Le Wrap Up de la semaine où la France a vu disparaître le contrat du siècle (semaine du 13 septembre 2021)
5 bullet points : Media, tech et NFT
Au sommaire cette semaine :
Inaboutie 💔 : la “DeFi” vue par The Economist
Documentée 👩🔬 : comment Netflix A/B-teste son produit
Digitalisés 🙇♂️ : les “tics” digitaux étudiés
Pédago 👨🏻🏫 : les NFTs expliqués simplement
Submersible 🌊 : l’abandon du Contrat du Siècle, de la géopolitique aux différences culturelles
Inaboutie 💔 : la “DeFi” vue par The Economist
Signe des temps, The Economist revient une nouvelle fois sur, ce qu’il est désormais convenu d’appeler, la Decentralized Finance, aussi acronymisée en DeFi. The Economist qui est sans doute le magazine le plus lu des banquiers ne pouvait pas ne pas revenir, avec un oeil critique, sur ce mouvement qui s’est promis de désintermédier toutes les opérations de transfert de valeur…
Il souligne, à juste titre, qu’après avoir été le refuge des trafiquants de drogue et autres blanchisseurs, il est désormais difficile de passer à côté de cette catégorie d’actifs qui représente une valeur de 2 200 milliards de dollars et que la DeFi est l’une des trois technologies qui va “disrupter” la finance, avec la financiarisation des platesformes tech (voir les initiatives de Facebook avec Libra, d’Apple Pay etc..) et les vélléités gouvernementales d’émettre des “e-monnaies”.
The proliferation of innovation in DeFi is akin to the frenzy of invention in the early phase of the web. At a time when people live ever more of their lives online, the crypto-revolution could even remake the architecture of the digital economy.
Cependant, avant de faire des transactions dans la blockchain la nouvelle terre promise financière (dont les principaux attributs sont la confiance, la transparence, le caractère peu onéreux et la rapidité), la DeFi doit relever trois challenges :
L’écologie ? The Economist survole la question en considérant que les nouvelles versions de blockchain permettront de réduire drastiquement l’empreinte écologique pour l’instant exorbitante de ces technologies ;
L’absence de lien avec “l’économie réelle” ? le fait de faire reposer une monnaie sur un Etat permettait au moins de disposer du monopole légitime de la force et les banques centrales d’être le prêteur en dernier ressort :
A blockchain contract may say you own a house but only the police can enforce an eviction!
Une gouvernance et responsabilité encore rudimentaires ? là encore The Economist touche juste : les garanties offertes par les acteurs clés de cet écosystème sont sans commune mesure avec celles des réglementations bancaires; les développeurs et propriétaires de DApps (decentralized apps) jouissent encore d’une très forte asymétrie d’informations, leur procurant des avantages indus, quelque soit les promesses de “démocratie participative” données aux utilisateurs de ces services. The Economist pense que les lois et réglementations devraient s’appliquer aux organes de gouvernance de la DeFi.
As with the internet in the 1990s, no one knows where the revolution will end. But it stands to transform how money works and, as it does so, the entire digital world.
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Documentée 👩🔬 : comment Netflix A/B-teste son produit
Ces deux images reflètent l’évolution de l’interface TV en 2010 et en 2020
Quel est le bon équilibre entre une large place accordée à un programme et l’exposition multiple de la profondeur de catalogue ? Est-ce qu’une vignette est préférable à une vidéo pour donner envie de regarder un programme ? Comment permettre d’avancer rapidement dans une série, tout en prenant en compte l’encombrement des réseaux et la qualité du streaming ? Quels films montrer ? Où doivent être les menus de navigation et qu’elle doit être leur contenu?
Voilà les quelques interrogations qui ont taraudé les ingénieurs de Netflix. Pour répondre à ces questions, ils avaient plusieurs options :
Laisser le management prendre les décisions;
Embaucher des experts en design, product management, UX, optimisation de la diffusion en streaming et autres disciplines ;
Mener des débats internes et laisser les “collègues les plus charismatiques” l’emporter ;
Copier la compétition;
La team tech de Netflix explique dans une série de posts sur son blog (un aspect très intéressant de sa culture d’entreprise, de sa communication B2B et ce que cela indique en termes de posture de leadership sur son secteur), elle a choisi d’avoir massivement recours aux tests A/B.
