Le Wrap Up de la semaine où Macron a rempilé (semaine du 25 avril 2022)
5 bullet points : médias, tech, NFTs avec une pointe de culture à la fin
⌛️: temps de lecture : 8 minutes 18 secondes
Au sommaire de cette semaine :
Intestine 🥊 : Netflix tiraillé entre les séries élitistes et l’ambition du grand nombre
Couronné 👑 : Elon Musk, le capitaliste influenceur
Orchestré 🎻 : est-ce que le NFT pourrait être le nouvel horizon de la musique ?
Bataillé 🖥 : avec un streaming vidéo gratuit de plus en plus disputé Roku confiant dans sa tech
Vue 📸 : Graciela Iturbide à la Fondation Cartier
Mais avant cela…
Pan sur le Bec 🦆 : nous avons relayé à tort la semaine dernière l’information selon laquelle il y aurait 200 K joueurs quotidiens dans Roblox… C’est au moins 200 millions par mois (!) qu’il fallait lire et que l’auteur de la citation tente en vain de faire rectifier dans les différents articles francophones sans succès.
Merci à Sébastien Robin pour cette lecture vigilante.
Intestine 🥊 : Netflix tiraillé entre les séries élitistes et l’ambition du grand nombre
⌛️: 2 minutes 10 secondes
Avec les premiers signes de faiblesse de Netflix (100 K abonnés en moins sur un trimestre, en comptant la fermeture des opérations en Russie), c’est toute une industrie qui se prend d’un côté, à rêver que la suprématie de Netflix touche enfin à sa fin, et de l’autre, à cauchemarder que le streaming payant n’a pas non plus un potentiel de développement infini : pour les groupes médias, le câble toujours en déclinant continue cependant de dégager de belles marges d’exploitation, et le cinéma continue de séduire une population prête à payer $10 sa place.
Hollywood qui avait bénéficié de la débauche d’investissement dans les programmes des nouvelles plates-formes commence à faire ses comptes et craindre la fin de la corne d’abondance.
Concernant les racines du mal, avec ces difficultés, certains refont le match des styles très différents de management au sein de la société : entre la papesse des séries originales Cindy Holland (partie en 2020), Ted Sarandos (Chief Content Officer désormais co-CEO) et Bela Bajaria (head of unscripted and international content), les différentes personnalités ont imprimé des phases de développement différentes.
L’article d’Hollywood Reporter l’illustre bien ces nuances :
Several important Netflix creators voice a very consistent theory about what’s gone wrong with the streamer’s culture. They see a link between Netflix’s problems and the 2020 fall of Cindy Holland, who played a key role in launching the service’s originals — brilliantly and often expensively — with House of Cards, Orange Is the New Black and Stranger Things, among others… These sources say Holland was the one who nurtured strong relationships with talent and took time to offer thoughtful development notes while still making people feel safe and supported in pursuing their passion projects…
But a former insider says Chief Content Office Sarandos’ volume strategy began to prove destructive to the culture and the quality of the service’s offerings.
Several creators believe Netflix lost much of its early cachet by over-rotating to less expensive, less curated and less compelling — or, the company might say, broader — fare that simultaneously overwhelmed and underwhelmed some subscribers…
By then, Holland was to oversee 80 shows on the service while Bajaria was responsible for 60. “Who can make 140 shows a year?” asks one creative. “That’s insane. That’s when the culture of fear took over.” One prominent Netflix supplier calls Bajaria’s decision “the beginning of the Walmart-ization” of the streamer.
A un certain moment pour gagner en rapidité, Ted Sarandos décentralisa le pouvoir de validation d’une série (“There are multiple paths to yes”), quitte à permettre à certaines équipes de valider une série qu’une autre avait rejetée, créant une culture interne du chaos et une forme de démobilisation.
“Bela is an exceptional creative executive with an eye for quality as well as shows that will appeal to many different audiences. Under her leadership we’ve expanded the variety and breadth of our TV programming in the U.S. and internationally.” Among the shows Bajaria is credited for are megahit Squid Game and Lupin.
Quitte à ce que l’abondance de nouvelles séries finisse par cannibaliser la propre offre de Netflix. Certains rapportent même des dirigeants qui auraient indiqué que dans la course au volume et aux talents, une série qui cartonne sur 10 serait un taux acceptable de réussite. Avec le départ de Cindy Holland, c’est-à-dire du pôle le plus aventureux (et le plus dépensier), la stratégie reste ouverte pour la suite : le modèle publicitaire peut-il réussir ? La stratégie dans le gaming peut-elle servir de relais de croissance ?
L’article conclut sur une certitude : l’idée que Netflix allait écraser la concurrence sous le coût de sa grille de programmes est désormais révolue.
