Le Wrap Up de la semaine où un ballon chinois a survolé les Etats-Unis (semaine du 30 janvier 2023)
5 bullet points média, tech et NFTs avec une recommandation culturelle à la fin
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Au sommaire de cette semaine :
Rebattues 🃏 : les cartes entre GAMAMs à l’heure de ChatGPT
⏳ Temps de lecture : 2 min 17 sec
Nicolas Guyon jamais en retard d'une révolution technologique a repéré et lu les articles qui font autorité sur l'intelligence artificielle en question avec la flambée de ChatGPT (retrouvez son post ici).
Un des plus intéressants de ceux qu'il mentionne est celui de Stratchery qui évoque les rivalités entre les GAFAM (ou GAMAM) sur le sujet :
L'article traite du rôle de l'IA chez Apple, Amazon, Facebook/Meta, Google et Microsoft. Il souligne sans surprise que l'IA jouera un rôle clé dans la détermination de leur succès futur.
Chacune répondra en fonction de son positionnement et de sa culture d'entreprise, notamment sur les sujets cruciaux de protection de la vie privée (Apple sera sans doute en pole position et a déjà commencé à le faire en permettant à Stable Diffusion d'être en application locale sur les nouvelles machines dotées des dernières puces Apple) et les préoccupations éthiques (pas nécessairement une préoccupation clé de Meta jusqu'à présent).
Apple est le plus “hardware” des cinq chevaux de l’apocalypse : l’article s’apesentit sur la différenciation pour Apple d’intégrer l’IA à son propre écosystème pour rendre son utilisation la plus fluide possible et aussi renforcer la proposition de valeur d’Apple :
Smart companies try to commoditize their products’ complements.
La voie poursuivie pour l’instant est de l’intégrer dans en local dans ses logiciels, permettant par là-même de continuer sa promesse différenciante de ne pas mettre en péril la confidentialité des données de ses utilisateurs et d’augmenter considérablement la vitesse d’exécution.
Amazon va pouvoir encore davantage faire levier de la diffusion et du coût de son cloud Amazon Web Services, et des immenses besoins de CPU pour faire tourner les IAs.
Meta de son côté va devoir faire face à la disparition du cookie en augmentant le recours à des modèles probabilistes de ciblage des publicités ET des contenus en fonction des comportements utilisateurs :
"In the long run, though, this investment should pay off. First, there are the benefits to better targeting and better recommendations, which should restart revenue growth."
De plus, ce qui devait impacter à première vue Meta (la suppression des cookies) plus que les autres réseaux, va sans doute se révéler être à moyen terme un avantage compétitif : Snap et Twitter ne disposant pas de la même capacité à augmenter leur inventaire pub et savoir-faire de ciblage, faute de moyens importants d'investissements en capacité.
En outre, Meta pourrait se mettre à générer du contenu à base d'IA pour augmenter encore davantage son audience et la rétention de ses utilisateurs.
En ce qui concerne Google, fournir plusieurs choix à l'utilisateur et le laisser in fine trancher a toujours été sa philosophie, sur le search, comme sur les publicités (payées au clic). Cette approche fut perturbée lors de l'émergence des assistants vocaux où il devint nécessaire de fournir une seule bonne réponse. Cependant, cette nouvelle approche ne fut pas exploitée plus en avant par Google (on verra dans quelques semaines sa réponse à ChatGPT), car elle contrevenait à son but premier: fournir toujours plus de pub à ses users. L'auteur nuance ce tableau sombre et ce sentiment de “Peak Search” pour Google, en raison de l’importance de son propre Cloud et de la place croissante de YouTube.
Enfin, Stratchery fait, sans surprise, de Microsoft le grand gagnant de l'IA : son cloud devrait être le cloud de référence d'OpenAI, par ailleurs Bing pourrait retrouver considérablement des couleurs en devenant le distributeur de ChatGPT, sans évoquer les prochaines intégrations dans sa suite servicielle (premier exemple avec Teams).
On glosait depuis des années sur l'importance de la data, qu'on qualifiait volontiers d'"or noir", l'accélération des lancements d'applications d'IA donne un nouveau élan à celui qui capte le plus de données.
Insoluble 🪤 : Spotify s’approche des 500 M d’utilisateurs et toujours des pertes
⏳ Temps de lecture : 1 min 55 sec
Spotify vient de publier ses chiffres annuels, et le demi-milliard d'utilisateurs est à portée de main.