More broadly, A/B testing, along with other causal inference methods like quasi-experimentation are ways that Netflix uses the scientific method to inform decision making. We form hypotheses, gather empirical data, including from experiments, that provide evidence for or against our hypotheses, and then make conclusions and generate new hypotheses.
Digitalisés 🙇♂️ : les “tics” digitaux étudiés
Il était inévitable qu’avec l’explosion de la consommation des médias sociaux, on aurait la rencontre explosive entre d’une part, de nouveaux comportements humains, conscients ET inconscients, et d’autre part, le narcissisme encouragé par les platesformes (oui! vous deux : Instagram et Tiktok). On note depuis quelques l’apparition de “tics numériques,” auprès des populations utilisatrices, tics assimilables aux tics du syndrome Gilles de la Tourette.
L’article de Vice souligne à quel point les réseaux sociaux permettent une prise de conscience, qu’on qualifierait presque mimétique. Les personnes atteintes par ces tics témoignent sur TikTok (certains comptes rassemblent des millions de followers) et sont essentiellement des jeunes filles de plus de 11 ans (alors que les premiers signes du fameux syndrome apparaissent vers 5-7 ans plutôt chez des garçons).
La détection de ces tics (par exemple le fait de répéter le terme Beans !?) auraient explosé pendant la pandémie de Covid auprès des 12-25 ans, comme une autre pandémie qui ne dit pas son nom :
The researchers describe "a parallel pandemic of young people aged 12 to 25 years presenting with the rapid onset of complex motor and vocal tic-like behaviors," and state "there have been striking commonalities in the phenomenology of these tic-like behaviors observed across our centers in Canada, the United States, the United Kingdom, Germany, and Australia."
Cependant les chercheurs qui se penchent sur le phénomène, soulignent bien que cette maladie n’aurait pas, contrairement à Tourette, d’origine génétique mais plutôt environmental et/ou psychologique.
En outre, d’autres chercheurs soutiennent que ces patients pourraient être plutôt atteints par une forme de maladie sociogénétique de masse (autrefois appelée hystérie de masse), la nouveauté provenant du fait que, cette fois, la contamination s’effectuerait à distance plutôt que par une exposition directe.
Quoiqu’il en soit, le retour des bâtons des réseaux sociaux fait que ces jeunes filles qui exposent cette vulnérabilité sur les plates-formes, bénéficient d’un soutien d’une partie de l’audience mais font également l’objet d’attaques ou de sarcasmes mettant en doute leur sincérité ou la réalité du trouble qu’elles subissent, et qu’elles manifestent plutôt une recherche d’attention désespérée.
Un des remèdes évoqués serait de se retirer des réseaux sociaux pour voir si les tics disparaissent, mais chercheurs et patients semblent l’exclure curieusement d’emblée :
“It is a bit unrealistic to ask people to de-expose from social media as a whole," he said.
Pédagogiques 👨🏻🏫 : les NFTs expliqués simplement
Pour ceux qui, malgré mes tentatives pédagogiques sur les NFTs des derniers mois, ne saisiraient toujours pas tout à fait ce qui se passe de ce qui peut être qualifiés successivement et non limitativement de :
certificats de propriété numérique;
contrats juridiques intelligents avec des clauses activables;
jetons non fongibles (plus abscons…) ;
véhicules de transfert de valeurs du monde, physique ou digital, sans recours à une autorité centralisatrice (donc décentralisés) ;
tentative de raréfaction d’objects numériques, en théorie reproductibles à l’infini;
je recommande la lecture de la dernière livraison de la newsletter de Seedtable (Gonz Sanchez). La publication est extrêmement qualitative, gratuite et non indexée sur leur site web (coup de génie marketing pour forcer l’inscription à la publication).
