Le Wrap Up de la semaine où ICQ a baissé le rideau (semaine du 21 mai 2024)
🔂 : News Corp ❤️ OpenAI - 🌐 : l’information d’internet disparaît peu à peu - 😡 : rififi sur la sécurité de l’OpenAI - 🎻 : Netflix did it again - 🎭 : Les Démons au Français
Il avait été le premier compagnon de chat des internets, ICQ ferme après 30 ans de bons et loyaux services.
Au sommaire de cette semaine :
⏳ Temps de lecture : 7 min 6 sec
⏱️ Si vous n’avez qu’une minute :
🤝 Méga accord d'OpenAI avec News Corp : un contrat majeur de 250 millions de dollars sur cinq ans avec News Corp, éditeur du "Wall Street Journal" quand Le Monde n’a eu que 2-3 M€ par an..
🫥 Obsolescence de l'Information Internet : Une étude de Pew Research Center révèle que 38% des pages web de 2013 ont disparu, soulignant la volatilité du web et les défis de la conservation du patrimoine numérique.
😡 Rififi autour de la sécurité de l'IA chez OpenAI : Suite à la dissolution de son équipe dédiée à la sécurité de la superintelligence, OpenAI fait face à des critiques.
🎻 Effet Bridgerton sur les quatuors à cordes : La série Netflix Bridgerton a entraîné un engouement renouvelé pour les quatuors à cordes, avec une augmentation significative de leur popularité et une influence sur la culture pop qui transforme des œuvres classiques en phénomènes modernes.
🎭 Les Démons à la Comédie Française : La mise en scène de Dostoïevski à la Comédie-Française par Guy Cassiers ne convainc pas trop, malgré une scénographie vidéo ingénieuse. La performance des acteurs est saluée mais l'ensemble est confus et peu engageant.
⏳ Si vous avez 7 minutes 6 secondes :
Répétitif 🔂 : méga accord entre News Corp et OpenAI
⏳ 1 min 16 sec
Dans une nouvelle manœuvre audacieuse dans le secteur des médias, OpenAI vient de conclure ce qui est décrit comme un "méga accord" avec le géant News Corp, propriétaire notamment du "Wall Street Journal".
Ce contrat s'inscrit dans une série d'accords similaires entre OpenAI et d'autres poids lourds médiatiques à l'échelle mondiale : l'agence AP, Axel Springer, et récemment le Financial Times ou encore plus près de chez nous, Le Monde (le contrat s'élèverait pour ce dernier entre 2 et 3 M€/an et un peu davantage au lancement. Un montant très inférieur à ce que l'on voit à l'étranger, rappelle un bon connaisseur dans les Echos).
L'accord avec News Corp est lui estimé à 250 M$ sur cinq ans, une somme qui dépasse donc largement les précédents accords financiers. Cet investissement témoigne d'une “valorisation du journalisme de qualité”, comme l'a souligné Robert Thomson, PDG de News Corp (les autres apprécieront). Il souligne par ailleurs que cette somme n'est qu'une fraction des bénéfices globaux du groupe, qui a affiché un CA de 9,9 Md$ et un Ebitda de 1,4 Md$ pour l'année 2023 (faire de l’information financière peut aussi aider…)
Ces accords soulèvent d'importantes questions sur le modèle économique des médias à l'ère de l’IA. Avec des entités comme ChatGPT fournissant des résumés d'articles et des liens directs, il y a une inquiétude croissante que cela puisse détourner (voire assécher) le trafic des sites de news et donc potentiellement diminuer drastiquement les revenus pub.
Le paysage médiatique change, les lecteurs se tournant de plus en plus vers les réseaux sociaux pour s'informer, ce qui risque de diluer encore plus le lien direct entre les médias et leur public.
En France, la situation est également tendue, avec l'Alliance de la presse d'information générale préparant un courrier pour ouvrir des négociations avec les géants de l'IA, et Le Monde explorant des discussions avec d'autres fournisseurs de technologies que celle d'OpenAI. Ces développements mettent en évidence les défis et les opportunités que présente l'intégration croissante de l'intelligence artificielle dans le domaine des médias.
Obsolescent 🌐 : l’information d’internet disparaît peu à peu
⏳ 1 min 43 sec
La promesse était belle : toute l’information qui serait mis en ligne serait promise à une vie éternelle, tant que les serveurs informatiques tourneraient (c’est du reste aussi une partie des promesses de la blockchain).
Cependant, nous devons depuis déjà quelques temps nous résoudre à un phénomène tout aussi fascinant qu'inquiétant : le déclin numérique.
Selon une étude récente du Pew Research Center, le web n’est pas aussi pérenne qu'on pourrait l'imaginer. En effet, plus d'un tiers (38%) des pages web qui existaient en 2013 se sont évanouies dans les méandres de l'Internet. Pire encore, même les pages créées cette année ne sont pas à l'abri, avec environ 8% d'entre elles déjà disparues.
