Le Wrap Up de la semaine où l'Allemagne a envoyé des panzers en Ukraine (semaine du 23 janvier 2023)
5 bullet points média, tech, NFTs et autres sujets d'intérêt
⌛️ Temps de lecture : 8 minutes 30 secondes
Au sommaire de cette semaine :
Décentralisée ⛓ : une initiative d’Amazon à venir dans le Web3
Décentrée 👑 : Netflix change de CEO et valide sa méthode de production internationale
Traqué 🕵️ : Google est poursuivi par le Département de la Justice US
Décentralisée ⛓ : une initiative d’Amazon à venir dans le Web3
⌛️ Temps de lecture : 33 secondes
Amazon travaille sur une initiative dans le Web3 qui devrait voir le jour en avril : des quelques informations qui ont filtré, il devrait être question d’une blockchain de type Layer 1 (comme Bitcoin ou Ethereum), de recrutement de développeurs et d’une plateforme d’échanges d’actifs digitaux, et ce qui semble le cœur de la proposition : une startup dans le jeu vidéo reposant sur la blockchain.
Il pourrait être question de jeux de type play-to-earn (les joueurs seraient récompensés en NFT).
Andy Jassy, the CEO of Amazon, has previously stated that he is open to the company selling NFTs — and that the company is not closing the door to cryptocurrencies generally.
Avec ses 310 millions de clients actifs dans le monde, une telle initiative ferait beaucoup pour démocratiser le concept de NFT et de blockchain, que les 2,5m d’utilisateurs actifs sur OpenSea, la plus grosse place de marché de NFT.
Décentrée 👑 : Netflix change de CEO et valide sa méthode de production internationale
⌛️ Temps de lecture : 3 minutes
Après 25 ans à sa tête, Reed Hastings, la figure emblématique de Netflix, a annoncé la fin de sa co-direction avec Ted Santos et qu’il passait la main à Greg Peters, actuellement COO. Il deviendra Chairman de la société comme d’autres prestigieux fondateurs avant lui (Bill Gates, Jeff Bezos entre autres).
Il passe la main alors que la plateforme a communiqué sur un nouveau nombre d’abonnés en hausse (à 223 millions d’abonnés), l’acteur au N rouge est, c’est une évidence, devenu en quelques années non plus un distributeur de contenus mais un des principaux producteurs mondiaux de contenus. Hastings avait tenté de résister le plus longtemps possible au déploiement d’un Netflix avec publicité, jusqu’à ce que le nombre d’abonnés chute le trimestre précédent, précipitant ces changements à la tête de l’entreprise.
Dans cette réorganisation, Bela Bajaria qui tient un poste clef de l’organisation, se voit promue au rôle de Chief Content Officer, le New Yorker lui consacre un long papier qui permet de mettre le nez sur les méthodes de production qui ont permis l’émergence d’un producteur global.
Bajaria told me that the ideal Netflix show is what one of her V.P.s, Jinny Howe, calls a “gourmet cheeseburger,” offering something “premium and commercial at the same time.” …
Under her leadership, Netflix acts like a universal power converter, plugging in and adapting successful show formats to different parts of the world. Bajaria asked the Latin American staffers whether they were “working with the Middle East” to remake some of their more popular shows.
C’est en 2010 que Netflix a décidé de se lancer dans la production de contenus lorsque HBO a refusé un accord de diffusion sur la plateforme. Les premières séries de Netflix (House of Cards, le lancement de la série The Crown ou encore Orange is The New Black) ont su créer le buzz et donner une saveur trendy à Netflix. Cependant pour passer à l’échelle, il fallait passer à l’ère de l’industrialisation :
Bajaria had come up in the industry through the high-volume, high-spectacle world of network-TV movies and miniseries, working for two decades at CBS and at NBC Universal.
When she joined Netflix, in 2016, she led the company’s first forays into reality TV and brokered deals to rapidly expand the platform’s catalogue.
In 2019, she began leading non-English TV programming as well. Sarandos told me that in Bajaria and Holland he had “two unbelievably strong candidates” but that he went with the one who he felt best embodied Netflix’s “breadth of programming” and increasingly global focus.
En 2022, la correction dans la tech est également intervenue dans le streaming vidéo : la capitalisation boursière de Netflix a perdu près de 50 milliards et l’ensemble des acteurs qui avait embrayé le pas à Netflix pour dépenser sans compter dans le contenu (avec une démultiplication des concurrents : Prime Video, Peacock, Paramount+, le bundle de Disney+, ESPN+ et Hulu -sans évoquer YouTube et TikTok) se sont calmés sur les nouvelles commandes (-24% de commandes entre 2021 et 2022!) et ont licenciés massivement.