Couronné 👑 : Elon Musk, le capitaliste influenceur
⌛️: 2 minutes 2 secondes
Personne ne sait vraiment la raison qui a poussé Elon Musk à se porter acquéreur de 100% du réseau social Twitter. L’explication la plus claire qu’il en donne lui-même reste sibylline :
“My strong intuitive sense is that having a public platform that is maximally trusted and broadly inclusive is extremely important to the future of civilisation. I don’t care about the economics at all.”
Quand on suit le parcours d’entrepreneur génial de Musk (Paypal, SpaceX, SolarCity, Tesla), on peut se permettre de douter de ce sacerdoce désintéressé.
Bien que nettement plus petit que ses concurrents sociaux (Tiktok, Facebook ou encore Instagram), Twitter représente, par sa concentration de journalistes, politiques et autres grands patrons d’industrie, le plus proche équivalent d’une place publique, rôle naguère dévolu aux quotidiens d’informations générales.
Simplement là où la ligne éditoriale des quotidiens, limités en nombre, était filtrée par des rédactions, constituées en corps intermédiaires, le réseau gazouille en permanence de l’opinion de tout un chacun, sans filtre, des plus vocaux aux plus radicaux, et pose pour tous, la question de la régulation de cet espace (de dialogue ?).
Most prescribe ever more rules. But Mr Musk wants to go the other way, removing restrictions instead of imposing new ones. The operators of other big social networks will be watching the experiment with interest.
Bien que le sujet des réseaux sociaux (dont il use et abuse avec une inconséquence réprimandée) semble pour l’ingénieur Musk éloigné de ses sphères de compétence, The Economist y voit au contraire la répétition d’un schéma d’entreprise : se saisir d’une industrie importante et sous-performante et la secouer par l’innovation. Ainsi de la voiture avec le véhicule électrique, ou encore des lanceurs de satellite avec la réutilisation de lanceurs ayant déjà servi.
Twitter fits the pattern of Tesla and SpaceX, offering Mr Musk another complex engineering system to tinker with, and a grand reason for doing so. Social media deploy algorithms to highlight “engaging” content, using a thicket of rules that try to mitigate the worst side-effects, the better to sell users to advertisers. It is a business model full of inconsistencies and unexamined trade-offs that looks ripe for disruption. That Mr Musk wants to be its agent is perhaps no surprise, for he cut his entrepreneurial teeth in the 1990s, when techno-libertarianism and anti-censorship were the internet’s animating ideas.
Les premières propositions formulées semblent aller dans le bon sens :
Interrompre les suspensions définitives de comptes;
Exiger la vérification des profils des utilisateurs pour faire disparaître les bots;
Rendre accessible aux chercheurs les détails de l’algorithme de recommandation du fil twitter, permettre à certains de suggérer des améliorations. Ainsi un fil moins “engageant” signifierait sans doute des contenus moins “énervants” et favoriserait peut-être une conversation publique plus tempérée.
Certains doutent, bien qu’il l’ait déjà prouvé par le passé, du don d’ubiquité du dirigeant. Le cours de Tesla a chuté de 12% le jour de l’annonce de l’opération de rachat d’Elon Musk.
L’article de The Economist est le reflet des positions du magazine en faveur de la liberté d’expression absolue comme meilleure méthode pour faire émerger la vérité du débat public, toutefois il s’inquiète de la personnalité fantasque du milliardaire qui non content d’édicter de nouvelles règles, pourrait aussi décider qu’il lui revient d’en être l’arbitre, posant là pour le coup (au vu des écarts passés du Sud-Africain farceur), un petit problème de concentration des pouvoirs.
Orchestré 🎻 : est-ce que le NFT pourrait être le nouvel horizon de la musique ?
⌛️: 1 minute 2 secondes
TechInAsia se penche dans un article de fond sur le NFT musical et part du constat bien partagé de la faible rémunération des artistes par les plates-formes de streaming musical. La blockchain pourrait ouvrir pour les artistes indépendants de nouveaux débouchés :
La distribution de la musique directement aux fans :
La vente directe de NFTs aux fans est de plus en plus populaire pour les artistes, encore faut-il définir ce qui vient avec l’achat de ce NFT musical. Une partie de la propriété intellectuelle et donc des revenus futurs ? Des avantages “money can’t buy” (enfin apparemment si) ? La seule détention d’un NFT symbolique lié à un morceau de musique exploitée partout ? L’idée doit encore faire son chemin.