Cette volatilité digitale soulève des questions cruciales sur la conservation de notre patrimoine numérique. La dégradation digitale, ce phénomène de disparition et de dysfonctionnement des sites, se manifeste partout, des liens sur les pages gouvernementales aux sites d'informations et même Wikipedia.
Imaginez seulement, près d'un quart (23%) des pages web d'actualités contiennent au moins un lien brisé, tout comme 21% des pages issues de sites étatiques.
Pourquoi cela compte-t-il ? Au-delà de la simple frustration que peuvent éprouver les internautes en tombant sur une erreur 404, cette situation souligne un problème plus profond et structurel : la fugacité du contenu en ligne pose un défi majeur pour l'archivage et la préservation des connaissances : chaque page disparue pourrait être un fragment d'histoire, une analyse pertinente ou un témoignage essentiel qui s'évapore.
C’est François Ier qui en France, institue par l’ordonnace de Villers-Côterets (1539) le français comme langue des actes officiels du royaume et la conservation d’un exemple de chaque ouvrage imprimé en France dans la Bibliothèque Royale appelée à devenir la Bibliothèque Nationale de France. Quid de cette politique à l’ère numérique ? L’INA et la BNF ont bien des vélléités d’archiver le web, mais il va de soi qu’à une époque où l’on produit sur une seule journée de 2024, 328 M de Terabytes de données (c’était 2 M en 2010…).
Il est ironique de constater qu’à une époque où les LLMs cherchent à se mettre toujours plus de paramètres sous la dent, nous puissions en venir à négliger la mémoire même de notre ère “numérique”.
En tant qu'amoureux de la technologie, mais également critiques de ses excès, nous nous devons de chercher des solutions pour que demain, les pages web ne soient pas seulement un souvenir éphémère mais des archives pérennes de notre temps. Parce que, après tout, quelle est la valeur de l'information si elle n'est destinée qu'à disparaître ?
Portons ensemble un regard plus critique et constructif sur les outils et méthodes qui régissent notre univers numérique. Après tout, c'est en comprenant les limites de notre monde plein d’hybris que nous pourrons le façonner pour le meilleur.
Disputé 😡 : rififi autour de la sécurité de l’IA
⏳ 1 min 31 sec
Dans un revirement quelque peu spectaculaire et assurément préoccupant pour les observateurs de l'évolution de l'intelligence artificielle, OpenAI a dissous son équipe dédiée à la sécurité d'une potentielle superintelligence, ce que confirme l'entreprise californienne vendredi dernier. Une annonce qui suit de près le départ des deux têtes pensantes de ce groupe, soulignant un désaccord profond sur les orientations stratégiques à privilégier : l'innovation vs. sécurité.
Jan Leike et Ilya Sutskever, respectivement ancien responsable de l'équipe de « superalignement » et cofondateurs d'OpenAI, ont tous deux quitté la société, exprimant là des réserves significatives quant à la direction prise par leur employeur.
Leike a publiquement critiqué les priorités de l'entreprise sur twitter, insistant sur le fait que la sécurité devrait être une préoccupation centrale, surtout quand l'ambition est de développer une IA « générale » — dotée de capacités cognitives équivalentes à celles des humains ET capable de respecter les valeurs humaines.
Ces départs marquent un tournant pour OpenAI, qui continue de pousser les limites de l'IA générative avec des innovations comme la nouvelle version de ChatGPT (Omnium), capable désormais de mener des conversations orales presque aussi fluides que celles des conversations humaines, en temps de réponse et en capacité de rebondir sur des interruptions et d’y mettre plus d’expressions typiquement humaines.
Le projet enthousiasme certes la Silicon Valley, mais suscite aussi une inquiétude croissante parmi les régulateurs, de la Californie à Washington en passant par Bruxelles, surtout lorsque Sam Altman, le cofondateur et PDG, évoque la création d'une IA générale.
Sam Altman a exprimé sa tristesse de voir Leike partir, reconnaissant implicitement que le chemin vers une IA sûre et alignée avec les valeurs humaines est encore long. Malgré la dissolution de l'équipe spécialisée, OpenAI assure que “la recherche sur la sécurité des modèles d'IA sera poursuivie, en collaboration plus étroite entre chercheurs et ingénieurs.”
Leike, dans son appel à tous les employés d'OpenAI, a souligné l'importance de prendre au sérieux la portée de ce qu'ils construisent. Il plaide pour un investissement accru dans la préparation aux futures générations de modèles d'IA, notamment en termes de sécurité, de contrôles, de sûreté, de cybersécurité, d'alignement avec les valeurs humaines, de confidentialité des données et de l'impact sociétal.