Le budget de production de Netflix restera, lui, inchangé : 17 milliards de dollars de commandes de contenus. Qu’on se figure ce que cela représente : au seul T3 2022, Netflix a sorti globalement près de 1 000 épisodes de contenus originaux, soit près de 5x le nombre de sorties de n’importe lequel de ses concurrents.
Pourtant la concurrence, comme on l’a vu, s’est renforcée et le comportement des utilisateurs demeurent très volages : seulement 55% des abonnés US de Netflix signés en janvier 2021 étaient encore abonnés 6 mois plus tard.
Pour contrecarrer un marché américain hyper concurrentiel, Netflix s’est plus rapidement que les autres acteurs tournés vers l’international : l’étranger (hors US et Canada) représente cependant 70% des abonnés de l’entreprise et c’est là que réside ce qui fait la force de Netflix aujourd’hui : la capacité à faire circuler les formats à une échelle mondiale.
Executives liked to boast of “the Netflix bump,” the platform’s ability to bring new audiences to other companies’ shows by streaming their archives. Series such as “The Office” and “Breaking Bad” had enjoyed spikes in ratings on their home channels after Netflix released the old seasons for commercial-free binge-watching. Through what the company called co-licensing, Netflix could get in on such deals earlier in a project’s formation, offering financing in exchange for the rights to première it internationally. In so doing, they could rebrand shows such as NBC’s “Good Girls” and the CW’s “Riverdale” as Netflix originals abroad…
L’autre jambe, sur laquelle porte le déploiement international est le développement des productions locales : de plus petits programmes qualifiés “d’outil de rétention”, après que les spectateurs aient vu le gros show à la mode, au budget pharaonique qui servait d’attraction. Cependant l’algorithme de la plateforme fait en sorte que toutes ces adaptations ne soient pas mis sur le même plan sur l’interface.
Traqué 🕵️ : Google est poursuivi par le Département de la Justice US
⌛️ Temps de lecture : 2 minutes
L’acte d’accusation de la justice américaine (et de 8 Etats américains) à l’encontre de Google (la 5ème accusation depuis 2020) est un document de 153 pages dont il ressort que l’accusé est dans de sales draps. Il détaille comment l’acteur de Mountain View a utilisé tous les leviers technologiques à sa portée pour étouffer la concurrence.
Tous les efforts visaient au maintien d’une commission anormalement élevée de 20% sur les ventes générées sur son ad exchange en maîtrisant trois leviers clés : l’accès aux éditeurs, les enchères d’impressions pub et enfin les informations sur les prix de l’offre et de la demande.
Sur le dernier point, l’absence de règles claires sur la protection des données de ses utilisateurs corporate sont les plus manifestes.
L’accusation met aussi l’accent sur la façon dont Google s’est évertué à mettre en échec le header bidding qui donnait plus de transparence aux acteurs aux deux bouts de la chaîne de valeur (les annonceurs et les éditeurs), en particulier à la lumière de l’accord Blue Jedi avec Facebook Audience Network (FAN).
L’attaque du DOJ se concentre sur 8 points clés :
Google a fait l’acquisition de DoubleClick non pas seulement pour acquérir un ad server visant les éditeurs (alors à 50% de pdm, désormais près de 90%), mais aussi un ad exchange naissant, AdX (désormais plus de 50% de pdm) afin de maintenir son objectif de domination sur l’entière stack tech publicitaire.
Google a ensuite restreint l’accès à la demande des annonceurs de Google Ads aux éditeurs qui passaient par AdX.
Il a ensuite ajouté des fonctionnalités à AdX (dynamic allocation, "last look," accès en temps réel effectif) afin d’assécher technologiquement le header bidding;
Les éditeurs ont été mis devant le choix cornélien de ne plus utiliser qu’AdX plutôt que des ad servers concurrents : Google a fait l’acquisition d’AdMeld en 2011 et a ensuite restreint son accès aux autres ad exchanges que la société offrait précédemment;
Le “Projet Bell” de Google a ensuite baissé, sans le consentement ou la connaissance des annonceurs, les offres aux éditeurs qui travaillaient avec des concurrents de Google ;
Le déploiement côté acheteur du "Dynamic Revenue Share" a manipulé les enchères, sans information des éditeurs, en faveur d’AdX. Concrètement : Google était le bidder en dernier ressort sur les enchères, baissait ses commissions afin que les systèmes de Google remportent les enchères, quitte à les augmenter pour se rembourser sur des enchères moins compétitives.
Le “Projet Poirot” a permis aussi de baisser la valeur des offres que faisaient les annonceurs utilisant DV360 (donc Google) en recourant au headder bidding sur des ad exchanges concurrents, afin que Google AdX remporte la plupart du temps, la partie;
L’introduction de la règle d’unification des pricings a enlevé aux éditeurs la capacité de faire des transactions avec les exchanges rivaux de Google à des prix préférentiels, permettant à Google de fixer un floor uniforme, dans lequel Google jouait avec la commission qu’il appliquait et de là encore s’attribuer les enchères.