Le jeu vidéo (oui, cette piste, on peut la sortir à toutes les sauces) : une plateforme comme Cadenverse adopte une approche hybride. Les artistes peuvent décider si l’œuvre est destinée à être utilisée dans le jeu (et ils touchent des royalties à chaque utilisation à l’intérieur du jeu) ou si elle est juste “collectionnable” et fait l’objet d’une commercialisation sur sa place de marché.
Les prochaines étapes : il est encore tôt pour la musique dans cet univers crypto. Parmi les principaux challenges, il y a l’adoption par les fans de la crypto (le streaming est de loin le mode d’accès privilégié et le paiement par carte est toujours le mode ultradominant de paiement en ligne), et également le fait de toucher le bon public à travers les diverses blockchains.
Si l’on veut me faire quelque crédit sur la question, on peut aussi écouter l’excellent podcast NFT Morning la semaine dernière auquel j’ai eu la chance de participer et consacré à ce sujet.
Bataillé 🖥 : avec un streaming vidéo gratuit de plus en plus disputé, Roku confiant dans sa tech
⌛️: 1 minute 38 secondes
Roku vient d’annoncer des résultats un peu en dessous des attentes des analystes. Avec seulement 1,1m d’abonnés supplémentaires au dernier trimestre (un contre effet du confinement), c’est le modèle de croissance de la firme la plus en pointe sur la FAST (free ad-supported streaming TV) qui est en question. (Qu’on se rassure elle compte tout de même 63m d’abonnés et la croissance de son CA au T1 était de 28%).
Malgré le renforcement de la concurrence comme la nouvelle alliance entre les cablo Charter et Comcast, Roku n’a pas l’air inquiet :
The company believes that it will continue to be the top-selling TV OS system in the country, no matter how many competitors it faces. Wood added that Roku has competed against strong companies for years like Google and Amazon, yet the reason Roku continues to win is that it remains successful in both streaming players and smart TVs as opposed to only one or the other.
En mars dernier, Roku avait sorti un nouvel OS, le 11ème du nom, avec l’ambition de continuer à vouloir régner sur le centre de commandes des téléviseurs connectés, transformant un coût pour la plupart des fabricants de TV en source de revenus pour Roku qui est l’un des acteurs les plus innovants sur la combinaison du software, du contenu (les catalogues de contenus de Roku Channel ne cessent de croître avec un accord signé avec Lionsgate pour alimenter le line-up de films) et bien sûr la monétisation publicitaire (voir le rythme d’innovation sur ce terrain-là ci-dessous).
La nouvelle fonctionnalité de partages de photos et d’affichage sur l’écran est certes sympathique, mais assez insignifiant au regard de ce que peut apporter la recommandation de programmes avec l’algorithme maison “What to Watch”, on connaît le pouvoir de prescription sur nombre de plates-formes de streaming de ce type de fonction.
La lettre aux actionnaires en remet une couche :
The Roku OS powers our streaming players and Roku TV models and is the foundation of our platform… This Spring, we released Roku OS 11 with a focus on user personalization. With Roku Photo Streams, our users can share their photos with friends and family through their Roku devices, turning their TV screen saver into a digital photo frame. We also created a new destination on the Home Screen Menu called ‘What to Watch,’ a personalized recommendation of movie and TV titles based on user interactions, popular and trending shows, recently added content, and more.
Pour la première fois, d’après Nielsen, le reach de la TV par streaming aurait dépassé le reach de la pay TV par câble et satellite (sur les 18-49 ans) :
Vue 📸 : Graciela Iturbide à la Fondation Cartier
⌛️: 46 secondes
Issue d’une famille bourgeoise mexicaine, Graciela Iturbide est devenue photographe après avoir décidé de s’affranchir de son milieu d’origine pour travailler dans le cinéma. Sous le patronage du chef de file mexicain de la photographie, Manuel Àlvarez Bravo, elle s’initie au 8ème art notamment par des séries sur les Angelitos (des enfants morts en bas âge et habillés en anges au moment de leur enterrement). Les thèmes de la mort, du merveilleux, des oiseaux seront des thèmes récurrents dans sa photographie quasiment exclusivement noire et blanche (elle dira que “la couleur c’est pour Disneyland”).
Elle se passionnera aussi pour les peuples mexicains autochtones, avant de finir frappée de trop-plein, et se concentrer sur les paysages de moins en moins pourvus d’humains, désertiques et rocailleux.
Les grands formats au rez-de-jardin sont des agrandissements magnifiques (notamment les séries sur les filets et les cactus), Iturbide préférant habituellement travailler sur de petits formats argentiques, plus sensibles à la lumière et donc exposés au sous-sol.
Tout cela est très beau, très épuré et plein de magie, je vous recommande cette sortie en fin d’après midi ensoleillé quand le soleil joue dans les travées de la galerie de la Fondation Cartier.