Les principales pépites qui en ressortent :
In short: NFTs create digital scarcity where there was none. The fact that you can screenshot them, for example, doesn't really matter. Think about it this way: is a perfect copy of one of Van Gogh's paintings worth the same as the real thing? …
The lack of digital scarcity in the creator economy is one of the main reasons people have slowly but surely been gravitating to NFTs as a possible solution. And in recent months, that interest grew exponentially.
Ecueils et challenges :
d’un point de vue pratique : on est encore loin d’une pratique grand public, il vous faudra ouvrir un wallet susceptible d’héberger vos cryptomonnaies et les NFTs en question, acheter le NFT sur une plateforme et accepter de payer des commissions de transaction qui peuvent grimper rapidement …
D’un point de vue général : une inquiétude grandit sur le caractère purement spéculatif du NFT (quand on voit les prix et les formes d’objets qui font la une des classements, on peut en effet formuler des objections). A titre tout à fait personnel, après avoir sérieusement regardé le sujet, je souscris à l’idée qu’il y a un sous-jacent technologique nouveau dans cette mouvance NFT qui nous dit qu’on est sur une innovation tech durable :
If there is one thing I’ve gathered from my research on NFTs, is that their potential to solve previously unsolvable problems is incredible.
D’un point de vue investissement financier : les NFTs sont clairement spéculatifs avec leur lot de hasards mais aussi de vraies découvertes géniales. Il y a une spirale inflationniste liée au nombre de nouveaux venus quotidiens sur les différentes plates-formes de NFTs et de temps en temps surnage le sentiment euphorique que le marché ne peut que monter.
Les champs d’application sont nombreux (mode, musique, cinéma, …) même si c’est la musique qui retient le plus mon attention :
“NFTs that represent unreleased, exclusive songs that will never become available on traditional streaming platforms. The collector then has the choice to share that song if they choose to, while the audio remains exclusive to those who participate in the primary sale. Another possibility he envisions is that of NFT being used to authenticate digitally-signed copies of records or albums for collectors to enjoy. There is also the possibility of NFTs being offered during live-events, such as concerts or performances, where artists can offer fans access to new, unpublished material in the form of QR-Code NFTs.”
Submersible 🌊 : l’abandon du Contrat du Siècle, de la géopolitique aux différences culturelles
Ce sont les Echos qui ont sur leur Une grandiloquante (“les dessous d'une crise”) résumé le mieux les conséquences géopolitiques de cette rebuffade océanique :
Irritation de Pékin devant le renforcement de l'alliance anglo-saxonne
Camouflet diplomatique pour la France
Ecartement de l'Europe des alliances indo-pacifiques, divergences de stratégie militaire entre la France et l’Allemagne (dont Thyssen avait perdu dans la course au contrat)
Victoire pour Boris Johnson et sa vision du “Global Britain”
Fragilisation de l'OTAN
Désillusion sur Biden, précédemment vu comme pro-Européen
Ce thread sur Twitter semble-t'il assez expert permet ensuite de sortir du lamento des Déclinologues sur l’état de la Pauvre France trahie par ses alliés anglo-saxons, en soulignant l'inconstance des demandes australiennes et leur duplicité :
Enfin, ce riche document de 2019 (merci Jérôme) soulignait, avant la rupture des négociations, les efforts entrepris par Naval Group pour aplanir les manques de compréhension d’ordre culturelle entre les Australiens et les Français :
Don't be late (and don’t let meetings drag)
Lunches are sandwiches at the desk, afterworks are BBQ!
What’s wrong with your summer break lasting a month !?
“One would think Australia would be relatively easy because of ease of language, but the cultural difference goes deeper,” he said. “We have to work on that.”
Pour finir sur ce thème, une pensée, émue, pour les négociateurs qui ont sué sang et eau pendant les deux années de négociations avec les Kangourous, qui ont dans doute sacrifié une partie de leur vie personnelle pour faire aboutir et “bétonner” ce qui était ce "contrat du siècle" (voir le papier dans l’Usine Nouvelle de l’époque), qui ont jubilé et qui doivent désormais méditer sur les aléas des décisions humaines…