'émérite fondateur de l'Institut Choiseul, veut dans cet exercice de synthèse, réhabiliter la notion de Souveraineté au détriment de la fallacieuse idée d'Huntington sur le Choc des Civilisations.
Il dresse méthodiquement un certain nombre de constats de déclin de la France, pour lesquels l'Europe ne semble pas être le relais de souveraineté escompté.
Il appuye sa démonstration, en particulier à l'aune du post-Covid et de la guerre d'Ukraine, d'une place dégradée dans le monde et plus grave, de la perte de son autonomie énergétique, alimentaire, industrielle, technologique ou encore (et surtout) militaire.
Il attribue en grande partie ce déclin à un renoncement de nos élites, voire à leurs lâchetés (il y dénonce la "tragédie de nos horizons", autrement dit un court-termisme lié aux mandats courts de nos dirigeants), à l'effacement même de la notion de souveraineté nationale, lorsqu'il s'agissait justement de combattre la pente naturelle de notre repli (on se rappelle de "l'industrie sans usines" promue dans les années 1990 dans l’ère du tout libéralisme économique).
La mère de nos maux est, d'après lui, liée à la désindustrialisation marquée à partir des années 1980, la surréglementation de notre agriculture sous l'effet des empilements administratives de Bruxelles et d'un état d'esprit à combattre, au nom de la crise écologique, de limiter notre production nationale.
Sans ces deux mamelles, le reste part à vau l'eau : la défense, faute de moyens et de renouvellement de la technologie, de l'apprentissage tirée de la production, d'une myopie sur les technologies de l'information.
Pascal Lorot voit un réveil des volontés de souveraineté : les Etats-Unis, bien sûr, pour lesquels Lorot maintient un non-alignement méfiant, dans une certaine tradition gaullienne ou en tout cas d'une absence de naïveté (il y critique l'emprise exorbitante du dollar et de l'extraterritorialité juridique des US, sans compter le combat pour l’édiction des normes internationales), la Chine dont nous ne mesurons pas la menace, mais aussi toute une série de nations qui suivent leur propre agenda : la Pologne, la Hongrie, l'Allemagne également qu'il juge, sans la condamner, égoïste dans la poursuite de ses propres intérêts (il déconstruit la “fable” du couple franco-allemand), la Turquie, Israël, l'Arabie Saoudite, l'Iran ou encore les grands pays du Sud : Inde et Brésil.
Face à ces réveils, Lorot appelle à un sursaut de notre volonté de souveraineté, qui passe par une réappropriation de notre destin national et en premier lieu par la réindustrialisation. Cette relocalisation aura aussi le mérite de combler le déséquilibre flagrant entre les métropoles et les territoires, voyant dans l'industrie un facteur d'équilibre et de cohésion nationale.
Il perçoit d'ailleurs chez le président actuel, les prémices de cette réindustrialisation qu'il appelle de ses vœux (en mettant l'accent notamment par la reprise de notre activité minière), base nécessaire mais non suffisante pour faire face aux autres défis des prochaines années : défense, cybersécurité, soft power, indépendance alimentaire, accès aux minerais stratégiques, à l'énergie, conquête spatiale, digital, IA ou encore ruptures futures (ordinateur quantique).
L'ouvrage est très stimulant et permet, au cœur de l’été, de :
Regarder en face les défis qui nous attendent en raison de l'héritage des "40 piteuses" (1980-2020?) ;
Nous interroger sur les moyens de préserver nos intérêts nationaux ;
Questionner aussi nos propres a priori (une forme d'angélisme des relations internationales);
Challenger aussi certaines idées du livre (sur la place de l'Etat et son prolongement dans la géo-économie, la construction européenne avec nos partenaires, la relative faible place de la crise climatique dans les réflexions, ...)