Notons néanmoins que le DOJ joue une partie serrée : traditionnellement les juges fédéraux s’en tiennent pour unique critère en matière de distorsion de concurrence, au fait que les prix pour le consommateur final aient été falsifiés, ici le DOJ tente d’élargir son raisonnement en montrant que ce sont les annonceurs et les éditeurs qui furent les premiers lésés.
Fracassée 💔 : la jeunesse à l’ère numérique
⌛️ Temps de lecture : 1 minute 47 secondes
Excellent dossier dans l’Express par Frédéric Filloux sur les risques que court notre jeunesse dans un environnement numérique sans gardes-fous :
La plongée dans cette génération fracassée des 10-16 ans, aux prises avec le déluge toxique des réseaux sociaux, révèle un vice structurel et un double renoncement.
Le premier est la corruption du modèle économique des plateformes dont la performance dépend de l’audience, donc de l’engagement (temps passé et interactions), donc de la propension d’un service à être addictif. De ce fait, la Big Tech n’a aucun intérêt à déployer des solutions radicales pour limiter la dépendance à ses produits ou pour faire respecter l’âge minimum d’accès. C’est d’autant plus inadmissible que les technologies existent pour éviter que les moins de 13 ans – un âge déjà absurdement bas – ne soient victimes d’une addiction parfois mortelle. Dans la pratique, les grands opérateurs n’agissent que lorsque leur réputation est malmenée.
Le double renoncement concerne la sphère publique :
Celui des régulateurs d’abord. La régulation numérique mondiale est assurée par les Etats-Unis et la Commission européenne. Leurs caractéristiques communes sont leur lenteur et leur manque de compétences techniques. Ils se contentent de multiplier les amendes, médiatiquement spectaculaires mais économiquement sans effet.
L’autre abdication est celle de l’école. Alors qu’il ne fait aucun doute que l’éducation aux médias et aux réseaux sociaux est la clef du problème, aucun programme sérieux n’a jamais été mis en place, faute de moyens et de prise de conscience des politiques.
Le dossier s’ouvre en particulier sur la décision historique d’une cour du Royaume Uni de reconnaître la responsabilité des réseaux sociaux dans la spirale dépressive d’une jeune suicidée à l’automne dernier. Les algorithmes d’Instagram, Snapchat, Twitter et de Pinterest ont littéralement gavé la jeune fille de contenus sur le suicide, l’automutilation, la dépression, qui l’ont enfermée dans une bulle mortifère.
Des analystes veulent y voir la perspective d’une jurisprudence de portée internationale, ouvrant la voie à une série de procès en noms collectifs – les fameuses class actions – ayant la même portée que celle qu’a connue l’industrie du tabac dans les années 1990.
Les adversaires des réseaux sociaux clament que c’est bien cette addiction by design qui a coûté la vie à cette jeune anglais et à d’autres enfants dont le cas est moins médiatisé.
Au cours des six mois qui ont précédé, elle a été soumise à 16 300 éléments dont 2 100 étaient explicitement liés à la dépression, avec 138 vidéos que l’adolescente enchaînait, comme d’autres « bingent » les épisodes de Game of Thrones...
… En France, le nombre de tiktokeurs est passé de 4,4 millions en 2019 à 15 millions en 2021 et à 20 millions aujourd’hui. Et la concurrence fait rage sur les vidéos en format court : YouTube a lancé ses Shorts et Instagram a triplé la durée de consultation que chacun pouvait se fixer – elle est maintenant de trente minutes par jour.
Expressionniste 🖼 : Kokoschka un Fauve à Vienne et au MAM
⌛️ Temps de lecture : 48 secondes
Le Musée d’Art Moderne de Paris présente la première rétrospective parisienne exclusivement consacrée à l’artiste autrichien Oskar Kokoschka (1886-1980!). L’exposition chronologique rend compte de l'originalité dont fait preuve l’artiste et nous permet de traverser à ses côtés le XXe siècle européen.
On est désarçonné par un peintre qu’on croyait situer dans le prolongement de la Sécession Viennoise (dont Klimt et Egon Schiele seront les deux figures emblématiques) et qui variera de style tout au long de sa longue vie (il meurt en 1980). D’expressionniste dans sa jeunesse sur des tons froids et mornes, il se laissera tenter par la couleur et les paysages au gré de ses voyages et de son long séjour à Dresde après le premier conflit mondial (auquel il participera), flirtant avec la caricature pour moquer l’irénisme des puissances occidentales à la veille de la Seconde Guerre Mondiale lorsque les Nazis feront de Kokoschka un représentant de “l’Art Dégénéré”, il reviendra à ses premiers amours expressionnistes, sans jamais pour autant se laisser distraire par l’art abstrait qu’il ne l’attirait guère et qui aura la part belle dans la seconde moitié du siècle précédent.