Le leader mondial du streaming musical compte désormais 205 millions d'abonnés et 489 millions d'utilisateurs actifs dans le monde. Mais la plateforme, qui a lourdement investi dans les podcasts, affiche des pertes de 430 millions d'euros en 2022…
Au total, Spotify affiche des revenus en croissance de 18 % en 2022, à 11,7 milliards d'euros.
Il y a comme un goût d'inachevé dans le streaming musical : 97% des artistes présents sur Spotify gagnent moins de 1 000 dollars ... par an !
🥇 Les grands gagnants sont à n'en pas douter les Majors qui ont donné accès au catalogue musical contre une solide part des revenus des streamers (entre 60 et 70% du CA) et des parts des sociétés concernées (environ 10%) comme un "droit d'accès au catalogue".
🧑🎤 Les grands perdants ne sont pas nécessairement les petits artistes : ces derniers n'ont jamais eu autant de moyens de faire connaître leur musique à la terre entière, avec une réserve d'importance, prêtons cependant attention au biais du survivant : on ne parle en général que du succès de personnes inconnues qui semblent sorties de nulle part et connaissent la célébrité du jour au lendemain, oubliant les cohortes d’impétrants oubliés.
Jamais autant de personnes n'ont cherché à vivre de leur musique... d'où une concurrence acharnée pour se faire une place au soleil.
📉 Les grands perdants sont le "ventre mou", le "milieu de gamme", ce marigot fait de stars en pleine ascension mais qui n'ont pas encore crevé le plafond de verre, et d'artistes moyens, locaux qui ont un public, une audience, une fanbase même, une "discographie" aussi, mais qui resteront dans les classements entre 500ème et 10 000ème, bref sans revenus significatifs de la part du streaming.
D'où le live comme bouée de sauvetage, c'est vrai pour les DJs, c'est vrai pour les artistes de variet, c'est vrai pour le classique.
🤳 Chaque artiste s'époumone à faire des vues, des reels, des stories, des tiktoks pour faire des "vanity metrics", critères indispensables pour exister auprès des label managers eux mêmes pris au piège des réseaux sociaux.
🛟 NFT planche de salut?
Les NFTs dont on ne sait pas encore le chemin de lumière qu’ils suivront peuvent modifier cet équilibre précaire : les relations artistes - fans sont une voie de sortie, permettant aux artistes de faire ce que, faute de mieux, on peut appeler de la segmentation : se concentrer sur les 1000 true fans qui supporteront du bout des ongles (et avec leurs dollars) leurs artistes préférés qui voudront davantage partager sa création, son intimité, les coulisses de l'artiste (Nielsen identifie ce segment du fandom musical à 2,6 Md$).
Il se trouve que le NFT par de multiples aspects, au delà de son aspect décentralisé, apparaît être un bon support pour cela : rareté sur les biens digitaux, clé d’entrée sur d’autres services et programmable pour continuer de rémunérer son créateur après la première vente, même si on peut encore dire aujourd'hui l’accès au grand public est encore difficile.
Angélique 😇 : Universal Music veut mettre fin aux mauvaises pratiques du streaming et plus d’argent pour les artistes
⏳ Temps de lecture : 1 min 40 sec
Dans le prolongement du sujet sur le streaming, le Financial Times dévoile une partie des projets sur lesquels travaille Universal Music Group (UMG), la Major qui donne le la dans les interactions avec les plates-formes de streaming musical.
UMG souhaite revoir plusieurs sujets de fond dans le fonctionnement actuel du streaming (dont il faut rappeler qu’elle est l’une des grandes gagnantes) :
La question de la qualité et de la quantité :
Avec près de 100 000 (!) morceaux uploadés par JOUR, la saturation guette sur les plates-formes de musique. Cette situation est souvent le fruit de petits malins qui uploadent des centaines de morceaux qui ne font guère plus de 31 secondes (le seuil fatidique de comptabilisation d’un morceau) et dont la qualité musicale peut laisser à désirer (des bruits de la nature en grande partie, quand ce ne sont pas des covers de chansons à succès).
Many musicians say the current system deprives them of the ability to make a living, while the main labels have complained about the growth of “lower-quality” songs — such as ambient sleep tracks — arguing they undermine the experience for listeners and pull money away from legitimate artists.