Un appel qui résonne comme un avertissement à mesure que l'entreprise navigue entre les écueils de l'innovation technologique et les impératifs de sécurité éthique, et qui fait écho aux problèmes de gouvernance qui avaient déjà concernés OpenAI il y a quelques mois.
Accordé 🎻 : Netflix did it again
⏳ 1 min 25 sec
On avait déjà eu l’effet Queen’s Gambit sur les échecs, Drive to Survive pour le retour en grâce de la Formule 1 auprès des jeunes, voici à présent Bridgerton sur Netflix qui ravive certes la passion pour les corsets et le glycine, mais surtout un engouement remarquable pour les quatuors à cordes.
Avec son lancement en 2020, cette production ne se contente pas donner des palpitations aux aficionados des costumes d’époque et d’une intrigue matrimonial, mais elle fait vibrer les cordes de la modernité au rythme des grands hits de la pop.
Dans une époque où le rap règne sur les classements, entendre des tubes transformés par la magie des violons dans une scène romantique en calèche, c'est découvrir une toute nouvelle dimension de la chanson.
En effet, le Vitamin String Quartet, célèbre pour ses interprétations de chansons populaires, a vu sa popularité s'envoler après avoir été associé à Bridgerton. Avant la première de la série, ils comptaient 3.8 M de streams sur deux semaines, chiffre qui a grimpé de 350 % suite à leur participation à la série.
L'effet ne s'arrête pas là : l'intérêt pour les quatuors à cordes, tant dans les mariages où Bach cède sa place à Beyoncé, que dans les concerts à la lueur des bougies organisés dans plus de 150 villes, témoigne d'un renouveau de l'attrait pour la musique classique fusionnée avec la pop.
L'enquête menée par l'Orchestre Philharmonique Royal de Londres souligne cette tendance : la popularité de ces concerts hybrides est montée en flèche, classée deuxième en 2023, contre sixième en 2018.
Si Bridgerton continue sur cette voie, elle pourrait non seulement marquer les mœurs contemporaines mais revitaliser tout le secteur de la musique classique.
Après tout, n'est-ce pas la beauté de la pop culture que de transformer l'art élitiste en une expérience accessible et en vogue ? Ironiquement, alors que certains puristes de la musique peuvent se pincer le nez, ces mêmes mélodies modernes joueraient un rôle crucial dans la démocratisation d'une forme d'art souvent perçue comme élitiste (on avait déjà vu passer l’effet calmant des playlists de classique pendant le confinement sur des jeunes adultes en pleine crise d’anxiété).
À travers ce prisme de Bridgerton, nous voyons une fois de plus des pratiques en voie de désuétude renaître à un travers une incarnation nouvelle.
Infernaux 👹 : Les Démons de l’ennui à la Comédie Française
⏳ 1 min 13 sec
À la Comédie-Française, Guy Cassiers offre jusqu'juillet 2024 une relecture scénique de "Les Démons" de Fiodor Dostoïevski. Ce roman fleuve (plus de 1000 pages) explore les ténèbres de l'âme humaine à travers les errances de la jeunesse russe du XIXe siècle, déchirée entre nihilisme et idéalisme.
Cassiers mêle dans son dispositif scénique théâtre et vidéo, où les acteurs ne se font pas face, mais parlent à une caméra qui par le jeu reconstitué de trois écrans géants sur scène donnent l’apparence d’une présence côte à côte. Tout ingénieux qu’il soit pour démontrer la cassure générationnelle et même entre les personnages aux aspirations disparates, ce dispositif fatigue : on regarde finalement davantage les écrans pour comprendre ce qui se passe que les comédiens sur scène.
Les acteurs sont comme souvent très bons, parmi lesquels Christophe Montenez abonné aux rôles astringents, et Jérémy Lopez tiennent les rôles clés du viveur Nikolaï Stavroguine et de l’anarchiste jusquauboutiste Piotr Verkhovenski. Dominique Blanc surnage comme à son habitude en Varvara Stavroguina, vieille aristocrate de province autoritaire et dépassée par les événements.
Cassiers ne se contente pas de transposer Dostoïevski sur scène ; il interroge aussi les thèmes du nihilisme et de la révolution à l’aune des tragédies du XXème siècle, voire même pour certains à l’aune de notre temps (personnellement je n’y ai pas vu d’allusion très claire. Certes, la question du pouvoir et l’incarnation du populisme est centrale.)
Personnellement, je m’y suis profondément ennuyé, dans une histoire assez confuse, à laquelle on a dû mal à se raccrocher, avec un jeu d’acteurs poussés dans les retranchements de la folie, de l’incompréhension entre les êtres et du désespoir. Une pièce noire dont on en retire que peu de choses.
Pour voir de bonnes pièces, il faut en voir certaines auxquelles on ne trouve pas les mêmes grâces, celle-là en fut.