Par ailleurs, des bots d’écoute viennent également tordre les classements de chansons écoutées online : près de 10% des écoutes seraient frauduleuses (on a récemment eu des échos de ces tricheries).
The streaming boom has given rise to a bevy of services offering artists the chance to buy their way to success. A Google search for “buy Spotify streams” yielded 44mn results, with sites such as “spotistar.com” offering 1,000 Spotify plays for $6.
Une des solutions serait de créer une cagnotte pour les créateurs qui apportent le plus de valeurs aux plates-formes, par exemple ceux qui font le plus l’objet de nouvelles écoutes de la part de nouveaux auditeurs (pour gommer la répétition de ceux qui écoutent Thriller en boucle depuis 1982) ou bien de regarder les chansons les plus partagées sur les réseaux sociaux…
Augmenter le prix des abonnements
Une des solutions pour résorber les pertes répétées des plates-formes de streaming serait de pouvoir augmenter le prix des abonnements, dont l’industrie se dit depuis longtemps que les 10$ par mois ne représentent pas réellement la valeur du catalogue ainsi mis à disposition à quelques clics. Problème : l’augmentation des prix risque d’aller principalement dans la poche des majors, sans sortir les streamers de l’ornière.
Une autre piste pour y remédier : les superfans
Another option is to introduce a superfan tier of streaming subscriptions that would charge fans for extra perks or access to their favourite artists.
Raccourci 🕺 : Max Martin a craqué la machine à tubes
⏳ Temps de lecture : 54 sec
The Economist s’attarde cette semaine sur Max Martin qui est en passe de devenir l’auteur de chansons le plus couronné de succès de tous les temps et sur ses recettes pour y parvenir.
He deserves partial credit (or blame) for many of the catchiest tunes of the past 25 years, from Britney Spears’s “...Baby One More Time” to The Weeknd’s “Blinding Lights”. At this year’s Grammy awards on February 5th, his compositions will appear on three of the ten albums nominated for album of the year. Only two other people—John Lennon and Paul McCartney—have written or co-written more number-one hits on the Billboard Hot 100, a chart of America’s most popular songs.
Première leçon, Max Martin a pleinement su s’insérer dans la mouvance actuelle : les intros sont courtes, particulièrement les intros instrumentales afin de rapidement caler des paroles entraînantes.
Pour corroborer ces propos, The Economist a mesuré la durée des intros du n°1 du top Billboard depuis 25 ans :
Alors que les possibilités des supports (vinyles 33 T et disques CD) ont eu tendance à dans les années 1990, faire plus de places à des morceaux plus longs sur les albums, les introductions ont été à l’avenant et se sont légèrement rallongées. C’est désormais chose révolue, car comme on a pu l’expliquer plus haut, les morceaux n’étant rémunérés qu’au delà de la 30ème seconde, l’attaque du morceau doit faire toute la différence pour le public, et l’artiste s’attarde de moins en moins passé ce cap d’écoute.
Basculée 🤸♂️ : l’année 1933 en Allemagne
⏳ Temps de lecture : 40 sec
Quiconque aime l’histoire aime se laisser parfois à imaginer comment elle aurait pu en être écrite autrement.
Arte diffuse un reportage en deux parties sur la funeste année 1933 en Allemagne et plus précisément à Berlin. On y perçoit le climat anxiogène, ceux qui pressentent que les choses peuvent rapidement basculer, ceux qui pensent qu’au-delà des rodomontages, rien ne va vraiment changer, les hypocrisies, les coups tordues.
On pense souvent à l’irrésistible ascension d’Hitler, l’examen minutieux des faits montre que les choses sont beaucoup moins claires. Jean Lebrun dans une de ses chroniques le Vif de l’Histoire rappelle que contrairement à un lieu commun du café du commerce, Hitler n’est pas arrivé au pouvoir porté par les urnes : il n’a jamais été majoritaire au cours des scrutins précédant sa prise de pouvoir !
Les images d’archive montrent les tensions qui ont cours et comment la prise de pouvoir s’est faite en poussant un peu plus ses pions tous les jours. Sebastian Haffner (dans une Histoire d’un Allemand) retranscrit admirablement cette atmosphère de sidération lors du coup d’Etat sur la haute fonction publique et la mise en place du totalitarisme, les images d’Arte viennent lui donner une représentation.